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07/09/2023

LUIS CASADO
Chili : Que faire ?
Arrêter d’aboyer contre les roues des bagnoles

La question est pertinente. D’autres, bien avant nous, l’ont posée. Autres siècles, autres peuples, mais le mal était le même : l’autocratie criminelle qui asservit des millions et des millions de citoyens. Luis Casado pense que ne pas répondre à cette question équivaut à fermer les écoutilles et faire l’autruche.

Luis Casado, Politika, 7/9/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Quand tu chancelles sous le poids de la douleur, quand tu n’as plus de larmes, pense à la verdure qui miroite après la pluie. Quand la splendeur du jour t’exaspère, quand tu souhaites qu’une nuit définitive s’abatte sur le monde, pense au réveil d’un enfant. Considère avec indulgence les hommes qui s’enivrent.” (Omar Khayyam – Rubaiyat/Quatrains)

 

Je n’aime pas apporter des fleurs au cimetière. J’emporte mes morts avec moi.

 

Arrivé à ce moment de ma vie, la mort est devenue une question philosophique, parfois poétique, avec Baudelaire, qui voyait dans l’autre cour « la seule chance de salut et de liberté, et de briser les frontières de l’espace et du temps » (Marc Eigeldinger , Baudelaire et la conscience de la mort, 1968).

 

Ô Mort, vieux capitaine, il est temps de lever l’ancre !

Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Partons d’ici !

...

Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?

Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !

(Baudelaire, Le Voyage)

 

Mais laisser derrière soi toute une série de criminels, de traîtres, de proxénètes, d’opportunistes et de vendus qui bénéficient de l’impunité garantie par le “modèle” et des institutions léguées par la dictature, ça n’est vraiment pas le but.

 

Les objectifs annoncés par les “progressistes” n’ont jamais dépassé “la mesure du possible”, notion devenue le principe cardinal, vital et fondateur de ceux qui se sont nourris de l’histoire de la transition et du gradualisme intrinsèquement graduel qui convient à leurs intérêts.

 

Le Chili s’enfonce dans un bourbier social et institutionnel, il conserve la constitution Pinochet-Lagos et entend l’aggraver grâce à l’intervention d’une poignée de marionnettistes néo-fascistes possédant la science infuse et ayant la bénédiction du système.

 

Les inégalités sociales sont extrêmes, pires, disent les connaisseurs, que pendant la dictature. L’insécurité et la précarité augmentent. La criminalité - la grande criminalité, la pègre - sévit, prenant le contrôle des richesses et des services de base autrefois publics.

 

La crédibilité de la politique et des hommes politiques se noie dans les flots d’eaux usées des égouts.

 

Le principe d’autorité a disparu lorsqu’une poignée de généraux fanatiques au service d’une puissance étrangère a détruit la république et la démocratie. Qui  ça ?

 

“ Hélas ! Hélas ! par des hommes dont c’était le devoir, l’honneur, la raison d’être, de servir et d’obéir.” (Charles De Gaulle, 23 avril 1961).

 

Cinquante ans... Et puis quoi ? On attend encore 50 ans ?

 

En son temps, Vladimir Ilitch Oulianov, alias Lénine, était confronté à une situation politique inextricable et à un panier de crabes, un grouillement de groupuscules dont les petits chefs rêvaient d’être calife à la place du calife. La question à résoudre pouvait s’exprimer très simplement : que faire ?

 

Lénine rédige un pamphlet dont le titre, copié sur l’ouvrage éponyme de Nikolaï Tchernychevski, est précisément : Que faire ?

LUIS CASADO
Chile: ¿Qué hacer?
Dejar de ladrar a los neumáticos

La pregunta es pertinente. Otros, mucho antes que nosotros, se la plantearon. Otros siglos, otros pueblos, pero el mal era el mismo: la autocracia criminal que sojuzga a millones y millones de ciudadanos. Luis Casado piensa que no responder esta pregunta equivale a sacarle el culo a la jeringa...

Luis Casado, Politika, 7-9-2023

 

“Cuando vaciles bajo el peso del dolor, y estén ya secas las fuentes de tu llanto, piensa en el césped que brilla tras la lluvia; cuando el resplandor del día te exaspere, y llegues a desear que una noche sin aurora se abata sobre el mundo, piensa en el despertar de un niño...” (Omar Khayyam - Rubaiyat)

 

No me gusta llevar flores al cementerio. Mis muertos los llevo conmigo...

 

A estas alturas de mi vida la muerte se transformó en una cuestión filosófica, a ratos poética, con Baudelaire, quién miraba hacia el otro patio como “la única oportunidad de salvación y de libertad, así como de romper las fronteras del espacio y del tiempo” (Baudelaire y la consciencia de la muerte. Marc Eigeldinger, 1968).

 

Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !

Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !

...

Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?

Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !

 

¡Oh Muerte, viejo capitán, ya es la hora! ¡Levemos el ancla!

Este país nos agobia, ¡Oh Muerte! ¡Zarpemos!

...

Sumirse al fondo del abismo, Infierno o Cielo, ¿qué importa?

En el fondo de lo ignorado, ¡para encontrar algo nuevo!

 

Pero palmarla dejando detrás un florilegio de criminales, traidores, alcahuetes, oportunistas y vende patrias que gozan de la impunidad que garantizan el “modelo” y la institucionalidad legada por la dictadura no es plan.

 

Los objetivos anunciados por la progresía nunca fueron más allá de “la medida de lo posible”, noción erigida en principio cardinal, vital y fundacional de quienes han medrado con el cuento de la transición y de la gradualidad intrínsecamente gradual que conviene a sus propios intereses.

 

Chile se hunde en un lodazal social e institucional, conserva la constitución de Pinochet-Lagos y se propone empeorarla gracias a la intervención de un puñado de tinterillos neofascistas amparados en la ciencia infusa y en la bendición del sistema.

 

Las desigualdades sociales son extremas, peores -dicen los que saben- que durante la dictadura. La inseguridad y la precariedad crecen. La delincuencia -la grande, la del hampa- campea por sus fueros y se enseñorea con las riquezas básicas y con los servicios que alguna vez fueron públicos.

 

La credibilidad de la política y de los políticos se ahoga en los sucios arroyos de las aguas servidas de los albañales.

 

El principio de autoridad desapareció cuando un puñado de generales fanáticos al servicio de una potencia extranjera destruyó la república y la democracia. ¡¿Quienes?!

 

“¡Desgraciadamente, desgraciadamente, desgraciadamente, hombres cuyo deber, cuyo honor y cuya razón de ser era servir y obedecer!” (Charles De Gaulle).

 

Cincuenta años... ¿Y luego qué? ¿Esperamos otros 50 años?

 

En su día Vladimir Ilich Ulianov, alias Lenin, se vio confrontado a una situación política inextricable, y a un ceremil de murgas políticas que buscaban ser califas en lugar del califa. La cuestión que había que resolver podía ser expresada muy sencillamente: ¿Qué hacer?

GIDEON LEVY
Les colons israéliens ciblent le maillon le plus faible dans l’exécution d’un plan de nettoyage ethnique

Gideon Levy, Haaretz, 7/9/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

À l’abri des regards, au bord d’une arrière-cour plongée dans l’obscurité, un nettoyage ethnique est en cours. Ce qui, il y a quelques mois encore, semblait être une série fortuite d’incidents violents commis par des colons indisciplinés, tourmentant leurs voisins par pur sadisme, y compris en frappant des vieillards et des enfants avec des barres de fer, prend sous nos yeux aveuglés des dimensions monstrueuses. Il ne s’agit plus d’une série d’incidents fortuits, mais d’une politique, que le gouvernement soutient ou sur laquelle il ferme les yeux. On ne peut plus l’ignorer ou rester silencieux. Ça ressemble à une épuration ethnique, ça agit comme une épuration ethnique et c’est ce que c’est.

L’évacuation du village palestinien d’Aïn Samiya, en Cisjordanie, en mai. Photo : Arik Ascherman

Au cours des trois derniers mois, j’ai visité trois communautés de bergers qui avaient dû abandonner leurs villages en Cisjordanie par crainte des colons. Il y en a eu d’autres. Trois minuscules hameaux ont cédé et ont été évacués, leurs communautés dispersées à tous vents. Des centaines d’hectares ont été “nettoyés”, pris par des colons voyous.

En mai dernier, c’était la communauté d’Aïn Samiya [entre Jérusalem et Naplouse], 200 personnes dont des enfants, qui ont fui pour sauver leur vie, craignant les colons des avant-postes érigés en contrebas de la colonie de Kochav Hashahar. En juillet, c’était une communauté de bergers à Khirbet Abu Widad, fuyant les colons de Havat Meitarim. Cette semaine, j’ai rendu visite à des bergers déplacés d’Al Baqaa, qui avaient fui des terres sur lesquelles ils vivaient depuis 40 ans. Cette fois, ce sont les colons de Mitzpeh Hagit, Neveh Erez et Mitzpeh Dani qui les ont poussés à fuir. La persécution a été implacable et s’est intensifiée depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement actuel, et elle porte maintenant ses fruits.

Pour que des bergers vivant dans des conditions dignes de l’époque biblique, sans eau courante, sans électricité ni services minimaux, quittent leurs villages, il faut que quelque chose de vraiment dramatique se produise. Ces gens, des bergers durs et brûlés par le soleil qui mènent une vie difficile, vivent dans ces communautés depuis des décennies, y sont nés et y ont élevé leurs enfants. Un jour, ils ont décidé de renoncer et de partir, d’abandonner le credo de la résilience (soumoud) qui a été gravé dans l’âme des Palestiniens en 1948, dans l’espoir que cela ne se reproduise plus jamais. Ils racontent tous la même histoire : nous n’en pouvions plus des attaques, des vols, des invasions, des menaces sur les enfants, des drones, des tracteurs, des barrages, tous soutenus par l’armée. Les colons se déchaînent, les soldats les protègent. Les FDI ne pourront jamais jamais clamer leur innocence et prétendre que leur soldats n’ont pas participé à l’épuration ethnique croissante.

Ce n’est pas un hasard s’ils font tous partie de communautés de bergers bédouins. Ils sont les pilotes du grand projet de transfert. Il s’agit de la population test avant la seconde Nakba, qui prend forme dans l’esprit de plus d’Israéliens qu’on ne l’imagine, en tant que “solution finale” au “problème palestinien”. Si ces termes semblent effrayants, c’est qu’ils le sont.

Les colons ont choisi les communautés de bergers comme pilote, car elles se situent au bas de la chaîne alimentaire palestinienne. Ils sont le maillon le plus faible, le plus vulnérable. Ils n’ont personne vers qui se tourner, ni la police, ni l’armée, ni l’Autorité palestinienne. Ils n’ont jamais mis en place une force de résistance, même minime, comme l’ont fait les camps de réfugiés.

Tout leur univers tourne autour de la garde de leurs troupeaux et des dures conditions de leur vie : s’approvisionner en eau, semer du blé, se réchauffer en hiver, envoyer leurs enfants dans une école éloignée. Personne ne vient les défendre, personne ne s’intéresse à leur sort, à l’exception de quelques Israéliens exceptionnels. Les colons peuvent dominer ces plus faibles des faibles. C’est ici qu’ils testent leurs méthodes avant de passer à l’action.

Mais la réalité est déjà là. Jamais auparavant, au cours de toutes les années d’occupation, les Palestiniens n’avaient abandonné leurs villages dans de telles proportions. Il est vrai que par rapport aux 3 millions d’habitants de la Cisjordanie, ce ne sont que des gouttes d’eau dans l’océan. Mais ce sont des gouttes d’eau qui annoncent l’avenir. Pour les expulser tous, il faut un Armageddon. Pour nettoyer la vallée du Jourdain, le sud des collines d’Hébron et la zone centrale autour des colonies de Cisjordanie, il suffit de quelques centaines de voyous qui tourmenteront leurs résidents sans relâche. C’est le début d’un véritable nettoyage ethnique. On vous aura prévenus.

 

 Source Kerem Navot

 

06/09/2023

ANNAMARIA RIVERA
L’anar et la gattara*

Annamaria Rivera, Comune-Info, 3/9/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Je ne suis pas en mesure de définir pleinement la non-violence ni d’expliquer suffisamment à d’autres comment elle devrait être comprise et pratiquée. C’est trop compliqué et glissant, un enchevêtrement qui alimente les paradoxes.

    Il y a des va-t-en-guerre qui se proclament non-violents. Des vétérans et des néophytes de la non-violence qui votent des crédits de guerre. Des non-violents de toujours qui mangent la chair de créatures torturées et atrocement tuées. Il y a aussi les chantres de la violence des opprimés qui ne feraient pas de mal à une mouche. Et il y a celles et ceux de la dernière heure : de petits tacticiens de la non-violence, mais affichée comme doctrine, qui pratiquent habituellement la mimésis et les métaphores fétichistes de la guerre.

Je sais qu’il y a aussi de vrais et respectables maîtres et témoins de la non-violence. Ils et elles m’ont appris beaucoup de choses, mais ils et elles n’ont pas complètement dissous mes doutes. Je préfère donc utiliser ces termes : peut-être que “cette chose-là” est un processus qui exige avant tout de l’empathie et de la com-passion, un sens de l’égalité et de la justice ; en les exerçant, on peut apprendre à sublimer les conflits.

Dit ainsi, cela peut paraître approximatif et banal. J’essaie donc de m’exprimer avec un fragment d’un de mes récits, auquel j’ai donné ce titre

Dialogue entre un anarchiste et une gattara*

    Parfois, je m’arrêtais pour réfléchir à la question de savoir si ce que j’appelais le scepticisme n’était pas la véritable matrice de cette aptitude à la compassion que j’attribuais aux chats des rues. Je n’avais pas de réponse, mais seulement la conscience que mes analyses à la va-comme-je-te-pousse étaient dans une certaine mesure le fruit de mes propres projections. L’une des rares personnes avec qui je pouvais en parler sans craindre d’être prise en pitié comme une démente était Monsieur Errico, l’anarchiste, qui se prêtait volontiers à mes méditations chatesques.

    « Chère Madame, ce que vous appelez compassion - oui, je sais, vous l’entendez au sens étymologique, comme com-passion - n’est rien d’autre que la proximité avec les racines et les raisons de l’existence vitale. Les chats ont la capacité de reconnaître qu’une expérience a eu lieu, qu’il s’agisse d’une naissance ou d’une mort. Ils sont proches de l’essence de la vie et savent donc saisir le sens ultime des choses.

    Oui, bien sûr, “essence” est un terme inapproprié, ne vous méprenez pas : je ne parle pas de métaphysique ni même de biologie pure et simple, mais plutôt de ces contenus vitaux qui transcendent les formes historiques ».     

    Lorsque la conversation est tombée sur le lieu commun qui attribue aux chats une agressivité particulière, M. Errico a osé exprimer une pensée que j’avais toujours gardée pour moi.

    « Vous qui êtes une si fine observatrice devriez savoir que les chats ne connaissent pas d’antagonismes absolus, mais seulement des antagonismes relatifs et conjoncturels. Ils ne conçoivent pas d’ennemis, mais seulement des proies. Et s’ils ont des concurrents ou des présences hostiles, ils choisissent le plus souvent la fuite ou la manœuvre oblique : ils n’attaquent que lorsqu’il n’y a rien d’autre à faire.

    Observez des mâles adultes non castrés : vous vous rendrez compte à quel point leurs conflits, pour une femelle ou un territoire, sont stylisés à l’extrême. Vous voyez, j’ai dit “territoire” : une fois de plus, je me suis pris les pinceaux dans un mot inapproprié ! Je suis moi aussi victime des clichés : seuls les humains peuvent concevoir des territoires, c’est-à-dire des espaces délimités par des frontières fixes et linéaires, souvent blindées et gardées par des armes.

    Vous semble-t-il que les chats se déplacent dans l’espace comme s’il s’agissait d’un territoire ? Pardonnez-moi alors : ce que je voulais dire, c’est que leurs combats ne sont qu’une pantomime d’approches et de reculs, de coups de museau et de retraites rapides, bref, des signaux - je dirais même des symboles - pour styliser et sublimer le conflit.

    Si nous prenions les chats pour maîtres, nous réaliserions pleinement que les conflits armés des humains, sans parler de l’innovation des guerres préventives et permanentes, relèvent de la folie pure, d’une folie contre nature : instinct de l’espèce, mon œil ! Est-ce par instinct que l’on peut concevoir et pratiquer un oxymore aussi horrible que la guerre humanitaire ?  

   J’ai écouté en silence. Il n’y avait pas lieu de répondre : M. Errico avait beau être catégorique, il avait beau se délecter de ses mots comme toujours, cette fois-ci, c’était comme si c’était moi qui avais parlé.       

Paru la première fois sur Tellusfolio.it, 1/10/ 2008

NdT

Gattara : ce terme ancien mais apparu dans l’écrit seulement en 1988 et entré dans les dictionnaires en 2002, que l’on peut traduire par femme à chats, dame aux chats, ou, éventuellement, cattophile, provient du dialecte romain parlé et désigne une femme, en général d’un certain âge, qui prend soin des chats errants de son quartier. Souvent dépréciatif, ce terme a acquis ses lettres de noblesse par la loi 281 de 1991, qui reconnaît aux chiens et chats dits errants le statut d’être libres, fait obligation aux autorités municipales de veiller à leur bien-être par l’intermédiaire des gattare, devenues des tutors (tutrices) en italien post-moderne. En toscan on dit gattaia, en milanais (lombard) mamm di gatt et en anglais cat lady. La plus célèbre gattara romaine fut l'actrice Anna Magnani.

 

05/09/2023

HILO GLAZER
Le Grand Déménagement a commencé
Dans les Préalpes italiennes, des Israéliens créent une communauté d’expatriés. Des initiatives similaires fleurissent, du Portugal à la Grèce

 Note du traducteur

Il y a quelques années, une blague circulait dans les bars de Tel-Aviv : « Un juif israélien optimiste apprend l'arabe, un juif israélien pessimiste apprend l'anglais, un juif israélien réaliste apprend à nager ». Il semble que ce que les Palestiniens ou les Arabes n'ont pas réussi à faire (s'ils en ont jamais eu l'intention), Netanyahou et ses acolytes du gouvernement sont en train de le provoquer : une vague de sauve-qui-peut a éclaté parmi les Juifs israéliens. En effet, des centaines et des milliers d'Israéliens de toutes conditions socio-économiques et de tous âges se précipitent pour trouver une alternative à la vie dans l'État juif. C'est ainsi qu'une nouvelle activité, que l'on pourrait appeler relocation industry (industrie du transfèrement), a vu le jour. L'article d'Hilo Glazer parle du projet Baita, lancé dans la Valsesia, en province de Vercelli, Valsesia, et d'autres projets, y compris des plans ambitieux pour créer des « villes israéliennes » en Europe, de Chypre et de Grèce au Portugal, et ailleurs. L’un d’eux parle même de créer une “communauté de peuplement » (settlement comunity), qui ne manque pas d’évoquer les colonies (appelées pudiquement « settlements ») en Cisjordanie. On peut légitimement se demander si ces projets peuvent constituer un dépassement définitif du sionisme et du tribalisme ou s’ils ne feront que créer des “petits Israël” répandus en confettis à travers le monde. -FG


Hilo Glazer, Haaretz, 2/9/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

À la suite du coup d’État judiciaire, les discussions israéliennes sur l’installation à l’étranger ne se limitent plus aux groupes de médias sociaux. Dans une vallée verdoyante du nord-ouest de l’Italie, les idées d’émigration collective se concrétisent sur le terrain - et des initiatives similaires prennent forme ailleurs également

« Alors que le nombre d’heures de lumière dans la démocratie de leur pays ne cesse de diminuer, de plus en plus d’Israéliens arrivent dans la vallée montagneuse à la recherche d’un nouveau départ. Parmi eux, il y a des jeunes avec des tout petits en porte-bébé, d’autres avec des enfants en âge d’aller à l’école, et il y a les personnes grisonnantes ou dégarnies comme moi. Un enseignant, un entrepreneur technologique, un psychologue, un toiletteur pour chiens, un entraîneur de basket-ball. Certains disent qu’ils ne font qu’explorer, ayant encore honte d’admettre qu’ils envisagent sérieusement l’option. D’autres semblent déterminés et motivés - ils cherchent à savoir comment obtenir un permis de séjour, combien coûte une maison, comment ouvrir un compte en banque et transférer leurs fonds de prévoyance tant que c’est encore possible. Sous tout cela se cache une couche de douleur, la douleur de bons Israéliens qui ont cru qu’après 2 000 ans, ils pouvaient se reposer sur leurs lauriers, mais qui reprennent à présent le bâton du Juif errant ».

L’auteur de ces lignes est Lavi Segal, et la zone montagneuse qu’il décrit se trouve dans la vallée de la Sesia (Valsesia), dans la région du Piémont, province de Vercelli, au nord-ouest de l’Italie, au pied des Alpes. Segal, propriétaire d’une entreprise de tourisme en Galilée, partage ses expériences avec les membres d’un groupe Facebook appelé Baita, qui offre des informations aux Israéliens cherchant à immigrer et à créer leur propre communauté dans la Valsesia, dont de nombreux habitants ont quitté la région au cours des dernières décennies. Le nom du groupe est un amalgame de Bait (qui signifie "maison" en hébreu) et d’Ita (Italie). En italien, Baita signifie “chalet de montagne”. Et il ne s’agit pas de n’importe quelle montagne : la Valsesia est connue comme “la vallée la plus verte d’Italie”. Selon Segal, il s’agit d’un cas de publicité véridique.

« Avec tout le respect que je dois à ceux qui parlent de la “belle terre d’Israël” », dit-il dans un entretien téléphonique avec Haaretz, Israël est peut-être beau comparé à la Syrie ou à l’Arabie saoudite [sic], mais l’Europe et les Alpes sont un monde différent. Les paysages sont à couper le souffle, le climat est merveilleux et tous les problèmes bien connus d’Israël - guerres, saleté, surpopulation, coût de la vie - n’existent tout simplement pas ici ».

Segal vit en Valsesia avec sa femme, Nirit, depuis deux mois ; tous deux sont âgés d’une soixantaine d’années. « Nous sommes en train de nous familiariser avec la région et de l’explorer », explique-t-il. « Nous avons loué une maison ici et, de temps en temps, nous discutons avec des agents immobiliers de la possibilité d’en acheter une. Pour l’instant, nous ne parlons pas de déracinement permanent, même si cela pourrait se produire si la vie en Israël devenait intolérable. Pour l’instant, nous cherchons un endroit où nous pourrons partager notre temps entre Israël et l’étranger. Israël nous est très cher : Lorsque nous sommes là-bas, nous participons activement aux manifestations » contre le projet de réforme judiciaire du gouvernement.

Nirit, qui organise des retraites artistiques, est partagée : « C’est un endroit de rêve pour la création artistique, mais je suis très attachée à Israël et, comme beaucoup de gens dans mon entourage, je le ressens particulièrement aujourd’hui. J’appréhende les implications de la vague de migration pour le mouvement de protestation ».

Pour l’instant, elle a décidé de ne pas prendre de décision, admet-elle. « Je veux tenir le bâton par les deux bouts. Participer à la protestation, mais aussi rester ici pendant de longues périodes. Passer de l’un à l’autre. Nous avons été accueillis chaleureusement ici. Malgré les difficultés linguistiques, nous avons développé des liens agréables et naturels avec les gens. C’est bizarre, mais je commence à m’attacher ».

Lavi attribue moins d’importance aux bouleversements politiques dans son pays d’origine lorsqu’il s’agit de prendre la décision d’étudier d’autres options. « Je n’ai pas eu besoin d’être témoin des événements actuels pour comprendre qu’Israël s’engage dans une voie qui n’est pas la bonne », déclare-t-il.

Le chemin des Segal, qui ont trois enfants adultes, pour s’installer dans la vallée est pavé, principalement grâce au passeport lituanien de Lavi. « Grâce à lui, nous pouvons rester indéfiniment dans les frontières de l’Union européenne, et les enfants peuvent étudier et travailler. Qui aurait pensé qu’après tout ce qui est arrivé à notre peuple et à ma famille sur le sol lituanien, un passeport lituanien nous permettrait de circuler librement ? »

En attendant, ils vivent dans une ville tranquille située à 650 mètres au-dessus du niveau de la mer. 

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