15/07/2025

ZVI BAR’EL
Les conflits sectaires permettent à Israël de “cogérer” la Syrie

Selon l’interprétation syrienne des événements, Israël prévoit d’exploiter les conflits internes dans le pays, en particulier dans le district druze, afin de s’imposer comme une « force de police » capable d’empêcher le gouvernement d’établir son contrôle sur l’ensemble du pays.

Zvi Barel, Haaretz, 15/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala  

Alors qu’Israël examine attentivement les possibilités d’une normalisation – ou tout au moins d’un accord de sécurité, voire d’une simple entente – avec le nouveau gouvernement syrien, le pays du président Ahmed al-Charaa est en feu, au sens propre comme au figuré. La Syrie reste un État sans gouvernement, puisque son gouvernement central ne contrôle que 60 à 70 % de son territoire.


Al-Charaa, vu par Kamal Sharaf, Yémen

Les Israéliens ont déjà oublié le massacre des Alaouites dans le district de Lattaquié, en Syrie, en mars, qui a fait 1 700 morts. Il en va de même pour les violents affrontements qui ont opposé en avril les membres de la communauté druze et les forces gouvernementales ou les forces alliées au gouvernement. L’attaque du 22 juin contre l’église Mar Elias, qui a fait au moins 25 morts, n’a pas non plus beaucoup impressionné Israël.

Mais dimanche, une autre flambée de violence dangereuse s’est produite, qui pourrait dégénérer en un nouvel affrontement entre les Druzes et le gouvernement. Et dans ce conflit, Israël est déjà profondément impliqué.

En apparence, tout a commencé par un incident banal. Un jeune marchand de légumes druze a été victime d’un vol commis par un gang de Bédouins alors qu’il conduisait son camion de légumes sur la route principale entre Soueïda et Damas. Les vols ne sont pas rares dans le district sud de Soueïda et font depuis longtemps partie intégrante de l’« économie » de la région.

Mais cette fois-ci, le vol a dégénéré en affrontements généralisés. En réponse à cela, et après que des Bédouins ont enlevé plusieurs membres de la communauté druze, des Druzes armés ont capturé certains membres de la tribu bédouine qui vit dans la ville de Soueïda.

Les otages ont ensuite été libérés, mais les affrontements, qui ont donné lieu à des tirs de mortier, à l’utilisation de drones et de mitrailleuses, ont fait 40 morts et une centaine blessés. Depuis lors, le nombre de morts est passé à 90 et les affrontements se poursuivent au moment où nous écrivons ces lignes.

Le gouvernement syrien a rapidement annoncé lundi qu’il intervenait pour rétablir le calme et a commencé à déployer des forces de police et des chars vers le lieu des affrontements. À la suite d’informations faisant état de frappes israéliennes dans cette ville à majorité druze, le ministre syrien de la Défense a annoncé un cessez-le-feu, mettant officiellement fin à toute lutte intestine dans la région.

La réponse du régime syrien est celle que prendrait n’importe quel pays qui souhaite mettre fin aux affrontements armés et empêcher leur propagation à d’autres régions du pays. Mais à Soueïda, ville druze, la situation est pour le moins un peu plus compliquée.

Militialand

En mai, les dirigeants druzes de Soueïda ont signé un accord avec le gouvernement visant à apaiser les violences qui avaient éclaté précédemment. En vertu de cet accord, les milices druzes – qui sont plusieurs – sont censées remettre leurs armes à l’armée syrienne et, à une date ultérieure, être intégrées à celle-ci. Un accord similaire a été conclu avec les forces kurdes opérant sous l’égide des Forces démocratiques syriennes, qui contrôlent le nord du pays.

L’accord avec les Druzes stipule également que les forces de sécurité syriennes seront chargées d’assurer la sécurité sur la route principale entre Damas et Soueïda, celle-là même où le marchand de légumes a été agressé, déclenchant les derniers affrontements.

En vertu de cet accord, les forces de sécurité syriennes sont censées assurer la sécurité de l’ensemble du district. Mais ici, elles se heurtent à l’opposition de certaines milices druzes, dont les loyautés sont partagées entre les trois chefs spirituels de la communauté.

Certaines milices ont déclaré être disposées à coopérer avec l’armée. Mais l’une d’entre elles, fidèle au chef spirituel Hikmat al-Hijri, a déclaré qu’elle ne déposerait pas les armes tant qu’une armée nationale syrienne n’aurait pas été mise en place. Une autre a déclaré qu’elle ne faisait pas confiance à la promesse du gouvernement syrien de protéger les Druzes, ajoutant que si la milice finit par être intégrée à l’armée, cela ne se fera que si les forces druzes constituent une unité distincte chargée de protéger leur district d’origine.

En conséquence, l’armée et la police syriennes n’ont jusqu’à présent pas été en mesure d’entrer dans le district. Et selon les Druzes, elles n’ont pas non plus protégé la route principale entre Soueïda et Damas.

L’ironie, c’est que les milices, les dirigeants druzes et le gouvernement s’accordent tous à dire que le problème est dû à l’absence du gouvernement tant dans le district que sur la route principale. Le régime fait valoir, avec beaucoup de raison, que son échec est dû à l’opposition des Druzes à l’entrée de ses forces dans la région. Les Druzes, en revanche, affirment qu’il s’agit d’un échec délibéré visant à compromettre leur sécurité.

« Les causes de cette escalade sont claires et récurrentes », a déclaré dans un communiqué la milice des Hommes de la dignité, la plus importante des milices druzes, dirigée par Laith al-Balous. « Elles commencent par l’absence délibérée des forces de l’État sur l’artère vitale qui relie Damas à Soueïda et se poursuivent par les attaques répétées contre des civils sur cette route, que le gouvernement ignore depuis des mois. »

Comme lors des affrontements d’avril, les dirigeants druzes ont cette fois encore demandé à la communauté internationale d’intervenir pour « protéger la minorité druze de l’anéantissement ». Cela a ébranlé le gouvernement d’Al-Charaa, car cela le présente comme incapable de protéger ses citoyens et comme laissant les milices et les gangs sévir et attaquer les civils, parfois les Alaouites, parfois les Druzes.

Le gouvernement n’a même pas été en mesure d’empêcher l’attaque contre l’église Mar Elias, qui a été attribué à l’État islamique, mais qui pourrait avoir été perpétré par d’anciens membres mécontents de la milice d’Al-Charaa, Hayat Tahrir al-Cham. Tout cela se passe alors qu’Al-Charaa visite les capitales du monde entier, essayant de montrer qu’il contrôle totalement la situation et promettant qu’il peut protéger tous les Syriens afin de mobiliser les énormes investissements dont la Syrie aura besoin pour sa reconstruction.

Mais le problème ne s’arrête pas là. Israël s’est imposé comme un acteur clé dans le sud de la Syrie et sur le plateau du Golan syrien, non seulement en tant que partie contrôlant de vastes territoires sur lesquels il a construit des bases militaires, mais aussi en tant que garant de la sécurité de la communauté druze.

Par conséquent, lorsque les dirigeants druzes font appel à la communauté internationale, la Syrie interprète cela comme un appel à l’intervention israélienne. Et en effet, Israël est intervenu. Lundi, lorsque l’armée syrienne a tenté d’envoyer des chars dans le quartier en proie à des troubles, elle a été attaquée par des avions israéliens qui ont bloqué leur avancée.

L’explication officielle d’Israël est que l’attaque visait à empêcher les chars d’entrer dans le district. « La présence de tels véhicules dans le sud de la Syrie pourrait constituer une menace pour Israël. Les Forces de défense israéliennes ne permettront pas l’existence d’une menace militaire dans le sud de la Syrie et s’efforceront de l’empêcher. »

Selon cette explication, l’attaque de l’armée israélienne visait à empêcher la Syrie de violer la « ligne de contrôle » établie par Israël, qui fait désormais l’objet de négociations entre Israël et la Syrie.

Mais cette explication n’a pas vraiment convaincu le gouvernement syrien, qui considère cette attaque comme une violation de la souveraineté syrienne et une ingérence israélienne dans les affaires intérieures du pays. De plus, alors que les médias israéliens s’empressent de rapporter les accords et la coordination avec le gouvernement syrien ainsi que les progrès de la Syrie sur la voie de la normalisation avec Israël, l’intervention militaire israélienne montre qu’aucun accord de sécurité n’a encore été conclu.

Selon l’interprétation des événements par la Syrie, Israël prévoit d’exploiter les conflits internes dans le pays, en particulier dans le district druze, afin de s’imposer comme une « force de police » capable d’empêcher le gouvernement d’établir son contrôle sur l’ensemble du pays. Dans la pratique, le contrôle géographique du territoire syrien par Israël a ainsi fait de ce dernier un partenaire dans la gestion du pays.

La connexion turque

Cette évolution dangereuse se produit alors même que les USA s’efforcent d’aider le gouvernement d’Al-Charaa à stabiliser son pouvoir dans tout le pays.

Copains comme cochons: Ryad, 25 mai 2025

Depuis que le président Donald Trump a serré la main d’Al-Charaa. lors de sa visite en Arabie saoudite, où il a levé les sanctions contre la Syrie, ouvrant ainsi grand la porte à la coopération internationale avec le nouveau gouvernement syrien, l’ambassadeur usaméricain en Turquie et envoyé spécial en Syrie et au Liban, Tom Barrack, a exercé de fortes pressions sur les Kurdes pour qu’ils mettent en œuvre l’accord qu’ils ont signé avec Al-Charaa et rejoignent l’armée nationale.

On ne sait toujours pas comment Washington va gérer la question druze, l’implication d’Israël dans ce dossier et le territoire contrôlé par Israël. Il est toutefois important de rappeler que la Turquie est également impliquée dans toutes ces questions. Ankara est devenu le protecteur d’Al-Charaa, avec la bénédiction de Washington et de Riyad.

Al-Charaa reçu par Ilham Aliyev, Monsieur BOAI (Bons offices auprès d'Israël)

La Turquie et Israël ont mis en place un mécanisme de coordination grâce à la médiation de l’Azerbaïdjan. Samedi, Bakou a également accueilli Al-Charaa, et « en marge » de cette visite, de hauts responsables syriens, dont le ministre des Affaires étrangères Asaad al-Shibani, ont rencontré des responsables israéliens. Néanmoins, le mécanisme de coordination vise uniquement à prévenir les affrontements « involontaires » entre les Forces de défense israéliennes (FDI) et les forces turques, et non à traiter les activités des FDI dans le sud de la Syrie.

La Turquie estime qu’Israël doit se retirer de tout le territoire syrien et revenir aux lignes établies dans l’accord de séparation des forces de 1974. Elle tente actuellement de convaincre l’administration usaméricaine d’adopter cette position et de persuader Al-Charaa de subordonner tout accord avec Israël à cette condition.

 

 

توري باتشيكو: المهاجرون يزرعون، و فوكس يحصد
Torre Pacheco : les migrants sèment, Vox récolte
Torre-Pacheco, los inmigrantes siembran la huerta y Vox recoge los frutos

 

Torre Pacheco : les migrants sèment, Vox récolte

La région de Murcie a offert à l'extrême droite sa première victoire électorale lors des élections générales de 2019. Son discours, plein de contradictions, repose sur trois piliers fondamentaux : l'agriculture, l'eau et l'immigration.

Murcie a été la première et la seule communauté autonome où Vox a remporté la victoire aux dernières élections générales de 2019. Le parti d'Abascal a obtenu près de 30 % des voix et a détrôné le PP. D'un côté, il se vante de défendre les campagnes et encourage les agriculteurs à irriguer sans contrôle. De l'autre, il établit un lien entre immigration et délinquance dans un discours plein de contradictions qui ne repose pas sur des données, mais sur la peur. Et la commune de Torre-Pacheco, en plein cœur de la campagne de Carthagène, en est le meilleur exemple.

Cette commune murcienne essentiellement agricole compte environ 36 000 habitants, dont près de 11 000 étrangers, soit 30 % de la population. La migration a commencé dans les années 80, lorsque le transfert d'eau du Tajo vers la Segura a été achevé et que l'agriculture à sec est devenue une agriculture d'irrigation. Nous avons tenté de comprendre la réalité locale et de connaître le discours du parti d'extrême droite, ses conséquences et ses contradictions dans une région où la tragédie écologique de la Mar Menor monopolise le débat politique.

توري باتشيكو: المهاجرون يزرعون، و فوكس يحصد

 منحت منطقة مورسيا اليمين المتطرف أول انتصار انتخابي له في الانتخابات العامة لعام 2019. ويستند خطابه، المليء بالتناقضات، إلى ثلاث ركائز أساسية: الزراعة والمياه والهجرة.

كانت مورسيا أول وحيدة منطقة ذات حكم ذاتي فاز فيها حزب فوكس في الانتخابات العامة الأخيرة التي جرت في عام 2019. حصل حزب أباسكال على ما يقرب من 30٪ من الأصوات وأطاح بحزب الشعب. من ناحية، يتباهى الحزب بالدفاع عن الريف ويشجع المزارعين على الري دون رقابة. من ناحية أخرى، يربط بين الهجرة والجريمة في خطاب مليء بالتناقضات لا يستند إلى بيانات، بل إلى الخوف. وتعد بلدة توري-باشكو، الواقعة في قلب ريف قرطاجنة، أفضل مثال على ذلك.

تضم هذه البلدية الريفية في مورسيا حوالي 36000 نسمة، منهم حوالي 11000 أجنبي، أي 30% من السكان. بدأت الهجرة في الثمانينيات، عندما اكتمل نقل المياه من نهر تاجو إلى نهر سيغورا وتحولت الزراعة البعلية إلى زراعة ري. حاولنا فهم الواقع المحلي والتعرف على خطاب الحزب اليميني المتطرف وعواقبه وتناقضاته في منطقة تحتكر فيها المأساة البيئية في مار مينور النقاش السياسي.

 






14/07/2025

ANIL K SOOD
La détresse des paysans indiens est une réalité

Cette série en deux parties examine la réalité des conditions agricoles afin d’identifier une approche possible de la politique agricole, une approche qui pourrait contribuer à trouver une solution à long terme.

Anil K Sood, The New Indian Express, 21/2/2024
Traduit par
Fausto GiudiceTlaxcala  

Le professeur Anil K Sood est cofondateur et professeur de l’Institute for Advanced Studies in Complex Choices (IASCC) basé à Hyderabad. Biographie. @AnilKSood5

Nos agriculteurs en savent-ils plus sur leur situation économique que nos analystes politiques et nos intellectuels ? Ces derniers affirmeraient le contraire.

Prenons l’exemple de Bharat Ramaswami. Dans son rapport à la XVe Commission des finances, Ramaswami se réfère à un article de Chand, Saxena et Rana pour suggérer que l’agriculture est une activité rentable.

« Chand, Saxena et Rana (2015) montrent que le revenu agricole était supérieur de 70 % au coût de tous les intrants variables (y compris la main-d’œuvre salariée) en 2011/12. Bien que cette rentabilité ait été exceptionnelle en raison des prix agricoles inhabituellement élevés cette année-là, le taux de rentabilité se situait entre 40 et 50 % dans les années 1990 et au milieu des années 2000 », affirme-t-il.

Un autre discours populaire, soutenu par des analystes politiques influents et des personnalités des médias, suggère que les agriculteurs sont riches car ils achètent des voitures de luxe.

Cette série en deux parties tente d’aller au-delà de ces discours simplistes et examine la réalité des conditions agricoles afin d’identifier une approche possible de la politique agricole, une approche qui puisse contribuer à trouver une solution à long terme.

Commençons par une affirmation simple : l’agriculture n’est pas une activité rentable et ne peut enrichir les agriculteurs, compte tenu de notre politique de prix et du mécanisme de prix minimum de soutien (MSP) qui nous aide à mettre en œuvre cette politique.
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DAWN
Les USA doivent enquêter sur le meurtre du citoyen usaméricain Saif al-Din Musalat par des colons israéliens et traduire ses auteurs en justice

 DAWN, 12/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 


Musalat, l’un des sept citoyens usaméricains assassinés par des Israéliens en Cisjordanie depuis 2022

Washington, DC, 12 juillet 2025 – Le gouvernement usaméricain devrait enquêter et garantir que les responsables du meurtre de Saif al-Din Musalat, un jeune homme de 20 ans originaire de Floride, battu à mort par des colons israéliens le 11 juillet 2025 dans le village de Sinjil, en Cisjordanie, dans les territoires palestiniens occupés, soient traduits en justice. Les USA n’ont pas mené d’enquête sérieuse ni traduit en justice les meurtriers israéliens d’au moins six autres citoyens usaméricains depuis 2022.

« Le moins que le président Trump puisse faire est d’exiger une enquête sur le meurtre sauvage de ce jeune Américain et d’insister pour que les colons extrémistes israéliens qui l’ont battu à mort soient tenus responsables », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de DAWN. « Si les Israéliens continuent de tuer des citoyens américains, c’est parce qu’ils savent qu’ils peuvent s’en tirer à bon compte, convaincus que le gouvernement américain ne leur demandera pas de rendre des comptes. »

Le 11 juillet 2025, des colons israéliens ont envahi le village de Sinjil, en Cisjordanie, où ils ont affronté Musalat et l’ont battu à mort. Musalat, qui rendait visite à sa famille pour l’été, protestait contre la construction d’un nouvel avant-poste israélien illégal sur les terres du village d’al-Mazra’a ash-Sharqiya lorsque des colons israéliens l’ont attaqué, selon sa famille. La famille de Musalat a rapporté que les colons ont empêché les secours d’accéder à Musalat pendant plus de trois heures ; il a été déclaré mort à son arrivée à l’hôpital. Les mêmes colons ont également tué Mohammed Rizq Hussein al-Shalabi, 23 ans, qui a aussi été laissé pour mort pendant des heures.

« L’ambassadeur Huckabee devrait faire son travail et exiger que le gouvernement israélien traduise en justice les responsables de ce crime odieux », a déclaré Charles Blaha, conseiller principal de DAWN et vétéran du département d’État usaméricain depuis 32 ans. « Il convient de rappeler que la protection des citoyens américains à l’étranger est le premier devoir de nos ambassades. »

L’armée israélienne a déclaré qu’elle examinait la question, confirmant que les colons se livraient à « des actes de vandalisme contre des biens palestiniens, à des incendies criminels et à des affrontements physiques ». Au 12 juillet 2025, la police israélienne avait arrêté six personnes en relation avec le meurtre de Musalat, mais aucune accusation n’avait été prononcée.

Le bilan d’Israël en matière d’enquêtes et de poursuites contre des soldats et des colons israéliens pour le meurtre de citoyens usaméricains, de Palestiniens-USAméricains, de journalistes et de Palestiniens n’est ni transparent, ni crédible, ni fiable. Les autorités israéliennes n’ont pris aucune mesure punitive sérieuse contre les auteurs des meurtres antérieurs de citoyens USaméricains, notamment Rachel Corrie, Orwah Hammad, Mahmoud Shaalan, Omar Asad, Shireen Abu-Akleh, Ayşenur Eygi et trois enfants usaméricains : Amer Rabee, un enfant palestino-usaméricain de 14 ans originaire du New Jersey ; Tawfic Abdel Jabbar, un enfant palestino-usaméricain de 17 ans originaire de Louisiane ; et Mohammad Alkhdour, un enfant palestino-usaméricain de 17 ans originaire de Floride.

Selon des données de l’organisation israélienne de défense des droits humains Yesh Din, « la probabilité qu’un soldat israélien soit poursuivi pour avoir tué un Palestinien n’est que de 0,4 % – soit une poursuite pour 219 décès signalés à l’armée ». En ce qui concerne les violences commises par les colons israéliens à l’encontre des Palestiniens en Cisjordanie, les chances que les responsables soient tenus pour responsables sont tout aussi minces. Entre 2005 et 2024, Yesh Din a constaté que « seulement 3 % des enquêtes sur les crimes à motivation idéologique commis contre des Palestiniens en Cisjordanie ont abouti à une condamnation totale ou partielle. Ce faible taux de condamnation indique, depuis au moins deux décennies, que les forces de l’ordre ne prennent pas au sérieux la violence des colons, ce qui renforce le sentiment d’impunité des auteurs et encourage la répétition de ces actes ».

Le gouvernement usaméricain peut prendre plusieurs mesures pour garantir qu’il soit fait justice pour les citoyens usaméricains tués à l’étranger, notamment exercer des pressions diplomatiques, mener ses propres enquêtes indépendantes, demander l’extradition et la poursuite des auteurs, et imposer des sanctions à leur encontre. Dans le cas présent, l’administration Trump devrait au minimum ouvrir une enquête du ministère de la Justice sur ce meurtre, exiger du gouvernement israélien qu’il autorise l’accès aux auteurs et aux témoins, poursuivre les meurtriers si Israël ne le fait pas, et leur imposer des sanctions usaméricaines.

« Le système judiciaire israélien s’est révélé totalement incapable de tenir ses propres citoyens responsables du meurtre de Palestiniens, y compris de citoyens usaméricains », a déclaré Raed Jarrar, directeur du plaidoyer de DAWN.

Alors que le gouvernement usaméricain a activement enquêté et sanctionné le meurtre d’Israéliens par des Palestiniens, il n’a pas protégé les USAméricains assassinés par des Israéliens. À la suite des attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre, au cours desquelles 40 citoyens usaméricains ont été tués, le ministère de la Justice a lancé une enquête approfondie et a engagé des poursuites pénales contre des responsables du Hamas pour meurtre et terrorisme.  En revanche, le gouvernement américain n’a jamais a annoncé les conclusions de l’enquête qu’il affirme avoir été lancée par le ministère de la Justice en 2022 sur le meurtre, le 11 mai 2022, de la journaliste usaméricano-palestinienne Shireen Abu-Akleh. Le ministère de la Justice n’a même pas tenté d’enquêter sur le meurtre de la militante usaméricano-turque Aysenur Eygi, abattue par les forces israéliennes en Cisjordanie occupée le 6 septembre 2024.

Au lieu de cela, le gouvernement usaméricain a continué à récompenser Israël par un soutien militaire et politique, et à garantir l’impunité des criminels israéliens devant les instances internationales, y compris la Cour pénale internationale (CPI). L’administration Trump a également imposé des sanctions à la procureure de la CPI et à plusieurs juges, ainsi qu’à la rapporteure spéciale des Nations unies Francesca Albanese, pour leurs efforts visant à tenir les responsables israéliens responsables de leurs crimes.

Le 20 janvier 2025, lors de son premier jour au pouvoir, le président Trump a annulé le programme de sanctions mis en place par le président Biden pour punir les colons israéliens violents en Cisjordanie.

« Le meurtre du citoyen usaméricain Saif al-Din Musalat est une conséquence directe de la décision du président Trump, dès son premier jour au pouvoir, de lever les sanctions contre les colons israéliens violents », a déclaré Jarrar. « Lorsque vous supprimez les mesures visant à responsabiliser les colons extrémistes, vous leur donnez en fait le feu vert pour intensifier leurs violences contre les Palestiniens, y compris les citoyens usaméricains. »

USAméricains assassinés par les forces armées israéliennes ou les forces paramilitaires des colons soutenues par l’État depuis 2022

1.                  Saif al-Din Musalat, 11 juillet 2025

2.                 Amer Rabee, un enfant palestino-usaméricain de 14 ans originaire du New Jersey, a été mortellement abattu par des Israéliens dans la ville de Turmus Ayya, au nord de la ville de Ramallah, le 6 avril 2025.

3.                 Mohammad Alkhdour, un jeune Palestinien de 17 ans originaire de Floride, s’est fait tuer par un tir dans la tête le 10 février 2024 par les forces israéliennes à Biddu, en Cisjordanie, alors qu’il conduisait une voiture.

4.                Tawfic Abdel Jabbar,  un adolescent palestino-usaméricain de 17 ans originaire de Louisiane, a été abattu par les forces israéliennes près de Ramallah le 19 janvier 2024.

5.                 Ayşenur Eygi, militante turco-usaméricaine, a été abattue par les forces de défense israéliennes le 6 septembre 2024 alors qu’elle participait à une manifestation à Beita, en Cisjordanie.

6.                Shireen Abu-Akleh, journaliste palestino-usaméricaine, a été tuée le 11 mai 2022, par Alon Scoglia, membre de l’unité Duvdevan des Forces de défense israéliennes, dans ce qui semble être un assassinat ciblé.

7.                 Omar Assad, 78 ans, a été tué le 12 janvier 2022 à Jiljilya, en Cisjordanie, par la tristement célèbre brigade Netzah Yehuda, que le secrétaire d’État Blinken a refusé de sanctionner en application des lois Leahy usaméricaines.

SUDHIR SURYAWANSHI
767 agriculteurs se sont suicidés en seulement trois mois dans l’État indien du Maharashtra

Les députés du Congrès ont accusé le gouvernement de l’État de ne pas avoir apporté immédiatement une aide financière aux agriculteurs, privant ainsi bon nombre d’entre eux de l’aide à laquelle ils avaient droit.

Sudhir Suryawanshi, The New Indian Express, 1/7/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Sudhir Suryawanshi est un journaliste indien originaire du Maharashtra qui écrit sur la politique de cet État depuis quinze ans. Il a notamment travaillé pour DNA, Mumbai Mirror et Free Press Journal. Il est actuellement rédacteur en chef adjoint du New Indian Express. Il est l’auteur du livre Checkmate: How the BJP Won and Lost Maharashtra (Viking, 2020). @ss_suryawanshi

 MUMBAI - Le gouvernement du Maharashtra a révélé mardi, lors de l’assemblée législative de l’État, qu’entre janvier et mars 2025, 767 suicides d’agriculteurs avaient été signalés dans l’État, la majorité d’entre eux dans la région de Vidarbha.


Les députés du Congrès ont posé une question écrite au parti au pouvoir sur l’augmentation du nombre de suicides d’agriculteurs dans le Maharashtra, en particulier dans la région de Vidarbha, et ont demandé des détails sur la manière dont le gouvernement de l’État apporte son aide aux familles des agriculteurs décédés. Les députés du Congrès ont également demandé une augmentation de l’aide financière, qui s’élève actuellement à 1 lakh de roupies [=1000 €].

Dans une réponse écrite, Makrand Patil, ministre de la Réhabilitation et député du NCP [Parti du Congrès Nationaliste], a présenté la réponse écrite à l’Assemblée et a assuré que le gouvernement du Maharashtra apporterait toute l’aide possible aux agriculteurs.

Le gouvernement du Maharashtra accorde une aide financière de 1 lakh de roupies à la famille de l’agriculteur qui s’est suicidé.

Selon ce rapport, en trois mois, de janvier à mars 2025, 767 agriculteurs se sont suicidés, dont 376 étaient éligibles à une indemnisation du gouvernement, tandis que 200 n’ont pas reçu d’aide car ils ne répondaient pas aux critères fixés par le gouvernement.

Makrand Patil a en outre révélé que dans l’ouest du Vidarbha – Yawatmal, Amarawati, Akola, Buldhana et Wasim –, entre janvier et mars 2025, 257 agriculteurs se sont suicidés, parmi lesquels 76 familles ont reçu une aide financière du gouvernement de l’État, tandis que 74 demandes ont été rejetées.

Dans le district de Hingoli, dans le Marathwada, 24 suicides d’agriculteurs ont été signalés au cours des trois mois compris entre janvier et mars 2025.

Les députés du Congrès ont affirmé que le gouvernement de l’État n’avait pas accordé immédiatement l’aide financière aux agriculteurs et que de nombreux agriculteurs éligibles avaient même été privés de l’aide à laquelle ils avaient droit pour des raisons fallacieuses. En outre, le gouvernement de l’État a précisé qu’il n’y avait aucune proposition d’augmentation de l’aide financière aux familles des agriculteurs décédés.

Toutefois, le gouvernement de l’État a déclaré avoir pris diverses mesures pour mettre fin aux suicides des agriculteurs.

« Le gouvernement de l’État accorde une indemnisation aux agriculteurs dont les récoltes ont été endommagées par des pluies hors saison et des catastrophes naturelles. En outre, dans le cadre du programme PM Kisan Samman Nidhi [Fonds du Premier ministre d’allocation aux agriculteurs], le gouvernement central verse 6 000 roupies [= 71€], tandis que le gouvernement de l’État contribue également à hauteur de 6 000 roupies par an aux agriculteurs pauvres et dans le besoin », indique la note.

Celle-ci précise également que le gouvernement de l’État organise des séances de soutien psychologique pour les agriculteurs déprimés et en détresse, afin de les dissuader de se suicider, et qu’il augmente même le prix minimum de soutien des récoltes des agriculteurs.

« En outre, le gouvernement de l’État s’efforce de mettre en irrigation autant d’hectares de terres que possible et de mettre en place des programmes d’aide sociale pour les agriculteurs. »



Champs de désespoir : pourquoi les agriculteurs du Maharashtra paient le prix suprême

Sudhir Suryawanshi, The New Indian Express, 12/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Entre le 1er janvier et le 31 mars de cette année, toutes les trois heures, un agriculteur du Maharashtra a mis fin à ses jours, avec 767 suicides enregistrés en seulement 90 jours, selon les données présentées à l’assemblée législative de l’État le 1er juillet. Ce taux alarmant, qui représente en moyenne huit décès par jour, n’est pas un cas isolé. L’année dernière, le gouvernement a admis devant l’assemblée que le taux de suicide chez les agriculteurs était similaire depuis 56 mois. Cela reflète une crise agraire qui s’aggrave et qui défie toute solution dans le Maharashtra, en particulier dans les régions de Vidarbha et Marathwada, depuis plus de deux décennies. Malgré les promesses politiques ambitieuses, notamment celle du BJP [le parti suprémaciste hindou au pouvoir fédéral, NdT] en 2014 d’éradiquer les suicides d’agriculteurs, la tendance persiste, alimentée par un mélange toxique de difficultés économiques, de défis environnementaux et d’échecs politiques.

Le cas de Kailash Arjun Nagare, lauréat du prix Young Farmer Award 2020, qui s’est donné la mort en mars 2025, invoquant l’inaction du gouvernement face aux demandes en matière d’irrigation, est un indicateur du désespoir croissant qui règne dans la communauté agricole. Pourquoi rien ne change-t-il alors que les suicides d’agriculteurs ne montrent aucun signe de ralentissement dans le Vidarbha et le Marathwada ?

Ampleur de la crise

Au cours des 24 dernières années, la division fiscale d’Amravati, dans le seul district de Vidarbha, a enregistré 21 219 suicides d’agriculteurs, dont 5 395 dans le district d’Amravati, 6 211 dans celui de Yavatmal, 4 442 dans celui de Buldhana, 3 123 dans celui d’Akola et 2 048 dans celui de Washim. En janvier de cette année, 80 suicides ont été signalés dans ces districts, Yavatmal enregistrant le nombre le plus élevé avec 34. Dans le district de Hingoli, dans le Marathwada, 24 suicides ont eu lieu au cours de la même période de trois mois.

Vidarbha est représentée par des poids lourds du BJP à l’Assemblée législative de l’État et au Parlement : le ministre en chef Devendra Fadnavis et le ministre de l’Union Nitin Gadkari. Ils ont obtenu des résultats remarquables dans divers domaines, mais n’ont malheureusement pas réussi à faire avancer le dossier de la crise agraire.

Les données historiques du Bureau national des statistiques criminelles (NCRB) et d’autres rapports font état de 37 142 suicides d’agriculteurs dans le Maharashtra entre 2015 et 2024 : 4 291 en 2015, 3 058 en 2016, 3 701 en 2017, 3 594 en 2018, 3 927 en 2019, 4 006 en 2020, 4 064 en 2021, 4 268 en 2022, 2 851 en 2023 et 2 635 en 2024.

Les données du NCRB pour 2022 montrent que 11 290 personnes dans le secteur agricole (5 207 agriculteurs/cultivateurs et 6 083 ouvriers agricoles) à travers le pays se sont suicidées, ce qui représente 6,6 % du total des suicides (170 924) en Inde. Les hommes ont été plus nombreux que les femmes à choisir cette solution extrême. Sur les 5 207 suicides d’agriculteurs/cultivateurs, 4 999 étaient des hommes et 208 des femmes. Et sur les 6 083 ouvriers agricoles qui se sont donné la mort, 5 472 étaient des hommes et 611 des femmes. Les États et les territoires de l’Union qui n’ont signalé aucun suicide dans le secteur agricole sont le Bengale occidental, le Bihar, l’Odisha, l’Uttarakhand, Goa, le Mizoram, le Tripura, Chandigarh, Delhi, Lakshadweep et Pondichéry.

Quant au Maharashtra, 2 708 agriculteurs/cultivateurs – 2 448 propriétaires fonciers et 260 cultivateurs de terres louées – se sont suicidés en 2022. Cela représente plus de 50 % du chiffre national de 5 207 dans la même catégorie. Et plus d’un quart du nombre total de suicides d’ouvriers agricoles (1 560) provenait du Maharashtra. Ces chiffres sont stupéfiants, quelle que soit la comparaison.

Comme l’a déclaré le leader du Congrès Rahul Gandhi en commentant l’article de ce journal : « Réfléchissez-y... en seulement trois mois, 767 agriculteurs se sont suicidés dans le Maharashtra. S’agit-il seulement d’une statistique ? Non. Ce sont 767 foyers détruits. 767 familles qui ne pourront jamais s’en remettre. »

Il a ensuite marqué des points politiques en affirmant que le gouvernement annulait facilement les prêts des riches mais pas ceux des pauvres, ce qui lui a valu une réplique cinglante du BJP, qui lui a rappelé les « péchés commis par le gouvernement NCP-Congrès pendant son mandat dans le Maharashtra ».

Au milieu de toutes ces querelles politiques, la question clé reste sans réponse : pourquoi la série de mesures sociales prises par les gouvernements central et régional, y compris l’octroi d’aides financières, n’ont-elles pas réussi à redonner aux agriculteurs la confiance nécessaire pour faire face aux aléas de la vie ?

Les causes profondes : un enchevêtrement complexe

La crise des suicides d’agriculteurs résulte d’une combinaison de difficultés économiques, de défis environnementaux et de pressions sociales, aggravées par des lacunes politiques.

Difficultés économiques et endettement : le poids écrasant de la dette est le principal facteur, alimenté par la hausse des coûts des intrants et l’insuffisance des prix des récoltes. Vijay Jawandhia, leader paysan et expert, a déclaré à ce journal que le coût des intrants (semences, engrais, pesticides et diesel) a fortement augmenté, tandis que les récoltes sont vendues à un prix inférieur au prix minimum de soutien (MSP). Par exemple, en 2024, le soja s’est vendu entre 3 800 et 4 000 roupies le quintal, contre un MSP de 4 892 roupies, le coton entre 5 000 et 6 000 roupies, contre 7 550 roupies, et le tur dal [pois d’Angole] entre 6 000 et 6 500 roupies, contre 7 500 roupies. Un rapport estime que les producteurs de soja du Maharashtra ont perdu 85 milliards de roupies [=850 millions €] en 2024 en raison de ventes inférieures au MSP. La taxe sur les produits agricoles (GST) de 18 % érode encore davantage les marges. Rahul Gandhi a souligné dans une critique que, bien que les deux gouvernements accordent au total 12 000 roupies par an (6 000 roupies provenant du gouvernement central et 6 000 roupies provenant du gouvernement de l’État dans le cadre du PM Kisan Samman Nidhi) aux agriculteurs, les taxes sur les intrants agricoles absorbent plus que ces aides.

Défis environnementaux : Vidarbha et Marathwada, où le coton, le soja et les légumineuses dominent, ne disposent que d’un taux d’irrigation de 10 à 12 %, contre 60 % dans la ceinture sucrière de l’ouest du Maharashtra. Les agriculteurs dépendent de moussons irrégulières, aggravées par des phénomènes climatiques extrêmes tels que sécheresses, pluies hors saison et tempêtes de grêle. L’épuisement des nappes phréatiques oblige les agriculteurs à forer des puits jusqu’à 300 mètres de profondeur, ce qui fait grimper les coûts. En 2015, des réservoirs comme celui de Manjara n’avaient plus aucune réserve d’eau. Des pénuries similaires persistent ailleurs. Le suicide de Kailash Arjun Nagare en mars 2025, après une grève de la faim de 10 jours pour obtenir de l’eau d’irrigation provenant du réservoir de Khadakpurna, met en évidence le désespoir causé par la pénurie d’eau.

Baisse des rendements et volatilité des marchés : les rendements agricoles ont chuté, en particulier pour le coton. Sanjay Patil, un agriculteur de Dhule, a déclaré à ce journal que les rendements du coton sont passés de 10-12 quintaux par acre à 2-3 quintaux, les prix chutant de 10 000-12 000 roupies à 5 000-6 000 roupies par quintal.

Pressions sociales et psychologiques : L’augmentation des coûts de l’éducation, des soins de santé et des besoins quotidiens dépasse les revenus stagnants des agriculteurs, créant un écart flagrant entre les revenus et les dépenses. Jawandhia note que contrairement aux fonctionnaires, qui bénéficient d’indemnités de cherté liées à l’inflation et d’augmentations de salaire, les agriculteurs ne bénéficient d’aucune protection de ce type. Les difficultés financières, associées à un accès limité aux services de santé mentale, alimentent la dépression. Le suicide de Sachin et Jyoti Jadhav, un couple d’agriculteurs de Parbhani, en avril 2025, qui a laissé deux filles orphelines, montre qu’il est urgent de s’attaquer aux problèmes de santé mentale de toute urgence.

Réponse du gouvernement

Dans l’ordre constitutionnel, l’agriculture relève de la compétence des États, mais de nombreuses décisions importantes dans ce secteur sont prises par le gouvernement central, a déclaré Jawandhia. « J’ai soulevé cette question devant M. Swaminathan lorsqu’il était président de la Commission nationale des agriculteurs. Il a ri et a accepté de recommander au gouvernement central d’inscrire l’agriculture sur la liste des compétences concurrentes. Cependant, cette proposition n’a pas encore été acceptée au niveau politique », a-t-il ajouté.

Quoi qu’il en soit, les gouvernements ont une réponse toute faite aux questions troublantes sur les suicides d’agriculteurs. En voici un exemple tiré du Rajya Sabha [Conseil des États, chambre haute du parlement fédéral], en réponse à une question simple posée le 4 mai dernier : « L’agriculture étant une compétence des États, ce sont les gouvernements des États qui fournissent l’aide. Cependant, le gouvernement indien soutient les efforts des États par des mesures politiques appropriées, des allocations budgétaires et divers programmes. Les différents programmes du gouvernement indien visent à améliorer le bien-être des agriculteurs en augmentant la production, les revenus et le soutien au revenu des agriculteurs. Le gouvernement a considérablement augmenté les crédits budgétaires alloués au ministère de l’Agriculture et du Bien-être des agriculteurs (DA&FW), qui sont passés de 219,335 milliards de roupies en 2013-2014 à 1 225,287 milliards de roupies en 2024-2025. » Le ministre énumère ensuite 28 grands programmes visant à améliorer le revenu global des agriculteurs. De leur côté, les États publient des données sur l’aide accordée aux proches des victimes éligibles. Mais il est difficile de trouver des preuves empiriques que ces mesures ont inversé la tendance au suicide.

Mesures sociales et problèmes

Indemnisation : 1 lakh de roupies pour les familles des agriculteurs décédés, mais seuls 376 des 767 cas de suicide entre janvier et mars 2025 ont été approuvés, avec 295 lakhs de roupies demandés par huit districts et seulement 18 lakhs versés.

MSP : les achats limités effectués par 562 centres ne permettent pas d’empêcher les ventes en dessous du MSP.

Aide financière : une aide annuelle de 12 000 roupies (6 000 roupies provenant du gouvernement central et 6 000 roupies provenant du gouvernement de l’État dans le cadre du programme PM Kisan Samman Nidhi) compensée par la GST et la hausse des coûts des intrants

Accompagnement psychologique : les séances de soutien psychologique visent à dissuader les suicides, mais leur ampleur est insuffisante

Priorité à la canne à sucre : le vice-ministre en chef Ajit Pawar a proposé une loi pour protéger les producteurs de canne à sucre. Les producteurs de coton, majoritaires dans le Vidarbha, se sentent négligés en raison de l’influence politique des coopératives de canne à sucre. Jawandhia critique l’accent mis sur la canne à sucre, soulignant que les producteurs de coton sont traités comme des « orphelins » dans le Vidarbha.

Voix sur le terrain

Les agriculteurs et les militants soulignent la négligence systémique qui a conduit à la crise. Sanjay Patil est passé du coton aux vergers de citronniers en raison de pertes insurmontables. Ajit Nawale, de Kisan Sabha, a comparé les politiques indiennes aux subventions usaméricaines et européennes, accusant le gouvernement de favoriser les négociants. Il a déclaré que le gouvernement fédéral accordait 6 000 roupies aux agriculteurs pauvres et dans le besoin dans le cadre du programme Kisan Samman, mais que sous le couvert d’une taxe sur les produits chimiques, les engrais et les pesticides de 18 %, il soutirait aux agriculteurs plus d’argent que les subventions qu’il leur accordait. « J’appelle les agriculteurs à s’unir et à lutter contre le gouvernement et ses politiques », a-t-il suggéré.

Quant à Jawandhia, il a déclaré : « Les cousins Thackeray se sont unis sur la question de la langue marathi et se sont opposés à l’imposition de l’hindi dans le Maharashtra, mais pourquoi aucun politicien ne se mobilise pour la cause des agriculteurs de l’État ? »

Aller de l’avant

Pour faire face à la crise des suicides dans le secteur agricole, des réformes structurelles sont nécessaires :

Régime du prix minimum de soutien (MSP) : selon Jawandia, l’application du MSP en tant que droit légal pourrait garantir des prix équitables. En outre, aucune récolte ne devrait être vendue en dessous du MSP.

Infrastructures d’irrigation : il est essentiel de développer l’irrigation dans le Vidarbha et le Marathwada, éventuellement grâce à des projets tels que le barrage de Khadakpurna. Le manque d’installations d’irrigation a coûté la vie à de nombreux agriculteurs, dont Nagare.

Soutien en santé mentale : le renforcement des services de conseil pourrait aider à soulager la détresse psychologique.

La lettre de suicide de Nagare exigeait des mesures ; les décès des Jadhav ont laissé leurs filles orphelines. Tant que les problèmes de dette, de pénurie d’eau et de volatilité des marchés ne seront pas résolus, les fermes du Maharashtra resteront un cimetière pour leurs agriculteurs.

Illustrations : Sourav Roy

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