المقالات بلغتها الأصلية Originaux Originals Originales

11/01/2025

BENOÎT GODIN
Quarante ans après sa mort, le combat d’Éloi Machoro n’a pas cessé


Benoît Godin, Billets d’Afrique, janvier 2025

Benoît Godin est un journaliste français, militant de l’association Survie, qui lutte contre la Françafrique. Auteur du documentaire radiophonique Le combat ne doit pas cesser : Éloi Machoro, un super-héros pour Kanaky

Le 12 janvier 1985, le GIGN abattait Éloi Machoro, portant un coup d’arrêt à deux mois d’un soulèvement qui secoua l’ordre colonial en Nouvelle-Calédonie, et révéla à la face du monde l’existence du peuple kanak et de son combat contre la domination française. Quarante ans après, ce dernier reste douloureusement d’actualité.
Qui a pris la décision d’abattre, le 12 janvier 1985, Éloi Machoro et l’un de ses compagnons de lutte, Marcel Nonarro ? Edgard Pisani, haut-commissaire de la République, fraîchement débarqué en Nouvelle-Calédonie avec des pouvoirs étendus pour faire face à une situation quasi insurrectionnelle ? Quelqu’un de plus haut placé à Paris ? Les hommes du GIGN envoyés sur place, ceux-là même qui avaient été humiliés un mois et demi plus tôt par Machoro et ses camarades et qui auraient outrepassé les ordres ? Quarante ans après, la question reste soulevée.
Mais est-elle au fond si importante ? Le véritable responsable de ce double assassinat – car c’en est un – est connu : c’est l’État français, toujours implacable lorsqu’il est confronté à des peuples en rébellion contre le joug colonial. Ce matin-là, la France éliminait l’un des hommes le plus honnis des Blancs de Nouvelle-Calédonie (l’annonce de sa mort sera accueillie par des hurlements de joie sur la place centrale de Nouméa). La figure emblématique du premier grand soulèvement kanak d’après-guerre (et même depuis les guerres de 1878 et 1917), qui marqua les débuts de la phase la plus dure de la période dite des « événements ».

Un homme de terrain

Qui est-il, Éloi Machoro ? Avant ces semaines terribles qui secouèrent l’ordre colonial, il est déjà une personnalité locale de premier plan, élu à l’Assemblée territoriale. Avec Yeiwéné Yeiwéné et surtout Jean-Marie Tjibaou, il est l’un des représentants les plus en vue de cette jeune génération kanak qui prit, en 1977, les rênes du plus ancien parti politique de l’archipel, l’Union calédonienne (UC), le transformant en un mouvement pro-indépendance. En 1981, Éloi Machoro en est même devenu le secrétaire général après l’assassinat de son prédécesseur, Pierre Declercq. À ce titre, il a pour mission d’organiser la vie du parti. Cet homme au contact aisé et au charisme évident est ainsi continuellement en déplacement aux quatre coins du territoire, au contact des militant·e·s de tous âges et même de toutes origines. C’est un homme de terrain. Et c’est donc là, sur le terrain, qu’on le retrouve en toute logique fin 1984, menant une partie des forces vives kanak.

L’urne brisée

Les similitudes entre les soulèvements kanak d’alors et de ce printemps 2024 ne manquent pas, et l’une des plus évidentes, c’est leur déclencheur. À l’époque déjà, la restriction du corps électoral est au cœur des revendications indépendantistes. Il s’agit de contrer les effets de près d’un siècle et demi de colonisation de peuplement qui ont fini par mettre en minorité le peuple autochtone sur ses propres terres. Les socialistes au pouvoir à Paris refusent d’en tenir compte : ils imposent un nouveau statut, dit Lemoine (du nom du secrétaire d’État en charge des Dom-Tom), et organisent le 18 novembre 1984 des élections territoriales ouvertes à tous. C’en est trop pour la plupart des organisations indépendantistes, UC en tête, qui se rassemblent au sein du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) et appellent au « boycott actif » du scrutin. Le jour J, le territoire s’embrase : manifestations, routes bloquées, mairies occupées, voire incendiées…


La hache d’Éloi, par Miriam Shwamm

Ce matin-là, Éloi Machoro envahit avec un groupe de militants la mairie de Canala, commune de la côte est de la Grande Terre dont il est originaire. Armé d’un tamioc, une hache traditionnelle, il brise l’urne électorale. Un geste puissant, immortalisé par la correspondante du quotidien local. La photo va faire le tour du monde. La lutte du peuple kanak apparaît soudain au grand jour, et elle a un visage : celui – sévère, arborant casquette, lunettes de soleil et épaisse moustache – d’Éloi Machoro.
C’est le point de départ d’une épopée aussi fulgurante que marquante pour la Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Deux jours après, Éloi Machoro et des militant·e·s de Canala rejoignent les Kanak de Thio, une quarantaine de kilomètres plus au sud, pour en occuper la gendarmerie. Ils libèrent les lieux au bout d’une journée, mais entreprennent dans la foulée le « siège » de la commune : pendant près d’un mois, les indépendantistes vont tenir Thio, dressant des barrages, contrôlant tous ses accès.
Si Canala est alors très majoritairement kanak, Thio compte encore une large population de Caldoches (comme sont surnommés les Calédoniens d’origine européenne) et demeure un bastion de la droite coloniale. Son maire, Roger Galliot, vient d’ailleurs de créer la section locale du Front national. Mais au-delà du symbole politique, Thio représente aussi un enjeu économique de taille : elle abrite l’une des plus importantes mines de nickel du monde. Nickel qui est la principale richesse de la Nouvelle-Calédonie, une manne pour l’État français, mais dont les Kanak n’ont jamais profité, exception faite de quelques employés.

Ministre de la Sécurité de Kanaky

Machoro, qui devient ministre de la Sécurité du gouvernement provisoire de Kanaky proclamé par le FLNKS, mène l’occupation. Lui et ses hommes font le tour des habitations des colons pour confisquer leurs armes. Mais, en parallèle, il exige de ses militants une discipline sans faille. L’alcool et tout pillage, ou même simple dégradation, sont proscrits. Ceux qui ne respectent pas les consignes se font durement réprimander (pour le moins) et sont renvoyés illico chez eux. La mine est à l’arrêt, mais tout le matériel est soigneusement protégé. Il s’agit tout à la fois de préserver les outils économiques indispensables au futur pays indépendant, mais aussi de montrer un visage exemplaire aux journalistes qui se précipitent à Thio. Machoro les reçoit volontiers, multiplie les interviews, bien conscient que la cause kanak a besoin de soutiens extérieurs, au sein de la puissance administrante comme à l’international.
Le 1er décembre, le GIGN tente d’envahir la commune pour mettre fin à l’occupation. C’est raté : des dizaines de Kanak, équipés des fusils saisis aux Caldoches, les encerclent dès leur descente des hélicoptères Puma et les désarment, puis les obligent à quitter les lieux. Un camouflet pour les gendarmes – ceux-là même que l’on retrouvera quelques semaines plus tard du côté de La Foa. L’épisode marque les esprits, renforçant l’aura de Machoro dans le monde kanak… et la psychose chez des Européens pour qui Machoro devient l’ennemi public numéro un. Celui-ci est pourtant tout sauf un fanatique brutal. Après le massacre le 5 décembre dans la vallée de Hienghène de dix Kanak (dont deux frères de Jean-Marie Tjibaou) par des petits colons, il s’oppose à certains de ses hommes, désireux de se venger sur les Blancs isolés et terrés chez eux à Thio. Son action empêche très probablement un bain de sang.
En revanche, Machoro n’entend plus reculer face à l’État et ses alliés « loyalistes ». S’il finit par respecter (et faire respecter) à contrecœur la consigne de levée des barrages lancée mi-décembre par le FLNKS, c’est pour tout de suite préparer, avec un groupe de militants déterminés, un nouveau coup d’éclat : le siège de La Foa, de l’autre côté de la Grande Terre. Presque une déclaration de guerre aux yeux de l’État : cela revient à s’en prendre à une commune « caldoche » et surtout à couper la très stratégique Route territoriale 1 qui relie Nouméa, la capitale, au nord de l’île. Le 11 janvier 1985, à la veille de passer à l’action, Machoro et une trentaine de compagnons prennent position à quelques kilomètres de là, dans une ferme située sur le plateau de Dogny. Repérés, ils sont encerclés par les gendarmes. Le lendemain, au petit matin, les tireurs d’élite feront leur sale besogne.

Ataï (à gauche) et Machoro, peinture d’Élia Aramoto sur un abribus à Poindimié. Photo Hamid Mokaddem, 1990.

Répondre à la brutalité coloniale

Quarante ans après, Éloi Machoro reste une icône dans le monde kanak, pour sa jeunesse notamment, au même rang que le grand chef Ataï qui mena la guerre de 1878 contre l’occupant français et à qui il est souvent comparé. Son portrait est partout : T-shirts, banderoles, murs des tribus ou des quartiers populaires nouméens, réseaux sociaux… Disparu avant le temps des accords, Machoro incarne une lutte sans concession contre cette colonisation qui n’en finit pas. Le 4 avril dernier, en marge d’une conférence de presse organisée au local de l’UC à Nouméa, une hache plantée dans une urne accueillait les journalistes… Quand il faut revenir aux actions de terrain, on invoque l’esprit du vieux Éloi.
Un certain malentendu persiste pourtant autour de cet homme assez mal connu, presque autant du côté de ses partisans que de ses opposants. Les deux camps entretiennent en effet une légende qui, dorée ou obscure, dresse finalement plus ou moins le même portrait, celui d’un Che Guevara océanien jusqu’au-boutiste. Ce qui a peu à voir avec la réalité… Car s’il meurt un fusil à la main, Machoro n’aura jamais tiré un seul coup de feu – pas même avant d’être abattu, contrairement à la première version des « forces de l’ordre » cherchant à justifier leur crime.
C’est en réalité un homme qui s’est montré largement ouvert au dialogue – à l’instar des autres responsables de l’UC de l’époque. Il participe d’ailleurs en 1983, aux côtés de Yeiwéné et Tjibaou, à la table-ronde de Nainville-les-Roches, durant laquelle les indépendantistes tendront la main aux autres communautés de l’archipel, reconnues comme « victimes de l’Histoire ». Si Éloi Machoro se pose la question du recours à des modes d’action plus radicaux, ce n’est qu’en réponse au mépris et à la brutalité du système colonial. En cela, son parcours épouse celui de son peuple, toujours ouvert à l’échange, mais se heurtant, jusqu’à aujourd’hui, à un État français enfermé dans sa logique impérialiste criminelle. On ne rappellera jamais assez que l’explosion de colère populaire au soir du 13 mai 2024, après le vote par l’Assemblée nationale du projet de loi constitutionnelle actant le dégel du corps électoral, faisait suite à des mois de mobilisation massive et pacifiste des forces indépendantistes, et kanak en premier lieu…
Dans une lettre rédigée le 17 novembre 1984, veille du boycott actif, et longtemps présentée à tort comme sa dernière, Éloi Machoro écrivait ces mots restés dans les mémoires : « Le combat ne doit pas cesser, faute de leaders ou faute de combattants ». Si le peuple kanak a pu depuis donner l’impression qu’il était moins combatif, ce n’était que parce qu’il donnait une chance au processus de décolonisation porté par les accords de Matignon, puis de Nouméa. Suivant le mot d’ordre de Machoro, il n’a en réalité jamais renoncé à la lutte pour son émancipation et pour l’indépendance de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie. L’année écoulée nous l’a encore prouvé.

Lire aussi



 

TIMOTHY W. RYBACK
Comment Hitler a démantelé une démocratie en 53 jours : il a utilisé la constitution pour la faire voler en éclats

Timothy W. Ryback (Ann Arbor, Michigan, 1954) est un historien usaméricain, directeur de l’Institut pour la justice historique et la réconciliation à La Haye. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’Allemagne hitlérienne, dont le plus récent est Takeover : Hitler’s Final Rise to Power.

 
 
Adolf Hitler et son cabinet, le 30 janvier 1933, le jour où il est devenu chancelier de l’Allemagne. (Everett Collection / Alamy)
 
Il y a 92 ans ce mois-ci, le lundi 30 janvier 1933 au matin, Adolf Hitler était nommé 15e chancelier de la République de Weimar. Dans l’une des transformations politiques les plus étonnantes de l’histoire de la démocratie, Hitler a entrepris de détruire une république constitutionnelle par des moyens constitutionnels. Ce qui suit est un compte-rendu étape par étape de la manière dont Hitler a systématiquement désactivé puis démantelé les structures et processus démocratiques de son pays en moins de deux mois - plus précisément, un mois, trois semaines, deux jours, huit heures et 40 minutes. Les minutes, comme nous le verrons, ont compté.
Hans Frank a été l’avocat privé d’Hitler et son principal stratège juridique dans les premières années du mouvement nazi. Alors qu’il attendait plus tard son exécution à Nuremberg pour sa complicité dans les atrocités nazies, Hans Frank a commenté l’étrange capacité de son client à sentir « la faiblesse potentielle inhérente à toute forme formelle de droit » et à l’exploiter impitoyablement. Après l’échec du Putsch de Munich  de novembre 1923, Hitler avait renoncé à renverser la République de Weimar par des moyens violents, mais pas à son engagement de détruire le système démocratique du pays, une détermination qu’il a réitérée dans un Legalitätseid (serment de légalité) devant la Cour constitutionnelle en septembre 1930. Invoquant l’article 1 de la constitution de Weimar, qui stipule que le gouvernement est l’expression de la volonté du peuple, Hitler a informé la Cour qu’une fois parvenu au pouvoir par des moyens légaux, il avait l’intention de modeler le gouvernement comme il l’entendait. Il s’agissait d’une déclaration étonnamment effrontée.
« Alors, par des moyens constitutionnels ? » a demandé le président du tribunal.
« Jawohl ! », a répondu Hitler.


Comment Monsieur Hitler met le mot « légal » à sa bouche.
Caricature de Jacobus Belsen dans « Der Wahre Jacob » n° 53 (27 février 1932)

En janvier 1933, les faiblesses de la République de Weimar - dont la constitution de 181 articles encadrait les structures et les processus de ses 18 États fédérés - étaient aussi évidentes qu’abondantes. Ayant passé une décennie dans l’opposition, Hitler savait de première main à quel point un programme politique ambitieux pouvait être facilement sabordé. Pendant des années, il avait coopté ou écrasé des concurrents de droite et paralysé les processus législatifs. Au cours des huit mois précédents, il avait pratiqué une politique d’obstruction, contribuant à la chute de trois chanceliers et forçant à deux reprises le président à dissoudre le Reichstag et à convoquer de nouvelles élections.
Lorsqu’il est devenu chancelier, Hitler a voulu empêcher les autres de lui faire ce qu’il leur avait fait. Bien que le nombre de voix de son parti national-socialiste ait augmenté - lors des élections de septembre 1930, après le krach boursier de 1929, leur représentation au Reichstag a presque été multipliée par neuf, passant de 12 à 107 députés, et lors des élections de juillet 1932, ils ont plus que doublé leur mandat pour atteindre 230 sièges -, ils sont encore loin d’avoir la majorité. Leurs sièges ne représentent que 37 % du corps législatif, et la grande coalition de droite dont fait partie le parti nazi contrôle à peine 51 % du Reichstag, mais Hitler estime qu’il doit exercer un pouvoir absolu : « 37 % représentent 75 % de 51 % », affirme-t-il à un journaliste usaméricain, ce qui signifie que la possession de la majorité relative d’une majorité simple suffit à lui conférer une autorité absolue. Mais il savait que dans un système politique multipartite, avec des coalitions changeantes, son calcul politique n’était pas aussi simple. Il pensait qu’une Ermächtigungsgesetz (« loi des pleins pouvoirs ») était cruciale pour sa survie politique. Mais l’adoption d’une telle loi - qui démantèlerait la séparation des pouvoirs, accorderait à l’exécutif hitlérien le pouvoir de légiférer sans l’approbation du Parlement et permettrait à Hitler de gouverner par décret, en contournant les institutions démocratiques et la Constitution - nécessitait le soutien d’une majorité des deux tiers au sein du Reichstag, qui était en proie à des dissensions.
Le processus s’est avéré encore plus difficile que prévu. Hitler a vu ses intentions dictatoriales contrariées dès les six premières heures de son mandat de chancelier. À 11h30 ce lundi matin, il a prêté serment de respecter la constitution, puis s’est rendu à l’hôtel Kaiserhof pour déjeuner, avant de retourner à la chancellerie du Reich pour une photo de groupe du « Cabinet Hitler », suivie de sa première réunion officielle avec ses neuf ministres à 17 heures précises.
Hitler a ouvert la réunion en se vantant que des millions d’Allemands avaient accueilli son accession à la chancellerie avec « jubilation », puis il a exposé ses plans pour expulser les principaux fonctionnaires du gouvernement et pourvoir leurs postes par des loyalistes. C’est à ce moment-là qu’il a abordé son principal point à l’ordre du jour : la loi des pleins pouvoirs, qui, selon lui, lui donnerait le temps (quatre ans, selon les stipulations du projet de loi) et l’autorité nécessaires pour tenir ses promesses de campagne, à savoir relancer l’économie, réduire le chômage, augmenter les dépenses militaires, se retirer des obligations découlant des traités internationaux, purger le pays des étrangers qui, selon lui, « empoisonnent » le sang de la nation et se venger des opposants politiques. « Les têtes vont rouler dans le sable », avait promis Hitler lors d’un rassemblement.
Mais comme les sociaux-démocrates et les communistes disposaient collectivement de 221 sièges, soit environ 38 % des 584 sièges du Reichstag, le vote des deux tiers dont Hitler avait besoin était une impossibilité mathématique. « Si l’on interdisait le parti communiste et si l’on annulait ses votes, il serait possible d’obtenir une majorité au Reichstag », propose Hitler.
Le problème, a poursuivi Hitler, est que cela provoquerait presque certainement une grève nationale des 6 millions de communistes allemands, ce qui pourrait à son tour entraîner un effondrement de l’économie du pays. Une autre solution consisterait à rééquilibrer les pourcentages au Reichstag en organisant de nouvelles élections. « Qu’est-ce qui représente le plus grand danger pour l’économie ? » demande Hitler. « Les incertitudes et les inquiétudes liées à de nouvelles élections ou une grève générale ? » Il en conclut que l’organisation de nouvelles élections est la solution la plus sûre.
Le ministre de l’économie Alfred Hugenberg n’est pas d’accord. En fin de compte, selon lui, si l’on veut obtenir une majorité des deux tiers au Reichstag, il n’y a aucun moyen de contourner l’interdiction du parti communiste. Bien entendu, Hugenberg avait ses propres raisons de s’opposer à de nouvelles élections au Reichstag : lors des élections précédentes, il avait détourné 14 sièges des nationaux-socialistes d’Hitler au profit de son propre parti, les nationalistes allemands, ce qui faisait de lui un partenaire indispensable dans le gouvernement de coalition actuel d’Hitler. De nouvelles élections risquaient de faire perdre des sièges à son parti et de diminuer son pouvoir.
Lorsque Hitler s’est demandé si l’armée pouvait être utilisée pour écraser toute agitation publique, le ministre de la Défense Werner von Blomberg a rejeté l’idée du revers de la main, observant « qu’un soldat a été formé pour voir un ennemi extérieur comme son seul adversaire potentiel ». En tant qu’officier de carrière, Blomberg ne pouvait imaginer que des soldats allemands reçoivent l’ordre de tirer sur des citoyens allemands dans les rues allemandes pour défendre le gouvernement d’Hitler (ou tout autre gouvernement allemand).
Hitler avait fait campagne en promettant d’assécher le « marais parlementaire » -den parlamentarischen Sumpf- mais il se retrouvait maintenant dans un bourbier de politique partisane et se heurtait aux garde-fous constitutionnels. Il a réagi comme il le faisait invariablement lorsqu’il était confronté à des opinions divergentes ou à des vérités dérangeantes : il les a ignorées et a redoublé d’efforts.
Le lendemain, Hitler annonce de nouvelles élections au Reichstag, qui se tiendront début mars, et publie un mémorandum à l’intention des dirigeants de son parti. « Après treize ans de lutte, le mouvement national-socialiste a réussi à entrer au gouvernement, mais la lutte pour gagner la nation allemande ne fait que commencer », proclame Hitler, avant d’ajouter avec venin : « Le parti national-socialiste sait que le nouveau gouvernement n’est pas un gouvernement national-socialiste, même s’il n’est pas en mesure de le faire : « Le parti national-socialiste sait que le nouveau gouvernement n’est pas un gouvernement national-socialiste, même s’il est conscient qu’il porte le nom de son chef, Adolf Hitler ». Il déclare la guerre à son propre gouvernement.
Nous en sommes venus à percevoir la nomination d’Hitler au poste de chancelier comme faisant partie d’une montée inexorable vers le pouvoir, une impression qui repose sur des générations d’études d’après-guerre, dont une grande partie a nécessairement marginalisé ou ignoré les alternatives au récit standard de la prise de pouvoir nazie (Machtergreifung) avec ses persécutions politiques et sociales, son affirmation d’un régime totalitaire (Gleichschaltung, « mise au pas ») et les agressions ultérieures qui ont conduit à la Seconde Guerre mondiale et au cauchemar de l’Holocauste. Lors de mes recherches et de la rédaction de cet article, j’ai intentionnellement ignoré ces résultats ultimes et j’ai plutôt retracé les événements tels qu’ils se sont déroulés en temps réel, avec les incertitudes et les évaluations erronées qui les accompagnent. Un exemple concret : Le 31 janvier 1933, l’article du New York Times sur la nomination d’Hitler au poste de chancelier s’intitulait « Hitler met de côté son ambition d’être dictateur ».
 

À la fin des années 1980, lorsque j’étais étudiant à Harvard et que j’enseignais dans le cadre d’un cours sur l’Allemagne de Weimar et l’Allemagne nazie, j’avais l’habitude de citer une observation faite après la guerre par Hans Frank à Nuremberg, qui soulignait la fragilité de la carrière politique d’Hitler. « Le Führer était un homme qui n’était possible en Allemagne qu’à ce moment précis », a rappelé le stratège juridique nazi. « Il est arrivé exactement à cette terrible période transitoire où la monarchie avait disparu et où la république n’était pas encore assurée ». Si le prédécesseur d’Hitler à la chancellerie, Kurt von Schleicher, était resté en poste six mois de plus, ou si le président allemand Paul von Hindenburg avait exercé ses pouvoirs constitutionnels de manière plus judicieuse, ou si une faction de députés conservateurs modérés du Reichstag avait voté différemment, alors l’histoire aurait pu prendre une tournure très différente. Mon dernier livre, Takeover : Hitler’s Final Rise to Power, se termine au moment où commence l’histoire racontée ici. Je me suis rendu compte que l’ascension d’Hitler au poste de chancelier et son écrasement des garde-fous constitutionnels une fois qu’il y est parvenu sont des histoires de contingence politique plutôt que d’inévitabilité historique.
La nomination d’Hitler au poste de chancelier de la première république démocratique du pays a surpris autant Hitler que le reste du pays. Après une ascension politique vertigineuse de trois ans, Hitler avait essuyé un camouflet lors des élections de novembre 1932, perdant 2 millions de voix et 34 sièges au Reichstag, dont près de la moitié au profit des nationalistes allemands [Deutschnationale Volkspartei, Parti populaire national allemand] de Hugenberg. En décembre 1932, le mouvement d’Hitler est en faillite sur le plan financier, politique et idéologique. Hitler confie à plusieurs de ses proches collaborateurs qu’il envisage de se suicider.
Mais une série d’accords en coulisses, dont le limogeage surprise du chancelier Schleicher à la fin du week-end de janvier 1933, a propulsé Hitler à la chancellerie. Schleicher se souviendra plus tard qu’Hitler lui avait dit que « ce qui était étonnant dans sa vie, c’est qu’il était toujours sauvé au moment où il avait lui-même perdu tout espoir ».
Cette nomination de dernière minute s’accompagne d’un prix politique élevé. Hitler a laissé plusieurs de ses lieutenants les plus loyaux sur le carreau sur cette voie rapide inattendue vers le pouvoir. Pire encore, il s’est retrouvé avec un cabinet trié sur le volet par un ennemi politique, l’ancien chancelier Franz von Papen, dont Hitler avait contribué à renverser le gouvernement et qui occupait désormais le poste de vice-chancelier d’Hitler. Pire encore, Hitler était l’otage de Hugenberg, qui disposait de 51 voix au Reichstag et du pouvoir de faire ou défaire la chancellerie d’Hitler. Il a failli la briser.
En ce lundi matin de janvier 1933, alors que le président Hindenburg attend de recevoir Hitler, Hugenberg s’oppose à ce dernier sur la question des nouvelles élections au Reichstag. La position de Hugenberg : « Nein ! Nein ! Nein ! » Alors que Hitler et Hugenberg se disputent dans le foyer devant le bureau du président, Hindenburg, un héros militaire de la Première Guerre mondiale qui occupe le poste de président allemand depuis 1925, s’impatiente. Selon Otto Meissner, chef de cabinet du président, si la querelle entre Hitler et Hugenberg avait duré quelques minutes de plus, Hindenburg serait parti. Si cela s’était produit, la coalition maladroite mise en place par Papen au cours des 48 heures précédentes se serait effondrée. Il n’y aurait pas eu de chancellerie hitlérienne, ni de Troisième Reich.
En fait, Hitler n’obtient que deux postes ministériels dérisoires à pourvoir - et aucun des postes les plus importants concernant l’économie, la politique étrangère ou l’armée. Hitler choisit Wilhelm Frick comme ministre de l’Intérieur et Hermann Göring comme ministre sans portefeuille. Mais avec son instinct infaillible pour détecter les faiblesses des structures et des processus, Hitler a mis ses deux ministres au travail pour s’attaquer aux principaux piliers démocratiques de la République de Weimar : la liberté d’expression, le respect de la légalité, le référendum public et les droits de l’État.
Frick était responsable du système fédéré de la république, ainsi que du système électoral et de la presse. Il a été le premier ministre à révéler les plans du gouvernement d’Hitler : « Nous présenterons au Reichstag une loi d’habilitation qui, conformément à la constitution, dissoudra le gouvernement du Reich », déclare Frick à la presse, expliquant que les projets ambitieux d’Hitler pour le pays nécessitaient des mesures extrêmes, une position que Hitler a soulignée dans son premier discours national à la radio, le 1er  février. « Le gouvernement national considérera donc comme sa tâche première et suprême de restaurer l’unité d’esprit et de volonté du peuple allemand », a déclaré Hitler. « Il préservera et défendra les fondements sur lesquels repose la force de notre nation ».
Frick est également chargé de supprimer la presse d’opposition et de centraliser le pouvoir à Berlin. Pendant que Frick sapait les droits des États et interdisait les journaux de gauche, dont le quotidien communiste Die Rote Fahne et le journal social-démocrate Vorwärts, Hitler nommait également Göring ministre de l’Intérieur par intérim de la Prusse, l’État fédéré qui représentait les deux tiers du territoire allemand. Göring est chargé de purger la police d’État prussienne, la plus grande force de sécurité du pays après l’armée, et un bastion du sentiment social-démocrate.
Rudolf Diels est le chef de la police politique prussienne. Un jour du début du mois de février, Diels est assis dans son bureau, au 76 Unter den Linden, lorsque Göring frappe à sa porte et lui dit en termes très clairs qu’il est temps de faire le ménage. « Je ne veux rien avoir à faire avec ces vauriens qui sont assis ici », lui dit Göring.
Il s’en est suivi un Schiesserlass, ou « décret sur les tirs » [ou, pour le dire à la chilienne, "loi de la gâchette facile", adoptée en...2023, NdT]. Il permet à la police d’État de tirer à vue sans craindre de conséquences. « Je ne peux pas compter sur la police pour s’attaquer à la racaille rouge si elle doit craindre des sanctions disciplinaires alors qu’elle ne fait que son travail », explique Göring. Il leur accorde son soutien personnel pour qu’ils puissent tirer en toute impunité. « Lorsqu’ils tirent, c’est moi qui tire », a déclaré Göring. « Lorsque quelqu’un gît là, mort, c’est moi qui l’ai abattu ».
Göring a également désigné les Sturmtruppen [troupes d’assaut] nazies comme Hilfspolizei, ou « police auxiliaire », obligeant l’État à fournir des armes de poing aux voyous en chemise brune et leur conférant une autorité de police dans leurs combats de rue. Diels notera plus tard que cette manipulation de la loi pour servir ses objectifs et légitimer la violence et les excès de dizaines de milliers de chemises brunes était une « tactique hitlérienne bien rodée ».
Alors qu’Hitler s’efforce de s’assurer le pouvoir et d’écraser l’opposition, des rumeurs circulent sur la disparition imminente de son gouvernement. L’une d’entre elles affirme que Schleicher, le dernier chancelier déchu, prépare un coup d’État militaire. Une autre affirmait qu’Hitler était une marionnette de von Papen et un plouc autrichien au service involontaire des aristocrates allemands. D’autres encore prétendaient qu’Hitler n’était qu’un homme de paille pour Hugenberg et une conspiration d’industriels qui avaient l’intention de démanteler les protections des travailleurs au profit de profits plus élevés. (L’industriel Otto Wolff aurait « rentabilisé » son financement du mouvement hitlérien). Selon une autre rumeur, Hitler ne ferait que gérer un gouvernement provisoire pendant que le président Hindenburg, monarchiste dans l’âme, préparerait le retour du Kaiser.
Il n’y a pas grand-chose de vrai dans tout cela, mais Hitler doit faire face à la réalité politique et tenir ses promesses de campagne auprès des électeurs allemands frustrés avant les élections au Reichstag de mars. La Rote Fahne a publié une liste des promesses de campagne d’Hitler aux travailleurs, et le Parti du centre a publiquement exigé des garanties qu’Hitler soutiendrait le secteur agricole, lutterait contre l’inflation, éviterait les « expériences politico-financières » et adhérerait à la constitution de Weimar. Dans le même temps, le désarroi des partisans de la droite qui avaient applaudi la demande de pouvoir dictatorial d’Hitler et son refus d’entrer dans une coalition se traduisit par l’observation lapidaire suivante : « Pas de Troisième Reich, même pas 2½ ».
Le 18 février, le journal de centre-gauche Vossische Zeitung écrit qu’en dépit des promesses de campagne d’Hitler et de ses prises de position politiques, rien n’a changé pour l’Allemand moyen. Au contraire, les choses ont empiré. La promesse d’Hitler de doubler les droits de douane sur les importations de céréales s’est enlisée dans des complexités et des obligations contractuelles. Lors d’une réunion du cabinet, Hugenberg informe Hitler que les « conditions économiques catastrophiques » menacent « l’existence même du pays ». « En fin de compte, prédit le Vossische Zeitung, la survie du nouveau gouvernement ne dépendra pas des mots mais des conditions économiques. Hitler a beau parler d’un Reich de mille ans, il n’est pas certain que son gouvernement tienne le mois ».
Au cours des huit mois qui ont précédé la nomination d’Hitler au poste de chancelier, Hindenburg a écarté trois autres personnes - Heinrich Brüning, von Papen et Schleicher - de leur fonction, exerçant ainsi son autorité constitutionnelle inscrite dans l’article 53. Son mépris pour Hitler était de notoriété publique. Au mois d’août précédent, il avait déclaré publiquement que, « pour l’amour de Dieu, de ma conscience et du pays », il ne nommerait jamais Hitler chancelier. En privé, Hindenburg avait plaisanté sur le fait que s’il devait nommer Hitler à un poste quelconque, ce serait en tant que directeur général des Postes, « pour qu’il puisse me lécher par derrière sur mes timbres ». En janvier, Hindenburg accepte finalement de nommer Hitler, mais avec beaucoup de réticence, et à la condition de ne jamais être laissé seul dans une pièce avec son nouveau chancelier. Fin février, tout le monde se demande, comme l’écrit le Vorwärts, combien de temps encore le maréchal vieillissant supportera son caporal bohémien.
Cet article du Vorwärts est paru le samedi 25 février au matin, sous le titre « Wie lange? » (Pour combien de temps ?) Deux jours plus tard, le lundi soir, peu avant 21 heures, le Reichstag s’enflamme, des gerbes de feu font s’effondrer la coupole de verre de la salle plénière et illuminent le ciel nocturne de Berlin. Des témoins se souviennent avoir vu l’incendie depuis des villages situés à une quarantaine de kilomètres. L’image du siège de la démocratie parlementaire allemande en flammes a provoqué un choc collectif dans tout le pays. Les communistes accusent les nationaux-socialistes. Les nationaux-socialistes accusent les communistes. Un communiste néerlandais de 23 ans, Marinus van der Lubbe, a été arrêté en flagrant délit, mais le chef des pompiers de Berlin, Walter Gempp, qui a supervisé l’opération de lutte contre l’incendie, a vu des preuves de l’implication potentielle des nazis.
Lorsque Hitler réunit son cabinet pour discuter de la crise le lendemain matin, il déclare que l’incendie fait clairement partie d’une tentative de coup d’État communiste. Göring détaille les plans communistes prévoyant d’autres incendies criminels de bâtiments publics, ainsi que l’empoisonnement des cuisines publiques et l’enlèvement des enfants et des épouses de hauts responsables. Le ministre de l’intérieur Frick présente un projet de décret suspendant les libertés civiles, autorisant les perquisitions et les saisies et limitant les droits des États en cas d’urgence nationale.
Von Papen craint que le projet proposé « ne se heurte à une résistance », en particulier de la part des « États du Sud », c’est-à-dire de la Bavière, qui n’est dépassée que par la Prusse en termes de taille et de puissance. Von Papen a suggéré que les mesures proposées soient discutées avec les gouvernements des États afin d’assurer « un accord à l’amiable », faute de quoi elles pourraient être considérées comme une usurpation des droits des États. En fin de compte, seul un mot a été ajouté pour suggérer des éventualités de suspension des droits d’un État. Hindenburg signe le décret dans l’après-midi.
Entré en vigueur une semaine seulement avant les élections de mars, le décret d’urgence a donné à Hitler le pouvoir d’intimider et d’emprisonner l’opposition politique. Le parti communiste est interdit (comme Hitler le souhaitait depuis sa première réunion de cabinet), les membres de la presse d’opposition sont arrêtés et leurs journaux fermés. Göring procédait déjà ainsi depuis un mois, mais les tribunaux avaient invariablement ordonné la libération des personnes détenues. Avec l’entrée en vigueur du décret, les tribunaux ne peuvent plus intervenir. Des milliers de communistes et de sociaux-démocrates sont arrêtés.
Le dimanche 5 mars au matin, une semaine après l’incendie du Reichstag, les électeurs allemands se sont rendus aux urnes. « Aucune élection plus étrange n’a peut-être jamais été organisée dans un pays civilisé », écrit Frederick Birchall ce jour-là dans le New York Times. Il se dit consterné par la volonté apparente des Allemands de se soumettre à un régime autoritaire alors qu’ils avaient la possibilité d’opter pour une solution démocratique. « Dans n’importe quelle communauté américaine ou anglo-saxonne, la réaction serait immédiate et écrasante », écrit-il.
Plus de 40 millions d’Allemands se sont rendus aux urnes, soit plus de 2 millions de plus que lors des élections précédentes, ce qui représente près de 89 % des électeurs inscrits. « Depuis la création du Reichstag allemand en 1871, il n’y a jamais eu un taux de participation aussi élevé », rapporte la Vossische Zeitung. La plupart de ces 2 millions de nouveaux votes sont allés aux nazis. « Les énormes réserves de voix ont presque entièrement profité aux nationaux-socialistes », indique le journal.
Bien que les nationaux-socialistes n’aient pas atteint les 51 % promis par Hitler, avec seulement 44 % des électeurs - malgré une répression massive, les sociaux-démocrates n’ont perdu qu’un seul siège au Reichstag - l’interdiction du parti communiste a permis à Hitler de former une coalition avec la majorité des deux tiers du Reichstag nécessaire pour faire passer la loi d’habilitation.
Le lendemain, les nationaux-socialistes prennent d’assaut les administrations des États dans tout le pays. Des bannières à croix gammée sont accrochées aux bâtiments publics. Les hommes politiques de l’opposition s’enfuient pour sauver leur vie. Otto Wels, le leader social-démocrate, part pour la Suisse. Il en va de même pour Heinrich Held, ministre-président de Bavière. Des dizaines de milliers d’opposants politiques sont placés en Schutzhaft (« détention préventive »), une forme de détention dans laquelle un individu peut être détenu sans motif pour une durée indéterminée.
Hindenburg reste silencieux. Il ne demande pas à son nouveau chancelier de rendre compte des violents excès publics contre les communistes, les sociaux-démocrates et les juifs. Il n’a pas exercé les pouvoirs que lui confère l’article 53. Au lieu de cela, il signe un décret autorisant la bannière à croix gammée des nationaux-socialistes à flotter à côté des couleurs nationales. Il accède à la demande d’Hitler de créer un nouveau poste ministériel, celui de ministre de l’information et de la propagande, qui sera rapidement occupé par Joseph Goebbels. Goebbels écrit à propos de Hindenburg dans son journal : « Quelle chance pour nous tous de savoir que ce vieil homme imposant est avec nous, et quel changement de destin que nous avancions maintenant ensemble sur le même chemin ».
Une semaine plus tard, le soutien de Hindenburg à Hitler s’affiche au grand jour. Il apparaît en tenue militaire en compagnie de son chancelier, qui porte un costume sombre et un long manteau, lors d’une cérémonie à Potsdam. L’ancien maréchal et le caporal de Bohême se sont serré la main. Hitler s’incline en signe de déférence. Le « jour de Potsdam » marque la fin de tout espoir d’une solution au problème de la chancellerie hitlérienne par un recours présidentiel à l’article 53.
Ce même mardi 21 mars, un décret au titre de l’article 48 a été publié, amnistiant les nationaux-socialistes condamnés pour des crimes, y compris des meurtres, perpétrés « dans la bataille pour le renouveau national ». Les hommes condamnés pour trahison sont désormais des héros nationaux. Le premier camp de concentration est ouvert cet après-midi-là, dans une ancienne brasserie près du centre-ville d’Oranienburg, au nord de Berlin. Le lendemain, le premier groupe de détenus arrive dans un autre camp de concentration, dans une usine de munitions désaffectée à l’extérieur de la ville bavaroise de Dachau.
Des projets de loi excluant les Juifs des professions juridiques et médicales, ainsi que des fonctions gouvernementales, sont en cours, bien que la promesse d’Hitler de déporter massivement les 100 000 Ostjuden, immigrants juifs d’Europe de l’Est, s’avère plus compliquée. Nombre d’entre eux ont acquis la nationalité allemande et ont un emploi rémunéré. Alors que la peur de la déportation augmente, une ruée sur les banques locales provoque la panique dans d’autres banques et entreprises. Les comptes des déposants juifs sont gelés jusqu’à ce que, comme l’explique un fonctionnaire, « ils aient réglé leurs obligations avec des hommes d’affaires allemands ». Hermann Göring, désormais président du Reichstag nouvellement élu, tente de calmer le jeu en assurant aux citoyens juifs d’Allemagne qu’ils bénéficient de la même « protection de la loi pour leur personne et leurs biens » que tous les autres citoyens allemands. Il s’en prend ensuite à la communauté internationale : les étrangers ne doivent pas s’immiscer dans les affaires intérieures du pays. L’Allemagne fera de ses citoyens ce qu’elle jugera bon de faire.
 

Discours d’Adolf Hitler devant le Reichstag le 23 mars 1933, à l’Opéra Kroll. Ce jour-là, la majorité des députés votent l’élimination de presque toutes les restrictions constitutionnelles imposées au gouvernement d’Hitler. (Ullstein Bild / Getty)

Le jeudi 23 mars, les députés du Reichstag se réunissent à l’opéra Kroll, juste en face des ruines calcinées du Reichstag. Le lundi suivant, l’aigle traditionnel est enlevé et remplacé par un énorme aigle nazi, dramatiquement rétro-éclairé, les ailes déployées et une croix gammée dans les serres. Hitler, désormais vêtu d’un uniforme brun de membre des Sturmtruppen avec un brassard à croix gammée, est arrivé pour présenter son projet de loi d’habilitation, désormais officiellement intitulé « Loi pour remédier à la détresse du peuple et du Reich ». À 16 h 20, il monte sur le podium. Paraissant inhabituellement mal à l’aise, il brasse une liasse de feuillets avant de commencer à lire de façon hésitante un texte préparé à l’avance. Ce n’est que progressivement qu’il adopte son style rhétorique animé habituel. Il énumère les échecs de la République de Weimar, puis expose ses projets pour les quatre années de la loi d’habilitation qu’il propose, notamment le rétablissement de la dignité allemande et de la parité militaire avec l’étranger, ainsi que de la stabilité économique et sociale à l’intérieur du pays. « La trahison de notre nation et de notre peuple sera à l’avenir réprimée avec une barbarie impitoyable », promet Hitler.
Le Reichstag se retire pour délibérer sur l’acte. Lorsque les députés se réunissent à nouveau à 18 h 15 ce soir-là, la parole est donnée à Otto Wels, le dirigeant social-démocrate, qui est revenu de son exil suisse, malgré les craintes pour sa sécurité personnelle, pour défier Hitler en personne. Alors que Wels commence à parler, Hitler fait un geste pour se lever. Von Papen touche le poignet d’Hitler pour le retenir.
« En cette heure historique, nous, sociaux-démocrates allemands, nous engageons solennellement à respecter les principes d’humanité et de justice, de liberté et de socialisme », déclare Wels. Il reproche à Hitler d’avoir cherché à saper la République de Weimar et d’avoir semé la haine et la discorde. Indépendamment des maux qu’Hitler entendait infliger au pays, poursuit Wels, les valeurs démocratiques fondatrices de la république perdureront. « Aucune loi de pleins pouvoirs ne vous donne le pouvoir de détruire des idées qui sont éternelles et indestructibles », lance-t-il.
Hitler se lève. « Les belles théories que vous venez de proclamer, monsieur le député, sont des mots qui arrivent un peu trop tard dans l’histoire du monde », commence-t-il. Il rejette les allégations selon lesquelles il représenterait une quelconque menace pour le peuple allemand. Il rappelle à Wels que les sociaux-démocrates avaient eu 13 ans pour s’attaquer aux questions qui comptaient vraiment pour le peuple allemand : l’emploi, la stabilité, la dignité. « Où était cette bataille pendant que vous aviez le pouvoir en main ? » demande Hitler. Les députés nationaux-socialistes, ainsi que les observateurs dans les tribunes, applaudissent. Les autres députés restent immobiles. Plusieurs d’entre eux se lèvent pour manifester leurs préoccupations et de leurs positions sur la proposition de loi de pleins pouvoirs.
Les centristes, ainsi que les représentants du parti populaire bavarois, se déclarent prêts à voter oui malgré des réserves « qui, en temps normal, auraient difficilement pu être surmontées ». De même, Reinhold Maier, chef du parti d’État allemand, s’inquiète de ce qu’il adviendra de l’indépendance de la justice, des droits de la défense, de la liberté de la presse et de l’égalité des droits de tous les citoyens devant la loi, et dit avoir de « sérieuses réserves » quant à l’octroi à Hitler de pouvoirs dictatoriaux. Mais annonce ensuite que son parti votera lui aussi en faveur de la loi, ce qui suscite des rires dans l’assistance.
Peu avant 20 heures, le vote est terminé. Les 94 députés sociaux-démocrates présents votent contre la loi. (Parmi les sociaux-démocrates se trouvait l’ancien ministre de l’intérieur de la Prusse, Carl Severing, qui avait été arrêté plus tôt dans la journée alors qu’il s’apprêtait à entrer dans le Reichstag, mais qui fut temporairement libéré pour pouvoir voter). Les autres députés du Reichstag, 441 au total, votent en faveur de la nouvelle loi, donnant à Hitler une majorité des quatre cinquièmes, plus que suffisante pour que la loi d’habilitation entre en vigueur sans amendement ni restriction. Le lendemain matin, l’ambassadeur usaméricain Frederic Sackett envoie un télégramme au département d’État : « Sur la base de cette loi, le cabinet d’Hitler peut reconstruire l’ensemble du système gouvernemental en éliminant pratiquement toutes les contraintes constitutionnelles ».
Joseph Goebbels, qui était présent ce jour-là en tant que député national-socialiste au Reichstag, s’émerveillera plus tard que les nationaux-socialistes aient réussi à démanteler une république constitutionnelle fédérée entièrement par des moyens constitutionnels. Sept ans plus tôt, en 1926, après avoir été élu au Reichstag parmi les douze premiers députés nationaux-socialistes, Goebbels avait été frappé de la même manière : il fut surpris de découvrir que lui et ces 11 autres hommes (dont Hermann Göring et Hans Frank), assis sur une seule rangée à la périphérie d’une salle plénière dans leurs uniformes bruns avec des brassards à croix gammée, avaient - même en tant qu’ennemis autoproclamés de la République de Weimar - bénéficié de voyages en train gratuits en première classe et de repas subventionnés, ainsi que de la capacité de perturber, d’obstruer et de paralyser les structures et les processus démocratiques à leur guise. « La grande blague de la démocratie, observait-il, c’est qu’elle donne à ses ennemis mortels les moyens de sa propre destruction ».

10/01/2025

OTO HIGUITA
¿Utiliza Gustavo Petro excusas para no asistir a la posesión de Nicolás Maduro?


 Oto Higuita, 9-1-2025

El presidente de Colombia Gustavo Petro utiliza excusas, ante la falta de argumentos contundentes, para no asistir a la posesión de Nicolás Maduro, elegido presidente de Venezuela el 28 de julio pasado por una mayoría de forma democrática y transparente, en medio de un bloqueo económico y la amenaza de invasión criminal.


Así las cosas, el jefe de Estado colombiano vuelve y queda mal parado frente a la comunidad internacional, las organizaciones populares, los pueblos y gobiernos del mundo, que han expresado su solidaridad y apoyan a Venezuela bolivariana y su derecho a defender como un pueblo unido su soberanía, su independencia y la autonomía de sus propias decisiones en asuntos internos.   

Con esta nueva salida en falso, Petro deja ver la otra cara de la moneda de líder político vacilante, ambiguo y dispuesto a abandonar a sus compañeros de lucha antimperialista en los momentos más apremiantes de la batalla, precisamente quienes enfrentan a muerte a las oligarquías apátridas, las mismas que en Colombia lo amenazan con golpe de Estado a él para abortar el gobierno del cambio.

De manera extraña olvida que son otros los asuntos fundamentales, que movilizan a los pueblos latinoamericanos, tomando la bandera de quienes buscan la destrucción de uno de los proyectos políticos más esperanzadores del continente. La libertad, soberanía y justicia social fundada en el legado de Hugo Chávez. Asuntos que vendría bien recordar aquí.

¿Acaso no ha sido la lucha por ejercer la soberanía nacional plena, hacer realidad los derechos humanos fundamentales y garantizar la justicia social y la paz total, un objetivo político estratégico de la izquierda y el movimiento popular colombiano, en un país sometido a los intereses estadounidenses, con siete bases militares extranjeras?

Este ha sido de tiempo atrás el ABC de la izquierda consecuente, como también lo ha sido de Gustavo Petro, quien fue elegido por millones de ciudadanos que se movilizaron masivamente, como nunca antes, durante los últimos años, creando las condiciones para el gobierno del cambio. Sin el apoyo masivo de ese pueblo consciente, ningún cambio o reforma profunda y radical, por más pequeño que parezca, será posible.

Si Colombia como pueblo y nación unidos busca ser parte del nuevo orden internacional, a partir del derrumbe y cambio de paradigma del modelo neoliberal, sustentado en el neocolonialismo extractivista, modelo con el que han saqueado a las naciones más débiles económica y militarmente; no le queda otro camino que recuperar la senda de la soberanía nacional y la independencia plena, ya que éstas son fundamentales para avanzar en el proceso de reconfiguración del nuevo orden mundial en ciernes.

Si el gobierno de Petro busca ser un proyecto nacional democrático y popular, que dé solución real a millones de desamparados y violentados por el Estado de la oligarquía, en los últimos 70 años de lucha de clases y conflicto armado, no puede vacilar ni ser ambiguo y menos conciliar con el enemigo; su deber es ir al fondo de los problemas y enfrentarlos con el apoyo decidido del movimiento popular y las ciudadanías que tienen hoy mayor disposición para la lucha y apoyan dicho cambio. De lo contrario, será mayor el riesgo de ser derrocado por la oposición de extrema derecha, que aprovechando su debilidad buscará sacarlo del poder para volver a gobernar como ya se sabe, tal como amenaza la oposición golpista venezolana al gobierno legítimo de Nicolás Maduro.

¿Cuál ha sido la postura del gobierno de Petro respecto a la soberanía nacional y la independencia?

Sobre esto es que se debe discutir hoy. De la política de sometimiento del imperialismo estadounidense en Latinoamérica en particular, en un contexto de tensiones y disputas geoestratégicas entre potencias y nuevas alianzas económicas y militares.

Las cosas hoy, tras las guerras de Independencia del siglo XIX, cuando los criollos revolucionarios junto a masas de mestizos y esclavos dirigidos por Simón Bolívar le dieron la Independencia, soberanía y libertad a la América española; y a dos siglos del neocolonialismo que impuso a nuestras repúblicas de principiantes el hegemón del norte; son esperanzadoras para los pueblos, a pesar de las nuevas formas de sometimiento y saqueo de nuestras riquezas naturales.

Sin duda, una tarea impostergable de todo ciudadano consciente de Nuestra América, de todo demócrata y revolucionario, es encontrar de nuevo el camino a la Independencia y soberanía nacional definitiva, los cuales devienen en objetivos estratégicos para lograr el verdadero cambio. Y esta magna tarea política no se alcanza con un gobierno mudo ante el sometimiento y menos vacilante ante el verdadero enemigo histórico, el imperio decadente del norte, el enemigo no es el hermano pueblo Bolivariano.      

Hoy alcanza mayor vigencia y altura el americano universal y padre de la Libertad, José Martí, cuando afirmaba en Nuestra América, “es la hora del recuento”.

“Ya no podemos ser el pueblo de hojas, que vive en el aire, con la copa cargada de flor, restallando o zumbando, según la acaricie el capricho de la luz, o la tundan y talen las tempestades; ¡los árboles se han de poner en fila, para que no pase el gigante de las siete leguas! Es la hora del recuento, y de la marcha unida, y hemos de andar en cuadro apretado, como la plata en las raíces de los Andes.” 

Nuestra América no aguanta más traiciones, ni eufemismos a nombre de los Derechos Humanos, ni vacilaciones a la hora de defender como un solo bloque los intereses colectivos y comunes de la Patria Grande, contra el abuso, atropello y sometimiento histórico que ha ejercido el imperialismo norteamericano.

Los gobiernos progresistas de izquierda, bolivarianos, socialistas y fieles a la tradición de lucha por la independencia y la soberanía como Venezuela y Cuba no soportan más traiciones, como lo acaba de hacer Brasil con Venezuela al vetar su ingreso a los BRICS.

Las excusas que adujo Petro para no asistir manifiestan evidentes contradicciones y le hacen el juego a la extrema derecha, la oposición golpista y criminal venezolana, que busca juramentar al derrotado títere Edmundo Gonzáles fuera de Venezuela y crear un “gobierno provisional”.

Se contradice flagrantemente en sus términos el presidente Gustavo Petro cuando afirma que no puede haber elecciones libres en una nación sometida al bloqueo, como en el caso de Venezuela, y al mismo tiempo decir que no puede reconocer las elecciones que no fueron libres. Igualmente, sostiene que Colombia solicitó a Venezuela la “máxima” transparencia en las elecciones pasadas, concluyendo que éstas no fueron libres. Es igualmente contradictorio como jefe de Estado, pedir que liberen dos ciudadanos venezolanos defensores de Derechos Humanos que fueron capturados por las autoridades legítimas venezolanas, sin tener la información acerca de los motivos y no considerarlo una intromisión en los asuntos internos de la nación hermana.

Petro no puede permitirse jugar como Lula, quien traicionó al hermano pueblo venezolano, ni como Gabriel Boric, el presidente de Chile que pisoteó el legado digno e histórico del presidente y revolucionario Salvador Allende, asesinado por aquellos fascistas que hoy abraza en La Moneda.  

Nota: he sido un defensor del proyecto de cambio en Colombia, voté por Petro, seguiré defendiendo las decisiones políticas coherentes con los principios y la lucha antimperialista de los pueblos latinoamericanos, su independencia y soberanía. Lo que vaya en contra de estos principios y debilite esta lucha lo criticaré y me opondré siempre.


FABER CUERVO
El pillaje de los peajes en Colombia

Faber Cuervo, 9-1-2025

Algo huele a podrido en las carreteras de Colombia. No me refiero a los olores de algunas cloacas que encontramos cuando viajamos, sino al sinsabor que nos deja el abusivo cobro en las casetas de los peajes apenas distanciadas por escasos kilómetros. Pagué 11 peajes de Medellín a Cali, en diciembre de 2024, por valor de $139.800*; el recorrido fue de 430 kilómetros, lo cual nos da un peaje por cada 39 kilómetros. Es como pagar un peaje cada que viajemos una distancia un poco inferior de la que hay entre Medellín y La Ceja.

Los peajes de Supía e Irra están a 34 kilómetros de distancia, pero los siguientes, los de Guaico y Acapulco están apenas a 21 kilómetros, lo que equivale a ir de Medellín a alguna de las veredas del municipio de La Estrella. El peaje más costoso fue el de Pintada, $16.900, y el más económico fue el de Guaico, $6.700. Las carreteras que atraviesan los departamentos de Antioquia, Caldas, Risaralda y Valle del Cauca están en un excelente estado, hay buena señalización, fluye el tráfico vehicular con regularidad, excepto cuando se presentan accidentes.

Regresé a Medellín en los primeros días del 2025 con la expectativa de las alzas de los peajes autorizadas en un 2,78% por el gobierno nacional. Encontré que las alzas oscilaron entre $200 y $600, lo cual, en algunos cobros, superó por poco margen el aumento reglamentado, pero con gran diferencia en los cobros de otros departamentos que según las últimas noticias alcanzaron hasta el 50%. Sobre esta anomalía voy a proseguir este análisis.

 

El sistema de construcción de carreteras por concesiones a empresas privadas con peajes es otro hijo del neoliberalismo que nos regaló desde 1990 el expresidente Cesar Gaviria con el pomposo lema “Bienvenidos al futuro”. Sólo le faltó agregar, “al futuro de enriquecimiento obsceno de los sectores privados y empobrecimiento y despojo de la población trabajadora”. Consistió este sistema en entregar a privados la construcción, el mantenimiento y la operación de vías, mediante contratos que definieron la captación de recursos financieros a través de la instalación de peajes a lo largo y ancho del país. Vino un boom de ejecución de carreteras que requería el país, las que alguien tenía que hacer, ya fuera el Estado, ya fueran los privados, a través de alianzas público-privadas –APP-. Sin embargo, lo que se implementó de una manera asimétrica y dañosa fue el financiamiento de dichas obras. ¿Por qué?



Los gobiernos de Gaviria (1990-1994), Pastrana (1998-2002), Uribe (2002-2010), Santos (2010-2018) y Duque (2018-2022) implantaron el Estado corporativo, un sistema de gobernanza en el que la administración del sector público entra en simbiosis con el sector privado, es decir, se alían para ejecutar proyectos de desarrollo económico y social, en los que los privados terminan poniendo las condiciones de orden legal-jurídico y económico, hasta deciden los tribunales internacionales que dirimirán los conflictos entre las partes en caso de sucederse. En términos más precisos, en esa gobernanza empezaron a predominar los contratos leoninos, esto es, contratos en que todas las ganancias irían a uno de los socios (el león o el más fuerte, los privados) y las pérdidas para el sector público, en consecuencia, para la población trabajadora que tributa y espera en contraprestación el cumplimiento de los derechos fundamentales.

Aquellos contratos leoninos lograron que los concesionarios privados se lucraran con beneficios incalculables durante décadas cobrando peajes después de haber terminado las vías, sin asumir, en muchos casos, sus reparaciones porque el contrato estipulaba que era el Estado quien debía hacerlas. Son contratos tan espurios que ni siquiera aceptaban interventorías independientes que pudieran ejercer alguna vigilancia y control de la ejecución y operación de las carreteras. La Ruta del Sol (concesionada a la corrupta empresa Odebrecht) tuvo que ser prácticamente terminada por el Estado, porque pasaban los años, su lenta construcción, abandono y deterioro configuraban un riesgo en la conservación de la propia vía y en la seguridad de los usuarios. La vía al llano (Villavicencio), carretera que ya se ha pagado varias veces, concedió a su operador privado (Luis Carlos Sarmiento Angulo), la exoneración de los puntos críticos, por lo que es el Estado quien asume las contingencias. Se concedieron autorizaciones de incrementos exagerados en los peajes en diferentes tiempos, además de otras gabelas que rigen contractualmente, contra las que supuestamente el gobierno actual nada puede hacer.

Los peajes se convirtieron en alcancías de privados cuyos depósitos nadie conoce en sus cuantías excepto los recaudadores particulares. Son pozos sin fondo donde cae dinero todos los días del año. Sea invierno, sea verano, sea día, sea noche, sea auto, camión, bus, sean conductores de la zona de influencia o no lo sean, tenemos que pagarles a unas empresas cuasi fantasmas el “libre tránsito” por nuestros propios caminos. Lluvia incesante de dinero dentro de esos peajes las 24 horas y 365 días del año. Cuánto flujo de caja, cuánta fortuna al bolsillo de los concesionarios privados que ya construyeron la carretera y siguen cobrando el peaje (ya vencido) dizque para mantenimiento. Son billones y billones los que captan estas alcabalas sin control, con patente de corso para coleccionar billetes de todas las denominaciones. ¿Cuántas veces los contribuyentes pagamos las vías, cuyas concesiones obtienen peajes por décadas? Vías que en muchos casos no fueron hechas con los materiales adecuados, las mezclas apropiadas, las características técnicas normatizadas, sin interventorías independientes, ni ningún organismo de vigilancia y control.


Los peajes privatizaron las carreteras. Nuestras vías nacionales tienen dueños: Corficolombiana S.A., Olarte y compañía, Sarmiento Angulo y compañía, los testaferros de Odebrecht, Concesión Pacifico, Concesión La Pintada, y otros. Según información oficial, 119 peajes están concesionados a empresas privadas y son administrados por la Agencia Nacional de Infraestructura –ANI-. Mientras que el Instituto Nacional de Vías (Invias) administra los otros 31 peajes. Colombia es el país con mayor número de peajes en América Latina. Brasil es el segundo a pesar de que el territorio de Colombia cabe 6 veces en ese país y su red de carreteras es de menor cobertura. La red de carreteras de Brasil está formada por 1.563.000 kilómetros, de los cuales 213.500 kilómetros están pavimentados. Colombia cuenta con 206.102 kilómetros, de los cuales 16.983 corresponden a la red primaria. No hay otro país del mundo que presente un sistema de concesiones a privados con las características contractuales vigentes en Colombia.

Los peajes con cobros caros impactan la economía nacional. Inciden finalmente en la tasa de inflación de muchos productos de consumo esencial. Quitan recursos a las pequeñas y medianas empresas, a las familias, a los jóvenes que salen a conocer y disfrutar el territorio. Los peajes son alcabalas que se chupan inmensos capitales generados en la cadena productiva de la industria, los sectores agrícola, artesanal y cultural, en la distribución y comercialización de bienes y servicios. Los peajes encarecen los fletes de los alimentos, los despachos de mercancías, el precio final de toda clase de producción. Los incrementos en los cobros de los peajes no ayudan a la reactivación de la economía. Junto con las altas tarifas de los servicios públicos, de otros impuestos y tributos, terminan distorsionando drásticamente la economía en su conjunto, lo cual va contra las fluidas dinámicas del consumo y los comportamientos en la oferta y la demanda.

Muchos países acuden a otros sistemas para construir, mantener y operar las carreteras. Hay países como Suiza y Austria que no tienen peajes. Suiza cobra a sus conductores 40 francos suizos (190.000 pesos colombianos) por usar durante un año todas las vías y autopistas del país. Ese valor opera como un impuesto de rodamiento en todo el territorio. En Colombia, el municipio donde habitamos nos cobra un impuesto de rodamiento que no aplica para circular en la totalidad del departamento o país. Los vehículos deben pagar impuestos, Seguro Obligatorio de Accidentes de Tránsito –SOAT-, seguro del carro por siniestro, certificados tecno mecánicos; sin embargo, el uso del vehículo es restringido, ni siquiera, en algunas ocasiones, se puede transitar en el municipio por las políticas de pico y placa, también es castigado con los cobros de parqueo y los peajes.
 
La improvisada apertura económica de Gaviria abrió la puerta a las privatizaciones no sólo de las carreteras nacionales, sino de los recursos destinados a la salud-educación-vivienda-pensiones-medio ambiente-cultura; también a la venta de empresas públicas estratégicas, a la monopolización en la tenencia de la tierra. El espíritu neoliberalizante (todo para los más ricos) se expandió a todos los sectores públicos, ninguno escapó; los derechos fundamentales consagrados en la Constitución Política de 1991quedaron enredados y aplazados en esa telaraña de saqueo de lo público a favor de los privados y clase política gansteril. La privatización generalizada parió una corrupción estructural. El neoliberalismo privatizador coexiste con la corrupción, necesita de ella, no puede prosperar sin violar los derechos humanos fundamentales y las leyes de la República. La llegada de las teorías neoclásicas puristas (apóstatas de las variables sociales), la teoría del equilibrio general de León Walras, las doctrinas plutocráticas de von Mises, von Hayek y Milton Friedman a las facultades de economía de las universidades colombianas le puso un velo de academia, honorabilidad e inocencia al saqueo neoliberal.

Uno de los grandes desafíos que tiene la sociedad colombiana es sacudirse de la corrupción estructural y la violencia económica institucional que originan desigualdad y violencia. La corrupción está blindada con contratos, documentos, acuerdos corporativos, seguridad jurídica, tal como lo demuestra la oronda supremacía de los peajes. ¿Qué puede hacer el gobierno nacional? ¿Qué puede hacer la sociedad civil? El expresidente Santos vendió Isagén, la tercera generadora de energía en Colombia, dizque para financiar vías 4G y todavía se siguen pagando con peajes. O sea, no sólo se renunció a un activo y patrimonio público importante, sino que se entregó a manos llenas el esfuerzo productivo de los conductores.  ¿Cuántas veces se han pagado esas vías?  

Algo se tiene que hacer para detener esa sangría humillante. Un proyecto vía Congreso para derogar esos contratos leoninos. La elaboración de demandas jurídicas por incurrir en nulidad dada su abierta violación a los más elementales principios de equidad.  Acciones desde la movilización social para obtener la invalidación de dichos contratos y la eliminación de las casetas-peajes. Priorizar la construcción de una red de ferrocarriles de carga y pasajeros, el medio de transporte más económico y eficiente. Un cambio en Colombia también tiene que ver con el desmonte de esas rémoras y aberraciones en la contratación pública. La violencia económica institucional es lo que más agobia a los colombianos. Los peajes, el 4 x 1.000, los impagables servicios públicos, los onerosos prediales, los elevados impuestos de industria y comercio, el innecesario impuesto de cámara de comercio, los altos costos notariales, los costosos medicamentos, las fotomultas, el impoconsumo, entre otros. No resistimos tantos tributos, tanto saqueo, tanta esclavitud, tanto pillaje en los peajes.

NdE
*10.000 $COP (pesos colombianos) = 2,24€, 2,31 USD, 3,33 CAD, 236 руб RUB, 16,93 ¥ CNY, 198
INR, 14 R$ BRL



09/01/2025

LUIS CASADO
¿Quién es el que manda aquí, Ah?

Luis Casado, 9-1-2025

Sociólogos, opinólogos, enólogos, teólogos, ufólogos, proctólogos, urólogos, etólogos, zoólogos, todólogos y un ceremíl de expertos diversos y variados se devanan la cavidad craneal (no está claro que tengan un cerebro) intentando explicarnos a) lo que hará Donald, b) porqué lo hará, c) con qué objetivos, d) cuales son las razones que aconsejan hacerse el weón, mirar p'al lao, repetir: no se oye padre, o bien: más vale esto que estar muerto, el mundo es de los vivos...


Lo cierto es que una epidemia de diarrea disentérica recorre Europa – como antaño un fantasma, con la diferencia que todas las fuerzas de la vieja Europa no se han unido en santa cruzada para acosar a la causa de la diarrea disentérica: ni el Papa que no cuenta, ni el zar que ya no existe, ni canciller austriaco Karl Nehammer que dimitió, ni Macron a quién le faltan dos, ni los socialdemócratas franceses ni los polizontes alemanes incluida la muy autoritaria Ursula van der Leyen – y todo dios calla, se viste color muralla, se hace chiquito, intenta pasar piola y evita hacer como hicieron cuando la COVID: comprar vacunas o en su defecto la más mínima molécula de loperamida (Imodium) o de subsalicilato de bismuto (Pepto-Bismol, Kaopectate).
Hacerse el peras cocidas es un recurso tan evidente, que ante las patochadas de Elon Musk el diario parisino Le Figaro apenas osa titular en primera página:
El activismo diplomático de Musk desestabiliza a los europeos (sic)
Le Figaro llama “activismo diplomático” lo que en buen romance es cagarse en la Unión Europea, comenzando por sus mediocres autoridades designadas a dedo gracias al insigne método de tin marín de do pingué cúcara títere mácara fue, para no hablar de cancilleres, primeros ministros, presidentes, reyezuelos y otros jefes de Estado que bien bailan.
No exagero: Le Figaro, refiriéndose a Elon Musk, precisa en su portada:
Cercano a Trump, de cuya Administración debe hacer parte, el millonario multiplica las injerencias en Europa (resic)
Bueh... la verdad es que Musk le señala a quién quiera oírle que en Alemania debe gobernar la ultraderecha neonazi de Alternative für Deutschland (AfD), acusa al primer ministro británico Keir Starmer de ser “cómplice de redes criminales pedófilas” y amenaza con las penas del infierno a la Unión Europea que considera la eventual posibilidad de definir reglas aplicables a las redes sociales de su propiedad.

El silencio acojonado de las autoridades europeas, y sus muy tenues reacciones públicas que evitan nombrar a nadie, llevó al conocido demógrafo e intelectual Emmanuel Todd a llamar las cosas por su nombre:
Musk, es el tipo que dice todo el desprecio que tienen los yanquis por nuestro servilismo
Lo esencial de la prensa, la radio y la TV de la Unión Europea – en manos de oligarcas multimillonarios y hundidas en el cenagal de la propaganda neoliberal y promercado – no informa: manipula. Durante el proceso electoral yanqui apoyó en modo descarado al senil Joe Biden a tal punto que tres días antes del voto, en Radio France Info un “periodista” acusó a Donald Trump de ser un esbirro de la mafia rusa (sic) y de hacer sus negocios inmobiliarios en New York con dicha mafia.
Puede que haya sido la razón por la que Macron – siempre en avance cuando se trata de demostrar su inconstancia, su volubilidad, su cobardía y su oportunismo – fue el primer jefe de Estado en felicitar a Trump, en lo que la prensa yanqui calificó públicamente de actitud “lameculos”.
Para encontrar algún artículo de prensa que exponga el modo en que el neofascismo avanza en la Unión Europea tienes que leer Reporter, una publicación del diminuto Estado de Luxemburgo (672 mil habitantes...). Allí, el periodista Robert Schmidt constata:
Concierto por el cumpleaños de Hitler, festival neonazi, concentraciones de grupúsculos de extrema-derecha… a los skinheads, neonazis y otros extremistas de derecha les gusta juntarse en Alsacia o en Lorena” (provincias francesas, fronterizas con Alemania).
Cuando Trump amenaza con la imposición de aranceles a los productos europeos, la diarrea disentérica deviene viral y las autoridades de la UE se acercan a la septicemia y al choque séptico.
Si a eso Donald le agrega que Canadá, Groenlandia, el Canal de Panamá y lo que le salga de los bajos deben ser parte de EEUU... Macron, Scholz y sus pares caen brutalmente en los síntomas de las crisis de pánico: sudores, palpitaciones, ahogos, dolores pectorales, náuseas y picores.
Lo que precede dista mucho de parecerse a la reacción de Bruno Le Maire, entonces ministro de Finanzas galo, cuando Rusia atacó en Donesk y Lugansk para defender a la población rusa de las agresiones neonazis de Zelensky.
En esa ocasión Bruno Le Maire, y todo el gobierno francés, se plegaron servilmente a las órdenes del Pentágono y de Washington y le aplicaron todo tipo de sanciones económicas a Rusia. Bruno Le Maire vino a la TV a declarar: “Rusia no resistirá, y en una semana estará de rodillas”.
La Unión Europea que arrojó y aún arroja cientos de miles de millones de euros en “ayuda militar” a los neonazis de Kiev, conminada ahora por Donald Trump a aumentar sus gastos militares hasta alcanzar el 5% de su PIB... calla y obedece. Probando así que la Unión Europea no es sino un Protectorado yanqui en el viejo continente.
Mi pana Julio César – una lumbrera – descubrió un error fatal en el razonamiento de Trump: 

Ché Luisito – me escribió – Donald no puede hacer de Canadá el quincuagésimo primer Estado de la Unión, sino el quincuagésimo segundo...  visto que el quincuagésimo primero es la Unión Europea...

 Ave (Julius) Caesar, morituri te salutant