Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
« Ah Dieu ! Que la guerre économique est jolie » est le titre d'un livre de l'inoubliable Bernrad Maris. Une guerre économique dans laquelle les petits soldats de plomb, c’est nous les sans-grade. Les multinationales s'occupent de la caisse et du profit. Les grandes puissances dirigent les opérations militaires. De ce point de vue, rien n'a changé. Les conséquences pour le personnel seront atroces, écrit Luis Casado.
Joe Biden et les sanctions contre la Russie, par Hamzeh Hajjaj, Jordanie
Si vous pensez que le titre de cet article est inspiré du célèbre texte de John Maynard Keynes "Les conséquences économiques de la paix" (1919), vous avez tout à fait raison.
Keynes ne tourne pas autour du pot, même si ses positions ne lui valent aucun ami, ni dans l'appareil bureaucratique britannique, ni parmi les nombreux "faucons" favorables à des guerres auxquelles ils ne participent jamais.
Keynes, fervent partisan de la paix, a écrit que le traité de Versailles, signé à la fin de la Première Guerre mondiale (28 juin 1919), ne serait qu'un terreau fertile pour le nazisme et l'embryon d'une nouvelle guerre. Peu de temps après, l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale ont corroboré l'intuition du grand économiste.
Bien sûr, il y avait (il y a) des points de vue opposés. Comme celle de deux économistes français, Antoine Parent et Gilles Vergnon, qui, en 2021, s'interrogeaient : "Faut-il désacraliser l'idole ?" (Revue de l'OFCE, 171, 2021/1).
Dans leur article, ils écrivent :
« En effet, nous revisitons la lecture canonique et angélique de l’œuvre et la confrontons, notamment, à une lecture tombée dans l’oubli, celle d’Etienne Mantoux, qui soulignait en 1946 les apories et dangers du texte de Keynes (1919). Keynes fait-il dans The Economic Consequences of Peace (ECP, 1919) une lecture prémonitoire du nazisme ou son texte a-t-il servi à l’Allemagne de prétex te pour ne pas payer le montant des réparations ? Keynes (1919) est-il le chantre du pacifisme ou l’inspirateur de l’appeasement et du défaitisme qui facilita le réarmement de l’Allemagne nazie dans l’entre-deux-guerres ? »
Si l'on comprend bien, le coupable de la Seconde Guerre mondiale, c’était John Maynard Keynes, qui était aussi un salopard de traître aux intérêts de la couronne britannique. Que faisait James Bond ?
(Soit dit en passant, en 1919, un chancelier social-démocrate, Friedrich Ebert, a écrasé la révolution de Berlin qui a mis fin à l'Empire et créé la République, massacrant allègrement le mouvement ouvrier allemand. Ebert fait assassiner ses anciens collègues du parti, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Pour cela, il n'utilise ni la police ni l'armée : il fait appel à des milices d'extrême droite qui deviendront plus tard les redoutables Schutzstaffeln, connues sous le nom de SS. Antoine Parent et Gilles Vergnon, deux révisionnistes de l'histoire, ne connaissent certainement pas l'histoire. Les sociaux-démocrates chiliens non plus : ils reçoivent de l'argent de la Fondation Friedrich-Ebert).
La critique grossière du texte de Keynes par Antoine Parent et Gilles Vergnon, 102 ans après sa publication, est du genre "dans la mesure du possible", et évoque ce que nous avons déjà entendu au Chili : « C'est le mieux qu'on pouvait faire ». Leur conclusion, peu argumentée, est la suivante :
« Reste que, quelles que soient les critiques que l’on puisse lui faire, il n’y avait guère d‘autre traité possible que le Traité de Versailles, et celui-ci fut d’emblée sapé par le retrait des États-Unis du dispositif prévu. Et il n’y avait guère de défaite « acceptable » dans une Allemagne où l’on n’avait pas le sentiment d’être réellement vaincu. Comme l’a écrit l’historienne canadienne Margaret Mc Millan, « les négociateurs se sont trouvés aux prises avec la réalité, non avec le possible, avec ce qui était, et non avec ce qui aurait dû être » » (Op. cit.)
Une manière très élégante de consacrer le découpage colonialiste du monde entier, ainsi que le rejet arrogant des demandes des dirigeants du tiers monde qui ont été allègrement ignorées. Parmi eux se trouvait un Asiatique insignifiant, mal habillé, portant des sandales, qui gagnait sa vie à Paris en faisant la plonge dans un restaurant. Personne ne l'a reçu. Ce pauvre homme est rentré dans son pays pour entamer l'une des plus longues guerres de libération jamais enregistrées, battant successivement le Japon, la France et les USA : le monde l'a connu sous le nom de Ho Chi Minh.....
Les économistes révisionnistes susmentionnés mentent. Travestir l'histoire est le recours de ceux qui n'ont pas d'arguments.
Si l'Allemagne n'a pas payé les réparations exigées à la fin de la Première Guerre mondiale (comme elle n'a pas payé celles de la Seconde Guerre mondiale...), c'est parce que ses ennemis, les USA, la France et la Grande-Bretagne, - dénoncés par Keynes qui n'était autre que le représentant du ministère des Finances britannique dans les négociations - étaient des empires coloniaux cupides qui en ont profité pour se partager la planète, et ont tenté de saigner l'Allemagne - éliminant ainsi un concurrent - en exigeant des réparations financières insensées. C'est ce que Keynes dénonçait : le montant des réparations exigées par les USA, la France et la Grande-Bretagne était destiné à mettre l'Allemagne à genoux, ce qui allait entraîner l’exact contraire des conséquences escomptées.
La lecture du texte des économistes révisionnistes fait sourire ces jours-ci, alors que l'Allemagne, sous prétexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, décide de faire ce qui lui était interdit jusqu'à présent : se réarmer. Seul un "économiste" peut s'en réjouir.
Course aux armements
C'est l'une des conséquences de la guerre : une accélération de la course aux armements en Europe, dont les effets dureront des décennies. Pour ne pas être en reste avec l'Allemagne, la France - dont le gouvernement assure à qui veut l'entendre qu'il n'y a pas d'argent - annonce une augmentation substantielle de son budget de défense.
Au moment où l'Europe doit investir dans l'éducation, dans la santé, dans la recherche scientifique, dans les infrastructures, pour inverser la désindustrialisation qui nous a laissés sans emplois, sans masques et sans médicaments face au Covid. Cette Europe qui doit investir dans le bien-être de sa population vieillissante : celle qui a produit la richesse aujourd'hui accumulée dans quelques mains et en particulier dans celles des patrons de l'industrie militaire.
Emmanuel Macron, qui grâce au coup de Poutine se voit épargner de devoir faire le bilan pathétique de son gouvernement, a dû prendre connaissance du rapport à l'Assemblée nationale de Jean-Louis Thiériot, membre de la commission de la défense nationale et des forces armées, qui affirme : « En cas de conflit de haute intensité, l'armée française pourrait se retrouver à court de munitions » (sic).
On a pu alors entendre la question : « Maman, c’est quoi, un conflit de haute intensité ? »