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14/02/2024

Gazans Fled Their Homes.They Have Nowhere to Return to
‘It’s Mind-blowing’: 1.7 Million Palestinians Escaped Israel’s Bombardment of Gaza. Most of Their Homes Have Been Damaged or Destroyed


Satellites reveal the vast devastation across the Gaza Strip. The new reality that the Israel Defense Forces’ operations have created will affect the entire region for years. This is how it looks One of Israel’s most dramatic acts in the war, which erupted following Hamas’ terror attack, is the displacement of hundreds of thousands of Gazans from their homes and the destruction of large swaths of the Strip. Residents, military officials and journalists describe scenes of vast devastation. « It’s like after an atomic bomb, » one of them reported in Haaretz after visiting northern Gaza. An accurate estimation of the destruction is a challenging task due to the fog of war – and as the IDF restricts entry by journalists. But it’s possible to create a map of the destruction using satellite data, which shows that at least half of all the buildings in the enclave are likely to have been damaged or destroyed, according to American researchers. Most of the destruction is in the north, but bitter fighting is also underway in the south, as is seen in the satellite data. Some 1.7 million Gazans have fled their homes during the war, and most of them are now in the south, the United Nations says. Huge tent cities have been put up along the Egyptian border. A new humanitarian, security and diplomatic reality has emerged, and it will shape the region for years to come.

12/02/2024

GIDEON LEVY
Une incursion israélienne à Rafah, dans la bande de Gaza, entraînera une catastrophe humanitaire sans précédent

Gideon Levy, Haaretz, 11/2/2024
Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala

Tout ce que nous pouvons faire maintenant, c’est demander, supplier, crier : « N’entrez pas dans Rafah ». Une incursion israélienne à Rafah sera une attaque contre le plus grand camp de personnes déplacées au monde. Elle entraînera l’armée israélienne dans des crimes de guerre d’une gravité que même elle n’a pas encore commis. Il est impossible d’envahir Rafah aujourd’hui sans commettre de crimes de guerre. Si les forces de défense israéliennes envahissent Rafah, la ville deviendra un charnier.

Environ 1,4 million de personnes déplacées se trouvent actuellement à Rafah, s’abritant parfois sous des sacs en plastique transformés en tentes. L’administration usaméricaine, gardienne supposée de la loi et de la conscience israéliennes, a conditionné l’invasion de Rafah à un plan israélien d’évacuation de la ville. Un tel plan n’existe pas et ne peut pas exister, même si Israël parvient à élaborer quelque chose.

Il est impossible de transporter un million de personnes totalement démunies, dont certaines ont déjà été déplacées deux ou trois fois, d’un lieu “sûr” à un autre, qui se transforment toujours en champs de bataille. Il est impossible de transporter des millions de personnes comme s’il s’agissait de veaux destinés à être expédiés. Même les veaux ne peuvent être transportés avec une telle cruauté.

Il n’y a pas non plus d’endroit où évacuer ces millions de personnes. Dans la bande de Gaza dévastée, il n’y a plus d’endroit où aller. Si les réfugiés de Rafah sont déplacés à Al-Mawasi, comme le propose Tsahal dans son plan humanitaire, Al-Mawasi deviendra le théâtre d’une catastrophe humanitaire sans précédent dans la bande de Gaza.

Yarden Michaeli et Avi Scharf rapportent que l’ensemble de la population de la bande de Gaza, soit 2,3 millions de personnes, est censée être évacuée dans une zone de 16 kilomètres carrés, soit environ la taille de l’aéroport international Ben-Gourion. Toute la bande de Gaza dans la zone de l’aéroport, imaginez un peu.

Amira Hass a calculé que si un million de personnes seulement se rendent à Al-Mawasi, la densité de population y sera de 62 500 personnes par kilomètre carré. Il n’y a rien à Al-Mawasi : pas d’infrastructure, pas d’eau, pas d’électricité, pas de maisons. Seulement du sable et encore du sable, pour absorber le sang, les eaux usées et les épidémies. Cette idée n’est pas seulement à glacer le sang, elle montre aussi le niveau de déshumanisation qu’Israël a atteint dans sa planification.

Le sang sera versé à Al-Mawasi, comme il l’a été récemment à Rafah, l’avant-dernier refuge offert par Israël. Le service de sécurité Shin Bet trouvera un cadre du Hamas qu’il faudra éliminer en larguant une bombe d’une tonne sur le nouveau camp de tentes. Vingt passants, pour la plupart des enfants, seront tués. Les correspondants militaires nous parleront, les yeux brillants, du merveilleux travail accompli par Tsahal pour liquider le haut commandement du Hamas. La victoire totale est proche, les Israéliens seront à nouveau rassasiés.

Mais malgré ce gavage, le public israélien doit se réveiller, et avec lui l’administration Biden. Il s’agit d’une situation d’urgence plus grave que n’importe quelle autre durant cette guerre. Les USAméricains doivent bloquer l’invasion de Rafah par des actes et non par des mots. Ils sont les seuls à pouvoir arrêter Israël.

Le secteur consciencieux du public israélien cherche des sources d’information autres que les stations de « gâteaux pour soldats » qui s’autoproclament chaînes d’information. Regardez les images de Rafah sur n’importe quelle chaîne étrangère - vous ne verrez rien en Israël - et vous comprendrez pourquoi on ne peut pas l’évacuer. Imaginez Al-Mawasi avec les deux millions de personnes déplacées, et vous comprendrez les crimes de guerre qui sévissent ici.


Samedi, le corps de Hind Rajab Hamada, âgée de six ans, a été retrouvé. La fillette était devenue célèbre dans le monde entier après les moments de terreur qu’elle et sa famille avaient vécus le 29 janvier face à un char israélien - moments qui avaient été enregistrés lors d’un appel téléphonique avec le Croissant-Rouge palestinien, jusqu’à ce que les cris de terreur de sa tante s’arrêtent. Sept membres de la famille ont été tués ; seule la petite Hind avait survécu, et son sort était resté mystérieux depuis lors.

Hind a été retrouvée morte dans la voiture brûlée de sa tante, dans une station-service de Khan Younès. Blessée, recouverte par les sept corps de ses proches, elle s’est vidée de son sang avant d’avoir pu s’extraire du véhicule. Hind et sa famille avaient répondu à l’appel « humanitaire » d’Israël à évacuer. Ceux qui veulent des milliers d’autres Hind devraient envahir Rafah, dont la population sera évacuée vers Al-Mawasi.



palestinianyouthmovement

11/02/2024

RENÁN VEGA CANTOR
La educación después del genocidio de Gaza

 

El título de este texto parafrasea a La educación después de Auschwitz, el título de una charla radiofónica que dio el filósofo alemán Theodor Adorno en 1966 y que luego se publicó en formato libro, en cuyas primeras líneas se dice: “La exigencia de que Auschwitz no se repita es la primera de todas en la educación. Hasta tal punto precede a cualquier otra que no creo deber ni poder fundamentarla. No acierto a entender que se haya dedicado tan poca atención hasta hoy. Fundamentarla tendría algo de monstruoso ante la monstruosidad de lo sucedido. […]. Cualquier debate sobre ideales de educación es vano e indiferente en comparación con este: que Auschwitz no se repita. Fue la barbarie, contra la que se dirige toda educación.” Hoy nos encontramos ante la repetición de la barbarie genocida contra el pueblo palestino por parte de Israel. El historiador colombiano esboza en este ensayo cuales podrían y deberían ser las orientaciones de l@s educador@s crític@s impulsados por una ética humanista.

 

 

09/02/2024

JODI RUDOREN
L'endroit le plus charmant de Gaza a disparu

Jodi Rudoren , The Forward, 9/2/2024
Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala

Jodi Rudoren (1970), après avoir travaillé 21 ans au New York Times, est rédactrice en chef depuis 2019 de The Forward, le journal juif le plus ancien des USA. Fondé en 1897 comme quotidien socialiste en yddish, Forverts atteint un tirage de 275 000 exemplaires au début des années 1930. Devenu hebdomadaire en 1983, puis mensuel, il n'est plus imprimé depuis 2018 mais seulement électronique. Il est publié en 2 éditions, anglaise et yiddish. Les écrivains yiddish Sholem Asch, Israel Joshua Singer et Isaac Bashevis Singer y ont publié certaines de leurs œuvres et le journal a publié la traduction en yiddish du Capital de Marx en fascicules. @rudoren

« Le jour où j’ai dû décider de quitter Gaza a été le plus noir de ma vie», dit Jawdat Khoudary, un habitant de la ville de Gaza.

Rempli de plantes indigènes et importées, Alwaha,  le jardin de Jawdat Khoudary, d'une superficie de 100 000 pieds carrés [0,92 hectare], dans la ville de Gaza avant la guerre. Photo Jawdat Khoudary

La maison et le jardin de Jawdat Khoudary n’étaient pas seulement le plus bel endroit que j'aie jamais visité dans la bande de Gaza, c’était aussi l'un des lieux les plus sereins - et les plus surréalistes - que j'aie jamais vus.

Khoudary, un magnat de la construction dont la famille remonte à neuf générations à Gaza, a créé une oasis de 9 200 mètres carrés au milieu des denses labyrinthes de béton de l'enclave côtière. Des chemins en mosaïque traversaient des légions luxuriantes et colorées de plantes indigènes et importées. Des serres abritaient des dizaines de milliers de cactus minuscules provenant du monde entier qu'il essayait de cultiver de manière croisée. À l'intérieur, des colonnes ornées et des lustres entouraient ses chers livres d'histoire et ses collections d'antiquités locales.

Aujourd'hui, les vestiges de ces colonnes sont entourés de décombres, selon une vidéo que Khoudary m'a envoyée, tout le reste ayant été détruit lors de cette horrible guerre entre Israël et le Hamas.

« Vous imaginez ? Ils n'ont pas laissé une seule plante ou un seul arbre », soupire Khoudary, 64 ans, qui s'est réfugié au Caire en décembre. « Ils m'ont brisé le cœur ».

J'ai rencontré Khoudary il y a une douzaine d'années, au septième jour de la guerre de Gaza de 2012 qui, rétrospectivement, ressemble à une bagarre de cour d'école comparée aux quatre derniers mois de mort, de destruction et de déplacement.

Comme je l'ai écrit à l'époque dans le New York Times, il a vécu cette mini-guerre, au cours de laquelle les frappes aériennes israéliennes ont tué 174 Palestiniens à Gaza, d'un point de vue extraordinairement privilégié. Un garde de l'entreprise de construction de Khoudary lui apportait suffisamment de Marlboro Reds pour trois semaines, et un majordome nous servait des clémentines fraîchement cueillies pendant que nous bavardions. Il avait passé la semaine à apprendre à utiliser Facebook au plus jeune de ses cinq enfants, Hamza, alors âgé de 14 ans.

Mais même eux n'étaient pas immunisés contre le bruit des bombardements la nuit.

Khoudary avait fermé l'hôtel qu'il possédait alors, Al-Mathaf, et le musée d'antiquités adjacent qu'il avait ouvert en 2008, parce qu'ils se trouvaient dans un quartier soumis à des bombardements intensifs. Il avait interrompu les travaux sur les deux hôpitaux qu'il construisait à Gaza, mais continuait à payer ses 60 employés, m'a-t-il dit, car « nous devons montrer à la population que nous nous engageons à ses côtés ».

Deux ans plus tard, au cours de la guerre intense de 51 jours de 2014 qui a tué quelque 2 200 Palestiniens à Gaza, Khoudary, qui parle désormais couramment le facebookien, a publié sur son site des morceaux de poésie et des informations historiques pertinentes. Un nouveau port maritime ayant fait l'objet de discussions dans le cadre des pourparlers de trêve, il a parlé d'Anthedon, un port de Gaza datant du VIIe siècle avant l’ère chrétienne, qui servait de principal canal commercial entre le Moyen-Orient, l'Europe et l'Asie mineure.


Une video partagée par Jawdat Khoudary sur instagram (@jawdatkhoudary)

Jawdat était en Cisjordanie pour affaires, alors je me suis assise avec sa femme, Faten, leurs deux filles, récemment diplômées de l'Université américaine du Caire, et Hamza. Nous avons mangé des raisins verts du jardin et bu du café à la cardamome.

Une fois de plus, leur expérience des combats est loin d'être typique. L'une de leurs filles, Yasmeen, 24 ans, m'a dit qu'elle avait lu Lolita, Kafka sur le rivage, de Murakami, et un roman humoristique pakistanais, A Case of Exploding Mangoes, de Mohammed Hanif, pendant la guerre. Hamza, alors en seconde, regardait les films d'Harry Potter. Mais Yasmeen a également parlé des cauchemars qu'elle faisait après avoir vu des « combattants sans tête » dans les rues où Israël bombardait les tunnels du Hamas.

Quelques semaines avant que la guerre n'éclate, la famille avait réalisé l'un de ses rêves : exposer et vendre à Gaza les plantes grasses qu'elle cultivait avec tant de soin. Jawdat m'avait appris que le mot arabe pour cactus, sabr, signifiait également patience.

« C'est ce dont nous avons besoin à Gaza », avait-il dit en 2012, « d'être patients ». Lors de notre visite en 2014, Faten a montré son cactus préféré, un hybride de huit espèces, cultivé pendant sept ans pour être plus grand qu'elle.

« Plus ils sont grands, plus ils sont beaux », m'a-t-elle dit. « Plus vous les soignez, plus ils vous donnent ».

Khoudary n'a jamais été coincé à Gaza, comme la grande majorité de ses 2,1 millions d'habitants. Lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois en 2012, il voyageait tous les mois vers ou à travers Israël et avait visité plus de 40 pays dans le monde. Mais il était profondément attaché à Gaza - sa famille y vivait depuis plus de deux siècles - et a déclaré que l'année qu'il avait passée au Caire avait été « peut-être la pire de ma vie » en raison du mal du pays.

Aujourd'hui, il ne sait pas quand il rentrera ni s'il restera.

« Les FDI ont détruit tout Gaza, Gaza ne sera plus un endroit où vivre - maintenant, nous cherchons des opportunités commerciales en Égypte », m'a dit Khoudary lorsque nous nous sommes entretenus cette semaine.

« J'ai 64 ans. Il ne me reste plus beaucoup de temps pour la reconstruire », a-t-il ajouté à propos de la maison et du jardin qu'il avait commencé à construire sur l'exploitation d'agrumes de sa famille dans les années 1990. « Il faudra 30 ou 40 ans pour que tout redevienne comme avant ».

Khoudary, aujourd'hui grand-père de huit enfants, ne sait ni quand, ni comment, ni pourquoi sa maison a été touchée. Il l'a quittée environ quatre jours après le début de la guerre, en réponse à l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, pour s'installer dans une autre maison qu'il possède, dans la vieille ville de Gaza, parce qu'elle lui semblait plus sûre.

Mais 50 jours plus tard, sous la pression de ses enfants - âgés aujourd'hui de 24 à 34 ans, les filles étant mariées et vivant à Londres et en Allemagne, les garçons travaillant pour la plupart dans l'entreprise familiale à Gaza - la famille a utilisé le passeport égyptien de Faten pour sortir par la frontière de Rafah.

« Ce fut le jour le plus noir de ma vie que de décider de quitter Gaza », m’a dit. Khoudary.

Jusqu'à la semaine dernière. Les forces israéliennes s'étaient retirées de la zone de la ville de Gaza où se trouvait l'enceinte, la rendant accessible aux habitants de Gaza pour la première fois depuis des mois.  Un ami est allé voir la maison de Khoudary et a envoyé la vidéo de la maison en ruines.

Khoudary a indiqué que la chocolaterie que ses fils avaient ouverte à Gaza il y a deux ans avait également été détruite pendant la guerre ; ils cherchent à relancer l'activité au Caire. Il ne sait pas ce qu'il est advenu du musée des antiquités.

Il sait, comme moi, que de nombreuses personnes à Gaza souffrent bien plus que de la perte d'une entreprise ou d'une maison. Le nombre de morts palestiniens approche les 28 000 dans cette guerre que le président Joe Biden a qualifiée hier soir d' « excessive ». Des familles entières ont été décimées ; la famine se profile à l'horizon. Les pourparlers en vue d'une trêve, qui auraient pu permettre de libérer la centaine d'otages restants, ont échoué cette semaine en raison de l'insistance du Hamas à rester au pouvoir [sic].

Lorsque j'ai écrit pour la première fois sur Khoudary il y a une douzaine d'années, je l'ai appelé « l'un des hommes les plus riches de Gaza et l'un de ses rêveurs les plus audacieux ». Ses rêves sont morts dans cette guerre.

« Ils créent de la haine, Israël crée de la haine », m'a-t-il dit. « Cette guerre n'était pas dirigée contre le Hamas, mais contre l'ensemble de la population de Gaza. Tuer, détruire, c'est l'objectif principal, pour tout le peuple, sans différenciation ».

J'ai rappelé à Khoudary ce qu'il m'avait appris lors de notre première rencontre à propos du cactus et de la patience. Il semble que les deux aient disparu.

« Ils n'ont pas laissé un seul cactus », a-t-il dit. « Ils ont détruit la patience ».

On peut lire le livre  Gaza debout face à la mer, consacré par Béatrice Guelpa  à l’histoire de Jawdat Khoudary (éditions Zoé, 2009)

 

08/02/2024

ANITA GOLDMAN
L’héritage de la guerre de Gaza perdurera pendant des générations

Anita Goldman, Dagens Nyheter, 7/2/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 
Anita Goldman (Göteborg, 1953) est une journaliste, écrivaine et animatrice d’ateliers d’écriture suédoise qui a vécu 17 ans en Israël. Livres

La bande de Gaza contient déjà des millions de tonnes de ferraille, de ciment pulvérisé, de tuyaux, de plastiques et de produits chimiques. Pendant des décennies, les humains, le sol et la Méditerranée seront empoisonnés. Mettre fin à la guerre devient de plus en plus impossible, écrit Anita Goldman.

Morad Kotkot, Palestine

Le premier champ de bataille - et de loin le plus grand - de l’ultraviolence moderne se trouve au centre de l’Europe, où plus de trois cent mille hommes sont morts et un demi-million d’autres ont été blessés ou ont subi des attaques au gaz. Avant la fin de la bataille, plus de quarante millions d’obus avaient été tirés. Ces obus, ainsi que des pièces de fusil brisées et des masses de corps humains, ont été laissés dans le sol lorsque la bataille de Verdun entre les Allemands et les Français pendant la Première Guerre mondiale a finalement pris fin.

Des deux côtés de la frontière, dans la Somme et à Ypres, en Belgique, où les destructions ont également pris des proportions apocalyptiques, de bonnes terres agricoles ont été réutilisées avec succès. Mais aujourd’hui encore, les agriculteurs locaux sont confrontés à des « récoltes de fer » - des obus et des métaux qui ont été enterrés pendant plus de cent ans et que l’on retrouve aujourd’hui.

À Verdun, le terrain était plus haché et plus escarpé, les dégâts étaient totaux – « un désert biologique », comme l’appelle l’auteur Cal Flyn. De vastes étendues de terre sont toujours interdites. Au lieu de cela, des forêts ont été plantées et elles sont toujours là, sombres et denses. Mais il y a une ouverture, une clairière, dans la forêt. Flyn la décrit dans son livre « Islands of abandonment. Life in a post-human landscape » [à paraître sous le titre “À l'abandon - comment la nature reprend ses droits” aux éditions Paulsen le 18/4/2024]. Ici, après la fin de la guerre, deux cent mille armes chimiques : gaz moutarde, gaz lacrymogène, phosgène, ont été rassemblées dans une grande fosse commune et incendiées. Le site s’appelle toujours Place à Gaz et la zone Zone Rouge. En 2017, cent ans plus tard, des scientifiques allemands ont testé le sol et ont trouvé des niveaux élevés d’arsenic et de métaux lourds.

Dans la bande de Gaza, l’une des zones les plus densément peuplées au monde, on estime que pas moins de 15 millions de tonnes de matériaux de construction pulvérisés sont aujourd’hui éparpillés. Comparé à l’attaque du World Trade Center, qui a laissé un million de tonnes de décombres à Ground Zero, l’ampleur de cette catastrophe est énorme. Près de trois mille personnes sont mortes ce jour-là, le 11 septembre 2001. Depuis lors, jusqu’à dix mille personnes ont été diagnostiquées avec un cancer et des maladies respiratoires et pulmonaires graves, conséquence directe du cocktail toxique de poussière, d’amiante et de produits chimiques répandus dans Manhattan. Le nombre de personnes décédées à la suite du 11 septembre est plus élevé que lors de l’attaque terroriste elle-même.

Comme toujours, les chiffres des dommages collatéraux sont incertains. Tant et tant de personnes et d’autres êtres vivants meurent à la guerre. Mais combien de personnes meurent de la guerre ? Des toxines résiduelles dans le sol, l’air, les corps, les esprits ? La question est de savoir combien de temps il faut continuer à compter. Quand la guerre se termine-t-elle ? Quand les personnes, le sol et la végétation se rétablissent-ils ? L’après-guerre, c’est pour quand ?

GIDEON LEVY
Israël sera atteint dans sa dignité, le Hamas sera couronné vainqueur, mais la guerre prendra fin

Gideon Levy, Haaretz, 7/2/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les termes de l’accord qui se dessine avec le Hamas sont présentés par Israël comme impliquant un « prix douloureux ». Cela repose sur l’hypothèse que tout ce qui est bon pour le Hamas doit être mauvais pour Israël et que tout ce qui est mauvais pour les Palestiniens est bon pour nous : un jeu à somme nulle.


Simon Regis, Tanzanie

Israël s’est convaincu qu’il ne devait pas signer un accord qui profiterait au Hamas de quelque manière que ce soit ; cet accord ne peut être que néfaste pour Israël et ne peut qu’entraîner un prix douloureux.

Nous ne devrions pas accepter ces hypothèses. Certains éléments de l’accord sont bons à la fois pour Israël et pour le Hamas. Le « prix » n’est pas toujours vraiment un prix. Il n’est pas toujours aussi douloureux qu’on veut nous le faire croire.

La libération des prisonniers de sécurité palestiniens et la cessation des combats profiteront au Hamas. Peut-être profitera-t-elle aussi à Israël. Quoi qu’il en soit, l’alternative sera bien pire pour Israël. Le Hamas ne libérera pas ses captifs sans condition, tout comme Israël ne libère pas les siens prisonniers sans obtenir quelque chose en retour, et il en a des milliers à l’heure actuelle.

Israël a appris aux Palestiniens qu’ils ne peuvent obtenir la libération rapide de leurs prisonniers détenus par Israël qu’en les échangeant contre des otages. D’ailleurs, les deux camps ont des otages : de nombreux détenus palestiniens ont été arrachés à leur lit et n’ont jamais été jugés.

Les prisons israéliennes regorgent de prisonniers de sécurité qui, contrairement à la présentation qui en est faite dans la propagande médiatique, ne sont pas tous des « terroristes avec du sang sur les mains ».

Parmi eux se trouvent de nombreux prisonniers politiques d’un régime qui interdit aux Palestiniens toute forme d’activité organisationnelle. Beaucoup d’autres ont été reconnus coupables de délits mineurs et condamnés à des peines draconiennes. S’il fallait encore prouver l’existence de l’apartheid israélien, ce serait par les systèmes judiciaires distincts pour les Juifs et les Palestiniens.

Dans les prisons israéliennes, il y a aussi d’ignobles meurtriers palestiniens. Mais nombre d’entre eux ont purgé leur peine et méritent d’être un jour libérés, tout comme leurs compagnons d’infortune juifs. La libération de vétérans âgés de la lutte armée palestinienne ne fera aucun mal à Israël.

Il y en a même dont la libération profitera à Israël, en premier lieu Marwan Barghouti, mais pas seulement lui. Si Israël est sérieusement intéressé à trouver un partenaire pour changer la réalité des guerres sans fin, il peut être trouvé derrière les barreaux israéliens. La prochaine génération de dirigeants palestiniens est détenue dans les prisons israéliennes, de Megiddo à Nafha.

Les luttes de libération à travers l’histoire, y compris celle du peuple juif, ont produit des dirigeants courageux qui sont sortis des prisons de leurs conquérants. Il y aura des familles juives endeuillées qui ont perdu leurs proches il y a des années et qui ne veulent pas voir les assassins libérés. C’est compréhensible, mais on ne peut certainement pas leur permettre de dicter ce qui est dans l’intérêt d’Israël.

“Israël tue x 000 Palestiniens : c’est la faute au Hamas”
Peter Sully, Australie

La ligne de conduite la plus sage qu’Israël aurait dû adopter il y a longtemps était de libérer volontairement les prisonniers de sécurité, en guise de geste et pas seulement de concession dans le cadre des négociations. Mais il n’y a aucune chance que cela se produise - c’est trop intelligent. Libérer 1 500 prisonniers, comme le demande le Hamas, n’est ni un désastre ni une souffrance. Cela permettra aux otages de rentrer chez eux. Le désastre et la douleur ne se produiront que s’ils ne sont pas sauvés.

Il ne serait pas non plus désastreux ou douloureux de mettre fin à cette guerre maudite, au cours de laquelle Israël a perdu son humanité sans atteindre ses objectifs grâce à des tueries et des destructions aveugles, comme on n’en voit que dans les guerres les plus brutales.

La dignité d’Israël sera en effet atteinte, le Hamas sera couronné vainqueur de la guerre - un vainqueur douteux mais un vainqueur quand même (même s’il s’était déjà couronné lui-même le 7 octobre). Même si la « victoire totale" de Benjamin Netanyahou était obtenue, ce qui n’arrivera évidemment jamais, le Hamas a gagné la guerre. Il vaut donc mieux y mettre fin.

Nous devons mettre de côté les clichés et les slogans éculés dont les Israéliens ont été abreuvés et examiner calmement les questions importantes : L’accord est-il vraiment si mauvais ? En quoi ? Existe-t-il un meilleur accord ?

Emad Hajjaj, Jordanie