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04/08/2025

RICARDO MOHREZ MUVDI
Que cache l’avalanche de reconnaissances de l’État palestinien ?

Ricardo Mohrez Muvdi, Resumen Latinoamericano, 3/8/2025

Traduit par Tlaxcala

Ricardo Mohrez Muvdi, Bogotá, est membre de la présidence de l’Union palestinienne d’Amérique latine (UPAL) et président de la Fondation culturelle colombo-palestinienne.

Au cours des dernières semaines, une vague de pays – dont l’Espagne, la Norvège, l’Irlande et la Slovénie – a annoncé en grande pompe sa reconnaissance de l’État palestinien. Pour certains, il s’agit d’un événement historique. Pour d’autres, c’est une victoire morale après des décennies d’occupation et de souffrances. Mais derrière ces gestes diplomatiques se cache une stratégie beaucoup plus complexe. La question est inévitable : quels sont les intérêts réels qui se cachent derrière cette avalanche soudaine de reconnaissances ?



Un État palestinien... ou une issue pour l’Occident ?

Tout d’abord, il faut comprendre que ces reconnaissances ne surgissent pas de nulle part. Elles interviennent au milieu d’une guerre génocidaire contre Gaza, où Israël a échoué dans sa tentative d’éliminer la résistance palestinienne, en particulier le Hamas. Ni les bombes, ni la famine, ni les déplacements forcés n’ont réussi à soumettre un peuple qui résiste avec dignité.

Face à cet échec, l’Occident – et en particulier les USA et l’Europe – cherchent un « plan B ». Ils ne peuvent plus soutenir le discours selon lequel Israël « se défend ». Ils doivent proposer une alternative qui permette de maintenir le contrôle politique, de désamorcer la résistance et d’apaiser la pression sociale interne. C’est là qu’intervient la reconnaissance de l’« État palestinien ».

Mais il y a un hic. Car l’État reconnu n’a ni frontières, ni armée, ni souveraineté sur son territoire. Il ne contrôle ni son espace aérien ni son espace maritime. Il ne peut garantir la sécurité de ses citoyens et n’a aucune unité politique. Il s’agit, en substance, d’un fantôme administratif sous occupation. Et ce n’est pas un véritable État.

Une opération de blanchiment d’image pour l’Europe

Ces reconnaissances servent également à soulager la conscience de l’Europe. Après des mois de complicité avec le génocide – que ce soit par le silence, le soutien militaire ou des sanctions sélectives contre la résistance – elle tente maintenant d’équilibrer la balance par un geste symbolique. Elle parle de « deux États » comme si c’était encore une option viable, alors qu’en réalité Israël a tellement fragmenté et colonisé le territoire que cette formule est devenue impraticable.

On reconnaît un « État palestinien », mais on ne sanctionne pas Israël, on ne cesse pas la vente d’armes, on n’arrête pas l’expansion des colonies. En d’autres termes, on légitime une solution diplomatique sans modifier les conditions matérielles de l’occupation.

Et si le véritable objectif était de remplacer la résistance ?

Un autre élément préoccupant est la question de savoir qui on reconnait. La plupart de ces pays continuent de considérer l’[In]Autorité palestinienne comme le « gouvernement légitime » du peuple palestinien, malgré son manque de représentativité, sa corruption interne et sa collaboration avec l’occupation.

Sommes-nous face à une tentative de réorganisation de la direction palestinienne depuis l’extérieur, excluant les mouvements de résistance tels que le Hamas ou le Jihad islamique ? Cherche-t-on à créer un État artificiel, obéissant, qui administrerait l’occupation sans la remettre en question ?

Si tel est le cas, l’avalanche de reconnaissances serait moins un signe de solidarité qu’une manœuvre géopolitique visant à neutraliser la lutte du peuple palestinien.

Le piège de l’État fictif

Il y a un risque énorme que le monde commence à parler de la Palestine comme d’un « État reconnu » alors qu’elle reste en pratique une nation occupée, colonisée et bloquée. Cette fiction juridique peut être utilisée pour geler le conflit, désamorcer les dénonciations internationales et rendre les victimes elles-mêmes responsables de leur situation.

Dans ce scénario, la cause palestinienne passe d’une lutte anticoloniale légitime à un différend bureaucratique entre « deux gouvernements ». L’histoire est effacée, l’apartheid est rendu invisible et la voix des martyrs est étouffée.

Conclusion

L’avalanche de reconnaissances n’est ni gratuite, ni désintéressée, ni révolutionnaire. Elle s’inscrit dans un réajustement politique mondial face à l’usure morale de l’Occident et à la montée de la résistance palestinienne. Elle peut être utile sur le plan diplomatique, certes, mais nous ne devons pas nous laisser berner : la véritable libération ne viendra pas des chancelleries, mais de la détermination du peuple palestinien, à Gaza, en Cisjordanie, en exil et dans la diaspora. Tant que le régime d’occupation sioniste ne sera pas démantelé, aucune reconnaissance ne sera complète. Et tant que le sang continuera de couler à Gaza, aucun geste symbolique ne suffira.

 

RICARDO MOHREZ MUVDI
¿Qué secreto esconde la avalancha de reconocimientos al Estado de Palestina?

Ricardo Mohrez Muvdi, Resumen Latinoamericano, 3-8-2025

Ricardo Mohrez Muvdi, Bogotá, es miembro presidente de la Unión Palestina de América Latina (UPAL) y presidente de la Fundación cultural colombo -palestina.

En las últimas semanas, una oleada de países —España, Noruega, Irlanda, Eslovenia, entre otros— ha anunciado con bombo y platillo su reconocimiento al Estado de Palestina. Para algunos, esto representa un hito histórico. Para otros, una victoria moral tras décadas de ocupación y sufrimiento. Pero detrás de estos gestos diplomáticos se esconde una estrategia mucho más compleja. La pregunta es inevitable: ¿Qué intereses reales están detrás de esta repentina avalancha de reconocimientos?


Miki y Duarte

¿Un Estado palestino… o una salida para Occidente?

En primer lugar, hay que entender que estos reconocimientos no surgen en el vacío. Se producen en medio de una guerra genocida contra Gaza, donde Israel ha fracasado en su intento de eliminar a la resistencia palestina, en particular a Hamás. Ni con bombas, ni con hambre, ni con desplazamientos forzados ha logrado someter a un pueblo que resiste con dignidad.

Ante ese fracaso, Occidente —y especialmente Estados Unidos y Europa— buscan un “Plan B”. Ya no pueden sostener la narrativa de que Israel está “defendiéndose”. Necesitan ofrecer una alternativa que mantenga el control político, desactive la resistencia y calme la presión social interna. Ahí es donde entra el reconocimiento al “Estado palestino”.

Pero hay truco. Porque el Estado que se reconoce no tiene fronteras, ni ejército, ni soberanía sobre su territorio. No controla su espacio aéreo ni marítimo. No puede garantizar la seguridad de sus ciudadanos ni tiene unidad política. Es, en esencia, un fantasma administrativo bajo ocupación. Y eso no es un verdadero Estado.

Un lavado de imagen para Europa

Estos reconocimientos también sirven para limpiar la conciencia de Europa. Luego de meses de complicidad con el genocidio —ya sea con silencio, apoyo militar o sanciones selectivas contra la resistencia— ahora intentan equilibrar la balanza con un gesto simbólico. Hablan de “dos Estados” como si aún fuera una opción viable, cuando en realidad Israel ha fragmentado y colonizado tanto el territorio que esa fórmula se ha vuelto impracticable.

Se reconoce un “Estado palestino” pero no se sanciona a Israel, ni se corta la venta de armas, ni se detiene la expansión de asentamientos. Es decir, se legitima una solución diplomática sin modificar las condiciones materiales de la ocupación.

¿Y si el verdadero objetivo es reemplazar a la resistencia?

Otro elemento preocupante es a quién se reconoce. La mayoría de estos países siguen considerando a la Autoridad Palestina como el “gobierno legítimo” del pueblo palestino, a pesar de su falta de representatividad, su corrupción interna y su colaboración con la ocupación.

¿Estamos ante un intento de reorganizar el liderazgo palestino desde fuera, excluyendo a los movimientos de resistencia como Hamás o la Yihad Islámica? ¿Se busca crear un Estado artificial, obediente, que administre la ocupación sin cuestionarla?

Si es así, la avalancha de reconocimientos sería menos una muestra de solidaridad y más una maniobra geopolítica para neutralizar la lucha del pueblo palestino.

La trampa del Estado ficticio

Hay un riesgo enorme en que el mundo empiece a hablar de Palestina como un “Estado reconocido” cuando en la práctica sigue siendo una nación ocupada, colonizada y bloqueada. Esa ficción legal puede usarse para congelar el conflicto, desactivar denuncias internacionales y responsabilizar a las propias víctimas de su situación.

En ese escenario, se transforma la causa palestina de una lucha anticolonial legítima en una disputa burocrática entre “dos gobiernos”. Se borra la historia, se invisibiliza el apartheid y se apaga la voz de los mártires.

Conclusión

La avalancha de reconocimientos no es gratuita, ni desinteresada, ni revolucionaria. Es parte de un reajuste político global ante el desgaste moral de Occidente y el ascenso de la resistencia palestina. Puede ser útil diplomáticamente, sí, pero no debemos dejarnos engañar: la verdadera liberación no vendrá de las cancillerías, sino de la determinación del pueblo palestino, en Gaza, en Cisjordania, en el exilio y en la diáspora. Mientras no se desmantele el régimen sionista de ocupación, ningún reconocimiento será completo. Y mientras la sangre siga corriendo en Gaza, ningún gesto simbólico bastará.

David Grossman : misère du sionisme de gauche
“Notre cœur est au bon endroit : il bat dans une réalité qui est sans cœur”

Le 1er août, le quotidien italien la Repubblica a publié un entretien avec l’écrivain David Grossman reconnaissant qu’Israël est en train de commettre un génocide à Gaza. Les médias francophones se sont contentés de publier une dépêche de l’Agence France-Presse résumant le contenu de l’entretien. Il nous a semblé utile de le traduire in extenso pour que tout un chacun comprenne l’état d’esprit lamentable dans lequel se trouve une grande partie de la vieille “gauche sioniste” censée être pacifiste. On lira, après l’entretien, le commentaire d’un blogueur militant italien.-FG, Tlaxcala


David Grossman : “À Gaza, c’est un génocide, ça me brise le cœur, mais je dois le dire maintenant”

Francesca Caferri, la Repubblica, 1/8/2025

« Pendant de nombreuses années, j’ai refusé d’utiliser ce mot. Mais aujourd’hui, après les images que j’ai vues, ce que j’ai lu et ce que j’ai entendu de la bouche de personnes qui étaient là-bas, je ne peux plus m’empêcher de l’utiliser », explique l’écrivain israélien.

Entre le moment où nous avons pris contact pour cette interview et le moment où elle a effectivement eu lieu, soit moins de 24 heures, 103 personnes sont mortes à Gaza : 47 alors qu’elles tentaient d’accéder à l’aide alimentaire, sept de faim, les autres lors de différentes opérations militaires israéliennes. David Grossman a lu, comme moi, les chiffres publiés dans Haaretz : c’est de là que part cette conversation. Elle est dictée, nous explique-t-il, par un sentiment d’« inévitabilité. Je ressens une urgence intérieure de faire ce qui est juste, et c’est le moment de le faire, explique-t-il. Parfois, on ne parvient à vraiment comprendre les choses qu’en en parlant ».

Commençons par les chiffres : quand vous lisez les chiffres des morts à Gaza, que pensez-vous ?

« Je me sens mal. Même si je sais que ces chiffres sont contrôlés par le Hamas et qu’Israël ne peut être le seul responsable de toutes les atrocités dont nous sommes témoins. Malgré ça, lire dans un journal ou entendre dans des conversations avec des amis en Europe l’association des mots « Israël » et « famine » ; le faire en partant de notre histoire, de notre prétendue sensibilité à la souffrance humaine, de la responsabilité morale que nous avons toujours dit avoir envers chaque être humain et pas seulement envers les Juifs... tout ça est dévastateur. Et ça me trouble : non pas d’un point de vue moral, mais personnel. Je me demande : comment avons-nous pu en arriver là ? À être accusés de génocide ? Le simple fait de prononcer ce mot, « génocide », en référence à Israël, au peuple juif : cela suffirait, le fait qu’il y ait cette association, pour dire qu’il se passe quelque chose de très grave. Un juge de la Cour suprême israélienne a dit un jour que le pouvoir corrompt, et que le pouvoir absolu corrompt absolument. Et voilà, c’est ce qui nous est arrivé : l’occupation nous a corrompus. Je suis absolument convaincu que la malédiction d’Israël est née avec l’occupation des territoires palestiniens en 1967. Les gens en ont peut-être assez d’en entendre parler, mais c’est ainsi. Nous sommes devenus très forts sur le plan militaire et nous avons succombé à la tentation générée par notre pouvoir absolu et l’idée que nous pouvons tout faire ».

Vous avez utilisé le mot interdit : « génocide ». Dans un article publié il y a quelques jours dans Haaretz, la juriste israélienne Orit Kamir a qualifié ce qui se passe à Gaza de « trahison des victimes de l’Holocauste ». Dans le New York Times, l’historien israélien Omer Bartov a écrit : «Je suis un spécialiste du génocide. Quand j’en vois un, je le reconnais Un génocide est en cours à Gaza ». Êtes-vous d’accord ?

« Pendant des années, j’ai refusé d’utiliser ce mot : « génocide ». Mais aujourd’hui, je ne peux plus m’empêcher de l’utiliser, après ce que j’ai lu dans les journaux, après les images que j’ai vues et après avoir parlé à des personnes qui étaient là-bas. Mais vous voyez, ce mot sert principalement à donner une définition ou à des fins juridiques : moi, je veux parler en tant qu’être humain né dans ce conflit et dont toute l’existence a été dévastée par l’occupation et la guerre. Je veux parler en tant que personne qui a fait tout ce qu’elle pouvait pour ne pas en arriver à qualifier Israël d’État génocidaire. Et maintenant, avec une immense douleur et le cœur brisé, je dois constater que cela se passe sous mes yeux. « Génocide ». C’est un mot qui fait l’effet d’une avalanche : une fois prononcé, il ne fait que grossir, comme une avalanche justement. Et il apporte encore plus de destruction et de souffrance.

Où allons-nous à partir de là ?

« Nous devons trouver un moyen de sortir de cette association entre Israël et le génocide. Tout d’abord, nous ne devons pas permettre à ceux qui ont des sentiments antisémites d’utiliser et de manipuler le mot « génocide ». Ensuite, nous devons nous poser la question suivante : sommes-nous capables, en tant que nation, sommes-nous assez forts pour résister aux germes du génocide, de la haine, des massacres ? Ou devons-nous nous abandonner au pouvoir que nous confère le fait d’être les plus forts ? J’entends des gens comme Smotrich et Ben Gvir (deux ministres israéliens d’extrême droite, ndlr) dire que nous devons reconstruire des colonies à Gaza : mais que disent-ils ? Ne se souviennent-ils pas de ce qui se passait quand nous étions là-bas, avec le Hamas qui tuait des centaines de civils israéliens, des femmes et des enfants, sans que nous puissions les protéger ? Nous n’avons pas quitté Gaza par générosité, mais parce que nous ne pouvions pas protéger notre peuple. La grande erreur des Palestiniens est qu’ils auraient pu en faire un endroit prospère : au lieu de cela, ils ont cédé au fanatisme et l’ont utilisé comme rampe de lancement pour des missiles contre Israël. S’ils avaient fait un autre choix, cela aurait peut-être poussé Israël à céder également la Cisjordanie et à mettre fin à l’occupation il y a des années. Au lieu de cela, les Palestiniens n’ont pas su résister à la tentation du pouvoir : ils nous ont tiré dessus, nous leur avons tiré dessus et nous nous sommes retrouvés dans la même situation. Si nous avions été plus mûrs politiquement, plus courageux, la réalité aurait pu être complètement différente. »

Pourquoi n’y a-t-il pas des millions de personnes dans les rues en Israël pour mettre fin à tout cela ? La faim, les massacres... Pourquoi n’y a-t-il toujours qu’une minorité du pays dans les rues ?

« Parce qu’il est plus facile de ne pas voir. Et il est très facile de céder à la peur et à la haine. Encore plus après le 7 octobre : vous étiez ici à cette époque, vous pouvez comprendre quand je dis que ça a été horrible, beaucoup de gens ne comprennent toujours pas ce que ça a signifié pour nous. Beaucoup de personnes que je connais ont abandonné depuis ce jour-là nos valeurs communes de gauche, ont cédé à la peur ; et soudain, leur vie est devenue plus facile, ils se sont sentis acceptés par la majorité, ils n’ont plus eu besoin de réfléchir. Sans comprendre que plus on cède à la peur, plus on est isolé et détesté en dehors d’Israël. La vie est l’histoire que nous nous racontons : ça vaut pour tout le monde. Mais quand on est Israël, entouré de voisins qui ne veulent pas de vous dans cette région, comme la Syrie, et qu’on commence à perdre le soutien de l’Europe, l’isolement s’accroît et on se retrouve dans un piège de plus en plus profond, dont il est difficile de sortir. Au contraire, vous risquez de ne pas pouvoir en sortir ».

Le silence de la majorité risque d’emporter tout le monde sans distinction, Israéliens et Juifs, y compris ceux qui ne sont pas d’accord. Vous savez ce qui s’est passé ces derniers jours dans un restaurant Autogrill près de Milan [un touriste français juif y aurait été agressé, NdT], puis il y a eu le navire qui n’a pas été autorisé à accoster en Grèce. Des artistes et des écrivains israéliens ont vu leurs invitations à l’étranger annulées pour avoir critiqué le gouvernement : pensez-vous que cela puisse vous arriver aussi ?

« Bien sûr que j’y pense : ce serait le signe des temps dans lesquels nous vivons. Ce serait regrettable. Mais cela ne m’empêchera pas de dire ce que je pense : je crois qu’il est essentiel d’écouter des idées comme les miennes en ce moment. Pour Israël et pour ceux qui aiment Israël ».

Vous avez dit que tout a commencé avec l’occupation. Vous l’avez écrit dans « Le Vent jaune », en 1987. Parlons de la Cisjordanie à l’époque : en Europe, on parle encore de deux États, mais il suffit de sortir de Jérusalem pour voir qu’il n’y a plus, physiquement, de place pour deux États. Les colonies sont en train de manger la terre des Palestiniens...

« Je reste désespérément fidèle à l’idée de deux États, principalement parce que je ne vois pas d’alternative. Ce sera complexe et nous devrons, tout comme les Palestiniens, faire preuve de maturité politique face aux attaques qui ne manqueront pas de se produire. Mais il n’y a pas d’autre plan ».

Que pensez-vous de la reconnaissance de l’État palestinien proposée par Macron ?

« Je pense que c’est une bonne idée et je ne comprends pas l’hystérie qui l’a accueillie ici en Israël. Peut-être qu’avoir affaire à un véritable État, avec des obligations réelles, et non à une entité ambiguë comme l’Autorité palestinienne, aura ses avantages. Il est clair qu’il devra y avoir des conditions très précises : pas d’armes. Et la garantie d’élections transparentes dont seront exclus tous ceux qui envisagent d’utiliser la violence contre Israël ».

À la fin de cette conversation, j’aimerais vous demander de répondre à ceux – et ils sont nombreux – qui disent que vous, les intellectuels israéliens, n’avez pas dit ou fait assez pour mettre fin à ce qui se passe à Gaza.

« Je pense qu’il est injuste de s’en prendre à ceux qui ont combattu l’occupation pendant 70 ans, qui ont consacré la majeure partie de leur vie et de leur carrière à cette lutte. Lorsque cette guerre a commencé, nous étions dans un état de désespoir total, car nous avions perdu tout ce en quoi nous avions cru et tout ce que nous aimions : je pense que notre réaction lente était naturelle et compréhensible. Il nous a fallu du temps pour comprendre ce que nous ressentions et ce que nous pensions, puis pour trouver les mots pour le dire. Ceux qui cherchaient une réaction en temps réel devaient la chercher ailleurs : je parle pour moi et pour ceux que je vois chaque semaine dans les manifestations, depuis des années maintenant. Notre cœur est au bon endroit : il bat dans une réalité qui est sans cœur ».

L’aveu de Grossman sur le génocide commis par Israël est la preuve qu’Israël ne rendra jamais justice

Alessandro Ferretti, 1/8/2025

Chercheur en physique à l’Université de Turin et blogueur

L’interview de David Grossman dans laquelle le gourou du sionisme de gauche se décide enfin à admettre qu’Israël est en train de commettre un génocide n’est pas un repentir dicté par l’empathie pour les horreurs indescriptibles que sa patrie a infligées et continue d’infliger aux Palestiniens, mais un condensé d’autoréférentialité absolue, une tentative pathétique et cynique de sauver Israël des conséquences de ses crimes.

Bien qu’il avoue savoir qu’Israël commet des crimes innommables, il n’exprime jamais de douleur pour les victimes, mais seulement de l’inquiétude pour Israël et pour l’impasse dans laquelle il s’est fourré, en essayant de sauver tout ce qui peut être sauvé de l’entreprise sioniste. Cette priorité est évidente dans tous les points de l’interview : « Je veux parler comme quelqu’un qui a fait tout ce qu’il pouvait pour ne pas en arriver à qualifier Israël d’État génocidaire ». À la question « que faire », sa réponse n’est pas « arrêter le génocide et rendre liberté et justice aux victimes », mais « nous devons trouver un moyen de sortir de cette association entre Israël et le génocide. Avant tout, nous ne devons pas permettre à ceux qui ont des sentiments antisémites d’utiliser et de manipuler le mot « génocide » ».

En outre, il réitère sans vergogne des récits totalement faux et tendancieux, comme celui selon lequel le Hamas aurait eu la possibilité de transformer Gaza en un jardin des délices, et tout en se déclarant à contrecœur favorable à la solution à deux États comme « seule possibilité », il a l’arrogance d’ajouter : « Il est clair qu’il devra y avoir des conditions très précises : pas d’armes. Et la garantie d’élections transparentes dont seront exclus tous ceux qui envisagent d’utiliser la violence contre Israël ». En pratique, sa solution est un bantoustan sans défense, sous tutelle et à souveraineté limitée, présenté de surcroît comme un cadeau généreux.

En somme, si l’on pouvait auparavant justifier son attitude par le doute qu’il n’ait pas compris ce qui se passait, il est désormais malheureusement incontestable que Grossman est une personne émotionnellement lobotomisée, dépourvue d’empathie, horrible et corrompu jusqu’à la moelle, et si Grossman est représentatif de la grande majorité de l’opposition à Netanyahu, alors nous avons une nouvelle confirmation qu’il n’y a aucun espoir à court terme qu’Israël reconnaisse de lui-même ses crimes et rende leur dignité et leur indépendance aux Palestiniens. Au lieu de démontrer qu’Israël comprendra et reviendra sur ses pas, cette interview prouve le contraire : seules des sanctions politiques, diplomatiques et économiques pourront mettre fin au massacre et rétablir la justice, et le seul moyen d’y parvenir est d’agir à la base contre les gouvernements (comme celui de l’Italie) qui continuent de rendre possible l’horreur.

03/08/2025

GIDEON LEVY
Reconocer a Palestina no detendrá el genocidio en Gaza: las sanciones a Israel sí lo harán

Gideon Levy, Haaretz, 3/8/2025
Traducido por Tlaxcala

 
El reconocimiento europeo de Palestina es un gesto vacío que exime de responsabilidad a Israel. Sin sanciones para detener la matanza en Gaza, no es diplomacia, es complicidad.

El reconocimiento internacional de un Estado palestino recompensa a Israel, que debería dar las gracias a todos y cada uno de los países que lo hacen, ya que dicho reconocimiento sirve como una alternativa engañosa a lo que realmente se debe hacer: imponer sanciones.

El reconocimiento es un sustituto erróneo de los boicots y las medidas punitivas que se deben tomar contra un país que perpetúa el genocidio. El reconocimiento es una declaración vacía que los gobiernos europeos, vacilantes y débiles, utilizan para demostrar a su opinión pública enfurecida que no guardan silencio.

Reconocer un Estado palestino, que no existe ni existirá en un futuro próximo, si es que alguna vez existe, es un silencio vergonzoso. La gente se muere de hambre en Gaza y la reacción de Europa es reconocer un Estado palestino. ¿Salvará esto a los hambrientos de Gaza? Israel puede ignorar estas declaraciones con el apoyo de USA.

Eran Wolkowski, Haaretz

Se habla de un «tsunami» diplomático en Israel, sabiendo que no llegará a las costas israelíes, siempre y cuando el reconocimiento no vaya acompañado de la imposición de un precio por el genocidio.

El primer ministro británico, Keir Starmer, uno de los primeros en reconocer a Palestina en la ola actual, después de Francia, se superó a sí mismo. Se apresuró a presentar su medida como una sanción (condicional), cumpliendo así con su deber.

 Si Israel se comporta bien, prometió, retirará su dedo acusador.

¿Qué tipo de sanción es esta, señor primer ministro? Si reconocer a Palestina promoverá una solución, según su creencia, ¿por qué presentarlo como un castigo? Y si se trata de una medida punitiva, ¿dónde está?

Así es cuando el miedo a Donald Trump se apodera de Europa y la paraliza, cuando está claro que cualquiera que imponga sanciones a Israel lo pagará. El mundo prefiere por ahora una fiesta verbal. Las sanciones están bien cuando se trata de invasiones rusas, pero no de invasiones israelíes.

La decisión de Starmer ha llevado a muchos otros a seguir su ejemplo, lo que se presenta en Israel como un terremoto diplomático, un tsunami. Esto no detendrá el genocidio, que no se detendrá sin medidas prácticas por parte de la comunidad internacional. Estas son urgentes e insoportables, ya que la matanza y el hambre intensa en Gaza continúan.

El reconocimiento tampoco traerá consigo un Estado. ¿Cómo lo expresó una vez la líder de los colonos Daniella Weiss, tras una anterior ola de reconocimientos? «Abro la ventana y no veo ningún Estado palestino». Tampoco lo verá en un futuro próximo.

A corto plazo, Israel se beneficia de esta ola de reconocimientos porque sustituye al castigo que se merece. A largo plazo, puede haber algún beneficio en reconocer un Estado imaginario, ya que plantea la necesidad de encontrar una solución.

Pero se necesita una dosis enfermiza de optimismo e ingenuidad para creer que el reconocimiento sigue siendo relevante.

 Nunca ha habido un momento peor; el reconocimiento ahora es como silbar en la oscuridad. Los palestinos no tienen líderes, y los líderes israelíes han hecho todo lo posible para impedir ese Estado y lo han conseguido.

Está bien que el número 10 de Downing Street quiera un Estado palestino, pero mientras Jerusalén no lo quiera, con el asentamiento extremista de Yitzhar dedicado a destruir propiedades palestinas y cada vez más fuerte con el apoyo ciego de Washington a Israel, no va a suceder.

Cuando la derecha israelí está en la cima de su poder y el centro israelí vota en la Knesset a favor de la anexión y en contra del establecimiento de un Estado palestino, cuando Hamás es la entidad política más fuerte que tienen los palestinos y los colonos y sus ayudantes son la organización más fuerte de Israel, ¿de qué Estado palestino estamos hablando? ¿Dónde estaría?

Una tormenta en un vaso de agua. El mundo cumple con su deber mientras Israel destruye y mata de hambre. El plan de limpieza étnica defendido por el gobierno israelí se está llevando a cabo primero en Gaza. No se pueden concebir peores condiciones para soñar con la creación de un Estado.

¿Dónde se establecería? ¿En un túnel excavado entre Yitzhar e Itamar? ¿Existe alguna fuerza capaz de evacuar a cientos de miles de colonos? ¿Cuál?

¿Existe un bando político que lucharía por ello?

Lo mejor sería tomar primero medidas punitivas prácticas que obligaran a Israel a poner fin a la guerra —Europa tiene los medios para ello— y luego poner sobre la mesa la única solución que queda: una democracia entre el Mediterráneo y el río Jordán; una persona, un voto. Apartheid o democracia. Para nuestro horror, ya no hay una tercera vía.

 

 

GIDEON LEVY
Reconnaître la Palestine n'arrêtera pas le génocide à Gaza – Seules des sanctions contre Israël le feront

Gideon Levy, Haaretz, 3/8/2025
Traduit par Tlaxcala

La reconnaissance européenne de la Palestine est un geste creux qui permet à Israël de s'en tirer à bon compte. Sans sanctions pour mettre fin au massacre à Gaza, ce n'est pas de la diplomatie, c'est de la complicité.


La reconnaissance internationale d'un État palestinien récompense Israël, qui devrait remercier chaque pays qui le fait, car cette reconnaissance sert d'alternative trompeuse à ce qui doit réellement être fait : imposer des sanctions.

La reconnaissance est un substitut erroné aux boycotts et aux mesures punitives qui devraient être pris à l'encontre d'un pays qui perpétue un génocide. La reconnaissance est une déclaration creuse que les gouvernements européens hésitants et faibles utilisent pour montrer à leur opinion publique en colère qu'ils ne restent pas silencieux.

Reconnaître un État palestinien, qui n'existe pas et n'existera pas dans un avenir proche, voire jamais, est un silence honteux. Les habitants de Gaza meurent de faim, et la réaction de l'Europe est de reconnaître un État palestinien. Cela sauvera-t-il les Gazaouis affamés ? Israël peut ignorer ces déclarations avec le soutien des USA.


Eran Wolkowski, Haaretz

On parle d'un « tsunami » diplomatique en Israël, tout en sachant qu'il n'atteindra pas les côtes israéliennes tant que la reconnaissance ne s'accompagnera pas d'un prix à payer pour le génocide.

Le Premier ministre britannique Keir Starmer, l'un des premiers à reconnaître la Palestine dans la vague actuelle, après la France, s'est surpassé. Il s'est empressé de présenter sa décision comme une sanction (conditionnelle), remplissant ainsi son devoir. Si Israël se comporte bien, a-t-il promis, il retirera son index accusateur.

De quel genre de sanction s'agit-il, Monsieur le Premier ministre ? Si, selon vous, la reconnaissance de la Palestine favorise une solution, pourquoi la présenter comme une sanction ? Et s'il s'agit d'une mesure punitive, où est-elle ?

C'est ainsi que les choses se passent lorsque la peur de Donald Trump s'empare de l'Europe et la paralyse, lorsqu'il est clair que quiconque impose des sanctions à Israël en paiera le prix. Le monde préfère pour l'instant une fête verbale. Les sanctions sont bonnes quand il s'agit d'invasions russes, pas israéliennes.

La décision de Starmer a incité beaucoup d'autres à suivre son exemple, ce qui est présenté en Israël comme un raz-de-marée diplomatique, un tsunami. Cela n'arrêtera pas le génocide, qui ne sera pas stoppé sans mesures concrètes de la part de la communauté internationale. Celles-ci sont d'une urgence insupportable, car les tueries et la famine intense se poursuivent à Gaza.

La reconnaissance ne suffira pas non plus à créer un État. Comme l'a dit un jour la leader des colons Daniella Weiss, après une précédente vague de reconnaissances : « J'ouvre ma fenêtre et je ne vois pas d'État palestinien ». Elle n'en verra pas de sitôt.

À court terme, Israël tire profit de cette vague de reconnaissances, car elle remplace la sanction qu'il mérite. À long terme, la reconnaissance d'un État imaginaire pourrait présenter certains avantages, car elle soulève la nécessité de trouver une solution.

Mais il faut être d'un optimisme et d'une naïveté démesurés pour croire que la reconnaissance est encore pertinente. Il n'y a jamais eu de pire moment ; reconnaître maintenant, c'est comme siffler dans le noir. Les Palestiniens sont sans dirigeants, et les dirigeants israéliens ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour empêcher la création d'un tel État, et ils ont réussi.

C'est bien que le 10 Downing Street veuille un État palestinien, mais tant que Jérusalem ne le veut pas, avec la colonie extrémiste de Yitzhar qui s'emploie à détruire les biens palestiniens et qui se renforce grâce au soutien aveugle de Washington à Israël, cela n'arrivera pas.

Alors que la droite israélienne est au sommet de son pouvoir et que le centre israélien vote à la Knesset en faveur de l'annexion et contre la création d'un État palestinien, alors que le Hamas est la plus forte entité politique palestinienne et que les colons et leurs partisans constituent l'organisation la plus puissante en Israël, de quel État palestinien parlons-nous ? Où serait-il ?

Une tempête dans un verre d'eau. Le monde remplit son devoir tandis qu'Israël détruit et affame. Le plan de nettoyage ethnique prôné par le gouvernement israélien est d'abord mis en œuvre à Gaza. On ne peut imaginer pires conditions pour nourrir des rêves d'État.

Où serait-il établi ? Dans un tunnel creusé entre Yitzhar et Itamar ? Existe-t-il une force capable d'évacuer des centaines de milliers de colons ? Laquelle ?

Existe-t-il un camp politique qui se battrait pour cela ?

Il serait préférable de prendre d'abord des mesures punitives concrètes pour forcer Israël à mettre fin à la guerre – l'Europe en a les moyens – puis de mettre à l'ordre du jour la seule solution qui reste aujourd'hui : une démocratie entre la Méditerranée et le Jourdain, une personne, une voix. L'apartheid ou la démocratie. À notre grand effroi, il n'y a plus de troisième voie.

MAHAD HUSSEIN SALLAM
The great psychic numbness

Mahad Hussein Sallam (bio), Mediapart, 30/7/2025
Translated by Tlaxcala

In a world saturated with alerts, emergencies, and tragedies broadcast continuously, another form of crisis is taking hold, one that is more insidious: numbness. Are we losing the very ability to feel as a result of being exposed to so much? When feeling becomes an act of resistance.

From Gaza to Sudan, from climate disasters to algorithmic exhaustion, emotional collapse is no longer an individual evil: it is a symptom of a civilization in psychological decline.

Gaza on my screen. Silence in my chest.

Every evening, I scroll through the images. Gaza is bleeding. The Amazon is burning. I scroll.

A Palestinian child lies under the rubble, others fall from hunger. Sudan disappears from the headlines, while atrocious crimes are being committed far from the cameras, behind closed doors. A little girl drowns in the Aegean Sea while another dances live on TV. One after another, European democracies are falling into the hands of radical right-wing parties who, incapable of governing in any way other than through chaos, are creating an atmosphere of permanent fear. Their recipe is well known: xenophobic and identity-based propaganda that stirs up fantasies of national decline to better conceal their political vacuity. And I scroll through the images.

I scroll, not out of desire, but because I am incapable of doing otherwise. Sometimes I stop, not because I feel something, but because I don't feel anything, I no longer feel anything, and that is what terrifies me more than anything else.

We are living in a time when the world is collapsing in high definition. Violence is no longer hidden: it is on display, scripted, multiplied, projected in a loop on all our screens. And yet it is not revolt that dominates our reactions, but a deep numbness. It is neither apathy nor indifference, but something more pernicious: a gradual extinction of our ability to feel. A mental anaesthesia on a civilizational scale. What I call: the Great Psychic Numbness.

This text is not a plea. It is not a cry for help.

It is a lucid confrontation with a drift that we have insidiously come to consider inevitable.

When everything hurts, we no longer feel anything.

Shocking images, calls for solidarity, waves of hashtags—it all floods our screens at the speed of an algorithm. And yet, we have never been so untouched by what we see.

Conflicts pile up like forgotten notifications: Ukraine, Gaza, Sudan, Congo, the Sahel countries, New Caledonia, Martinique, and so on.

The waters are rising, glaciers are collapsing, nameless bodies are floating in the Mediterranean, which is becoming the largest cemetery on the planet.

But already, a new keyword is replacing the previous one. Memory is being overtaken by speed.

A study published in 2024 by Utrecht University reveals a chilling finding: 64% of Dutch students say they feel emotionally detached from global crises, even though they follow developments every day.

This is not ignorance. It is saturation. An emotional overload that leaves no room for shock, indignation, or grief.

The body goes into standby mode. The mind switches off. It is not that we no longer feel: it is that we are overwhelmed, dissociated, exhausted by compassion.

And this nuance is anything but trivial: it is political. It is moral. It is existential. It draws the line between democratic vigilance and authoritarian drift, between responsibility and renunciation. For while emotional numbness is spreading at the grassroots level, something more sinister is brewing at the top.

The rise of emotional authoritarianism

What we are witnessing is not a simple drift. It is a profound political shift: a radicalization of power that no longer seeks to alleviate collective suffering, but to exploit it.

They no longer govern, they polarize. They do not repair, they fracture.

They do not console, they accuse. This is the new order.

Malaise becomes a resource, fear becomes a lever. In the absence of solutions, culprits are designated. Social pain is recycled into political energy that is brutal, directed, and profitable. This is no longer governance: it is emotional engineering designed to divide.

The result is before our eyes: unrestrained anti-Semitism. Rampant Islamophobia. Systemic racism. Vocal misogyny. Unapologetic transphobia. Legitimized xenophobia.

Hate is no longer hidden. It is on display.

It circulates in slogans, laws, and likes. It has become a language of power, raw, unapologetic, normalized.

This is not a political vacuum. It is politics stripped of all empathy.

Politics without a face, without tremor, without shame. Politics that no longer seeks to convince, but to subjugate.

In such a climate, feeling becomes an act of resistance. Because everything pushes us toward anaesthesia.

 Everything pushes us to retreat. Everything pushes us to close ourselves off.

And that is precisely why feeling has become subversive. Perhaps even vital.

Anaesthesia by design

Numbness is not an anomaly. It is not an accident of the system.

It is a perfectly integrated logic: thought out, optimized, monetized, and, more often than not, graciously distributed under the guise of entertainment.

Social media platforms monetize our nervous systems. Anger keeps us hooked. Tragedy fuels engagement. Every death becomes a data point. Every trauma, a clickbait.

Instagram sublimates war into an aesthetic filter.

TikTok turns trauma into a trend.

X reduces genocide to a 280-character duel.

We are no longer witnesses. We are consumers of suffering.

And in doing so, we lose what made us human: the ability to feel fully, to cry deeply, to respond ethically.

The language of cowardice

When it comes to Gaza, words falter. We avoid those that disturb: “genocide,” “apartheid,” “ethnic cleansing.” Not because they are unfounded, but because they shake diplomatic salons and disturb comfortable narratives.

So we cover the horror with a veneer of language. We invoke “complexity” where oppression should be named. We preach ‘balance’ where justice is a strangled cry.

A child killed becomes an “innocent civilian.”. A targeted bombing becomes a “retaliatory strike,” or even a preventive war. Ethnic cleansing becomes a “security measure.” Apartheid becomes a “protracted territorial conflict,” and the massacre of peoples becomes a right of response.

This is not neutrality. It is lexical cowardice.

A deliberate strategy of linguistic anaesthesia. A semantic fog designed to neutralize indignation before it turns into action.

Citizens are taught to doubt their own moral impulses. To no longer believe their eyes. To relativize their anger.  To look away. To no longer feel.

This is how a war of words becomes a war against memory. And silence becomes complicity.

Gaza: a mirror of our collapse

Gaza is not just a geopolitical disaster.

It is an ethical shipwreck. A collective moral collapse. Not only for those who drop the bombs, but for those who watch, silently, with their arms crossed and their hearts closed.

Every missile that falls tests us. Not only as citizens, but as human beings.

How long do we stare at a pulverized school or hospitals razed to the ground before scrolling down the screen? Three seconds? Four? Five?

And what becomes of our soul when it screams the answer inside us: “No more than that”?

Gaza acts as a brutal mirror.

It reveals what we have become: saturated witnesses. Disconnected observers. Fleeing consciences.

To bear witness to Gaza today is to face an almost unbearable dissonance: between visibility and inaction. Between horror and everyday life. Between lucidity and resignation.

We are not numb because we don't know. We are numb because knowing has become an unbearable pain.

So, in order to survive, we disconnect. We cut the cord. We escape reality.

We become emotionally dead. Present without presence. Informed without memory. Touched without response.

The post-empathetic self

A new figure of our time is emerging, discreet but omnipresent: the “post-empathetic self.”

He or she knows. He knows the facts. She sees the images. He understands the power relations, the issues, the responsibilities.

But he or she no longer feels. Or if they feel, they do not act.

Or if they act, it is only out of reflex, a signature, a share, a form of indignant outrage. A gesture without weight. An act without consequence.

It's not cruelty. It's wear and tear. Moral fatigue. A slow, silent inner collapse. A fatalism that is manufactured and then imposed as an obvious truth that must not be thought about.

But this exhaustion, however human it may be, opens the door to an even greater danger: indifference.

And indifference is never neutral. It is the breeding ground where democracies rot. It is the breach through which genocide infiltrates without resistance.

It is the emotional void into which cold, cynical, methodical authoritarian regimes rush.

The “post-empathetic self” does not kill. But it allows things to happen. And sometimes that is all it takes for the worst to happen.

Where are the sanctuaries of feeling?

And yet, despite the noise, despite the widespread anaesthesia, resistance is organizing. In some places, it is emerging quietly, almost fragile, but deeply tenacious. In Utrecht, London, Paris, Washington, Beirut, Sanaa, Ramallah, Oakland, Amsterdam, pockets of emotional life are resisting the suffocating atmosphere.

Cafés of vulnerability where people talk about grief, without filters or detours. Interfaith vigils where tears flow freely, without belonging to a single faith. Artistic performances that refuse neutrality, that hurt in order to awaken. Circles of young people, sometimes lost, who are relearning to name what they feel—anger, sadness, tenderness, fear—as if relearning a forgotten language.

These are not mere emotional gestures. They are political gestures. Because in an age that rewards coldness, opening up becomes an act of defiance. In a culture where numbness is the norm, feeling is a declaration of war.

These places, these gestures, these voices are not spectacular. But they stand up to cynicism. And that, today, is already an act of dissent.



Towards a radically political emotional ecology

The Great Numbness is not an accident. It is a strategy. We are taught to keep quiet. To repress anger. To stifle empathy.

This is how technocratic systems hold sway: not through brute force, but by anesthetizing the soul, the souls. By paralyzing our ability to feel, they neutralize any desire for change. Any moral insurrection. Any meaningful disobedience.

So what can we do?

Bring emotion back into public life. Rebuild spaces where vulnerability is not ridiculed but shared. Where legitimate outrage is not stifled but honoured. This is where democratic repair begins: not with abstract reforms, but with a collective emotional truth.

We need civic assemblies of feeling. Places where we talk about what hurts, what scares us, what gives us hope. Without this, democracy is nothing but a hollow shell.

We must make schools emotionally literate. Every student should learn to name what they feel. Emotional awareness is not a luxury. It is a civic infrastructure. Understanding your emotions means understanding power, injustice, and the human condition.

We must hold algorithms accountable. Social media platforms should not be held responsible only for fake news, but also for the emotional violence they make commonplace, viral, and inevitable. Regulation can no longer be purely technical:  it must become affective.

We must strengthen those who care for our society.

Attention workers, caregivers, educators, social workers, and psychologists are not secondary actors.

They are the first responders in our wounded society. They must be protected, funded, valued, and above all encouraged to remain vigilant, to watch over, with clarity, a society that is faltering, which some already prefer to believe is dead.

We must fund collective artistic repair. Art must not only be beautiful:  it must be useful.

 It must heal. It must awaken. It must reclaim its true role. Culture is not a supplement to the soul. It is an emotional infrastructure.

Feeling is not a weakness. It is a political power. If our hearts can still break, then they can also rebuild. Another world.

Not later. Not tomorrow. Now. Before it's too late.

Because if we lose the ability to feel, we don't just lose compassion. We lose what remains of our humanity.

And what will remain then... will be silence.