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24/08/2023

4 enseignements à tirer des élections en Équateur et au Guatemala

Simon Romero (Mexico), Genevieve Glatsky (Bogotá) et Jody García (Ciudad de Guatemala), The New York Times, 21/8/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Les outsiders ont surperformé, soulignant la volatilité de la politique latino-américaine. Les candidats appelant à s'inspirer de la répression de la criminalité au Salvador n’ont pas obtenu de bons résultats.

Au Guatemala, le progressiste Bernardo Arévalo, qui lutte contre la corruption, a remporté une victoire écrasante sur une ancienne première dame, portant un coup à l’establishment politique conservateur. Photo : Daniele Volpe pour le New York Times

L’Équateur et le Guatemala ont organisé dimanche 20 août des élections qui ont mis en lumière des tendances primordiales dans toute l’Amérique latine, notamment les campagnes de lutte contre la corruption, l’importance croissante des jeunes électeurs et les appels à s’inspirer de la répression de la criminalité au Salvador.

En Équateur, où l’assassinat ce mois-ci du candidat à la présidence Fernando Villavicencio a assombri la campagne, Luisa González, une femme de gauche bien établie, sera opposée à Daniel Noboa, le rejeton d’une famille bien nantie connue pour son empire bananier, lors d’un second tour.

Au Guatemala, le progressiste Bernardo Arévalo, qui lutte contre la corruption, a remporté une victoire écrasante sur l’ancienne première dame, Sandra Torres, portant un coup à l’establishment politique conservateur du pays.

Alors que l’érosion de l’État de droit et l’emprise croissante des gangs de trafiquants de drogue dans différentes régions d’Amérique latine suscitent de vives inquiétudes, les scrutins ont été suivis de près, à la recherche de signes annonciateurs du sens de leurs résultats.

En voici les principaux enseignements.

Le président du Salvador, Nayib Bukele, s’est attaqué à la violence des gangs en procédant à des arrestations massives qui ont frappé des milliers d’innocents.  Photo : Brittainy Newman pour le New York Times

La criminalité n’était pas la seule préoccupation des électeurs

L’Équateur et le Guatemala sont chacun confrontés à une série de défis différents et, bien qu’il soit difficile d’exagérer la difficulté de gouverner efficacement dans ces deux pays, les nouveaux dirigeants devront s’efforcer de contrôler le crime organisé et de créer des opportunités économiques pour que leurs citoyens restent chez eux au lieu d’émigrer.

La star du moment sur la scène politique latino-américaine est le président populiste conservateur du Salvador, Nayib Bukele, qui a réussi à utiliser des tactiques dures pour réprimer la violence des gangs, y compris des arrestations massives qui ont frappé des milliers d’innocents et l’érosion des libertés civiles. Mais les espoirs de voir les adeptes de l’évangile de Bukele sur la criminalité remporter la victoire se sont évanouis en Équateur et au Guatemala.

« Il est remarquable que, dans les deux cas, les admirateurs inconditionnels de la politique dure de Nayib Bukele à l’égard des gangs criminels au Salvador n’aient pas obtenu de bons résultats », dit Michael Shifter, chercheur principal au Dialogue interaméricain, un organisme de recherche basé à Washington.

 Malgré le choc provoqué par l’assassinat de Villavicencio, les candidats explicitement “anti-crime” en Équateur  se sont partagé les voix. Jan Topić, qui s’est aligné de près sur Bukele, a obtenu des résultats médiocres malgré sa montée dans les sondages après l’assassinat de Villavicencio.

« Il a mené une campagne très axée sur la sécurité », dit Risa Grais-Targow, directrice pour l’Amérique latine de l’Eurasia Group, à propos de Topić. « Mais les électeurs ont d’autres préoccupations, notamment en matière d’économie ».

De même, au Guatemala, où l’on craignait de plus en plus un glissement vers un régime autoritaire, la promesse de Mme Torres de mettre en place une politique à la Bukele n’a pas eu beaucoup de succès. Au contraire, l’ancienne première dame a été mise sur la défensive par son rival parce qu’elle avait été assignée à résidence dans le cadre d’accusations de financement illicite de campagnes électorales.

Les mesures prises par l’autorité électorale guatémaltèque pour disqualifier purement et simplement les candidats considérés comme menaçant l’ordre établi ont également influé sur le résultat.

L’un des candidats écartés de la course avant le premier tour de juin était Carlos Pineda, un outsider qui disait vouloir reproduire la répression de la criminalité menée par Bukele. La disqualification de Pineda et d’autres candidats a ouvert la voie à Arévalo, un autre outsider, même si ses propositions pour lutter contre la criminalité sont plus nuancées.

Les candidats guatémaltèques ont essayé de capitaliser sur le soutien des jeunes. Photo : Daniele Volpe pour le New York Times

Les jeunes électeurs façonnent les élections.

Dans une large mesure, les résultats électoraux en Équateur et au Guatemala ont dépendu des choix des jeunes électeurs. En Équateur, Noboa, 35 ans, homme d’affaires et nouveau venu en politique, était dans le creux de la vague il y a quelques semaines à peine.

Mais en s’appuyant sur le soutien des jeunes tout en se présentant comme un outsider, il s’est hissé de manière inattendue au second tour avec environ 24 % des voix. (Son père, Álvaro Noboa, l’un des hommes les plus riches d’Équateur, s’était présenté sans succès à cinq reprises aux élections présidentielles).

Au Guatemala, le pays le plus peuplé d’Amérique centrale, Bernardo Arévalo, 64 ans, a également bénéficié du soutien des jeunes, en particulier dans les villes, qui ont été attirés par ses appels à mettre fin à la persécution politique des militants des droits humains, des écologistes, des journalistes, des procureurs et des juges.

Arévalo a également adopté une position plus modérée sur les questions sociales. Tout en affirmant qu’il ne chercherait pas à légaliser l’avortement ou le mariage homosexuel, il a précisé que son gouvernement n’autoriserait pas la discrimination à l’encontre des personnes en raison de leur orientation sexuelle.

Cette position, quelque peu inédite au Guatemala, contraste fortement avec celle de Mme Torres, qui a choisi un pasteur évangélique comme colistier et qui a utilisé une insulte anti-gay lors de la campagne pour désigner les partisans d’Arévalo [“tous efféminés et une bande de huecos” équivalent guatémaltèque de “pédés”].

Luisa González affrontera Daniel Noboa au second tour le 15 octobre  en Équateur . Photo: Johanna Alarcón pour le New York Times

La gauche prend des directions diverses.

Le Guatemala et l’Équateur offrent des visions très contrastées de la gauche en Amérique latine.

En effet, dans le paysage politique traditionnellement conservateur du Guatemala, Arévalo, qui critique les gouvernements de gauche comme celui du Nicaragua, est souvent décrit comme un progressiste. En ce sens, il ressemble davantage à Gabriel Borić, le jeune président modéré du Chili, qu’aux exaltés d’autres pays de la région.

Le parti d’Arévalo, Movimiento Semilla (Mouvement Semence), qui s’est coalisé après les manifestations contre la corruption en 2015, ne ressemble à aucun autre parti au Guatemala au cours des dernières décennies. Semilla a attiré l’attention en menant une campagne austère et fondée sur des principes, en affichant clairement ses sources de financement, contrairement au financement opaque qui prévaut dans les autres partis. Une autre source d’inspiration pour Semilla est le Frente Amplio (Front large) de l’Uruguay, un parti modéré et démocratique de centre-gauche.

“Arévalo est un démocrate pur et dur”, dit Will Freeman, chargé d’études sur l’Amérique latine au Council on Foreign Relations (Conseil des relations extérieures).

Luisa González, en revanche, est issue d’une autre partie de la gauche latino-américaine, caractérisée dans le cas de l’Équateur par la mise à l’épreuve des freins et des contrepoids démocratiques, opine Mister Freeman. Elle soutient Rafael Correa, un ancien président équatorien qui reste une force dominante dans la politique du pays bien qu’il ait quitté le pouvoir depuis six ans.

Correa, qui vit en Belgique après avoir fui une condamnation à huit ans de prison pour violation des règles de financement des campagnes électorales, conserve une base solide qui oscille entre 20 et 30 % de l’électorat.

Ce soutien est en grande partie dû à la “nostalgie de ce moment de bien-être qui existait sous l’ère Correa”, dit Caroline Ávila, analyste politique en Équateur.

Arévalo a obtenu plus de voix que tout autre candidat au Guatemala depuis le rétablissement de la démocratie dans le pays en 1985. Photo: Daniele Volpe pour le New York Times

Des résultats imprévisibles

Les élections en Équateur et au Guatemala ont mis en évidence une tendance régionale plus large : l’incertitude et la volatilité de la politique en Amérique latine.

Dans les deux pays, les sondages n’ont pas permis de saisir les évolutions cruciales. En Équateur, où Topić semblait pouvoir tirer parti des retombées de l’assassinat de Villavicencio, c’est Noboa qui a réussi à se qualifier pour le second tour.

Au Guatemala, Arévalo, un candidat professeur qui lit parfois ses discours et n’a pas le talent oratoire de ses rivaux, était considéré comme non menaçant par l’establishment - jusqu’à ce qu’il se qualifie pour le second tour.

Aujourd’hui, avec sa victoire écrasante, il a obtenu plus de voix que n’importe quel autre candidat depuis le rétablissement de la démocratie au Guatemala en 1985.

C’est un scénario que même de nombreux membres de son parti n’avaient pas vu venir.

 

 

En Équateur, “il y a eu des irrégularités avant, pendant et après les élections” : Jorge Sosa Meza, avocat

Fausto Giudice, 23/8/2023

Jorge Sosa Meza est un avocat constitutionnaliste équatorien spécialisé dans les litiges internationaux et les droits humains. Nous l’avons interrogé sur les élections du 20 août en Équateur.

Comment se sont déroulées les élections d’un point de vue juridique et constitutionnel ?

Les élections se sont déroulées sur la base de la “mort croisée” émise par le président de la République par le biais du décret 741 du 17 mai 2023 sur la base de l’article 148 de la Constitution de la République de l’Équateur, qui permet au président de la République de dissoudre le Parlement. Malgré le fait que le président était en procès politique, il a choisi d’appliquer cette mesure illégal au motif qu’il régnait un grave état d’agitation sociale et interne en Équateur. (Il convient de noter qu’à l’approche des élections, il y a eu plusieurs problèmes de violence et de menaces à l’encontre des candidats. L’un des candidats a été abattu par des tueurs à gages alors qu’il quittait un rassemblement politique).

Le 20 août 2023, les élections se sont déroulées pacifiquement en Équateur même, mais le vote télématique a échoué dans les trois circonscriptions de l’étranger : Europe, Asie et Océanie ; USA, Canada et Amérique latine, pour les raisons suivantes :

1. il n’y avait pas d’accès au système à 9 heures du matin.

2. le code de vérification n’arrivait pas aux téléphones et aux boîtes de courriel des migrants pour valider le vote dans le système

3. l’accès au système était trop long.

Ainsi, sur 409 000 électeurs inscrits et près de 70 000 votants enregistrés, seules 41 000 personnes ont voté, soit plus de 50 % des migrants n’ont pas pu voter.

Quels étaient les types d’observateurs ?

Les observateurs provenaient du Parlement andin, de l’OEA (Organisation des États Américains), des partis politiques légalement enregistrés avec de leurs candidats.

Quels types d’irrégularités avez-vous détecté ?

Les irrégularités peuvent être classées comme suit : avant, pendant et après les élections.

Avant les élections : manque d’information de la part du CNE (Conseil national électoral) sur le processus d’enregistrement du vote télématique ; manque d’attention de la part des consulats à l’égard des préoccupations des migrants.

Il n’y a pas eu de simulation ou d’audit du système ou de la plateforme de vote télématique ; aucun protocole d’accès n’a été établi pour les personnes handicapées.

Pendant les élections : problèmes d’accès ; les codes de vérification n’ont pas été envoyés ; le système s’est bloqué ; les certificats de vote n’ont pas été envoyés ; manque d’attention ou d’accompagnement des citoyens qui n’ont pas pu voter. Les consulats n’ont pas fonctionné, les centres d’appel n’ont pas fonctionné.

Après les élections : absence de protocoles de traçabilité du vote ; retards dans l’établissement de procès-verbaux de décompte ; absence de réponse aux plaintes et réclamations.


Expliquez-nous les actions légales que vous avez entreprises avant le scrutin et celles que vous envisagez d’entreprendre.

Face à l’adoption d’un règlement pour des élections anticipées, un recours subjectif de contentieux électoral a été déposé contre l’article 18 dudit règlement [qui impose comme unique possibilité de vote depuis l'étranger le vote télématique, sous peine d'amende, NdA] rejeté par le TCE (Tribunal du Contentieux Électoral) pour cause d’inopportunité.

De même, une plainte a été déposée devant le CPCCS (Conseil de participation citoyenne et de contrôle social)) par la candidate Mónica Palacios. Les conseillers de la CNE n’ont pas assisté aux audiences.

Actions à entreprendre

a.-plainte pour sanctionner les conseillers du TCE.

b.-réclamation directe auprès de la CNE pour l’organisation d’un nouveau vote.

c. - Actions constitutionnelles pour violation des droits constitutionnels.

d. - Contestation des résultats.

En Ecuador, “hubo irregularidades antes, durante y después de las elecciones”: ab. Jorge Sosa Meza

Fausto Giudice, 23-8-2023

Jorge Sosa Meza es un abogado constitucionalista ecuatoriano con estudios en litigios internacionales y derechos humanos. Lo entrevistamos sobres las elecciones del 20 de agosto en Ecuador.

Como fueron las elecciones en general desde el punto de vista jurídico/constitucional?

Las elecciones se presentaron a partir de la muerte cruzada que expidió el Presidente de la República mediante Decreto 741 del 17 de Mayo del 2023 sobre el fundamento del artículo 148 de la Constitución de la República del Ecuador que permite al Presidente de la República disolver el Parlamento. Pese a que el presidente se encontraba enjuiciado políticamente, optó por aplicar esta figura ilegal bajo el fundamento de que existía en Ecuador un grave estado de conmoción social e interna. (Cabe señalar que en el trayecto de las elecciones se presentaron varios problemas de violencia y amenaza contra los candidatos. Uno de los candidatos fue asesinado a tiros por sicarios cuando salía de un mitin político.)

En cuanto al día de las elecciones 20 de agosto del 2023, en el Ecuador se desarrollaron de manera pacífica, no obstante la votación telemática falló en todas las 3 circunscripciones del Exterior: Europa, Asia y Oceanía; Estados Unidos, Canadá y América Latina por los siguientes motivos:

 1.-No había acceso al sistema a las 9 am

2.-El Código de verificación no llegaba a los teléfonos y correos de los migrantes para validar el voto en el sistema

3.-Demoraba mucho el sistema para acceder

 En ese sentido de 409.000 empadronados y casi 70.000 inscritos solo votaron alrededor de 41.000 personas, es decir más del 50% de los migrantes no pudieron votar

Qué tipos de observadores hubo?

Los observadores que se instalaron fueron los del parlamento andino, de la OEA y de los partidos políticos legalmente inscritos con sus candidatos

¿Qué tipos de irregularidades Uds. detectaron?

Las irregularidades se las puede clasificar antes de la elección, durante la elección y posterior a la elección.

Antes de la elección: falta de información por parte del CNE (Consejo Nacional Electoral) del proceso para la inscripción del voto telemático; falta de atención de los consulados a las inquietudes de los migrantes.
No hubo simulacro ni auditoria de sistema o plataforma para el voto telemático; no se establecieron protocolos de acceso para personas con discapacidad

Durante la elección: Problemas de acceso; no enviaban los códigos de verificación; el sistema se colgaba; no se enviaron las constancias del voto; falta de atención o acompañamiento a los ciudadanos que no pudieron votar. No funcionaron consulados, no funcionaron call centers.

Después de la elección: ausencia de protocolos para la trazabilidad del voto; atrasos en el cómputo de las actas; falta de respuesta frente a las denuncias y reclamaciones.

Explícanos las actuaciones jurídicas que Uds. hicieron antes de las votaciones y las que están considerando hacer.

 Frente a la adopción de un reglamento para elecciones anticipadas se presentó un recurso contencioso electoral subjetivo contra el artículo 18 del citado reglamento [que impone el voto telemático como única opción para votar desde el extranjero, so pena de multa, NdA], el cual fue  rechazado por el TCE (Tribunal Contencioso Electoral) por extemporáneo. 

De la misma manera se presentó una denuncia ante el CPCCS (Consejo de Participación Ciudadana y Control Social ) por parte de la candidata Mónica Palacios. A las audiencias no acudieron los consejeros del CNE

Las acciones que se emprenderán:

a.-acción de queja para que se sancione a los consejeros del TCE

b.-reclamación directa al CNE para que se disponga una nueva votación

c.-Acciones constitucionales por violación de Derechos Constitucionales

d.-Impugnación de resultados.

23/08/2023

AMIRA HASS
Les villageois palestiniens d’Anin ne devraient accéder à leurs terres que deux fois par an, dit l’armée d’occupation, avec la bénédiction de la Cour Suprême

Amira Hass, Haaretz, 20/8/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

La Haute Cour d'Israël a rejeté la demande des villageois d'Anin qui souhaitaient travailler leurs terres au-delà de la “barrière de séparation” [alias le Mur d’apartheid] tous les jours, estimant que deux fois par semaine étaient suffisantes. Aujourd'hui, l'armée israélienne estime que les agriculteurs ne devraient avoir accès à leurs terres que deux fois par an

Des familles palestiniennes font la queue à la porte d'Anin, dans le mur de Cisjordanie. Le bureau du procureur de l'État a recommandé à la Cour d'annuler leur requête. Photo : Nidal Eshtaya

 

Les agriculteurs du village d'Anin veulent pouvoir travailler correctement leurs terres tous les jours. Ils ont donc demandé que la porte de la barrière de séparation qui sépare leurs parcelles du village soit ouverte tous les jours, et non deux fois par semaine. Ils ont déposé cette demande en 2007, environ cinq ans après qu'Israël a construit le mur sur leurs terres, mais leur demande a été rejetée.

 

Il y a un an, ils ont renouvelé leur demande, ont essuyé un nouveau refus et ont saisi la Haute Cour de justice en mars. L'armée les a alors informés, ainsi que la Cour, qu'elle prévoyait en fait de rendre la porte “saisonnière” : au lieu de l'ouvrir deux fois par semaine, elle le fera deux fois par an pour les labours et la cueillette des olives. Et si les agriculteurs sont si désireux d'accéder à leurs terres tous les jours, qu'ils parcourent 25 kilomètres à l'aller et au retour, en passant par une autre porte. Le bureau du procureur de l'État a donc recommandé au tribunal d'annuler la requête.

Les juges n'ont même pas tenu d'audience avec les requérants et leur avocate, Tehila Meir, de l'association israélienne de défense des droits HaMoked. Au cours de la première semaine d'août, ils ont simplement rendu leur décision : deux jours par semaine suffisent amplement, a écrit la juge Ruth Ronnen, avec l'appui de ses collègues Yael Willner et Alex Stein. Si le portail devient effectivement saisonnier, les pétitionnaires peuvent demander une réparation juridique, a-t-elle noté.

Des Palestiniens et une soldate israélienne au poste de contrôle d'Anin, la semaine dernière. Photo : Nidal Eshtaya

 

Sur les quelque 17 000 dounams [=1700 ha] que compte le village en Cisjordanie, 11 000 sont coincés le mur de séparation et la ligne verte, dans une enclave de 31 000 dounams. Il s'agit de l'enclave de Barta'a, où vivent 7 000 Palestiniens dans sept villages, dont le plus grand est Barta'a lui-même. Environ 3 000 colons y vivent également dans quatre colonies ; il y a également une zone industrielle israélienne.

 

Il est difficile de dire qu'il s'agit de la Cisjordanie et non d'Israël. La construction et les autres travaux de développement dans les villages palestiniens font l'objet de restrictions sévères. Les Palestiniens qui ne vivent pas dans l'enclave sont interdits d'accès, bien qu'un petit nombre d'entre eux reçoivent un permis spécial. Il s'agit notamment des habitants des villages situés à l'est du mur et dont les terres se trouvent à l'ouest du mur de béton (jusqu'à récemment une clôture), comme les habitants d'Anin.

 

Un voyage éprouvant, une longue attente

 

Les soldats n'ouvrent le portail d'Anin que les lundis et mercredis, et seulement deux fois par jour pour de brefs intervalles : de 6h50 à 7h10 et de 15h50 à 16h10. Le portail se trouve à environ cinq minutes de marche des maisons des requérants, et leur terrain se trouve à cinq à vingt minutes de marche du portail.

 

Réunion entre des officiers supérieurs israéliens, des habitants d'Anin et des membres de l'association israélienne de défense des droits HaMoked, près de l'ouverture dans le mur, en mai 2023. Photo : Jessica Montell/HaMoked


« Avant 1948, Anin possédait environ 45 000 dounams [= 4 500 ha] », nous a dit par téléphone le chef du conseil du village, Mohammed Issa. « Environ 27 000 de ces terres ont fini en Israël. Depuis 2002, la plupart des terres agricoles qui nous ont été laissées se trouvent de l'autre côté du mur. Chaque famille y possède une terre ».

 

L'obtention d'un permis d'accès aux terres agricoles est une procédure très compliquée ; les permis ne sont accordés qu'aux résidents dont les documents de propriété satisfont l'administration “civile” israélienne en Cisjordanie. En outre, il faut prouver son lien de parenté direct avec les propriétaires (c'est-à-dire les conjoints et les enfants ; les petits-enfants ne reçoivent pas de permis). Tout cela est soumis à un contrôle bureaucratique et sécuritaire rigoureux. Le permis doit être renouvelé tous les quelques mois, tous les ans ou tous les deux ans, selon le type de permis.

 

Les habitants d'Anin qui passent le contrôle de l'administration “civile” et du service de sécurité du Shin Bet peuvent entrer dans leurs terres par la porte de Barta'a, située à 25 kilomètres au sud. Bien que cette porte soit ouverte tous les jours, il faut compter environ une heure et demie de trajet depuis Anin, car l'itinéraire est en partie constitué de chemins de terre que seul un tracteur ou un véhicule tout-terrain peut emprunter.



 Ce poste de contrôle éloigné est utilisé par des centaines de Palestiniens d'autres villages qui vivent dans l'enclave de Barta'a ou qui ont des permis pour la traverser.

 

Pour commencer, traverser avec un tracteur nécessite un permis qui soumet les demandeurs à une course d'obstacles bureaucratiques. Les agriculteurs qui transportent des outils de travail à travers la porte de Barta'a doivent subir un long contrôle de sécurité. Ensuite, après environ deux heures de route, ils doivent faire demi-tour vers le nord pour se rendre sur leurs terres, qui sont à portée de vue et de marche de leurs maisons.

 

Les frais de déplacement élevés découragent également les candidats : 80 shekels [20€] par jour avec votre propre véhicule, ou 60 shekels [15€] par jour avec les transports publics, qui ne sont pas disponibles à toute heure de la journée.

 

Toutes ces explications, détaillées dans la requête de Meir de HaMoked, n'ont pas réussi à convaincre les juges. Mme Ronnen s'est rangée du côté de l'armée et de l'administration “civile” sur tous les points, déclarant que « les seules cultures actuellement présentes sur les terres sont des oliveraies qui ne nécessitent qu'une culture saisonnière pendant les saisons de labourage et de cueillette ». Elle a ajouté que « les requérants ne contestent pas cette affirmation ».

 

Des Palestiniens attendent à la porte d'Anin. Photo : Nidal Eshtaya

 

Mais les pétitionnaires ont contesté cette affirmation. Une réponse de Meir à la réponse du bureau du procureur de l'État à la pétition indique qu'avant la construction du mur de séparation, les villageois cultivaient des céréales telles que le blé et l'orge, et des légumes tels que les tomates, les oignons, le sésame et les concombres. La construction même du mur et la limitation du nombre de jours pour la franchir ont contraint les agriculteurs à renoncer aux cultures qui nécessitent une irrigation quotidienne, des soins et une surveillance, a déclaré Meir.

 

La ligne dure de la Cour

Lors d'une visite à la porte en mai, initiée par l'armée et le bureau du procureur de l'État après le dépôt de la pétition, les agriculteurs ont expliqué la situation à des officiers supérieurs, comme le documente Meir, qui a participé à la réunion avec d'autres personnes de HaMoked. Meir a joint à sa réponse un avis de Bimkom, un groupe israélien de défense des droits qui milite pour l'égalité dans la planification et qui travaille depuis de nombreuses années avec les communautés palestiniennes de l'enclave de Barta'a.

Des Palestiniens attendent dans la chaleur près de la porte d'Anin, la semaine dernière. Photo : Nidal Eshtaya

 

Des Palestiniens marchant sur une route en direction de la porte de Barta'a, la semaine dernière. Photo : Nidal Eshtaya

 

En fournissant des données et des photos aériennes, Bimkom montre que de nombreuses parcelles de terre d'Anin, qui étaient cultivées de manière intensive avant 2000, se sont desséchées en raison des restrictions d'accès. Les arbres des oliveraies d'Anin, qui n'ont pas besoin d'être irrigués, sont méticuleusement entretenus.

 

Lorsqu'on lui a demandé si les villageois espéraient recommencer à cultiver des légumes, du blé et de l'orge, Issa, le chef du conseil du village, a déclaré à Haaretz : « Nous parlons maintenant de garder et de sauver ce que nous avons, les arbres que nous avons ».

 

Il est scandalisé par la décision selon laquelle le portail ne sera ouvert que deux fois par an. « Un troupeau de vaches [d'un village voisin de la région israélienne de Wadi Ara] s'approche de nos arbres et les endommage, si bien que nous devons être présents tous les jours », explique Issa.

 

Il est à craindre que ce qui se passe dans d'autres endroits où l'armée et l'administration “civile” ne laissent entrer les agriculteurs que deux ou trois fois par an se produise à Anin : les oliveraies seront envahies par les chardons et ravagées par de fréquents incendies, et leur rendement diminuera fortement.

 

Dans leur réponse à la pétition, les avocats du bureau du procureur de l'État, Yael Kolodny et Jonathan Berman, ont affirmé, au nom de l'armée et de l'administration “civile”, que le portail était utilisé par les résidents d'Anin titulaires d'un permis agricole, principalement pour entrer en Israël sans autorisation. Ils ont indiqué qu'ils se basaient sur des images de drone et sur une visite inopinée du portail à la fin du mois de mars, au cours de laquelle les personnes qui la franchissaient ont été interrogées. Ils ont indiqué que de nombreuses personnes avaient des vêtements de rechange et que certaines étaient “habillées de manière formelle”. Aucune personne ne portait d'outils de travail, ont ajouté les avocats.


Le mur de séparation près d'Anin, la semaine dernière. Photo : Nidal Eshtaya

 

Les agriculteurs ont répondu à Meir que certains d'entre eux quittent effectivement la maison avec des vêtements propres et se changent en vêtements de travail, qu'ils portent également dans le cadre de leurs emplois dans la réparation automobile, la construction, la peinture de maisons et d'autres activités. De même, les travailleurs qui passent par le portail laissent généralement leurs outils sur leur parcelle au lieu de les porter dans les deux sens. Les oliveraies entretenues, écrit Meir en citant Bimkom, montrent que les agriculteurs visitent régulièrement les arbres et les soignent avec dévouement.

 

Quant aux images de drone, Meir a écrit qu'elles avaient été prises en Cisjordanie et qu'elles ne montraient personne en train d'entrer en Israël. Les pétitionnaires, qui ont remarqué le drone, affirment que les images sont sélectives, montrant des personnes qui montent dans des voitures (qui, selon l'armée, les emmènent en Israël) mais ne montrant pas celles qui continuent à pied jusqu'à leurs parcelles. Les pétitionnaires ajoutent que certains agriculteurs montent dans des voitures israéliennes (appartenant à des citoyens palestiniens de l'État juif) pour atteindre leurs terres plus rapidement.

 

Meir a déclaré à Haaretz que l'arrêt de la Cour montre une détérioration radicale de la reconnaissance par celle-ci des obligations de l'État envers les Palestiniens lésés par le mur de séparation. Elle a fait remarquer que la Cour avait approuvé la construction du mur au début des années 2000, après que l'État se fut engagé à réduire au minimum nécessaire les dommages causés aux Palestiniens coupés de leurs terres, tout en leur permettant un accès raisonnable à ces dernières.


Anin, la semaine dernière. Photo : Nidal Eshtaya 


 Une route fermée près de la porte d'Anin, en mai 2023. Photo : Amir Levy

 

Aujourd'hui, lorsqu'il s'avère que l'accès n'est pas raisonnable, le tribunal rejette l'appel des agriculteurs sans tenir d'audience, note-t-elle. « Il est triste de voir à quel point il suffit de peu pour que l'atteinte aux droits humains des Palestiniens qui cherchent à travailler leur terre soit considérée comme justifiée », ajoute-t-elle

 

HaMoked a également remarqué un autre aspect troublant de la décision : les juges ont décidé que ces terres appartiennent “formellement” à la “zone de Judée et Samarie”, la Cisjordanie, qui est occupée par Israël depuis 1967. Cette déclaration indique qu'essentiellement, et non formellement, ce territoire palestinien, connu dans le jargon militaire sous le nom de “zone de jointure”, n'appartient pas à la “région de Judée et de Samarie”.

 

Il n'y a donc qu'un pas entre l'arrêt de la Cour et son consentement à l'annexion des terres situées au-delà du mur. Les juges savent bien que seuls les Israéliens et les touristes étrangers sont autorisés à accéder librement à cette zone, alors que les Palestiniens en sont uniformément interdits, et que seules les colonies et l'administration “civile” peuvent y réaliser des plans de construction, alors que les autorités locales palestiniennes, dont c'est la terre, ne le peuvent pas. Après tout, la Cour a approuvé cet état de fait en 2011.

 

Des soldats israéliens gardent une ouverture dans le mur de séparation, près d'Anin. Photo : Amir Levy

 

En fait, plus de 500 kilomètres carrés de terres (9,4 % de l'ensemble de la Cisjordanie) sont coincés entre le mur de séparation et la ligne verte. La réalité est donc qu'une énorme portion de territoire a été annexée à Israël sans déclaration “officielle”.

 

Pour respecter la promesse de l'État de laisser les agriculteurs travailler leurs terres, 79 portails ont été construits dans le mur de séparation. Seules cinq sont ouverts toute la journée, 11 sont ouverts brièvement deux ou trois fois par jour, et 10 sont ouverts pendant plusieurs brefs intervalles deux ou trois jours par semaine.

 

Avec la fermeture de la porte d'Anin, ce nombre tombera à neuf, et la porte d'Anin rejoindra les 53 autres “portes saisonnières” qui ne sont ouvertes que quelques jours par an pour le labourage, la cueillette et parfois le désherbage. Les habitants d'Anin avaient jusqu'à lundi 21 août pour faire appel de la décision de fermer leur porte.

 

 

MAYA LECKER
Le nouveau métro léger de Tel-Aviv symbolise (presque) tout ce qui ne tourne pas rond en Israël

Maya Lecker, Haaretz, 16/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le 1er avril 1973, la Première ministre Golda Meir ne savait pas encore à quel point ses ministres et ses hauts fonctionnaires se révéleraient peu fiables, ni que 12 mois plus tard, elle démissionnerait, laissant derrière elle un pays traumatisé par une guerre à laquelle il n’était pas préparé.

Elle a donc demandé au ministre des Transports, Shimon Peres, et au ministre des finances, Pinchas Sapir, de commencer à travailler sur un plan de transport public à grande échelle qui relierait Tel-Aviv - le centre financier d’Israël - à ses banlieues.

Il est impossible de compter le nombre de fonctionnaires israéliens qui ont échoué à faire avancer ce projet à ce jour, mais 19 milliards de shekels [=4,650 milliards €], 50 ans et 4 mois après la naissance du projet, la première ligne du métro léger de Tel-Aviv est sur le point de commencer à fonctionner vendredi (18 août).

Miri Regev, ministre des Transports et de la Sécurité routière, lors d’un test du nouveau métro léger à Jaffa-Tel Aviv le 16 août 2023. Photo Avshalom Sassoni/Flash90

L’ouverture de la ligne rouge, qui ira de Petah Tikva (une ville située à l’est de Tel Aviv, tellement banale que les Israéliens plaisantent sur le fait de la céder volontairement aux Palestiniens, et qui a fait l’objet d’une chanson punk avec le vers “Je ne peux pas croire que je vis à Petah Tikva) à Bat Yam (une ville voisine de Tel Aviv au sud, connue pour abriter “l’immeuble le plus laid du monde”, la Tour Nahum), n’a rien d’excitant. 

 C’est quelque chose que beaucoup d’Israéliens attendent (depuis des décennies !) et qui pourrait changer la vie de centaines de milliers, voire de millions de personnes, en leur permettant de se déplacer plus facilement dans le centre d’Israël, en leur ouvrant des perspectives de carrière et en leur évitant de passer des heures derrière le volant.

Comment quelque chose d’aussi positif a-t-il pu devenir le symbole de tout ce qui ne va pas en Israël, une étape de plus dans le déclin du pays vers la théocratie ?

La réponse est le Shabbat, bien sûr. Les transports publics israéliens ne fonctionnent pas le jour de repos juif, sauf dans certaines régions où la majorité de la population n’est pas juive. Au cours des deux dernières décennies, un débat public animé a eu lieu sur le sujet, mais avec le gouvernement le plus religieux de l’histoire d’Israël actuellement au pouvoir, la situation ne devrait pas changer de sitôt.

L’ouverture d’un mégaprojet tel que le métro léger souligne l’absurdité absolue d’un pays dont le système de transport public est fermé pendant 30 heures tous les week-ends, privant ainsi les personnes qui ne possèdent pas de voiture de se rendre quelque part pendant le seul moment de la semaine où elles ont du temps libre.


Préparez-vous à l’arrivée du Messie”-Amos Biderman, Haaretz

Elle intervient également après une semaine d’escalade notable dans les rapports sur la coercition religieuse dans les transports publics, principalement sous la forme de passagers masculins et de chauffeurs de bus essayant de forcer les femmes à s’asseoir à l’arrière du bus et à s’habiller "modestement".

Il y a un an, la population laïque d’Israël aurait pu laisser son gouvernement s’en tirer à bon compte, mais la situation a changé. La coalition de Netanyahou, composée d’extrémistes de droite et de partis ultra-orthodoxes, a montré son empressement à imposer ses méthodes à tous les citoyens israéliens, dans tous les domaines de la vie.

Les Israéliens libéraux disposent désormais d’un mouvement de protestation puissant et organisé qui lutte depuis des mois contre les mesures antidémocratiques du gouvernement. Il serait normal qu’il utilise son poids pour s’opposer aux politiques ridicules qui ont entraîné la fermeture des transports publics pour des millions de personnes pendant le week-end - et certains signes indiquent déjà que la ligne rouge deviendra le prochain terrain d’affrontement entre les manifestants et le gouvernement.

Le maire de Tel Aviv, Ron Huldai, partisan de longue date des transports publics le jour du shabbat, a déclaré mercredi qu’il boycotterait la cérémonie d’ouverture prévue par la ministre des Transports Miri Regev. Les principaux groupes de protestation, ainsi que les militants de la liberté religieuse, prévoient de perturber le service du métro le premier jour, et appellent les gens à monter dans le dernier métro avant le shabbat et à y rester. D’autres appellent à un boycott complet du métro léger, espérant que le fait de laisser vide le nouveau métro rutilant aura un impact.

 Et un petit spot de propagande en bonus gratuit

22/08/2023

B. MICHAEL
Frères et sœurs de la diaspora juive, ne faites pas votre aliyah !

B. Michael, Haaretz, 22/8/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala


B. Michael  est le nom de plume de Michael Brizon (1947), qui écrit des chroniques satiriques et des articles d’opinion pour le quotidien israélien Haaretz depuis près de 20 ans.

 

Mes chers f&s [frères et sœurs]  de la diaspora : je vous interpelle non pas en tant qu’Israélien, mais plutôt en tant que Juif. Et je le fais non pas parce que la loi israélienne ne reconnaît pas l’existence d’“Israéliens”, mais parce que mon judaïsme m’est beaucoup plus cher que ma citoyenneté ou ma patrie géographique.


Qu’on se le dise tout de suite : le fait que je sois juif ne me rend ni meilleur ni pire que n’importe quelle autre personne sur la planète. Mon judaïsme n’est que le cercle culturel, historique et éthique dans lequel je suis né et dont la préservation m’importe.

Pourquoi est-ce que je vous dérange, mes chers f&s ? Parce que depuis des décennies, l’histoire juive connaît un renversement compliqué et rampant. L’arrogante prétention d’Israël à être le représentant de tout le judaïsme, le leader de tout le judaïsme et le refuge de tout le judaïsme, est progressivement démasquée dans toute sa vacuité. Il ne reste rien non plus de l’illusion sioniste, si ce n’est d’énormes quantités de vilenie, de mensonges, de racisme et d’idolâtrie.

Le “peuple du livre” est devenu le “peuple de la terre”, c’est-à-dire un ignorant. Le livre ne les intéresse plus guère, seule la terre compte. L’immobilier. Une étrange secte karaïte a pris le pouvoir, une secte qui n’a retenu de toute la Bible que le Livre de Josué, les commandements de génocide, la permission de piller et les promesses immobilières. Oh, et aussi quelques coutumes superstitieuses et croyances absurdes. Tout le reste a été mis de côté. Ces derniers mois, la révolution s’est achevée. La mutation judéenne que qui règne ici ne nous inflige, à nous Juifs, que disgrâce et corruption.

C’est pourquoi, mes chers f&s de la Diaspora, le flambeau vous est transmis. Désormais, vous êtes les gardiens de la flamme. Vous êtes chargés de prouver l’existence d’une version saine du peuple juif. Vous avez la responsabilité de maintenir une interprétation du judaïsme qui ne soit pas honteuse.

Cette nouvelle tâche qui vous a été confiée à partir de maintenant comporte une grave responsabilité historique, mais sa mise en œuvre pratique est très simple : il suffit de ne rien faire. Restez ce que vous êtes, qui vous êtes et où vous êtes. C’est tout. Il n’y a qu’une seule chose sur laquelle vous devez être très stricts : Vous ne devez en aucun cas “faire l’aliyah”. Méfiez-vous de ce piège. Il vous corrompra comme il a corrompu presque tous ceux qui ont été pris dans ses filets. Regardez ce qui arrive ici au gouvernement, à l’éthique, à la religion, à la vérité, à la compassion humaine. Regardez ce qui arrive à l’éducation, à la santé, à la nature, aux personnes âgées, aux pauvres, aux prisonniers, aux membres des groupes minoritaires, aux personnes vivant sous occupation, aux non-Juifs.

N’envoyez pas non plus vos enfants ici en quête de sensations fortes et d’aventures. Ils n’y verront que la haine, le mal, la domination et le racisme. Leurs jeunes âmes auront du mal à surmonter les tentations du pouvoir et de la suprématie. Regardez ce qui arrive ici aux jeunes, aux soldats, aux policiers.

C’est pourquoi, dans votre intérêt et dans le nôtre, restez là où vous êtes. Donnez l’exemple d’un judaïsme normal. Dans votre esprit, voyez Abraham Joshua Heschel et non Bezalel Smotrich. Dennis Goldberg et non Itamar Ben-Gvir. Simone Weil et non Orit Strock. Helen Suzman et non Limor Son Har-Melech. Arthur Goldreich et non Amichai Eliyahu. Yosef Dov Soloveitchik et non Yitzhak Pindrus. Nadine Gordimer et non Galit Distal Atbaryan.

Mais ne faites pas votre “aliyah”. Certainement pas maintenant, alors que nous sommes gouvernés par 64 petits Trump. Peut-être un jour. Dans le futur. Disons dans 2 000 ans, quelque chose comme ça. Après tout, nous avons le droit d’apprendre quelque chose de deux Temples détruits, de trois royaumes désintégrés, de dix tribus disparues et d’un holocauste qu’un messianiste déplorable nous a infligé ici avec l’aide de son rabbin naïf et ardent.

Rappelez-vous donc : dans le monde orwellien que nous avons créé ici, l’aliyah (l’immigration juive en Israël) est une yerida (déclin). La yerida (dans le sens de quitter Israël) est une aliyah (ascension).