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21/02/2022

Statement Nr. 6 from The Prison Intifada

 Occupied Palestine, 20/2/2022

 To the masses of our great people, greetings full of desire for this  meeting and freedom:

 We communicate with you from the dark cells of the prisons of the Zionist enemy, who has worked to restrict us in our most elementary rights to walk in the courtyards of prisons, and prevented us from exposing ourselves to the sun with which we preserve our bodies, and this by prohibiting us from going out there for a single  hour daily, in an attempt to cover up their woeful failure to prevent the escape of prisoners through the Tunnel of Freedom, and to abuse us to assuage their sadism, and satisfy their hateful extremist legislation.

 In light of this aggression, we your captive brothers and your sons of all political organizations of National and Islamic Action, continue the Prisons Intifada which refuses this brutal aggression against our fundamental rights for the sixteenth day, this by closing  the sections in all the prisons next Monday as well as a day of strike in the fortresses on Tuesday, and we will continue in our refusal, by all means and whatever be the price, until the prison administration  retracts on these hateful abusive measures.

 Thus, we affirm the following:

 First: the prison intifada has begun and will only end if the jailers stop their attacks or until we are totally free.

 Second: We call on our people to participate in the solidarity sit-ins tomorrow, Monday, in front of the Red Cross headquarters.

 Third: We call on our brothers and the essential vital nerve of our people, the students,  to organize the greatest process of mobilization and to launch marches towards the points of contact in all the governorates and universities of the country.

 Fourth: We present our greetings to the children our people in Beita, Kafr Qaddoum, Masafer Yatta, Sheikh Jarrah, Beit Dajan and Nabi Saleh, who are stationed on their land and who defend with their bodies our eternal right to this land, and we  invite you to support us and dedicate the activities of this week to support our Intifada.

 Fifth: We call on all our political parties to embody the national unity that is already embodied by the prisoners in the Fortresses of Freedom and on the battlefields in the West Bank, Jerusalem and Gaza.

Glory to the martyrs, freedom to the prisoners and healing to the wounded

 It's jihad, victory or martyrdom

 Revolution until victory

 Your brothers

 The National prisoners' movement

 The Supreme National Emergency Committee

Communiqué n° 6 de l'Intifada des prisons

 Palestine occupée, 20/2/2022

Aux masses de notre grand peuple, salutations pleines du désir de cette rencontre et de la liberté :

Nous communiquons avec vous depuis les cellules sombres des prisons de l'ennemi sioniste , qui a œuvré à nous restreindre dans nos droits les plus élémentaires de promenade dans les cours des prisons, et nous a empêchés de nous exposer au soleil avec lequel nous préservons nos corps, et ceci en nous interdisant d'y sortir rien qu'une seule heure par jour, dans une tentative de dissimuler son échec lamentable à éviter l'évasion des prisonniers du Tunnel de la Liberté, et à abuser de nous pour assouvir son sadisme, et satisfaire sa législation extrémiste pleine de haine.

À la lumière de cette agression, nous vos frères captifs et vos fils de toutes les organisations politiques de l'action nationale et islamique, poursuivons l'Intifada des prisons qui refuse cette agression brutale contre nos droits fondamentaux pour le seizième jour, ceci en fermant les sections dans toutes les prisons lundi prochain ainsi qu'une journée de grève dans les geôles mardi, et nous continuerons notre mouvement de refus, par tous les moyens et quelqu'un soit le prix, jusqu'à ce que l'administration pénitentiaire revienne sur ces mesures abusives haineuses.

Ainsi, nous affirmons ce qui suit :

Premièrement : l'Intifada des prisons a commencé et ne s'arrêtera que si les geôliers arrêtent leurs agressions ou que nous soyons entièrement libres.

Deuxièmement : Nous appelons notre peuple à participer aux sit-in de solidarité demain, lundi, devant le siège de la Croix-Rouge.

Troisièmement : Nous appelons nos frères et le nerf vital essentiel de notre peuple, les étudiants, à organiser le plus grand processus de mobilisation et à lancer des marches vers les points de contact dans tous les gouvernorats et universités du pays.

Quatrièmement : Nous présentons nos salutations aux enfants notre peuple à Beita, Kafr Qaddoum, Masafer Yatta, Cheikh Jarrah, Beit Dajan et Naby Saleh, qui sont campés sur leur terre et qui défendent avec leurs corps notre droit éternel à cette terre, et nous les invitons à nous soutenir et à consacrer les activités de cette semaine à soutenir et épauler notre Intifada.

Cinquièmement : Nous appelons tous nos partis politiques à incarner l'unité nationale  qui est déjà incarnée par les prisonniers dans les forteresses de la liberté et sur les terrains d'affrontement en Cisjordanie, à Jérusalem et à Gaza.

  Gloire aux martyrs, liberté aux prisonniers et guérison aux blessés

  C'est le jihad :  la victoire ou le martyre

  Révolution jusqu'à la victoire

  Vos frères

  Le Mouvement national des prisonniers

  Le Comité suprême d'urgence nationale

البيان رقم 6 انتفاضة السجون

فلسطين المحتلة- 20/2022/2


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18/02/2022

GIDEON LEVY
Lorsque des colons israéliens tabassent un Palestinien, nous sommes tous responsables

Gideon Levy, Haaretz, 17/2/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Cette photo est exceptionnelle. Il n'y en a pas beaucoup comme ça. Un vieux berger palestinien est assis sur le sol à l'entrée de sa maison, la tête et le visage en sang, ses vêtements également tachés de son sang, une expression de panique et d'impuissance sur son visage. Jusqu'à présent, il n'y a rien d'exceptionnel ici. Ces derniers temps, presque tous les jours, des agriculteurs palestiniens sont attaqués de manière barbare par des colons - un comportement de routine. Mais regardez qui est assis à côté du berger : une femme soldat avec un casque en acier et des gants en caoutchouc bleu. Elle panse ses blessures.

Une infirmière militaire soigne un Palestinien qui a été attaqué par des colons. Photo avec l'aimable autorisation de la famille

 Cette photo a été prise la semaine dernière dans la communauté des bergers du Mont Qanub, à la lisière du désert de Judée. Cette semaine, le berger de la photo, Mohammed Shalalda, 72 ans, m'a dit que l'infirmière de l'armée l'avait même pris dans ses bras. « Pourquoi tous les soldats ne sont-ils pas comme ça ? » a demandé l'homme, hospitalisé pendant cinq jours après le pogrom et souffrant encore de ses blessures. Les colons l'ont frappé à coups de pierres, de haches et de gourdins, après que des dizaines d'entre eux ont envahi sa communauté pour l'attaquer, lui et sa famille.

Cette zone grouille de colons et d'avant-postes, dont la plupart sont sauvages et violents : Ma'aleh Amos, Avi Hanahal, Metzad, alias Asfar, et Pnei Kedem - des noms que vous n'avez jamais entendus, et c'est une bonne chose. Ce sont des lieux maudits. Ce n'était pas leur première attaque contre les bergers ici, mais c'était la plus sérieuse. Shalalda était convaincu qu'ils allaient le tuer.

À la vue de la soldate qui s'occupait de lui, non seulement lui a été rempli de joie, mais aussi tous ceux qui regardent cette photo. Elle a quelque chose de touchant, presque à pleurer. Une soldate s'occupant d'un Palestinien blessé. Lorsque Shalalda m'a montré la photo cette semaine dans la maison de son fils dans le village de Sa'ir, où il se remet de ses blessures, j'ai ressenti la même envie d'un moment de compassion, ainsi qu'un peu de fierté israélienne : la moralité de notre armée. Un agent médical de l'armée administre les premiers soins à un Palestinien, et que demander de plus.

Pourquoi n'y a-t-il pas plus d'occasions de ce genre et de soldats de ce genre, comme la soldate du mont Qanub ? Dans une réalité où le président israélien Isaac Herzog a été attaqué cette semaine aux cris de « Tu devrais avoir honte » par des jeunes lors d'une conférence à la mémoire du rabbin Zvi Yehuda Kook, un grand chef spirituel du camp religieux national, pour avoir osé évoquer le sort d'un autre Palestinien âgé, Omar As'ad, 80 ans, laissé pour mort au bord de la route par des soldats du bataillon Netzah Yehuda, même une seule jeune soldate avec des gants réjouit le cœur.

Mais cette aspiration désespérée à un peu de compassion et de fierté s'est rapidement écrasée face à la réalité. C'est aussi une bonne chose. Nous n'aurions pas dû être captivés par la photographie. Avec tout le respect dû à la soldate, qui n'a fait que ce qu'on lui demandait, la victime était l'œuvre de nous tous, y compris l'infirmière et l'armée dans laquelle elle sert, et aucun pansement militaire ne guérira ses blessures.

Tous les Israéliens sans exception ont participé à ce pogrom du Ku Klux Klan au Mont Qanub. Les émeutiers d'Asfar et de ses satellites sont venus en notre nom à tous pour battre le vieil homme parce qu'il est palestinien. Ils sont venus comme on est venu pour les Juifs en Europe - violents, haineux et racistes. Le fait que personne ne les arrête suffit à prouver qu'ils sont ici en notre nom, qu'ils accomplissent leurs actes en tant que nos émissaires.

Le porte-parole des forces de défense israéliennes utilisera probablement cette photo, comme il utilise les hôpitaux de campagne israéliens à la frontière gazaouie pendant que l'armée de l'air israélienne bombarde les enfants de Gaza. L'Israélien éclairé regardera la photo et se dira : des animaux sauvages, ces colons, ils ont maltraité un vieil homme, mais regardez comment la soldate s'occupe de lui. La soldate, c'est nous, la belle terre d'Israël qui nous a été enlevée.

Mais c'est une illusion. La soldate n'est pas Israël. C'est une anomalie. S'emparer d'elle est une façon de nettoyer notre conscience. Les colons vivent à l'est de Bethléem comme les émissaires de chaque Israélien qui a soutenu leur existence là par le silence, l'indifférence et les budgets gouvernementaux. Le sang du berger Shalalda est sur toutes nos têtes, celles des Israéliens, tant les sauvages que les éclairés.

L'image de cette soldate exceptionnelle est trompeuse. Comme il est tentant de s'y laisser prendre, comme il est douloureux de reprendre ses esprits.

17/02/2022

RABHA ATTAF
Hommage à Wael Aly, héros anonyme de la Révolution égyptienne du 25 janvier 2011, disparu le 3 février 2022

Rabha Attaf, 17/2/2022

J'avais rencontré Wael sur la place Tahrir, alors qu'il était perpétuellement entouré de jeunes démunis avec qui il avait constitué un Comité populaire. Sa bonté et sa bienveillance envers eux avaient attiré mon attention : il figure dans le premier chapitre de mon livre Place Tahrir, une révolution inachevée.

À l'époque, il avait interféré dans les discussions entre le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) et certaines personnalités triées sur le volet en rendant publiques les exigences des laissés pour compte de la société égyptienne.

Alors, quand des officiers libres ont rejoint la Place Tahrir avec leur bataillon, le 8 avril 2011, le CSFA a émis un mandat d'arrêt contre lui, sous le fallacieux prétexte d’ « incitation à la rébellion contre l'armée », le rendant aussi responsable des 19 morts causées par l'évacuation violente de la place dans la nuit qui a suivi. Il risquait la peine de mort, pour l'exemple. Mais nous avons réussi à le faire libérer, au bout de 18 mois d'incarcération, lavé de toute accusation.

Cette expérience avait brisé ses rêves. Il s'en était retourné à Hurgada où il avait été directeur d'une agence de tourisme avant de rejoindre la place Tahrir dès les premiers jours du soulèvement populaire.

Wael était pour moi plus qu'un ami. Nos esprits communiquaient sans que nous ayons à parler. Notre relation -forgée aussi au contact du danger- était hors du commun, donnant un sens plein au mot Fraternité.

Wael était profondément croyant -son prénom signifie d'ailleurs « celui qui cherche refuge dans la spiritualité ». Il était juste, foncièrement bon et œuvrait dans la voie de Dieu.

Bien sûr, je suis peinée par son départ subit. Mais je sais que son âme est désormais sereine, soulagée des tourments de ce monde injuste.

La France au Sahel, fausse note dans la petite musique élyséenne au sommet UE-Afrique
Tribune collective

Tribune collective sur le sommet Union européenne-Union africaine et les annonces qui devraient y être faites, notamment concernant l'intervention militaire française au Mali.

« Un moment décisif de la présidence française de l'Union européenne » : c’est ainsi que Franck Riester, ministre délégué au Commerce extérieur auprès du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, a qualifié début janvier le sommet Union européenne (UE)-Union africaine (UA) qui se déroulera à Bruxelles ces 17 et 18 février [1]. De fait, cet évènement sera sans doute le dernier acte de la comédie du président-pas-encore-candidat à laquelle assistent les ressortissants de l’UE, dont Emmanuel Macron assume une opportune présidence depuis le 1er janvier. Un rendez-vous qui devait venir conclure en beauté une partition initiée en novembre 2017, sur le jeune président refondateur des relations franco-africaines, et dont la petite musique s’est déroulée jusqu’au sommet Afrique-France de Montpellier : c’était compter sans les fausses notes liées aux rebondissements récents au Mali puis au Burkina Faso.

Un sommet de communication macronienne

Ce sommet devait en effet être la vitrine européenne des efforts de communication français. « L'UE souhaite demeurer à tous égards, le premier partenaire de l'Afrique sur le plan économique, commercial, mais aussi en matière de sécurité, d'aide publique au développement et humanitaire », déclarait le même Franck Riester, faisant peu de mystère de l’intérêt pour Paris d’une telle stratégie « européenne ». L’obsession récurrente du verrouillage des migrations et l’avenir des « accords de partenariat économique » (APE) devraient constituer des volets importants des discussions, dans un contexte de libéralisation continue de l’économie africaine, incarné notamment par la Zone de libre-échange africaine (ZLECAf, dont la structuration se poursuit [2]). Mais l’Elysée pouvait aussi espérer utiliser ce sommet pour mettre en scène le « renouveau » qu’Emmanuel Macron tente d’incarner, en matière de politique africaine comme ailleurs. Le « jeune » président, qui aime à rappeler qu’il n’a pas connu l’époque de la colonisation, entend ainsi à nouveau s’afficher au côté du Rwandais Paul Kagame, ennemi d’hier pour Paris et désormais figure africaine de la réussite d’un modèle ultralibéral sur le plan économique – et verrouillé sur le plan politique. Le changement de nom de l’Agence française de développement (AFD), dont le principe a été acté lors du sommet de Montpellier, pourrait aussi être concrétisé à cette occasion, au nom de la priorité européenne donnée au « développement », quelques jours avant l’entrée en campagne officielle d’Emmanuel Macron.

Surtout, cet évènement devait être l’opportunité rêvée pour afficher l’européanisation de l’intervention militaire française au Sahel, par la montée en puissance de la Task Force Takuba, une mobilisation des forces spéciales de différents Etats membres en appui à l’armée malienne, permettant de justifier le retrait d’une partie du contingent de l’opération Barkhane.

La France enlisée, Takuba enterrée

Cette évolution du dispositif militaire tricolore au Sahel, en discussion depuis le début de l’année 2021, s’était subitement accélérée début juin 2021, Emmanuel Macron prenant même de court sa propre diplomatie et son état-major en brandissant la menace d’un retrait des troupes françaises du Mali. L’Élysée entendait ainsi répondre à la contestation croissante de Barkhane sur place, nourrie par les humiliations quotidiennes et la multiplication de bavures meurtrières [3], mais aussi et surtout dans la classe politique et l’opinion publique françaises, au vu de l’enlisement de cette opération. Pour désamorcer la colère de la rue malienne, dont les militaires au pouvoir à Bamako depuis mai 2021 essaient de tirer leur légitimité, le calcul à Paris depuis l’été dernier était de faire oublier le drapeau français, pour mettre en avant un nouvel étendard : présentée commune une force « européenne », la Task Force Takuba restait pourtant un artefact de l’interventionnisme français, puisque le protocole établi en mars 2020 avec les autorités maliennes d’alors prévoit que les pays contributeurs doivent obtenir le feu vert de la France pour participer à l’opération [4] et que la force Takuba reste subordonnée au commandement de Barkhane. Comment s’étonner, dès lors, que le ressentiment légitime contre la politique africaine de la France (qui s’est régulièrement ingérée dans les affaires maliennes depuis 2013, jusque dans le choix des Premiers ministres ou encore en bloquant toute négociation politique avec certains groupes armés) se reporte sur ses partenaires européens, comme le Danemark dont les forces spéciales ont récemment dû quitter le pays à la demande de Bamako ?

REINALDO SPITALETTA
Cinq prostituées et un anarchiste
Il y a un siècle, dans la Patagonie rebelle

 

Avec le massacre des travailleurs en Patagonie à la fin de l'année 1921, où 1 500 travailleurs agricoles ont été fusillés par l'armée, il s'est produit ce qui s'est produit plus tard avec le massacre des travailleurs de la banane à Ciénaga, dans le Magdalena colombien, en 1928, qui, selon les positions idéologiques plutôt que selon les documents et autres témoignages, ne fit que neuf victimes et non  mille ou plus, comme la légation usaméricaine à Bogota l'a reconnu à l'époque.

Lorsqu'il s'agit de travailleurs, il semble que cela ne fasse aucune différence que ce soient quelques-uns ou des centaines d'entre eux qui aient été massacrés. Ils étaient sûrement des communistes, dira-t-on. Ou des anarchistes. Et ils l'ont même mérité, diront les bourreaux. C'est ainsi que l'histoire, les contextes et les manifestations contre l'injustice sont niés. Et ceux qui sont au pouvoir font tout leur possible pour effacer de la mémoire des événements aussi horribles, des crimes contre l'humanité, comme on les a appelés plus récemment.

Dans le sud de l'Argentine, à Santa Cruz, les ouvriers ruraux de Patagonie, à la fin de l'année 1920, se sont mis en grève pour exiger des éleveurs un jour de repos par semaine, un endroit propre pour dormir et un paquet de bougies. Ce n'était pas grand-chose, mais les éleveurs se sont opposés et, de plus, ont renié les accords. Quelques années plus tard, les travailleurs se sont soulevés, puis l'armée est apparue, commandée par le colonel Héctor Benigno Varela. Et c'est ainsi qu'a commencé une histoire d'horreur, mais aussi de démonstration de dignité de la part de cinq prostituées de Puerto San Julián.


Varela a lancé les pelotons d'exécution en masse, sans procès. L'objectif était de punir les travailleurs (presque tous des tondeurs et des cardeurs de laine), de les passer par les armes, de les qualifier de hors-la-loi, d'insurgés et de bandits. Et ainsi, en divers endroits, les exécutions étaient un pain quotidien dur et amer. Au début de l'année 1922, après avoir perpétré le massacre, que le gouvernement appelle "pacification", Varela veut récompenser ses soldats par un prix en nature, comme une libération de leur libido refoulée.

Les soldats font la queue devant un bordel. On ne leur ouvre pas la porte. Soudain, la propriétaire, Paulina Rovira, sort et annonce que les demoiselles refusent de les servir. "C'est de la trahison", lui dit le sous-officier, et la foule tente de forcer l'entrée, quand, à ce moment-là, les cinq "élèves" surgissent, armées de balais et de bâtons, et les réprimandent : "assassins", "ordures", "on ne couche pas avec les assassins !".

Cette réaction inattendue a coupé le souffle aux soldats (et leur a ôté toute envie de s'envoyer en l'air), paralysés par les hijueputazos ["fils de putes"], les crachats, les balais et les "insultes obscènes typiques des bonnes femmes", selon un rapport de police. Cette démonstration de courage et de dignité des prostituées sera racontée, entre autres, par le romancier David Viñas et l'historien et écrivain Osvaldo Bayer, ce dernier dans son impressionnant livre La Patagonie rebelle.

Il y a un siècle, le 17 février 1922, cinq femmes courageuses, prostituées de profession, du bordel La Catalana, ont posé un acte audacieux de rejet du massacre des travailleurs. Face au silence et à la peur générale de la population, elles ont affronté les auteurs de l'un des massacres les plus atroces d'Argentine et de l'histoire du mouvement ouvrier. Les autres viendront des années plus tard, avec la dictature militaire de Videla et compagnie.

Consuelo García, Ángela Fortunato, Amalia Rodríguez, María Juliache et Maud Foster sont les cinq héroïnes de San Julián, sauvées de l'oubli par les recherches et les enquêtes d'Osvaldo Bayer. L'autre héros de cette histoire singulière est Kurt Wilckens, un anarchiste allemand de tendance tolstoïenne qui, le 27 janvier 1923, prend sa revanche en tuant le lieutenant-colonel Varela avec une bombe à percussion et un revolver Colt dans une rue du quartier Palermo à Buenos Aires.

Varela, comme le raconte Bayer dans son livre, "obligeait les travailleurs à creuser leurs tombes, puis les forçait à se déshabiller et les abattait. Il a fait battre les chefs des travailleurs et les a mis au tapis avant de donner l'ordre de les abattre de quatre balles". En Patagonie, consacrée par les latifundistes aux moutons (l'un d'entre eux, Mauricio Braun, est parvenu à posséder la superficie astronomique de 1 376 160 hectares de terres, avec des moutons), les ouvriers étaient soumis à des journées d'exploitation sans pitié.


 Wilckens, un anar pacifiste, abstinent et végétarien, décide de se faire justice lui-même face à la "violence d'en haut". Il n'avait aucun parent parmi les personnes abattues. Il ne connaissait pas la Patagonie (le Grand Sud argentin) et croyait seulement qu'il allait accomplir "un acte de justice individuel". Lorsqu'il atteint son but, dans une attaque cinématographique au cours de laquelle il est gravement blessé, il déclare : "J'ai vengé mes frères".


Cinq prostituées (quatre argentines et une espagnole) et un anarchiste allemand sont entrés dans l'histoire (enfin, disons que des gens comme Bayer et d'autres les ont sauvé·es de l'oubli officiel) des luttes contre l'injustice et l'exploitation.

16/02/2022

REINALDO SPITALETTA
Cinco prostitutas y un anarquista

Con la matanza de obreros en la Patagonia a fines de 1921, cuando fueron fusilados por el ejército mil quinientos trabajadores agrarios, pasó como sucedió después con la masacre de las bananeras, en Ciénaga, Magdalena, en 1928, que, según las posiciones ideológicas y no los documentos y otros testimonios, fueron solo nueve y no un millar o más, como lo reconoció en su momento la Legación de EE.UU. en Bogotá.

 Cuando se trata de trabajadores, parece dar lo mismo que sean unos cuántos o centenares de ellos los masacrados. Seguro eran comunistas, dirán. O anarquistas. Y hasta se lo merecían, acotarán los verdugos. Así se niegan la historia, los contextos, las manifestaciones contra las injusticias. Y desde el poder se hace lo posible por borrar de la memoria tales acontecimientos de espanto, crímenes de lesa humanidad, como se han catalogado en tiempos más recientes.

En el sur de la Argentina, en Santa Cruz, los peones rurales de la Patagonia, a fines de 1920, declararon una huelga para reclamar a los estancieros un día de descanso a la semana, tener un lugar limpio donde dormir y un paquete de velas. No era gran cosa, pero los hacendados se opusieron y, además, incumplieron acuerdos. Un años después, los trabajadores se levantaron y entonces apareció el ejército, comandado por el coronel Héctor Benigno Varela. Y ahí comenzó una historia de horror, pero, a su vez, de demostraciones de dignidad por parte de cinco prostitutas del Puerto San Julián.


Varela inició los fusilamientos a granel, sin fórmula de juicio. Se trataba de escarmentar a los trabajadores (casi todos esquiladores y cardadores de lana), de pasarlos por las armas, de calificarlos de forajidos, insurrectos y bandoleros. Y así, por distintos predios, los fusilamientos fueron un pan duro y amargo de cada día. A comienzos de 1922, tras cumplir con la masacre, a la que el gobierno llamó “pacificación”, Varela quiso galardonar a sus soldados con un premio en especie, en desfogue para su libido reprimida.

En un burdel la soldadesca hizo la fila. No les abrieron. Y de pronto, salió la dueña, Paulina Rovira, y les anunció que las damiselas se negaban a atenderlos. “Eso es traición a la patria”, le dijo el suboficial al mando, y una patota intentó meterse a la fuerza, cuando, en esas, emergieron las cinco “pupilas”, armadas de escobas y palos, y los increparon: “¡asesinos!”, “¡porquerías!”, “¡con asesinos no nos acostamos!”.

La inesperada reacción dejó sin aliento (y sin ganas de un polvazo) a los soldados, que se paralizaron ante los hijueputazos, los escupitajos, los escobazos y los “insultos obscenos propios de mujerzuelas”, según se consignó en un informe policial. Esta muestra de coraje y dignidad de las prostitutas, la va a narrar, entre otros, el novelista David Viñas y el historiador y escritor Osvaldo Bayer, este en su impresionante libro La Patagonia rebelde.

Hace un siglo, el 17 de febrero de 1922, ocurrió el atrevido acto de rechazo a la masacre obrera por parte de cinco valientes mujeres, putas de profesión, del prostíbulo La Catalana, que, ante el silencio y el miedo general de la población, enfrentaron a los autores de una de las más atroces matanzas de la Argentina y de la historia del movimiento obrero. Las otras llegarían años después, con la dictadura militar de Videla y compañía.

 

Consuelo García, Ángela Fortunato, Amalia Rodríguez, María Juliache y Maud Foster eran las cinco heroínas de San Julián, rescatadas de la desmemoria por las pesquisas e investigaciones de Osvaldo Bayer. El otro héroe de esta singular historia fue Kurt Wilckens, anarquista alemán de tendencia tolstoiana, quien, el 27 de enero de 1923, tomó venganza por mano propia al ultimar con una bomba de percusión y un revólver Colt al teniente coronel Varela en una calle del barrio Palermo, de Buenos Aires.

Varela, como lo cuenta Bayer en su libro, a los trabajadores “les hacía cavar las tumbas, luego los obligaba a desnudarse y los fusilaba. A los dirigentes obreros los mandaba apalear y sablear antes de dar la orden de pegarles cuatro tiros”. En la Patagonia, dedicada por los latifundistas a las ovejas (uno solo de ellos, Mauricio Braun, llegó a tener la astronómica cantidad de 1′376.160 hectáreas de tierra, con ganado lanar), los peones eran sometidos a jornadas de explotación inmisericorde.

 Wilckens, un anarco que además era un pacifista, abstemio y vegetariano, se decidió a tomar justicia por mano propia ante “la violencia de arriba”. No tenía parientes entre los fusilados. No conocía la Patagonia (el Far South argentino) y solo creía que iba a cumplir “un acto individual justiciero”. Cuando alcanzó su cometido, en un atentado cinematográfico, del que además salió mal herido, declaró: “He vengado a mis hermanos”.


 Cinco prostitutas (cuatro argentinas y una española) y un anarquista alemán pasaron a la historia (bueno, digamos que gente como Bayer y otros los rescataron del olvido oficial) de las luchas contra la injusticia y la explotación.