11/06/2025

TAREQ HAJJAJ/FARIS GIACAMAN
Comment la police et la société civile de Gaza combattent les gangs armés par Israël pour piller l’aide et prendre au piège la population
Enquête de terrain

Netanyahou admet qu’Israël arme des gangs et des membres de clans tribaux à Gaza pour contrer l’influence du Hamas, et de nouvelles preuves montrent qu’Israël les utilise pour piller l’aide et mettre en œuvre son plan de déplacement de la population. En réponse, le gouvernement du Hamas a mis en place l’Unité Flèche [Wahdat Sahm سهم وحدة].


Faris Giacaman est le directeur éditorial du site ouèbe Mondoweiss pour la Palestine.

Tareq S. Hajjaj est le correspondant de Mondoweiss à Gaza et membre de l’Union des écrivains palestiniens. @Tareqshajjaj.

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 


Des policiers palestiniens du Hamas commencent à travailler au maintien de la sécurité et de l’ordre pendant le cessez-le-feu avec Israël, dans la ville de Gaza, le 20 janvier 2025. (Photo : Hadi Daoud/APA Images)

L’armée israélienne arme des gangs pour combattre le Hamas à Gaza, a confirmé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. Cette révélation intervient après qu’un député israélien de droite, Avigdor Lieberman, a accusé hier, sur la chaîne publique israélienne Kan, Netanyahou d’armer un gang de centaines d’hommes à Rafah pour faire contrepoids à l’influence du Hamas dans la bande de Gaza. Le bureau du Premier ministre a répondu en déclarant qu’il combattait le groupe de résistance palestinien « de diverses manières, sur la recommandation de tous les chefs des services de sécurité ».

Plus tard, Netanyahou a officiellement confirmé les informations dans une vidéo : «  Sur les conseils des responsables de la sécurité, nous avons activé les clans de Gaza qui s’opposent au Hamas », a déclaré le Premier ministre israélien. « Qu’y a-t-il de mal à cela ? Cela ne fait que sauver la vie de soldats israéliens ».

« Rendre ça public ne profite qu’au Hamas, mais Lieberman s’en fout », a ajouté Netanyahou.

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Parmi ces groupes, un gang armé dirigé par un homme nommé Yasser Abou Shabab, un voleur et trafiquant de drogue de Rafah qui a dirigé des groupes de centaines d’hommes armés dans le pillage des convois d’aide au cours de la seconde moitié de 2024. Issu de l’influent clan bédouin Tarabine, qui s’étend sur le sud de Gaza, le Sinaï et le désert du Naqab/Néguev, Abou Shabab a été décrit par les médias israéliens comme étant une bande armée « liée à Daech », probablement en raison de l’implication d’Abou Shabab dans les réseaux de trafic de drogue entre Gaza et le Sinaï, dans lesquels Daech a été impliqué.

Aujourd’hui, Israël admet ouvertement qu’il soutient et arme le groupe d’Abou Shabab, ce qui revient à admettre ouvertement qu’il a soutenu le pillage de l’aide alimentaire destinée à la population affamée de Gaza.

Cette politique fait suite à une campagne israélienne systématique d’assassinat des fonctionnaires du gouvernement du Hamas visant à provoquer un effondrement social à Gaza et à y semer le chaos et l’anarchie. L’armée israélienne a délibérément pris pour cible les fonctionnaires du ministère de l’intérieur, les forces de police et les services de sécurité afin de créer un vide qui sera ensuite comblé par des pillards armés comme le groupe d’Abou Shabab, comme l’a récemment rapporté Mondoweiss.

Le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, a directement admis cette politique le mois dernier, se vantant que « nous éliminons les ministres, les bureaucrates, les gestionnaires d’argent, tous ceux qui permettent au Hamas de gouverner ».

Le Hamas tente de lutter contre cette politique israélienne depuis la fin de l’année 2024, lorsque le ministère de l’intérieur de Gaza a créé une unité spéciale composée de policiers en civil et de volontaires chargés de traquer les pillards et de tenter de rétablir l’ordre dans les rues de Gaza. L’unité du Hamas, qui se fait appeler « l’Unité Sahm » ou « la Force Sahm « , a été réactivée lors de la reprise des hostilités entre Israël et le Hamas après l’effondrement du cessez-le-feu à la mi-mars.

Mondoweiss s’est entretenu avec plusieurs membres de l’Unité Sahm, ainsi qu’avec une source de sécurité de haut niveau au sein de la résistance, qui ont détaillé les efforts continus du Hamas pour combattre les groupes armés mandataires d’Israël dans la bande de Gaza. Mondoweiss s’est également entretenu avec les chefs de plusieurs clans tribaux de Gaza au sujet des tentatives d’Israël d’exploiter le vide sécuritaire qu’il a créé en soutenant les chefs de clans comme alternative au pouvoir du Hamas.

Comment l’Unité Sahm traque les voleurs et les collaborateurs

L’unité Sahm a été créée il y a plus d’un an, en mars 2024, lorsque le phénomène de pillage par des bandes armées a commencé à se répandre dans toute la bande de Gaza. L’unité a commencé par former des groupes informels de jeunes hommes vêtus de noir et au visage couvert, qui se déployaient dans des lieux publics chaotiques tels que les files d’attente des boulangeries, les distributeurs automatiques de billets et les marchés. Les rapports à l’époque les décrivaient en train d’arrêter des voleurs présumés et de les battre sévèrement sur les places de marché, proclamant publiquement qu’il s’agissait là de la punition infligée aux pillards.

Au fil des mois, les membres de la Force Sahm ont commencé à se montrer par dizaines dans les rues de Gaza, organisant des files d’attente dans les lieux publics. Ils semblaient suivre un chef qui était apparemment un officier de police.

Selon les membres de l’unité Sahm, l’anarchie est devenue endémique à Gaza après que la police a été contrainte à la clandestinité suite au ciblage par Israël de ses officiers chargés d’escorter les convois d’aide. Cette situation a entraîné une détérioration rapide de la sécurité à Gaza, avec une flambée des prix sur les marchés et la propagation de querelles interfamiliales et de la « loi de la jungle », ont déclaré les membres de l’unité Sahm.


La police palestinienne prend des mesures pour mettre en place un point de contrôle dans la rue al-Rashid pendant le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, le 26 janvier. (Photo : Omar Ashtawy/APA Images)

Abou Hadi, membre de l’unité Sahm et officier de la police de Gaza, a déclaré à Mondoweiss qu’il avait décidé de rejoindre l’unité après avoir « vu des voleurs dévaliser des magasins d’alimentation et des cuisines internationales, sans se soucier de la faim de la population ».

« Cette aide est destinée à ma famille, à mes voisins, à mes proches. Elle ne devrait pas aller à une personne qui la vole et la revend au marché noir », dit Abou Hadi. « Nous, au sein de la force Sahm, arrêterons ces personnes ».

Abou Islam, un autre membre de l’unité Sahm, explique que la force est composée d’officiers de police, de membres de factions politiques, de membres de familles importantes de Gaza et, occasionnellement, de membres de la branche armée du Hamas, les Brigades Qassam.

Après que cette nouvelle force a commencé à opérer dans la bande de Gaza, il a été officiellement annoncé que l’unité Sahm était un organe du ministère de l’Intérieur. Abou Muhammad, un fonctionnaire du ministère, a déclaré à Mondoweiss, par le biais d’un témoignage enregistré, que l’Unité Sahm est autorisée à « maintenir la sécurité dans la bande de Gaza, en particulier en temps de guerre ».

Interrogé sur le fonctionnement de l’unité Sahm, Abou Muhammad a déclaré qu’elle obtenait des renseignements de la police sur des voleurs et des collaborateurs présumés, et qu’elle était ensuite envoyée pour les appréhender clandestinement.

« La guerre a mis à mal le ministère de l’Intérieur, mais nous faisons tout notre possible pour communiquer avec les officiers de police et leur demander de traquer les pillards et de fournir des noms et des preuves », dit Abou Muhammad. « Des équipes comme l’unité Sahm peuvent alors appréhender les auteurs du crime et les atteindre secrètement, car l’occupation poursuit tous les officiers de police, ce qui limite le travail du ministère de l’Intérieur ».

Abou Muhammad explique que « si les accusations portées contre certains voleurs et hors-la-loi sont avérées, ils doivent être punis directement, même par la mort, pour donner l’exemple aux autres et empêcher que le chaos ne devienne la norme à Gaza », précisant que tous les pillards arrêtés à Gaza ne sont pas des collaborateurs d’Israël, mais que « leurs vols sont facilités par l’armée israélienne ».

« Cela peut les amener à suivre les directives de l’armée israélienne, ce qui peut ensuite se transformer en une collaboration ouverte », explique Abou Muhammad. « Et l’occupation peut transformer les voleurs en collaborateurs, par exemple en ne bombardant pas les endroits où ils volent, et même en leur indiquant par téléphone où aller ».

Abou Islam, un membre de Sahm à Gaza Ville chargé d’enquêter et d’appréhender les voleurs, explique comment les pilleurs et les collaborateurs sont punis. « Certains sont battus, d’autres tués, d’autres encore emprisonnés », raconte-t-il.

Selon Abou Islam, « les agents dont il est prouvé qu’ils ont tué ou participé à des meurtres sont exécutés », précisant que l’objectif de ces punitions sévères est de dissuader les gens « d’envisager de communiquer avec l’occupation ».

Abou Islam affirme également avoir obtenu plusieurs aveux de la part de pillards qui ont déclaré avoir été dirigés vers des entrepôts alimentaires par des officiers israéliens. « Ils nous ont même donné leurs noms et leurs affectations », a-t-il déclaré. « C’est la preuve évidente qu’ils étaient des infiltrés et des agents, recevant des ordres directs de l’ennemi israélien à un moment et à un endroit précis ».

Une source de sécurité de haut niveau au sein de la résistance a déclaré par écrit à Mondoweiss que « les enquêtes révèlent que le Shabak [le service de renseignement intérieur israélien, ou Shin Bet] ordonne à certains agents de se livrer à des pillages et à des violations de propriété pour couvrir la réalisation d’opérations de sécurité ». La source poursuit en citant la confession écrite d’un collaborateur présumé à qui un officier israélien a dit de « pénétrer dans la maison d’un des chefs de la résistance par un trou dans le mur créé par un drone ».

La source de sécurité a ajouté que le Shin Bet avait fait chanter un voleur pour qu’il espionne pour eux lorsqu’il avait utilisé une application gérée par l’armée pour obtenir la permission d’entrer dans une zone de combat. « Le Shabak a utilisé son casier judiciaire [comme moyen de chantage] pour le recruter à ses fins », a affirmé la source.

Les tentatives des membres de Sahm d’intervenir dans ces opérations de pillage ont conduit les forces israéliennes à les prendre directement pour cible sur le terrain, tuant des “dizaines” de personnes, selon Abou Islam. À une occasion, fin mai, poursuit-il, des membres de Sahm se sont rendus dans un entrepôt alimentaire de la ville de Gaza où des voleurs tentaient de dérober de l’aide, mais ils ont été bombardés par un drone israélien. « Lorsque les forces Sahm sont arrivées, les voleurs se sont retirés et la force a été prise pour cible », explique-t-il. « Ensuite, une autre unité a été envoyée sur le site pour soutenir la force, mais elle a également été bombardée par l’occupation ».

L’Unité Sahm contre Yasser Abou Shabab

Le 19 novembre 2024, l’unité Sahm mène sa première grande opération de la guerre en attaquant un groupe de pillards qui s’en prend aux camions d’aide depuis plusieurs mois, principalement à Rafah. Les forces Sahm ont annoncé qu’elles avaient tué une vingtaine de membres du gang. Le chef du groupe était Yasser Abou Shabab.

Abou Hadi explique que le Hamas a d’abord soupçonné Abou Shabab de collaborer avec Israël lorsqu’il a été documenté qu’il accédait à des zones inaccessibles à Rafah qui sont sous le contrôle exclusif de l’armée israélienne. « Toute personne qui atteignait ces zones était tuée », explique Abou Hadi. « Cela a conduit la force Sahm à soupçonner qu’il avait reçu des ordres de l’armée israélienne pour empêcher l’entrée de l’aide à la population ».

Alors que le pillage des convois d’aide se poursuivait à la fin de l’année 2024, le rôle d’AbOu Shabab est devenu de plus en plus clair. À l’époque, une note interne de l’ONU communiquée aux médias internationaux avait directement désigné Abou Shabab comme « la partie prenante principale et la plus influente derrière le pillage systématique et massif » des convois d’aide l’année dernière, et qu’Abou Shabab « bénéficiait probablement d’une bienveillance passive, voire active » ou d’une « protection » de la part de l’armée israélienne.

Abou Hadi affirme que le Hamas avait décidé de le neutraliser peu de temps après. « L’unité Sahm a continué à surveiller les mouvements de Yasser Abou Shabab ».

Le 19 novembre, continue Abou Hadi, « après avoir confirmé qu’il partait dans sa voiture bien connue, il a été la cible de deux RPG. Mais, c’était son frère qui se trouvait dans la voiture, pas lui ». 



Yasser Abou Shabab. (Photo : Médias en ligne)

Le frère d’Abou Shabab, Fathi, a été tué dans l’embuscade, qui, selon Abou Hadi, a fait plus de 20 victimes parmi les membres du gang.

« Après cela, il a commencé à brûler des camions d’aide et à tirer sur les chauffeurs au lieu de les piller », explique Abu Hadi. « En guise de vengeance ».

La force Sahm avait néanmoins envoyé un message fort à Abou Shabab. « Il a cessé de voler l’aide de peur d’être tué », dit Abu Hadi.

Shadi al-Soufi, un ancien criminel condamné pour meurtre et détenu avant la guerre, était un autre chef de bande présumé accusé d’avoir formé un groupe de pillards situé près du point de passage de Karam Abu Salem (Kerem Shalom).

Abou Hadi affirme qu’al-Soufi n’aurait pas pu rester dans la zone de Karam Abu Salem sans l’aide d’Israël. « Personne n’a osé atteindre l’endroit où se trouvaient Shadi al-Soufi et son groupe », dit-il. « C’est la preuve irréfutable qu’il opérait sous la protection de l’armée israélienne ».

« La force Sahm a attaqué les groupes d’al-Sufi et a tenté de l’atteindre, mais les circonstances ne nous étaient pas favorables », ajoute Abou Hadi. « Des drones visaient nos membres et protégeaient les voleurs et les criminels ».

Al-Sufi est ensuite apparu dans une vidéo sur les médias en ligne, niant les allégations portées contre lui. Il a déclaré qu’il avait été déplacé comme tout le monde depuis le début de l’invasion de Rafah et que, comme tous les habitants, il n’avait pas de farine dans sa maison. Il a expliqué que toutes les rumeurs qui circulaient sur le fait qu’il avait volé de l’aide étaient totalement fausses.

À ce stade de la guerre, la stratégie du Hamas fonctionnait. Al-Sufi est tombé dans l’oubli et Abou Shabab a également disparu pendant le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.

Pendant la période de cessez-le-feu, la police et les forces de sécurité ont pu rétablir l’ordre et réaffirmer le contrôle civil sur Gaza. Le retour à la guerre le 18 mars s’accompagnait de l’objectif objectif explicitement déclaré de cibler les dirigeants civils du Hamas, poussant toutes les agences gouvernementales à se cacher.

Presque du jour au lendemain, les pillages et les vols dans les entrepôts alimentaires ont repris à Gaza, ce qui a incité l’unité Sahm à redoubler d’efforts. Yasser Abou Shabab a refait surface en mai, apparaissant sur des photos aux côtés d’hommes armés vêtus d’une tenue militaire complète à Rafah, qui a été entièrement vidée de ses habitants et est considérée comme faisant partie d’une “zone rouge” sous le contrôle total de l’armée israélienne. Ses hommes sont montrés arborant des drapeaux palestiniens et portant des brassards sur lesquels est inscrit “Service antiterroriste”.

Le 30 mai, les Brigades Qassam ont publié une vidéo inhabituelle de leurs combattants visant un groupe d’hommes en civil qu’elles ont dit être des “musta’ribin” - le terme palestinien pour désigner les forces spéciales israéliennes déguisées en Palestiniens - mais une source de sécurité de la résistance à Gaza a déclaré à Al Jazeera que les cibles étaient un groupe de collaborateurs chargés par l’armée israélienne de piller les convois d’aide et d’espionner les activités de la résistance. La source a également indiqué que les collaborateurs étaient des membres du groupe d’Abou Shabab, accusant directement Abou Shabab de travailler sous les ordres des Israéliens pour aggraver l’état de chaos dans la bande de Gaza.


Les hommes de Yasser Abou Shabab ont été montrés arborant des drapeaux palestiniens et portant des brassards sur lesquels était inscrit “Service antiterroriste”. (Photo : médias en ligne)

La vidéo a été diffusée à un moment où des rapports ont continué à faire surface le mois dernier sur des pillages de convois d’aide par des hommes armés dans le sud de la bande de Gaza.

Abou Shabab nie ouvertement ces allégations. Il s’est refait une beauté sur les médias en ligne, se présentant sur sa page Facebook personnelle comme une figure communautaire respectable et un “leader nationaliste”. Il se présente désormais comme le garant du passage de l’aide à Rafah.

Faciliter le plan de déplacement d’Israël

Après que Netanyahou a admis hier qu’Israël armait son groupe, la page officielle du bureau médiatique des “Forces populaires” de Yasser Abou Shabab a publié un communiqué sur X, continuant à nier tout lien avec l’armée israélienne. « Nous rejetons totalement ces allégations », dit la déclaration. « Nous considérons qu’il s’agit d’une tentative flagrante de déformer l’image d’une force populaire née de la souffrance et confrontée à l’oppression, au vol et à la corruption ».

« Nous n’avons pas été et ne serons jamais un outil de l’occupation. Si l’occupation a des preuves, elle devrait les montrer à notre peuple et aux médias internationaux. Nous invitons tout le monde à visiter nos régions et à enquêter par eux-mêmes avant de répandre des mensonges qui servent le récit de l’occupation en semant la division », ajoute le communiqué.

La même source de sécurité de haut niveau de la résistance qui a parlé à Mondoweiss a également déclaré qu’Abou Shabab, selon leurs renseignements, a des liens avec « les agences de renseignement arabes, qui lui ont ouvert la voie pour agir conformément aux instructions du Shabak. En particulier pendant la période d’occupation de la ville de Rafah, où nous avons constaté une augmentation du pillage des camions d’aide ».

« La résistance dispose de photographies montrant Abou Shabab avec l’armée israélienne. Mais les circonstances actuelles ne nous permettent pas de les publier pour des raisons de sécurité », a ajouté la source.


Yasser Abou Shabab (à droite) avec ses hommes à Rafah. (Photo : médias en ligne)

Les analystes ont continué à souligner que la présence d’Abou Shabab sur les médias en ligne, soigneusement organisée, avec l’apparition de déclarations en anglais et en arabe, dépasse les capacités du gang de Gaza et est probablement l’œuvre du Shin Bet.

« De nombreux journalistes des médias traditionnels avec lesquels je me suis entretenu pensent que le niveau d’anglais courant utilisé dans ces messages ne peut provenir que d’une salle d’opération des FDI », a écrit sur X Muhammad Shehada, écrivain et analyste politique, quelques jours avant la déclaration d’hier de Netanyahou.

Shehada explique qu’aujourd’hui, Abou Shabab travaille en sa nouvelle qualité de chef de sa “force nationale” rebaptisée, composée de membres de gangs, pour piller l’aide sous la protection de l’armée israélienne, surveiller les forces de résistance en son nom et sécuriser l’aide destinée au Fonds humanitaire de Gaza (GHF), soutenu par les USA et Israël, qui est le sous-traitant usaméricain chargé d’acheminer l’aide aux Palestiniens à la place de l’ONU.

Les centres de distribution du GHF ont été le théâtre de plusieurs massacres par les forces israéliennes au cours des deux dernières semaines, les groupes d’aide internationaux accusant le plan d’aide de la Fondation de faire partie d’un « plan de nettoyage ethnique ».

Aujourd’hui, le groupe d’Abou Shabab est recruté au service de ce plan. Selon Shehada, l’armée israélienne semble avoir confié à Abou Shabab une autre tâche : établir des “camps de concentration” à Gaza et former une “force de sécurité” fantoche que les FDI placeront à la tête des zones qu’elles ont dépeuplées pour en faire leur milice par procuration contre le Hamas.

Confirmant apparemment cet objectif, la page Facebook d’Abou Shabab a publié une vidéo apparemment commentée par sa voix, appelant les habitants de la partie orientale de Rafah à rentrer chez eux. « Des médicaments, de la nourriture, des abris et la sécurité ont été fournis », entend-on. « Nos forces populaires travaillent en toute légitimité palestinienne et en coordination avec les canaux officiels ».

Le reste de la vidéo contient un montage des hommes d’Abou Shabab distribuant de l’aide aux habitants de l’est de Rafah, suivi d’un narrateur décrivant comment les Forces populaires affrontent le Hamas - appelé “le gouvernement du statu quo” - tout en abritant dans des tentes des centaines de familles de l’est de Gaza, auxquelles elles ont fourni une aide gratuite.

Il semblerait que les appels lancés par les “Forces populaires” aux civils pour qu’ils se déplacent vers ces zones de Rafah, associés à la coordination d’Abou Shabab avec la GHF, s’inscrivent dans la droite ligne du plan de Netanyahou d’utiliser l’aide comme appât pour attirer les Palestiniens dans des camps de concentration isolés, dans le but de les déplacer de force de Gaza par le biais d’une soi-disant “migration volontaire” De plus, il apparaît qu’Israël a maintenant recruté une milice autochtone de harkis pour mettre en œuvre ce plan.


Bandeau de la page “Forces populaires” de Yasser Abou Shabab sur X

Clash des clans

Malgré les efforts d’Abou Shabab pour se présenter comme un leader nationaliste, le 31 mai, sa famille à Gaza a publié un communiqué annonçant qu’elle reniait “notre fils Yasser” le lendemain de la diffusion de la vidéo des Brigades Qassam, se distançant ainsi de toute association avec lui.

« Nous avons été choqués, comme le reste du public, lorsque la Résistance a diffusé des images montrant le groupe de Yasser engagé dans un dangereux travail de sécurité, participant même en tant qu’agents infiltrés », peut-on lire dans la déclaration. « Nous le poursuivrons et le tiendrons pour responsable par tous les moyens nécessaires et nous ne lui permettrons pas de salir la réputation de notre famille. Il nous a trompés pendant trop longtemps ».

Mais maintenant que Netanyahou a publiquement admis avoir “activé” des clans à Gaza pour s’opposer au Hamas, la résistance palestinienne dans la bande de Gaza devrait se battre sur un autre front “interne” contre une collaboration pure et simple.

Au cours des derniers mois, les pillages endémiques résultant du ciblage par Israël des forces de sécurité de Gaza ont conduit plusieurs familles de Gaza à appeler les clans à former des “comités populaires” pour l’autodéfense contre les voleurs, comme en témoignent des déclarations des clans Madhoun et al-Ghoul au début du mois de mai. Certains de ces appels préconisaient ouvertement que les familles soient armées.

À peu près au même moment, des hommes armés appartenant à la famille al-Ghoul sont apparus dans la zone de l’hôpital de réhabilitation Hamad, financé par le Qatar, dans la ville de Gaza, affirmant être des volontaires pour protéger l’hôpital contre le pillage. Mais le groupe s’est rapidement dissipé et, depuis, le clan al-Ghoul a publiquement affirmé son attachement à l’État de droit.

« Nous avons formé un groupe armé pour protéger l’hôpital qatari parce que des voleurs étaient sur le point de le piller, et nous l’avons sécurisé », a déclaré Yousri al-Ghoul, l’un des représentants de la famille, à Mondoweiss à la mi-mai. « Après cela, une unité de sécurité a été créée par le gouvernement pour protéger les biens publics, et nous nous nous sommes donc mis en retrait ».

« Tout ce que nous voulons, c’est la sécurité à Gaza », a ajouté al-Ghoul.

Husni al-Mughni, chef la Haute Commission aux affaires tribales dans la bande de Gaza, a déclaré à Mondoweiss en mai qu’“aucun comité familial armé n’a été formé”, ajoutant que les clans de Gaza « rejettent l’armement des clans, qui doivent donner la priorité à la paix sociale ».

« Nous nous battons maintenant pour de l’eau, de la nourriture et des tentes. Si les familles s’arment, toutes nos batailles deviendront internes », a ajouté al-Mughni.

Yasin al-Madhoun, un autre chef de clan, admet que certains membres de sa famille ont peut-être discuté de la formation d’un groupe armé, mais que la famille n’a pas officiellement pris une telle mesure.

« La famille n’a pas décidé de former des unités armées, mais nous voulons maintenir la sécurité dans la bande de Gaza », nuance al-Madhoun. « Si le gouvernement s’effondre ou s’il y a un manque de sécurité dans la bande de Gaza, nous devons exiger une force pour maintenir la sécurité et remplacer le gouvernement pour combler le vide sécuritaire. Ce n’est pas une exception dans la bande de Gaza. Partout où le gouvernement tombe, des comités populaires sont formés pour protéger la société ».

Des membres de l’unité Sahm ont déclaré à Mondoweiss qu’ils empêcheraient ces familles de s’armer, car elles seraient alors cooptées par Israël au service de ses objectifs génocidaires.

« Nous affronterons les familles qui s’armeront, et ce n’est pas une question pour la seule unité Sahm, mais ça concerne toutes les familles de la bande de Gaza », a dit Abou Islam, l’un des membres de l’unité Sahm qui s’est entretenu avec Mondoweiss. « Toutes les familles doivent se tenir aux côtés de l’unité Sahm et de toutes les unités de police pour endiguer la propagation du chaos ».

Abou Islam a ajouté que de nombreuses familles ont rejeté ces appels. « La tentative d’armer les familles et de transformer la loi en règle tribale a échoué, car les familles ont assumé leurs responsabilités et rejeté cette offre de l’occupation », dit-il.

Près d’un mois plus tard, la bande armée d’Abou Shabab a pris un nouveau nom - “forces populaires” - et vise à combler le vide sécuritaire créé par Israël en démantelant les institutions civiles de Gaza. Elle a notamment pour mission de distribuer de l’aide aux habitants afin de gagner le soutien de la population et d’assurer l’acheminement de l’aide vers les sites de la GHF.

« Ce n’est un secret pour personne que l’occupation a traqué tous les éléments des forces de sécurité, car ils représentent le soutien au maintien du front intérieur, ce qui est en contradiction directe avec les objectifs de guerre [de l’armée israélienne] », a déclaré la source de sécurité de la résistance qui s’est entretenue avec Mondoweiss. « Son objectif est de créer le chaos à Gaza pour se venger des civils, parce qu’ils se rallient à la résistance », a ajouté la source.


10/06/2025

ABDALJAWAD OMAR
Los gánsteres de Israel en Gaza
Una operación de contrainsurgencia en la era de la inteligencia artificial

Israel lleva mucho tiempo utilizando agentes infiltrados que se hacen pasar por palestinos para sembrar la discordia. Hoy vuelve a utilizar esta estrategia en Gaza en forma de bandas que toman el control de la ayuda humanitaria. El objetivo es fragmentar y desmembrar la sociedad palestina.

Abdaljawad Omar HamayelMondoweiss, 9-6-2025

Traducido por Fausto GiudiceTlaxcala

En la larga y dolorosa historia del enfrentamiento entre Palestina y el sionismo, pocas figuras han provocado una ruptura epistémica y afectiva tan profunda como la unidad de las fuerzas especiales secretas que se hacen pasar por palestinos. Conocidos como «unidad arabizada» o «musta'ribin», estos agentes secretos israelíes, a menudo judíos árabes, no operan como colonos visibles, sino como dobles autóctonos. Dominando el dialecto y los modales palestinos, el agente arabizado se mueve entre los palestinos como una presencia fantasmal que imita y vigila desde dentro, al tiempo que lleva a cabo operaciones sorpresa destinadas a tomar por sorpresa a sus “presas”, ya sea para detenerlas o asesinarlas. No se limita a recopilar información, sino que socava la confianza de la comunidad y la posibilidad de un reconocimiento colectivo.

De este modo, los musta’ribin no son solo una fuerza táctica, sino un modo de infiltración armada que rompe el espejo en el que se miran los palestinos. Israel desarrolló inicialmente estas unidades “árabes” para llevar a cabo operaciones rápidas en los campos palestinos, espacios urbanos densamente poblados que, de otro modo, son inaccesibles para los soldados uniformados, con muy pocas posibilidades de tomar por sorpresa a sus objetivos. Los musta'ribin fueron una respuesta a la pregunta de cómo llegar a los “objetivos” antes de que se dieran cuenta de la presencia del ejército.

Esta lógica de infiltración, que forma parte desde hace mucho tiempo de la estrategia colonial de Israel, ha resurgido hoy en día. En un vídeo reciente de las Brigadas Qassam de Hamás, una unidad palestina que colabora con el ejército israelí ha sido designada por la resistencia como musta'ribin. Al utilizar este término para referirse a los colaboradores palestinos —que normalmente se denominarían colaboradores o espías, yawasi— en lugar de a los israelíes infiltrados, Hamás ha difuminado deliberadamente la frontera entre colaborador y enemigo.

No es de extrañar que Israel encuentre entre las poblaciones ocupadas personas dispuestas a sobrevivir gracias a su aparato de dominación. Esta complicidad no es solo el resultado del agotamiento —el desgaste moral bajo un asedio implacable—, sino también de la tenue esperanza de hacerse con el poder, por marginal que sea, dentro del orden impuesto. También es producto de enredos más profundos: los incentivos silenciosos y el estímulo activo que a veces provienen de las propias filas palestinas. Este fenómeno tiene sus raíces en la contradicción histórica entre la resistencia como forma de gobierno y el gobierno como medio de encarcelamiento.

Una de las figuras más tristemente famosas entre estos nuevos mandatarios israelíes en Rafah es Yaser Abu Shabab, un antiguo preso condenado por tráfico de drogas por el Gobierno de Hamás, que dirigió a un grupo de cientos de hombres armados que saquearon los convoyes de ayuda humanitaria en Gaza durante toda la guerra. Su ascenso ilustra cómo la interacción entre la lealtad clánica, la supervivencia material, el oportunismo y el apoyo tácito de elementos dentro de la Autoridad Palestina se combinan para allanar el camino para la aparición de tales bandas. Su presencia no solo tiene como objetivo fracturar el tejido social, sino también reabrir la herida aún abierta del genocidio.

El uso que Israel hace de estas unidades de colaboradores tiene varios objetivos. En primer lugar, sirven para obstaculizar y desviar el flujo de ayuda humanitaria, convirtiéndola así en un mecanismo de control. En segundo lugar, actúan como recaudadores informales, obteniendo ingresos de la economía del sufrimiento que contribuyen a mantener, posicionándose así como intermediarios, no solo con la fuerza de ocupación, sino también con el aparato de ayuda internacional cada vez más privatizado. En tercer lugar, también se utilizan como mecanismo de desvío de fondos, explotando la desesperación para atraer a los hambrientos y a los jóvenes de Gaza. Este poder proviene de lo que se les permite ofrecer: una bolsa de comida, la promesa de acceso, una posible exclusión de las masacres. Estas ofertas no son insignificantes, sino que sirven como palancas de control, operando en la tensión entre la supervivencia de la familia individual y la resistencia colectiva (sumud) de toda la comunidad.

Al interponerse como intermediarios entre Israel y la población, permiten que las redes informales y formales de dependencia y autoridad se arraiguen y se desarrollen. Se convierten en una dirección local que sirve de mediador con Israel. En cuarto lugar, y quizás lo más insidioso, desempeñan el papel de protagonistas en una coreografía propagandística. Se difunden vídeos cuidadosamente escenificados —hombres uniformados descargando sacos de harina o gesticulando frente a filas de desplazados— para sugerir el surgimiento de un gobierno palestino alternativo, aparentemente más “pragmático” o flexible, y más dispuesto a cantar las alabanzas de Netanyahu.

Su papel no es solo sembrar el caos, sino evocar la posibilidad de otro orden. Su mera presencia alimenta la desconfianza, rompiendo las frágiles solidaridades que se forman bajo el asedio. Son, en cierto modo, los primeros en morder el anzuelo: los primeros en imaginar un futuro enclavado en el aparato de exterminio. Pero lo que se les ofrece no es la vida, solo su imitación: una supervivencia controlada en un paisaje diseñado para eliminar la presencia de los palestinos y también la necesidad de su presencia. Y, como muchos fenómenos colaboracionistas de este tipo, ocultan su brutal traición a su pueblo tras consignas como “fuerzas populares”, el nombre que Abu Shabab utiliza para referirse a su banda de saqueadores.

Pero aquí está el quid de la cuestión: si bien estos grupos pueden ser tácticamente útiles para Israel —prácticos para desviar la ayuda, disciplinar el hambre y desestabilizar la ya frágil cohesión del tejido social de Gaza—, su utilidad sigue siendo fundamentalmente limitada. No son actores estratégicos en el sentido transformador del término. Su geografía es limitada, su influencia parasitaria y su existencia está totalmente ligada a la sombra protectora del poder israelí. Son criminales convertidos en colaboradores, muchos de los cuales escaparon de las cárceles palestinas al comienzo de la guerra, otros son antiguos empleados de la Autoridad Palestina en Cisjordania y algunos afirman tener vínculos con el Estado Islámico. Viven literalmente de la guerra: de los convoyes de ayuda que saquean, de las armas que se les entregan selectivamente y de la indulgencia del ejército israelí. Mafias sin dignidad.

Pero lo que más le importa a Israel no es su éxito, sino el espectáculo que ofrecen. Lo importante no es que ganen Gaza —nadie, ni siquiera sus patrocinadores, imagina que puedan lograrlo—, sino que sirvan como demostración viviente de la infiltración. Se convierten en símbolos de fractura, transmitiendo la idea de que la sociedad palestina en Gaza es penetrable, divisible y corruptible. Esto demuestra que la resistencia tiene su contrapartida. Su verdadera función no es gobernar, sino rondar la frontera entre la oposición y la colaboración. Difunden la duda para hacer sospechosa la idea misma de una voluntad colectiva de resistencia.

En este sentido, la milicia colaboradora es menos un activo militar que una herramienta narrativa, un actor en el esfuerzo continuo de Israel por presentar la desintegración palestina como endógena, inevitable y, tal vez, a ojos de los sionistas, “merecida”. Sin embargo, su condición social borrosa —su exclusión del imaginario comunitario— marca su incapacidad para integrarse en el cuerpo social palestino, a diferencia de las mafias tradicionales, que a menudo se arraigan en la solidaridad familiar, vecinal o de clase. Por el contrario, estos colaboradores existen en una zona de soberanía negativa: temidos, pero no respetados; conocidos, pero no reivindicados; presentes, pero renegados. Se asemejan más a una tecnología colonial de fragmentación: bandas sin lealtad y mafias sin dignidad.

Esta tecnología de fragmentación tampoco es nueva. Israel cultiva desde hace mucho tiempo alianzas con actores locales para gestionar y perturbar la cohesión palestina. El reciente auge de las bandas en las comunidades palestinas de Israel es un ejemplo de ello. La convergencia del apoyo tácito de Israel, en particular de los servicios de inteligencia, junto con el fracaso deliberado de las fuerzas policiales y los cambios económicos más amplios, han dado lugar a nuevas estructuras de delincuencia organizada más arraigadas.

Estas bandas no son simples subproductos de la decadencia social, sino síntomas de un desorden orquestado, cultivado y tolerado en la medida en que sustituyen la acción colectiva y redirigen la violencia hacia el interior, incluso entre aquellos a quienes Israel presenta como sus propios ciudadanos, y los utiliza gustosamente como herramientas de propaganda para decir: “Mirad, tenemos árabes paseando por la playa. Por lo tanto, no somos racistas”. Lo mismo ocurre con la Autoridad Palestina en Cisjordania, que representa hoy en día la forma más avanzada de esta cultura política de tipo pandillero. Al canibalizar el aparato paraestatal, la Autoridad Palestina no solo gobierna a la sombra de Israel, sino que también instrumentaliza la historia nacionalista. Redibuja las fronteras de la lealtad y la traición, del amigo y el enemigo, para ocultar sus disposiciones mafiosas.

Pero quizá esto sea lo más importante en el contexto de Gaza: al igual que el humanitarismo y el genocidio obsceno, al igual que la alegría y la fiesta de los soldados israelíes cuando matan a palestinos y destruyen sus casas, ahora todo queda al descubierto. Es una guerra sin velos. Sin sábanas, sin velos, sin anteojeras ideológicas. La forma social de esta colaboración, su brutal irrupción en la esfera pública, revela algo fundamental sobre la naturaleza de esta guerra. No solo es genocida, es obscena y desvergonzada, y no exige nada al mundo salvo pasividad.

Lo que estamos presenciando no es solo una campaña militar, sino el escenario del colapso, no de Gaza, sino de las anteojeras ideológicas, los discursos y las reivindicaciones morales de un mundo que ya no es capaz de justificarse. Una banda en Gaza refleja las numerosas bandas que nos gobiernan.

NdT

La banda de Abu Shabab se presenta en los medios de comunicación en línea en dos formas y con dos “logotipos”: “Fuerzas Populares” y “جهاز مكافحة الإرهاب Yihaz mukafahat al’irhab”, «Servicio o Agencia de Lucha contra el Terrorismo» (imagen 1). Este segundo logotipo es una copia exacta del del Jihaz mukafahat al’irhab yemení, con sede en Adén y dirigido por el general Chalal Ali Shaye, un torturador con un pedigrí cargado al servicio de la coalición saudí-emiratí (imagen 2). Este servicio se inspira a su vez en la Oficina de Lucha contra el Terrorismo creada en Irak por los invasores yanquis y dirigida actualmente por el general Karim Abud Al-Tamimi (imágenes 3 y 4). En resumen, una repetición adaptada al Mashreq en la era de la inteligencia artificial de la famosa operación Oiseau bleu [Pájaro Azul]* lanzada por los servicios franceses en la Argelia de 1956 y condenada, al igual que esta, a un fracaso estrepitoso.

 


*Al comienzo de la guerra de Argelia, en otoño de 1956, los servicios secretos franceses, siguiendo órdenes del gobernador general Jacques Soustelle («Hay que hacer algo con respecto al bereberismo»), crearon en Kabilia la «Fuerza K», reclutando a miembros de la confederación tribal de los Iflissen Lebhar, especializada en la fabricación de armas blancas y famosa por su revuelta contra el poder otomano en el siglo XVIII. Pasó a la historia con el nombre de operación « Pájaro azul » y consistía en la creación de un maquis [foco guerrillero] falso destinado a desacreditar al FLN. Pero la operación se volvió contra sus iniciadores: los hombres reclutados y armados por los servicios franceses eran en realidad auténticos “rebeldes”. Al igual que los ocupantes franceses intentaron apoyarse en los bereberes como auxiliares de la contrainsurgencia, los sionistas siempre han intentado utilizar como cipayos a beduinos, drusos o circasianos.

ABDALJAWAD OMAR
Les gangsters d’Israël à Gaza
Une opération de contre-insurrection à l’ère de l’intelligence artificielle

Israël utilise depuis longtemps des agents infiltrés se faisant passer pour des Palestiniens afin de semer la discorde. Aujourd’hui, il utilise à nouveau cette stratégie à Gaza sous la forme de gangs qui prennent le contrôle de l’aide humanitaire. L’objectif est de fragmenter et de démembrer la société palestinienne.

Abdaljawad Omar Hamayel, Mondoweiss, 9/6/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

Dans la longue et douloureuse histoire de la confrontation entre la Palestine et le sionisme, peu de figures ont provoqué une rupture épistémique et affective aussi profonde que l’unité des forces spéciales secrètes qui se font passer pour des Palestiniens. Connus sous le nom d’“unité arabisée” ou de “ musta’ribin”, ces agents secrets israéliens, souvent des Juifs arabes, n’opèrent pas en tant que colons visibles, mais en tant que doubles indigènes. Maîtrisant le dialecte et les manières palestiniens, l’agent arabisé évolue parmi les Palestiniens comme une présence fantomatique qui imite et surveille de l’intérieur tout en menant des opérations surprises destinées à prendre au dépourvu ses “proies”, soit pour les arrêter, soit pour les assassiner. Il ne se contente pas de collecter des informations ; il ébranle la confiance de la communauté et la possibilité d’une reconnaissance collective. 

De cette manière, les musta’ribin ne sont pas seulement une force tactique, mais un mode d’infiltration armé qui brise le miroir dans lequel les Palestiniens se regardent. Israël a d’abord développé ces unités “arabes” pour mener des opérations rapides dans les camps palestiniens, des espaces urbains densément peuplés qui sont autrement inaccessibles aux soldats en uniforme, avec très peu de chances de prendre leurs cibles au dépourvu. Les musta’ribin étaient une réponse à la question de savoir comment atteindre les “ cibles” avant qu’elles ne se rendent compte de la présence de l’armée. 

Cette logique d’infiltration, qui fait depuis longtemps partie de la stratégie coloniale d’Israël, a refait surface aujourd’hui. Dans une vidéo récente des Brigades Qassam du Hamas, une unité palestinienne travaillant avec l’armée israélienne a été désignée par la résistance comme musta’ribin. En utilisant ce terme pour désigner les collaborateurs palestiniens – qui seraient généralement appelés collaborateurs ou espions, jawasi – plutôt que les Israéliens infiltrés, le Hamas a délibérément brouillé la frontière entre collaborateur et ennemi.

Il n’est pas surprenant qu’Israël trouve parmi les populations occupées des personnes prêtes à survivre grâce à son appareil de domination. Cette complicité ne résulte pas seulement de l’épuisement – l’usure morale sous un siège implacable – mais aussi de l’espoir ténu de s’emparer du pouvoir, aussi marginal soit-il, au sein de l’ordre imposé. Elle est également le produit d’enchevêtrements plus profonds : les incitations silencieuses et les encouragements actifs qui proviennent parfois des rangs palestiniens eux-mêmes. Ce phénomène trouve ses racines dans la contradiction historique entre la résistance en tant que gouvernance et la gouvernance en tant que moyen d’emprisonnement. 

L’une des figures les plus tristement célèbres parmi ces nouveaux mandataires israéliens à Rafah est Yasser Abou Shabab, un ancien prisonnier condamné pour trafic de drogue par le gouvernement du Hamas, qui a dirigé un groupe de centaines d’hommes armés pillant les convois d’aide humanitaire à Gaza tout au long de la guerre. Son ascension illustre comment l’interaction entre la loyauté clanique, la survie matérielle, l’opportunisme et le soutien tacite d’éléments au sein de l’Autorité palestinienne se combine pour ouvrir la voie à l’émergence de tels gangs. Leur présence vise non seulement à fracturer le tissu social, mais aussi à rouvrir la plaie encore ouverte du génocide. 

L’utilisation par Israël de ces unités de collaborateurs sert plusieurs objectifs. Premièrement, elles servent à entraver et à détourner le flux de l’aide humanitaire, transformant ainsi l’aide en un mécanisme de contrôle. Deuxièmement, elles agissent comme des percepteurs informels, tirant des revenus de l’économie de la souffrance qu’elles contribuent à maintenir, se positionnant ainsi comme des intermédiaires, non seulement avec la force d’occupation, mais aussi avec l’appareil de secours international de plus en plus privatisé. Troisièmement, elles sont également utilisées comme mécanisme de détournement de fonds, exploitant le désespoir pour attirer les affamés et les jeunes de Gaza.  Ce pouvoir découle de ce qu’ils sont autorisés à offrir : un sac de nourriture, la promesse d’un accès, une éventuelle exclusion des massacres. Ces offres ne sont pas anodines ; elles servent de leviers de contrôle, opérant dans la tension entre la survie de la famille individuelle et l’endurance collective (soumoud) de toute la communauté. 

En s’interposant comme intermédiaires entre Israël et la population, ils permettent aux réseaux informels et formels de dépendance et d’autorité de s’enraciner et de se développer. Ils deviennent une adresse locale qui sert de médiateur avec Israël. Quatrièmement, et c’est peut-être le plus insidieux, ils jouent le rôle de protagonistes dans une chorégraphie de propagande. Des vidéos soigneusement mises en scène – des hommes en uniforme déchargeant des sacs de farine ou gesticulant face à à des files de déplacés – sont diffusées pour suggérer l’émergence d’une gouvernance palestinienne alternative, apparemment plus « pragmatique » ou plus souple, et plus disposée à chanter les louanges de Netanyahu. 

Leur rôle n’est pas seulement de semer le chaos, mais d’évoquer la possibilité d’un autre ordre. Leur simple présence attise la méfiance, brisant les fragiles solidarités qui se forment sous le siège. Ils sont, en quelque sorte, les premiers à mordre à l’hameçon : les premiers à imaginer un avenir niché au sein de l’appareil d’extermination. Mais ce qu’on leur offre, ce n’est pas la vie, seulement son mimétisme – une survie contrôlée dans un paysage conçu pour éliminer la présence des Palestiniens – et pour éliminer également le besoin de leur présence. Et comme beaucoup de phénomènes collaborationnistes de ce type, ils dissimulent leur brutale trahison de leur peuple derrière des slogans tels que « forces populaires », le nom qu’Abou Shabab utilise pour désigner sa bande de pillards. 

Mais voici le hic : si ces groupes peuvent être tactiquement utiles à Israël – pratiques pour détourner l’aide, discipliner la faim et déstabiliser la cohésion déjà fragile du tissu social de Gaza –, leur utilité reste fondamentalement limitée. Ils ne sont pas des acteurs stratégiques au sens transformateur du terme. Leur géographie est restreinte, leur influence parasitaire et leur existence entièrement liée à l’ombre protectrice de la puissance israélienne. Ce sont des criminels devenus collaborateurs, dont beaucoup se sont échappés des prisons palestiniennes au début de la guerre, d’autres sont d’anciens employés de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, et certains prétendent avoir des liens avec l’État islamique. Ils vivent littéralement de la guerre : des convois d’aide qu’ils pillent, des armes qui leur sont sélectivement remises et de l’indulgence de l’armée israélienne. Des mafias sans dignité 

Mais ce qui importe le plus à Israël, ce n’est pas leur succès, c’est le spectacle qu’ils offrent. L’important n’est pas qu’ils gagnent Gaza – personne, pas même leurs commanditaires, n’imagine qu’ils puissent y parvenir –, mais qu’ils servent de démonstration vivante de l’infiltration. Ils deviennent des symboles de fracture, véhiculant l’idée que la société palestinienne à Gaza est pénétrable, divisible et corruptible. Cela montre que la résistance a son contre-enjeu. Leur véritable fonction n’est pas de gouverner, mais de hanter la frontière entre opposition et collaboration. Ils font circuler le doute afin de rendre suspecte l’idée même d’une volonté collective de résister. 

En ce sens, la milice collaboratrice est moins un atout militaire qu’un outil narratif, un acteur dans l’effort continu d’Israël pour présenter la désintégration palestinienne comme endogène, inévitable et peut-être, aux yeux des sionistes, “méritée”. Cependant, leur statut social effacé – leur exclusion de l’imaginaire communautaire – marque leur incapacité à s’intégrer dans le corps social palestinien, contrairement aux mafias traditionnelles qui s’enracinent souvent dans les solidarités familiales, de quartier ou de classe. Au contraire, ces collaborateurs existent dans une zone de souveraineté négative : craints, mais pas respectés, connus, mais pas revendiqués, présents, mais reniés. Ils s’apparentent davantage à une technologie coloniale de fragmentation : des gangs sans loyauté et des mafias sans dignité. 

Cette technologie de fragmentation n’est, là encore, pas nouvelle. Israël cultive depuis longtemps des alliances avec des acteurs locaux afin de gérer et de perturber la cohésion palestinienne. La récente montée des gangs au sein des communautés palestiniennes en Israël en est un exemple. La convergence du soutien tacite d’Israël, en particulier des services de renseignement, ainsi que l’échec délibéré des forces de police et les changements économiques plus larges ont donné naissance à de nouvelles structures de crime organisé plus ancrées. 

Ces gangs ne sont pas de simples sous-produits de la décadence sociale ; ils sont les symptômes d’un désordre orchestré, cultivé et toléré dans la mesure où ils remplacent l’action collective et redirigent la violence vers l’intérieur, même parmi ceux qu’Israël présente comme ses propres citoyens, et les utilise volontiers comme outils de propagande pour dire : « Regardez, nous avons des Arabes qui se promènent sur la plage. Par conséquent, nous ne sommes pas racistes ». Il en va de même pour l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, qui représente aujourd’hui la forme la plus avancée d’une telle culture politique de type gang. Cannibalisant l’appareil para-étatique, l’Autorité palestinienne gouverne non seulement dans l’ombre d’Israël, mais aussi en instrumentalisant l’histoire nationaliste. Elle redessine les frontières de la loyauté et de la trahison, de l’ami et de l’ennemi, de manière à dissimuler ses dispositions mafieuses. 

Mais c’est peut-être cela qui est le plus important dans le contexte de Gaza : comme l’humanitarisme et le génocide obscène, comme la joie et la fête des soldats israéliens lorsqu’ils tuent des Palestiniens et détruisent leurs maisons, tout est désormais mis à nu. C’est une guerre sans voile. Pas de draps, pas de voiles, pas d’œillères idéologiques. La forme sociale de cette collaboration, son émergence brutale dans la sphère publique, révèle quelque chose de fondamental sur la nature de cette guerre. Elle n’est pas seulement génocidaire, elle est obscène et éhontée, n’exigeant rien du monde si ce n’est la passivité. 

Ce à quoi nous assistons n’est pas seulement une campagne militaire, mais le théâtre de l’effondrement, non pas de Gaza, mais des œillères idéologiques, des discours et des revendications morales d’un monde qui n’est plus capable de se justifier. Une bande à Gaza reflète les nombreuses bandes qui nous gouvernent.

NdT

La bande d’Abou Shabab se présente sur les médias en ligne sous deux formes et avec deux « logos » : « Forces populaires » et « جهاز مكافحة الإرهاب Jihaz mukafahat al’irhab », « Service ou Agence de lutte contre le terrorisme » (image 1). Ce second logo est une copie conforme de celui du Jihaz mukafahat al’irhab yéménite, basé à Aden et dirigé par le Général Chalal Ali Shaye, un tortionnaire au pedigree chargé au service de la coalition saudo-émiratie (image 2). Ce Service est lui-même inspiré du Bureau de contre-terrorisme mis en place en Irak par les envahisseurs yankees et actuellement dirigé par le général Karim Aboud Al-Tamimi (images 3 et 4). En somme, une répétition adaptée au Machrek à l’ère de l’intelligence artificielle de la fameuse opération Oiseau bleu lancée par les services français dans l’Algérie de 1956 et condamnée comme elle à un échec cuisant.

 



09/06/2025

GIDEON LEVY
Chers Gazaouis, s'il n'y a pas de farine, mangez du sang et des mensonges

Gideon LevyHaaretz, 8/6/2025 

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

La terrible accusation de meurtre rituel impliquant du sang, de la farine et des mensonges est gravée à jamais dans l’histoire du peuple juif. Aujourd’hui, le récit s’est inversé : il est désormais question de sang, de farine et des mensonges d’Israël.


Des chars israéliens prennent position à côté d’un centre de distribution d’aide humanitaire de la Gaza Humanitarian Foundation dans le sud de la bande de Gaza en mai. Photo : Abdel Kareem Hana/AP

Le sang et la farine sont visibles sur une photo prise à Gaza et publiée ce week-end : on y voit un cadavre mutilé recouvert de farine mélangée au sang, formant une pâte rose horrible. Le visage du défunt est recouvert d’une veste en lambeaux ; il fait partie des dizaines de personnes tuées dans le centre de distribution alimentaire de Gaza que les Forces de défense israéliennes ont transformé en une nouvelle zone de mort.

Les mensonges sur le sang et la farine ont été colportés par le porte-parole de l’armée israélienne et ses complices serviles : la plupart des correspondants militaires israéliens. Une enquête menée par Haaretz, qui s’est appuyée sur des images vidéo, des témoignages oculaires et des modifications apportées à la version des faits donnée par l’armée, a déterminé que l’armée israélienne était responsable des tirs qui ont tué des dizaines de personnes. Une enquête menée par CNN a également réfuté ces mensonges, un par un. Il ne nous reste donc que le sang, la farine et les mensonges. Nous ne pouvons pas rester silencieux.

Dimanche dernier, des dizaines de personnes ont été abattues dans la file d’attente pour recevoir de la nourriture. Le porte-parole de l’armée israélienne a affirmé que cet incident mortel « n’avait tout simplement pas eu lieu » ! Qu’il ait eu lieu ou non, au moins 35 personnes ont été tuées et 170 blessées dans une file d’attente remplie de désespoir.

Dans la matinée, l’armée israélienne a tenté de prétendre que ses forces n’avaient pas tiré sur des civils à proximité ou à l’intérieur du site d’aide, mais dans la soirée, elle a admis que des soldats avaient tiré des « coups de semonce » à environ 1 kilomètre (1 100 mètres) du centre d’aide et qu’« il n’y avait aucun lien avec les décès survenus dans la zone ».


Des secouristes palestiniens arrivent en ambulance pour évacuer des blessés après qu’un drone israélien aurait ouvert le feu sur un rassemblement de civils près d’un centre de distribution d’aide humanitaire, dimanche. Photo : Eyad Baba/AFP

Les mensonges sont devenus des insultes à l’intelligence. L’endroit où les personnes ont été tuées se trouvait dans ce qui était défini comme la zone du complexe. La fondation qui gère le centre s’est jointe à la campagne de dissimulation : « Ces fausses informations ont été activement propagées par le Hamas. »

Quiconque a suivi de bonne foi les événements à Gaza savait dès le début que ce sont les soldats qui ont massacré les civils affamés, à moins que ces derniers ne se soient suicidés en masse.

Depuis le meurtre de la journaliste palestino-usaméricaine Shireen Abu Akleh en Cisjordanie en 2022, en passant par le meurtre de 15 ambulanciers à Rafah en mars, et jusqu’à ce massacre, il est déjà clair que les déclarations du porte-parole de l’armée israélienne doivent être considérées comme fausses jusqu’à preuve du contraire. Un cas rare.

En matière de crimes de guerre, la probabilité d’entendre un mot de vérité de la part de l’armée israélienne, surtout dans les heures qui suivent l’incident, alors qu’il est encore possible de répandre des mensonges, est négligeable, voire inexistante. Israël et ses médias ne s’en soucient guère ; après tout, tout le monde veut vivre dans le mensonge agréable et addictif de la moralité militaire.

Des Palestiniens transportent des provisions de la Fondation humanitaire de Gaza dans le sud de la bande de Gaza en mai. Photo : Hatem Khaled/Reuters

Mais cette fois-ci, ça n’a pas fonctionné. L’enquête menée par Jeremy Diamond et ses collègues de CNN a porté un coup dur aux mensonges de l’armée et des médias israéliens. Nir Dvori – un nom israélien générique pour un journaliste israélien générique – devrait apprendre les bases du journalisme auprès de Diamond. Assiste au moins à un cours d’introduction, afin de commencer à comprendre ton rôle en tant que journaliste.

Même Ilana Dayan pourrait apprendre une chose ou deux de Diamond en matière d’enquête : le journalisme d’investigation ne consiste pas seulement à susciter des émotions patriotiques et militaristes auprès du public, surtout en temps de guerre. Pas une seule enquête du type de celles menées par CNN n’a été diffusée à la télévision israélienne.

Diamond a présenté 17 témoignages oculaires, l’examen balistique des munitions trouvées dans les corps des morts et l’analyse des bruits des coups de feu, qui prouvent tous que les tirs provenaient exclusivement de mitrailleuses appartenant à l’armée israélienne. Des témoins oculaires ont rapporté avoir été pris pour cible depuis des chars, des hélicoptères, des drones et la mer. Même l’imagination la plus « levantine » ne pourrait attribuer ce massacre à quelqu’un d’autre que l’armée israélienne. Mais l’armée israélienne a ignoré le bruit de fond qui, de toute façon, n’était entendu qu’à l’étranger, et a continué à massacrer les affamés.

Ameen Khalifa, qui dimanche rampait sur le sable, terrifié par les coups de feu, et déclarait à CNN : « Nous apportons notre nourriture, trempée de sang, nous mourons de faim », a été abattu mardi, deux jours plus tard. Il avait 30 ans et mourait de faim. Cette fois, l’armée a inventé un nouveau mensonge : les soldats se sont sentis menacés. La distribution de nourriture, qui s’était transformée en distribution de sang, a été suspendue pendant quelques jours.

S’il n’y a pas de farine, alors mangez du sang, chers Gazaouis, du sang, de la farine et des mensonges.