Sengo Pérez, Brecha, 20/8/2021
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Le ministre de Pedro Castillo,
qui a récemment démissionné, parle à l’hebdomadaire uruguayen Brecha de la
campagne menée contre lui, de l'armée, du pouvoir des médias et des défis que
doit relever le nouveau gouvernement.
Héctor
Béjar. Photo CESAR FAJARDO /AFP, PRESIDENCE
DU PEROU
NdT:
Héctor Béjar
Rivera, né en 1935, a été le ministre des Affaires étrangères le plus éphémère de l’histoire du Pérou :
nommé le 29 juillet, il a été forcé à démissionner le 17 août, suite à la
polémique créée par ses déclarations de novembre 2020, selon lesquelles la
Marine de guerre et la CIA étaient à l’origine du terrorisme au Pérou. Cofondateur
de l’Armée de libération nationale, un groupe guévariste de guérilla, il avait
été capturé en 1966 et libéré en 1970 suite à une amnistie générale.
Vous attendiez-vous à ce qu'on
vous propose le poste de ministre des AE ou cela vous a-t-il pris par surprise
?
Non. Pour
moi, c'était une surprise.
Qui vous l'a offert ?
Le président [Pedro] Castillo lui-même, que je ne connaissais pas. Je ne
l'avais jamais vu personnellement.
Et pensiez-vous, en l’assumant, que cette aventure
serait si éphémère ?
Oui,
c'était parmi les alternatives. Cela n'a pas été une surprise pour moi.
N'avez-vous pas non plus été
surpris lorsque Guido Bellido [président du Conseil des ministres] vous a
demandé de démissionner ? Comment vous êtes-vous senti à ce moment-là ?
Rien de spécial. Je l'avais parmi les alternatives probables. Il y avait
déjà un climat d'hostilité dans la presse concentrée [référence aux médias
oligopolistiques, en particulier le groupe El Comercio] et de la part de
la Marine à mon encontre. Cela fait partie du jeu politique.
Pensez-vous que cette affaire est une reddition du
gouvernement à la droite ?
Je ne veux pas le qualifier. Je continue de penser que Castillo est une
excellente personne et je lui souhaite bonne chance. Je pense que le
gouvernement actuel est faible, je ne le nie pas. Et qui refuse de se renforcer
pour des raisons que je ne peux pas expliquer.
Qu'est-ce que vous appelez renforcement ? Renforcement dans
quel sens ?
Je l'ai dit avant de devenir ministre : le gouvernement devrait choisir les meilleures personnalités, non pas du Pérou - ici, quand on parle du Pérou, on parle généralement de Lima mais du vrai Pérou. Le pays compte de nombreuses universités dans les provinces, où
l'on trouve des personnes excellentes, avec des professeurs qui devraient être
ministres dès maintenant. Et il a aussi d'excellents dirigeants d'organisations
populaires, qui devraient aussi être ministres. Cela n'a pas été le cas, et
c'est dommage.
-Quelque chose de difficile à accepter pour Lima...
Oui,
bien sûr. Mais ce sont les provinces qui ont gagné les élections et c'est à
elles de gouverner, c'est-à-dire au peuple péruvien, qui n'a jamais gouverné.
Il y a plus de 100 ans, Manuel
González Prada a écrit sur le mépris de Lima pour les provinces. Il semble que
ce soit toujours le cas...
Évidemment. C'est un mépris raciste, comme nous le
savons tous, car les Liméniens, qu'ils soient pauvres ou riches, se sentent
pour la plupart supérieurs aux provinciaux. Malheureusement, au Pérou, Serrano [montagnard] est pratiquement
une insulte. Le Serrano est un homme des hauts plateaux, et la plupart des
Péruviens viennent des hauts plateaux.
Lors de cette élection, le racisme au Pérou est devenu plus évident...
Bien sûr. Et c'est une autre
chose que le Pérou refuse de reconnaître : nous sommes un pays raciste. Et je m'inclus dans cette liste : je me surprends parfois à
avoir des pensées racistes.