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19/09/2022

LUIS CASADO
La misma jeringa con distinto bitoque

, 18-9-2022

Es sabido, la historia se repite, como decía Karl, primero como tragedia, luego como comedia. Ignorantes de la Historia, no nos damos cuenta que lo de hoy es una payasada...

De Alexis de Tocqueville suele ignorarse muy frecuentemente un libro que nos toca de cerca –“El Antiguo Régimen y la Revolución”– razón que justifica esta parida. Una vez más le debo el hallazgo a Armando, lector pertinaz de obras inteligentes.

El conde de Tocqueville (1805 – 1859) tenía buenas costumbres que se han ido perdiendo entre los intelectuales contemporáneos hasta desaparecer casi del todo. Entre ellas se cuenta una que su condición de noble hubiese debido ahorrarle: el trabajo.

La monarquía francesa conoció numerosos episodios que hoy llamaríamos crisis económicas, políticas, institucionales, religiosas, etc., acompañadas de hambrunas y revueltas. Tales crisis eran resueltas gracias a modernas técnicas que consistieron mayormente en masacrar a los hambrientos y a los revoltosos. No obstante, cuando Su Majestad estaba de buen humor se le podía convencer de usar recursos que aun hoy pasan por habilidosos:

“Eso se ve muy bien en la Memoria que Turgot le dirigió al Rey en 1775, en la que le aconsejaba, entre otras cosas, hacer elegir libremente por toda la nación y reunir cada año alrededor de su persona, durante seis semanas, una asamblea representativa, pero sin acordarle ningún poder efectivo. Ella se ocuparía de administración y jamás de gobernar, tendría más bien opiniones que dar que voluntades que expresar, y, a decir verdad, solo se encargaría de discurrir sobre las leyes sin legislar. ‘De esta manera el poder Real se vería ilustrado sin ser molestado’, decía Turgot, y la opinión pública sería satisfecha sin peligro.” (Alexis de Tocqueville. El antiguo Régimen y la Revolución. 1856).

Cualquier parecido con recientes acontecimientos de la vida real no es pura coincidencia. Pero hay más, más sofisticado y de una eficacia insuperable: hacer participar al pueblo, directamente, en el diagnóstico de los males y en la búsqueda de los remedios.

Se le atribuye al Rey Philippe le Bel la paternidad del invento allá por el año 1302. La pillería es conocida como “Les cahiers des doléances” lo que en buen romance quiere decir “Cuadernos de quejas”. El Rey ordenaba que en cada ciudad, pueblito o aldea, se instalase un escribano para tomar nota de lo que libremente cada súbdito –noble, clérigo o pringao– tuviese a bien llevar a conocimiento de Su Majestad. En la época de la Revolución Francesa la población era del orden de 25 millones de almas y los municipios ya se contaban en decenas de miles. De modo que al terminar la colecta de todas las quejas de todos los quejicas, los archivos se enriquecían con centenares de miles de páginas manuscritas que era urgente olvidar apenas archivadas. Tocqueville se dio el trabajo de leer todos los Cuadernos de quejas que ordenó colectar Louis XVI, y llegó a una conclusión sorprendente, mira ver:

“Leí atentamente los cuadernos que llenaron los tres órdenes antes de reunirse en 1789; digo los tres órdenes, los de la nobleza y el clero así como el tercer estado. Veo que aquí piden el cambio de una ley, acá de una costumbre, y tomo nota. Continué así hasta terminar este inmenso trabajo, y, cuando llegué a reunir el conjunto de todos esos anhelos particulares, me di cuenta con una suerte de terror que lo que reclaman es la abolición simultánea y sistemática de todas las leyes y de todas las costumbres en vigor en el país.” (A. de Tocqueville. Op. cit.)

Lo que precede es lo que más tarde Karl Marx llamaría “radicalidad”, en el sentido de no irse por las ramas y apuntar directamente a las raíces de las cuestiones planteadas.

Comparadas con los Cuadernos de quejas de 1789 las reivindicaciones contemporáneas en Chile, en Francia o en Liliput, son meado de gato.

En 1789 los privilegiados intentaron hacer lo mismo que había hecho Philippe le Bel en 1302: pasarse las quejas por las amígdalas del sur. El resultado lo conoces: la Revolución Francesa, el fin de la monarquía, el fin de la nobleza, la nacionalización de los bienes de la Iglesia, la instauración de la República, los Derechos del Hombre y el Ciudadano, la Abolición de la esclavitud, el Sufragio universal y dos o tres detallitos más de los que la Humanidad se enorgullece hasta ahora.

Tocqueville no es muy complaciente cuando se trata de juzgar a quienes fueron incapaces de ver lo que venía. Refiriéndose a los poderosos de la época escribe:

“Muchos eran sin embargo muy hábiles en su oficio; dominaban a fondo todos los detalles de la administración pública de su época; pero en cuanto a esta gran ciencia del gobierno, que enseña a comprender el movimiento general de la sociedad, a juzgar lo que ocurre en el espíritu de las masas y a prever lo que resultará de ello, eran tan principiantes como el propio pueblo.” (A. de Tocqueville. Op. cit.)

Cualquier parecido con recientes acontecimientos de la vida real no es pura coincidencia, ya se dijo.

Para describir lo que vivimos hoy, en francés recurrimos a un modismo: “Du pareil au même”. Mi abuelo materno, luchador social de toda una vida, lo decía en su jerga de practicante: “Es la misma jeringa con distinto bitoque”.

18/09/2022

URI MISGAV
1982 : la folle tentative du Mossad de changer le visage du Liban
Les dessous du massacre de Sabra et Chatila : une version israélienne

Uri Misgav, Haaretz, 15/9/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala




L'agent du Mossad qui dormait avec un pistolet. Des repas délirants avec Ariel Sharon à Beyrouth. L'orchestre qui jouait “Hava Nagila” pour les espions. À la recherche d’une Rolex dans les ruines.

 Quarante ans après l'assassinat de Bachir Gemayel et les massacres dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila, d'anciens responsables israéliens révèlent le château de cartes qu'Israël a construit au Liban et comment il s'est effondré.

 Sharon et Gemayel gauche, le secrétaire militaire de Sharon, Oded Shamir). Je ne serai pas votre "Armée du Liban Nord", dira Gemayel à Sharon, en colère. Photo : Collection Oded Shamir

Bachir Gemayel se réveille relativement tard le 14 septembre 1982. Il était resté debout jusqu'aux petites heures de la nuit pour rédiger et répéter son discours pour sa prestation de serment présidentielle, qui devait avoir lieu huit jours plus tard. Trois semaines plus tôt, il avait atteint - avec l'aide rapprochée d'Israël - un objectif qui avait été considéré jusqu’à récemment comme fantaisiste, en étant élu, à l'âge de 34 ans, président du Liban multinational et fragmenté.

Un programme chargé était prévu pour lui à Beyrouth ce jour-là, comprenant des entretiens téléphoniques avec les commandants de l'armée libanaise, une visite au couvent maronite où sa sœur bien-aimée, Arza, était nonne et, pour couronner le tout, un discours devant ses partisans au siège du parti Kataeb (Phalanges) dans le quartier d'Achrafieh.

Pendant sa course à la présidence, Gemayel avait pris l'habitude de se présenter à cette occasion politique tous les mardis à 15 heures et, après son élection, il avait décidé de poursuivre la tradition au moins une fois par mois. Naturellement, cela a permis à ses ennemis - à ce stade, avant tout les services de sécurité et de renseignement syriens - de le suivre plus facilement. En fait, après que Gemayel a été élu président, sa vigilance et sa sensibilité à l'égard de sa sécurité personnelle se sont relâchées. Il a commencé à laisser échapper ses gardes du corps de temps en temps et, ce matin-là, il s'est emporté contre un conseiller qui tentait de le mettre en garde à ce sujet. 

Jusque-là, il avait été prudent, et à juste titre. La culture politique au Liban était marquée par une folie meurtrière rampante, non seulement entre les différents groupes ethniques, mais aussi entre les familles et les factions d'un même groupe de population. La première fois que je suis venu à Beyrouth, raconte Avner Azoulay, nommé en 1981 chef du département en charge du Liban au sein de Tevel, la division des relations extérieures du Mossad, j'ai demandé à mon accompagnateur local : "Qu'est-ce qui est bon marché ici ?" Il m'a jeté un regard perçant et m'a répondu : "La vie humaine. C'est ce qui est le moins cher."

Tout au long de sa carrière politique, Gemayel a pris une part active à la violence et aux meurtres. Entre autres événements, dans le cadre des luttes sanglantes pour le contrôle de la communauté chrétienne, Antoine "Tony" Frangieh, le fils d'un ancien président libanais issu d'un hamoula (clan) concurrent, avait été assassiné sur ses ordres, ainsi que sa femme, son fils et d'autres membres de son entourage. Gemayel lui-même avait été la cible d'une tentative d'assassinat, à laquelle il n'avait échappé que parce qu'il avait eu le mal de mer sur un bateau lance-missiles où il tenait l'une de ses nombreuses réunions avec des responsables du gouvernement et des militaires israéliens. Comme il se sentait mal le lendemain matin, il n'a pas emmené sa fille Maya chez sa grand-mère comme prévu.

Ainsi, lorsque la bombe fixée à sa voiture a explosé, Gemayel n'a pas été blessé, mais Maya et le garde du corps personnel de son père, qui l'escortait, ont été tués. Après les funérailles, il a ordonné à ses aides furieux d'attendre le moment opportun pour se venger.

Azoulay, qui était en contact étroit avec Gemayel, l'a imploré après son élection, sur la directive de ses supérieurs, d'accepter l'aide d'une unité du service de sécurité du Shin Bet. "Il ne voulait pas en entendre parler", dit Azoulay. "Il m'a dit : 'Est-ce que cela vous semble raisonnable que le président élu d'un pays arabe se promène avec des gardes du corps israéliens ? Qu'est-ce que vous ne comprenez pas ? J'ai essayé de réfléchir à des idées alternatives. J'ai suggéré de choisir des gars aux cheveux blonds et aux yeux bleus et de dire qu'il s'agissait de techniciens venus d'Europe, pour que personne ne le sache. "En aucun cas", a-t-il dit. Cela n'aurait pas forcément aidé. Je crois que si nous lui avions adjoint des gardes du corps, ils auraient été assassinés en même temps que lui."

Le chef d'état-major Rafael Eitan avec Gemayel, de profil à gauche. Raful appelait le Libanais "mon frère". Crédit : Collection Avner Azoulay

Après le discours au siège du parti, Gemayel devait rencontrer les membres de la sous- commission des renseignements de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, qui se trouvaient à Beyrouth pour se faire une idée de la situation. Le mois précédent, les forces de l'Organisation de libération de la Palestine, dirigée par Yasser Arafat, avaient quitté la ville en vertu d'un accord négocié par les USAméricains. Le soir, le président élu avait l'intention de dîner dans le luxueux restaurant Bustan, en compagnie de son ami Ehud Yaari, à l'époque analyste des affaires arabes à la télévision israélienne. Ce dîner n'a jamais eu lieu. 

AVIGDOR FELDMAN
Je pensais avoir mis un terme à la torture par le Shin Bet. Je m’étais trompé

Avigdor Feldman, Haaretz, 16/9/2022

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Avigdor Feldman (Tel Aviv, 1948), est un avocat spécialisé dans les droits et humains en Israël. Il est le fondateur de l'Association pour les droits civils en Israël (ACRI) ainsi qu'un membre fondateur de B'Tselem. Il a notamment défendu Mordechai Vanunu. https://www.facebook.com/avigdor.feldman

 

Pendant des années, j'étais fier que mes collègues juristes et moi-même ayons réussi à éliminer la possibilité d'obtenir des aveux par la torture. Mais il s'avère que nous nous étions trompés.


Entre 23 h 53 le 17 décembre 2015 et 6 h 50 le 18 décembre 2015, il a été fait usage pendant des “périodes fixes et brèves” de moyens dits spéciaux, appliqués avec une précision scientifique, sur le corps d'Amiram Ben-Uliel. Ben-Uliel avait été reconnu coupable en mai 2020 de trois chefs d'accusation de meurtre et de deux chefs d'accusation de tentative de meurtre dans l'attaque de 2015 contre la famille Dawabsheh alors qu'elle dormait chez elle dans le village de Douma, en Cisjordanie.

 

En tant que l'un des avocats dans l'appel soumis par Ben-Uliel, qui a été rejeté au début du mois par la Cour suprême, il m'est interdit de décrire les moyens spéciaux réels. Les instructions d'utilisation desdits moyens apparaissent sur une page imprimée, définissant des termes qui n'ont pas besoin d'être définis - le tout dans un langage laconique, concis et bureaucratique qui ne tolère aucune ironie ou ambivalence, évitant la conscience de soi comme la peste.

 

À en juger par la formulation du texte et sa cadence, le mode d'emploi a été rédigé par une intelligence artificielle pas très sophistiquée, qui a été formée à la lecture du mode d'emploi d'un vieil aspirateur et qui, sur commande, présente des directives précises pour appliquer la douleur sans se sentir coupable.

 

On m'a interdit de copier le mode d'emploi, ou de le garder dans mon bureau pour y jeter un coup d'œil chaque fois que je commençais à penser que j'avais rêvé ce que j'avais vu et que je doutais de l'existence d'un tel morceau de papier, portant le sceau officiel du tribunal du district central avec "P/1" noté à la main dans son coin droit (ce qui signifie pièce à conviction n° 1). Je voulais revenir à P/1 pour m'assurer qu'il était bien réel et non le fruit de l'imagination débridée de quelqu'un qui a lu trop de livres sur les juges de régimes aberrants.

 

Pour pouvoir relire P/1, on m'a conduit dans une pièce sans fenêtre dans les bureaux du parquet du district. Un avocat affable, qui n'avait probablement jamais regardé la pièce en question, avait reçu l'ordre de s'assurer que l'avocat de la défense ne copierait pas, ne photographierait pas, ne plierait pas P/1, ne le déchirerait pas en morceaux et ne le mettrait pas dans sa bouche pour le mâcher et l'avaler.

 

Chacun des moyens spéciaux mentionnés ci-dessus est une surprise totale pour l'internaute et le lecteur. Tous les moyens de ce type qui ont été rassemblés - sans doute par une équipe d'experts comprenant des enquêteurs chevronnés, des physiologues et des médecins qui s'occupent de l'esprit et du corps - existaient, jusqu'à la récente décision, loin de la main de l'autorité, loin du poing ou de la paume ouverte qui s'abat sur l'interrogé. Loin des protections que l'on considère comme allant de soi et qui font partie de l'agenda existentiel de toute personne vivant dans un État démocratique et juif.

 

Nous nous sommes habitués à penser que le corps humain et le royaume de la douleur qui y réside échappent au contrôle des autorités. Aujourd'hui, la Cour suprême a fixé la limite de cette protection jusqu'à 36 heures après la mise en œuvre des moyens de douleur. En d'autres termes, la Cour a décidé qu'un aveu fait 36 heures ou plus après la mise en œuvre du moyen de douleur est fait librement et est donc recevable pour être utilisé contre un inculpé. 

 

Trente-six heures suffisent pour faire tomber dans l'oubli et effacer tout souvenir du moyen, et le libre arbitre envahit alors la chair frémissante. Amiram s'est levé et a déclaré : « Je suis ici un homme libre, mon statut d'être humain qui m'a été enlevé par la force, par une main serrée en poing, m'a été rendu ». 

 

En 1999, la Cour suprême, siégeant en formation élargie, a statué que lors de l'interrogatoire d'un suspect terroriste, le service de sécurité Shin Bet n'est pas autorisé à utiliser des moyens de pression physique extrême. À cette époque, les moyens dits spéciaux sont sortis de leur boîte et la Haute Cour a interdit diverses méthodes de torture telles que le “secouage” (impliquant une violence dirigée vers la partie supérieure du corps de telle sorte que le cerveau heurte le crâne) ; la technique du “shabah” [prisonnier en hébreu, NdT] (nommée d'après son utilisation sur les Palestiniens entrés illégalement en Israël et comprenant la flexion douloureuse du dos de la personne, l'utilisation d'une musique assourdissante, etc.) et ce qu’ils appellent « l’accroupissement de grenouille ».

 

Ces méthodes constituent-elles les moyens spéciaux mis en œuvre dans le cas de Ben-Uliel ? Je ne suis pas en mesure de le confirmer ou de l'infirmer. Ce qui a été publié en 1999 est aujourd'hui un secret d'Etat, gardé encore plus rigoureusement que les secrets nucléaires d'Israël et les activités de l'Institut de recherche biologique. À l'époque, je représentais, avec mes collègues, les pétitionnaires contre la torture. Parfois, lorsque je me suis lassé de la profession que je m'étais imposée, je me suis souvenu de ce jugement et je me suis dit : Ils ne peuvent pas m'enlever l'abolition de l'accroupissement de la grenouille.

 

Bien, c'est ce que j'ai dit.

 

À une époque où la frontière entre l'imagination et la réalité s'estompe, la question s'est posée de savoir si un jugement a effectivement été rendu pour annuler l'utilisation de ces méthodes d'interrogatoire. Quiconque parcourt le site ouèbe bien conçu du Shin Bet en langue anglaise découvrira, à sa grande surprise, ce qui suit dans la section “Patrimoine” : « À la suite de l'affaire Nafsu [où des moyens de torture excessifs ont été utilisés pour extorquer des aveux à un officier de renseignement de l'armée, en 1980], le gouvernement israélien a nommé une commission d'enquête chargée d'examiner les méthodes et procédures d'interrogatoire de l'AIS [Agence israélienne de sécurité, Shin Bet]. Moshe Landau, un juge de la Cour suprême à la retraite, a été nommé président de la commission d'enquête. La commission a publié ses conclusions en octobre 1987, et a précisé qu'il était interdit d'utiliser une pression physique inacceptable lors des interrogatoires, sauf dans des cas extraordinaires où l'utilisation d'une pression physique modérée était autorisée, et seulement avec une permission spéciale. La commission a établi des règlements et des procédures pour la supervision des méthodes d'interrogatoire de l’AIS. Depuis lors, la supervision des interrogatoires a été renforcée, et les principes concernant les méthodes autorisées et interdites ont été inculqués aux interrogateurs ».

 

Les mensonges fusent. Les moyens de contrôle n'ont pas été augmentés, les recommandations douteuses de la commission Landau ont été annulées par la Cour suprême, et les pressions physiques modérées ne sont soumises à aucune autorisation spéciale. Entretemps, la disposition de l'article 277 du code pénal prévoyant une peine de trois ans d'emprisonnement pour un fonctionnaire qui extorque des aveux par la violence, n'a pas été effacée des livres de loi.

 

Ce n'est pas si terrible, disent les juges, pas de chocs électriques, pas d'arrachage d'ongles, pas de waterboarding [simulacre de noyade] à la Guantanamo, il ne s'agit que de s'accroupir, de se courber et d’encaisser des décibels - pourquoi en faire tout un plat ?

Jean Améry, lui, en fait tout un plat dans son livre Par-delà le crime et le châtiment, Essai pour surmonter l'insurmontable  : « Quand on parle de torture, il faut se garder d'exagérer. Ce qui m'a été infligé (...) n'était de loin pas la pire forme de torture (...) Et pourtant, 22 ans après qu'elle s’est produite (...) j'ose affirmer que la torture est l'événement le plus horrible qu'un être humain puisse garder en lui (...) Au premier coup, [la] confiance dans le monde s'effondre.

L'autre personne, en face de laquelle j'existe physiquement dans le monde, et avec laquelle je peux exister tant qu'elle ne touche pas la surface de ma peau comme frontière, m'impose sa propre corporéité au premier coup. Il est sur moi et me détruit ainsi. C'est comme un viol, un acte sexuel sans le consentement de l'un des deux partenaires ».

 

Les tribunaux israéliens ne donnent que 36 heures à la douleur du détenu pour se dissiper. Pendant 30 ans, Jean Améry n'a pas réussi à effacer le souvenir de la torture “légère” qu'il a subie - jusqu'à ce qu'elle prenne le dessus et qu'il mette fin à ses jours.