09/07/2025

HAGAR SHEZAF
Malnutrition, maladie et mort : la routine pour les prisonniers palestiniens à la prison israélienne de Megiddo
Haaretz dénonce

Hagar Shezaf, Haaretz, 6/7/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Correspondante de Haaretz en Cisjordanie, Hagar Shezaf a reçu en mai 2024 le prix de l’Institut de presse israélien pour « avoir révélé les attaques systématiques perpétrées par les jeunes colons et les soldats dans les territoires palestiniens occupés, ainsi que les conditions de détention des Palestiniens dans les prisons israéliennes ».

Ibrahim, un Palestinien de 16 ans, a été détenu à la prison de Megiddo pendant huit mois jusqu’à ce que la commission de libération conditionnelle déclare que son état s’était détérioré au point de mettre sa vie en danger. Il parle d’infections récurrentes par la gale, de maladies intestinales, de coups et de négligence - et une enquête de Haaretz révèle que c’est l’expérience de beaucoup d’autres, dont certains n’ont pas survécu.


Ibrahim, 16 ans, chez lui le mois dernier. Photo Nidal Shtayyeh

Dans le salon d’un appartement parfaitement agréable de Naplouse, un jeune homme mince est assis sur un canapé marron délavé et fume une cigarette. Ses cheveux sont coupés court, ses mains sont minces et osseuses, et sous ses grands yeux, des taches sombres laissent deviner ce qu’il y a en dessous. Ses jambes sont couvertes de marques rouges-grises, denses et de diérentes tailles, qui témoignent d’infections récurrentes par la gale. Ces dernières font partie de son quotidien depuis quelques mois, au même titre que d’autres maladies.

Voici Ibrahim (nom non divulgué car il est mineur), 16 ans, récemment libéré de la prison de Megiddo. La commission de libération conditionnelle de la prison a noté que son apparence était « diicile à regarder et source de grande inquiétude ». Pour compléter le tableau, il faut écouter ce que lui et sa mère disent. « Lorsqu’il a été libéré, il ressemblait à une momie, comme si ce n’était pas vraiment lui », raconte-t-elle. « Nous ne l’avons pas reconnu ». Elle est assise à ses côtés et ne le quitte pas des yeux. 

Sur une photo prise lors de sa libération, il y a environ un mois, montrée par sa mère, Ibrahim avait l’air bien plus mal en point. Aujourd’hui encore, ses mains trahissent sa maigreur, à peine plus que de la peau et des os. Outre la gale, il a souert de violences et de symptômes aigus de maladies intestinales, y compris des évanouissements. 



Ses documents médicaux et juridiques, ainsi que son témoignage, ne constituent qu’une petite partie d’un ensemble bien plus important de preuves émanant de prisonniers - adultes et mineurs - qui ont souert de la même manière à Megiddo. L’un d’entre eux, Waleed Ahmad, 17 ans, y est décédé en mars. D’après les multiples témoignages recueillis par Haaretz, la négligence médicale et la mauvaise alimentation ne sont que deux des nombreux problèmes liés aux conditions de détention.


Prison de Megiddo. La gale n’est qu’une des maladies qui y sévissent. Photo Amir Cohen/Reuters

Un adolescent en bonne santé, autrefois

Ibrahim a été arrêté en octobre 2024. Dans le cadre d’un accord de plaidoyer, il a été reconnu coupable d’avoir jeté des pierres (qui n’ont causé aucun dommage) et condamné à huit mois de détention à Megiddo, un établissement géré par l’administration pénitentiaire israélienne. À son entrée dans la prison, il pesait 65 kilos, comme l’a montré un examen médical. En quelques mois, son poids est tombé à 46 kilos. Mais Ibrahim airme que son dossier médical ne reétait pas entièrement la gravité de son état. Parfois, il pesait même moins que ça, dit-il. Selon la commission des libérations conditionnelles, un avis médical rédigé par un pédiatre (au nom de Physicians for Human Rights) faisait état d’une « situation médicale grave, caractérisée par la malnutrition et une insuisance pondérale mettant en jeu le pronostic vital ». Son indice de masse corporelle (IMC) était de 15,2 (la norme minimale commence à 18,5). Des tests de laboratoire ont également montré qu’il sourait d’anémie.

L’avocate Mona Abo Alyounes Khatib, qui représentait Ibrahim au nom du Bureau du  défenseur public, a présenté l’avis médical à la commission de libération conditionnelle. La commission a estimé que l’état de santé d’Ibrahim était “inhabituel et grave” et a noté que l’agent de l’administration pénitentiaire responsable du bien-être des prisonniers n’avait pas détaillé son état de santé dans les lettres qu’elle avait adressées à Abo Alyounes. L’agent a seulement  entionné que les autorités pénitentiaires étaient au courant de son état de santé et qu’il était traité. La commission, après avoir réduit sa peine de 11 jours, a noté que « les conditions d’emprisonnement diiciles que le prisonnier a endurées ne peuvent être ignorées ». Mais Ibrahim n’est pas “inhabituel”. Haaretz a obtenu des déclarations sous serment de quatre autres détenus de Megiddo qui ont signalé des problèmes médicaux similaires au cours des derniers mois. Physicians for Human Rights a traité cinq autres cas de prisonniers ayant des problèmes similaires. D’autres déclarations sous serment obtenues par Haaretz font état des quantités dérisoires de nourriture servies aux prisonniers et de la gale endémique, une maladie de peau diicile à éviter pour quiconque purge une peine à Megiddo. Il y a aussi l’histoire de Waleed Ahmad. En mars, il s’est eondré dans la cour de la prison et est décédé. Un médecin qui a assisté à l’autopsie pour le compte de la famille a rapporté qu’Ahmad n’avait presque plus de tissu adipeux, qu’il sourait d’une inammation du côlon et qu’il était infecté par la gale.



Prison de Megiddo. : « Ils nous ont menottés et leurs chiens marchaient devant nous en aboyant, tandis qu’ils nous donnaient des coups de pied », raconte Ibrahim.

Haaretz a demandé au ministère de la santé, qui supervise l’Institut national de médecine légale, si l’autopsie avait donné lieu à des mesures. Le ministère a refusé de fournir des détails, notant seulement que « comme l’exige la loi, les résultats inhabituels sont transmis aux autorités compétentes ». L’unité nationale d’enquête sur les gardiens de prison de la police continue d’enquêter sur le décès.

La prison de Megiddo, située sur la route 65 entre Umm al-Fahm et Afula, est peut-être un cas extrême, mais au moins certains des problèmes qui y existent touchent d’autres établissements pénitentiaires accueillant des détenus et des prisonniers palestiniens.

Selon Physicians for Human Rights [Médecins pour les droits humains], depuis le mois dernier, la gale sévit dans les prisons de Ketziot, Ganot et Ayalon. En outre, une pétition concernant la réduction des rations alimentaires pour les prisonniers de sécurité (terme israélien désignant la plupart des prisonniers palestiniens) comprend des déclarations sous serment de détenus témoignant d’une grave perte de poids dans plusieurs établissements. Les avocats airment que Megiddo est le “pire des pires"” dans presque toutes les catégories.

En ce qui concerne les décès derrière les barreaux, Megiddo se classe deuxième après Ketziot. Cinq personnes sont mortes à Megiddo - Waleed Ahmad et quatre adultes -contre sept à Ketziot. Mais tous ces chires font partie d’une statistique plus large : selon le Club des prisonniers palestiniens, au cours des 20 derniers mois, 73 prisonniers et détenus identiables sont morts dans les prisons de l’armée et de l’administration pénitentiaire. En ce qui concerne Megiddo, dans deux cas, les autopsies ont révélé des signes de violence possible.

Le premier cas est celui d’Abd al-Rahman Mar’i, un habitant de Qarawat Bani Hassan, dans le centre de la Cisjordanie, décédé en novembre 2023. Son corps portait des traces de traumatisme, notamment des côtes cassées et un sternum brisé. Un prisonnier qui était avec lui à l’époque et qui a été libéré depuis, a déclaré à Physicians for Human Rights que Mar’i avait été sévèrement battu à la tête avant sa mort.

Le deuxième cas est celui d’Abd al-Rahman Bassem al-Bahsh, un habitant de Naplouse décédé à Megiddo en janvier de l’année dernière. Son corps portait des ecchymoses sur la poitrine et l’abdomen, ainsi que des côtes cassées, une rate endommagée et une grave inammation des deux poumons. Les enquêtes sur ces deux décès sont en cours et restent sous le sceau du secret. Ce que l’on sait, c’est que ces deux aaires ne font pas l’objet d’une enquête de la part de l’Unité nationale d’enquête sur les gardiens de prison, ce qui signie que les gardiens de prison ne sont pas suspectés.



Les allégations de violence de la part des gardiens de prison ne surprennent pas Ibrahim, qui airme qu’il s’agit d’une pratique courante à l’intérieur des murs de la prison. « Ils nous faisaient nous agenouiller au fond de la pièce, nous disaient de mettre nos mains sur la tête, puis entraient, nous aspergeaient de gaz au visage et nous frappaient avec des matraques sur tout le corps », raconte-t-il. « Une fois, ils sont entrés et m’ont frappé à la tête et à la bouche avec un pistolet, me disloquant la mâchoire. Une autre fois, raconte-t-il, l’une des unités de l’administration pénitentiaire est entrée et a battu les prisonniers, les a aspergés de gaz, puis les a traînés dans la cour de la prison, où ils sont restés allongés pendant près d’une heure sous la pluie.

« Ils nous ont menottés et leurs chiens marchaient devant nous en aboyant pendant qu’ils nous donnaient des coups de pied », se souvient-il. Il y a eu d’autres cas, dit-il. Lors d’un incident, il a été battu si violemment avec un gourdin que celui-ci s’est brisé sur son corps. D’autres exemples ont été cités dans un rapport de Josh Breiner publié par Haaretz en septembre dernier.

D’autres preuves d’abus apparaissent dans une plainte déposée en septembre par le Centre Hamoked pour la défense de l’individu, au nom d’un autre prisonnier mineur de Megiddo, auprès de l’unité d’enquête de la police sur les gardiens de prison. « La violence est telle que les prisonniers de la cellule ont  constamment peur de ce qui va se passer », indique la plainte. Les gardiens pénètrent dans les cellules pendant l’appel et agressent les détenus à coups de poing ou de bâton. Le prisonnier mineur a indiqué qu’il avait été frappé une fois dans l’estomac - où il avait subi une intervention chirurgicale - jusqu’à ce qu’il perde connaissance.

Les prisonniers parlent peu, voire pas du tout, de la violence, de peur que les gardiens ne l’entendent - directement ou par l’intermédiaire d’autres détenus - et ne se vengent. « Un jour, quelqu’un a parlé des gardiens au tribunal et ils l’ont battu », raconte Ibrahim. Après la mort d’Ahmad, ajoute-t-il, la violence a diminué mais n’a pas cessé.

Ces récits ne se limitent pas à une période spécique ; ils se sont produits à la fois au cours des premiers mois de la guerre de Gaza, lorsque le commissaire adjoint Muweed Sbeiti dirigeait la prison, et au cours des mois suivants, sous le commandement du commissaire adjoint Yaakov Oshri.

 

Le commissaire adjoint Yaakov Oshri. Photo NWS News/YouTube

 

Un plat, 10 personnes

L’entretien avec Ibrahim a eu lieu le jour de son retour à l’école après sa sortie de prison. Cet élève de 11e année, qui a passé la majeure partie de l’année écoulée à apprendre principalement comment rester en vie, résume son expérience en prison en un mot : “torture”. Ce mot ne rend que partiellement compte de son apparence maladive et des souvenirs qu’il aimerait pouvoir eacer. Il s’agit peut-être d’un cas extrême, mais tout au long de l’entretien, il répète que d’autres prisonniers ont enduré les mêmes choses - certains plus, d’autres moins.

« Personne n’avait l’estomac plein en prison, et pas seulement moi », dit-il. « Ils apportaient une assiette de riz pour dix personnes. C’était suisant pour une personne, mais nous le partagions tous ».

Il s’agissait d’un plat typique du repas de midi, explique-t-il. Les autres repas n’étaient guère meilleurs. Les petits-déjeuners, par exemple, se composaient d’une seule assiette de labneh (fromage crémeux), de conture, de pain et d’un légume - non pas pour une personne, mais pour 10. « Et il n’y avait pas assez de labneh pour couvrir le pain », raconte-t-il. En raison de la pénurie constante de nourriture, les prisonniers combinaient tout, mélangeaient et partageaient. Il y en avait un peu pour tout le monde et il n’y avait pas de restes. « Je demandais aux gardiens plus de nourriture, mais ça ne servait à rien », ajoute-t-il, précisant qu’il s’endormait tous les soirs le ventre vide.

La seule chose qui rivalisait avec la maigreur des portions était leur mauvaise qualité : parfois, les légumes de la salade étaient pourris, le riz à moitié cru. Des descriptions similaires sont apparues dans les témoignages de deux autres mineurs détenus à Megiddo. Ils ont déclaré à leur avocat que chaque plat des repas représentait environ deux à trois cuillères à soupe.


Dans une certaine mesure, ces témoignages étaient prévisibles : ils résultent de la politique du ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, qui, après le 7 octobre, a introduit des changements radicaux dans les conditions de vie des prisonniers palestiniens en Israël. Entre autres mesures, l'accès aux cantines des  prisons leur a été interdit, la vaisselle et le matériel de cuisine ont été retirés de leurs cellules et une directive visant à réduire leurs portions alimentaires au minimum légal a été émise.

En août dernier, après que l'Association pour les droits civils en Israël a déposé une pétition contre les changements de politique, l'administration pénitentiaire a airmé qu'elle avait augmenté la taille des portions. La réponse était accompagnée d'un menu actualisé comparant la nourriture fournie aux prisonniers de sécurité à celle des détenus de droit commun. L'examen des deux montre que les prisonniers palestiniens reçoivent deux fois moins de viande, pas de fruits et pas de sucreries à l'exception de la conture, contrairement à leurs homologues criminels. La diérence entre les deux menus soumis à la Cour par l'administration pénitentiaire s'élève à 1 300 calories par semaine et par personne.

Dans leur réponse, les pétitionnaires ont fait valoir que la loi n'autorisait pas une telle diérence entre les deux groupes. (L'aaire est actuellement examinée par la Haute Cour.) Cependant, le témoignage de deux mineurs de la prison de Megiddo indique qu'au début de cette année, même le maigre menu présenté par l'administration pénitentiaire n'était pas fourni. Plus important encore - comme le montrent clairement les témoignages des prisonniers - ils avaient toujours faim.

Et il y a un autre problème. Jusqu'à ce que la guerre éclate, chaque aile de jeunes dans les prisons de sécurité avait un prisonnier adulte chargé de distribuer la nourriture. Mais un autre changement de politique de Ben-Gvir a éliminé cet arrangement, transférant la responsabilité de la distribution de la nourriture aux mineurs. Selon Ibrahim, ces jeunes prisonniers avaient tendance à voler une partie de la nourriture pour eux-mêmes, ce qui réduisait d'autant le peu qui restait pour les autres.

Ibrahim. À un moment donné, il a été transféré dans une cellule réservée aux détenus qui avaient perdu beaucoup de poids. Photo Nidal Shtayyeh

Mais les maigres portions et la mauvaise qualité de la nourriture ne sont pas le plus important de l'histoire. Les maladies dont sourait Ibrahim n'étaient pas moins graves, c'est le moins que l'on puisse dire. Outre la gale qu'il a contractée à plusieurs reprises, il sourait d'une maladie intestinale contractée en prison. « Je suis resté allongé sur le lit, incapable de me lever », raconte-t-il en décrivant son état en mars dernier, environ deux semaines après le début du ramadan. « J'ai mangé du pain et, une heure plus tard, je n'ai pas pu me retenir - je me suis souillé. Je voulais me lever pour aller aux toilettes, mais je n’avais pas la force. J'ai dormi tout le temps et je n'ai rien mangé ».

Cinq de ses neuf compagnons de cellule souraient des mêmes symptômes. « Les médecins venaient dans notre aile, regardaient par la fenêtre, nous donnaient de l'Acamol [paracétamol] et nous disaient : mangez du pain et du riz ordinaire », raconte-t-il pour décrire les “soins médicaux” prodigués les premiers jours. D'autres prisonniers ont fait des descriptions similaires dans leurs témoignages. Au cours des mois de guerre, l'Acamol est devenu la réponse par défaut à la plupart des plaintes, tandis que les transferts à l'hôpital étaient rarement pris en considération.

Une exception apparente est le cas de Zaher Shushtari, 61 ans, qui a été placé en détention administrative - détention sans procès - en raison de son appartenance au Front populaire de libération de la Palestine. Shushtari, qui est atteint de sclérose en plaques et de diabète, a souert d'une grave insuisance pondérale au cours de sa détention et a nalement été transféré au centre médical de l'administrationpénitentiaire. Mais ça ne s'est pas produit uniquement en raison de ses problèmes de santé chroniques. Ce n'est qu'après que Haaretz a révélé en mai qu'il n'avait pas reçu le traitement nécessaire - et qu'il n'avait pas été emmené à l’infirmerie alors qu'il sourait de la gale - que l'administration pénitentiaire a changé de cap.

L'avis médical soumis dans le cas de Shushtari indiquait qu'il sourait également des symptômes d'une maladie digestive - comme ceux décrits par Ibrahim - dont la diarrhée et la perte de poids (d'autres personnes présentaient également des symptômes tels que des vertiges et des évanouissements). Derrière les barreaux, dit Ibrahim, ils l'appelaient “l'amibe”. Le professeur Amos Adler, médecin spécialisé en microbiologie clinique, n'a pas cité de maladie spécique, mais, sur la base des informations dont il disposait, il a conclu qu'il y avait une forte probabilité d'apparition d'une maladie intestinale contagieuse. Dans un appel adressé à l'administration pénitentiaire par Médecins pour les droits humains - Israël, il a écrit que les documents indiquaient que la promiscuité, une alimentation inadéquate et une mauvaise hygiène avaient pu contribuer au problème.

Le témoignage d'Ibrahim confirme cela. Selon lui, avant même la maladie intestinale et la perte de poids drastique, il y avait la gale. La propagation de cette maladie cutanée contagieuse dans les prisons israéliennes n'est pas un secret ; n 2024, l'administration pénitentiaire a reconnu, en réponse à une pétition, qu'environ 2 800 prisonniers palestiniens avaient contracté la maladie. Les prisonniers constituent une population à haut risque pour la gale en raison de la promiscuité dans les cellules. La plupart des gens contractent la maladie par contact avec une personne infectée ou en partageant des objets avec une personne infectée dans des conditions d'hygiène insuisantes.

L'administration pénitentiaire a estimé que de nombreux détenus avaient déjà contracté la maladie en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza. Quoi qu'il en soit, les conditions dans lesquelles ils ont été détenus en Israël, comme l'attestent de nombreux témoignages et documents, n'ont rien arrangé.

Ibrahim raconte qu'il a contracté la gale presque immédiatement après son entrée dans la prison de Megiddo. « Les démangeaisons ont commencé dès la première semaine. D'abord sur mes mains, puis sur le reste de mon corps. Ça gratte et ça fait mal comme la mort. Un prisonnier avait la gale sur les mains et cela lui faisait tellement mal qu'il ne pouvait même pas tenir un mouchoir en papier ».

Prison de Megiddo. Un détenu de 17 ans raconte qu'il n'a été examiné par un médecin qu'après la mort d'un autre jeune prisonnier. Photo Alon Ron

Il raconte que la plupart du temps, il y avait 10 prisonniers dans la cellule, mais seulement huit couchettes - donc à tout moment, deux devaient dormir sur un matelas à même le sol. Ceux qui parvenaient à obtenir un lit n'avaient généralement pas de drap et devaient dormir sur le matelas nu. Ibrahim, lui, avait un drap, mais ce n'était pas beaucoup plus hygiénique. « Ils ne lavaient jamais le drap », dit-il. « Jamais ».

Il a bien reçu un traitement - des pilules et des bandages avec une pommade, et une fois une crème dans un gobelet en plastique - mais l'eicacité a été de courte durée. Les mauvaises conditions sanitaires et la propagation rampante de la maladie parmi les prisonniers ont fait qu'il a été infecté, dit-il, une deuxième et une troisième fois.

Les descriptions d'Ibrahim, ainsi que celles d'autres prisonniers, suggèrent que la gale et les maladies intestinales se sont propagées simultanément dans la prison, de nombreux prisonniers sourant des deux à la fois. « Waleed [Ahmad] avait aussi l'amibe.

C'est de ça qu'il est mort », suppose Ibrahim. « Je l'ai vu. Il est sorti par la porte de la cellule et il était très, très maigre. Nous nous sommes salués. Il marchait dans la cour, il est tombé sur le visage et du sang a commencé à couler de sa bouche. Les médecins sont arrivés et l'ont emmené sur une civière et il n'est pas revenu ».

Selon Ibrahim, avant d'être atteint de cette maladie intestinale, Ahmad était en bonne santé, hormis la gale. Sa mort a provoqué une onde de choc dans la prison. Soudain, dit Ibrahim, on s'est intéressé à ceux qui avaient “l'amibe”. Deux prisonniers ont été emmenés au centre médical Emek d'Afula (« Nous pensions qu'ils étaient morts », dit Ibrahim, « mais nalement ils sont revenus »). Lui-même a d'abord été vu par un médecin, puis envoyé à plusieurs reprises à l'inrmerie de la prison, où il a subi des analyses de sang et des transfusions de liquides. À aucun moment, il n'a été conduit à l'hôpital.

Il a toutefois été transféré dans une cellule spécialement conçue pour les personnes ayant perdu beaucoup de poids. Ils étaient dix dans cette cellule également, dit-il, mais ils devaient manger sous la surveillance des gardiens, chacun dans une assiette individuelle. Pourtant, dit-il, la quantité de nourriture est restée la même, de même que sa qualité.

Une épidémie non traitée

Les noms des intervenants changent, les dates dièrent, mais les descriptions restent étonnamment similaires. L'avocate Riham Nassra, qui représente régulièrement des Palestiniens devant les tribunaux militaires, a visité la prison de Megiddo tout au long de cette période. L'une de ses dernières visites a eu lieu en avril, lorsqu'elle a rencontré Nidal Hamayel, un détenu administratif de 55 ans qui y était incarcéré depuis septembre dernier.

Son apparence en disait long. « J'ai été choquée lorsque je l'ai vu entrer dans la salle de visite », raconte Nassra. Deux mois auparavant, raconte-t-elle, il s'était plaint des maigres portions et d'avoir constamment faim, mais son état de santé semblait globalement correct. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

« Il avait perdu beaucoup de poids et était pâle, émacié, faible et maigre, d'une manière maladive », décrit-elle. « Il pouvait à peine marcher et portait des vêtements sales ».

Hamayel lui a dit que depuis le mois de mars, lui et d'autres détenus avaient commencé à sourir de graves douleurs abdominales, de diarrhée, de perte d'appétit et d'évanouissements. « Je suis erayé par l'aspect de mon corps lorsque je me douche », lui a-t-il dit, selon la déclaration qu'elle a rédigée à la n de la visite.

Bien que Hamayel ait été examiné par un médecin à plusieurs reprises, il n'a pas été orienté vers des examens complémentaires et s'est vu prescrire uniquement une transfusion de liquides et des analgésiques. Comme Ibrahim, il a subi une perte de poids considérable. Au moment de son arrestation, il pesait 86 kg, comme l'indique son dossier médical, mais en février, il n'en pesait plus que 60. L'administration pénitentiaire airme que son poids n'a pratiquement pas changé entre février et avril, mais Nassra pense qu'il a nettement maigri pendant cette période.

Dans une requête qu'elle a déposée auprès du tribunal de district de Nazareth concernant le cas de Hamayel, Nassra a indiqué qu'elle avait également rendu visite à deux autres prisonniers à Megiddo qui souraient de symptômes similaires, n'avaient pas reçu de traitement et s'étaient vu dire de boire de l'eau par l'inrmier. La pétition a également relevé d'autres aspects des conditions de détention de Hamayel. Par exemple, selon lui, il n'avait qu'une seule paire de sous-vêtements, qu'il portait continuellement depuis septembre, et un seul ensemble de vêtements d'hiver. En outre, il n'avait ni brosse à dents, ni dentifrice, ni serviette.

Aucune décision n'a encore été rendue dans cette aaire, mais le tribunal a ordonné à l'administration pénitentiaire de faire examiner Hamayel par un médecin. En mai, Nassra a appris que son client s'était remis de la maladie intestinale, bien qu'il n'ait reçu aucun traitement.  « Il dit toujours qu'il est épuisé et qu'il a des vertiges », dit-elle, « et qu'il est tout le temps fatigué ».

« Tous les soins médicaux sont fournis sur la base d'un avis médical professionnel », déclare l'administration pénitentiaire israélienne. Photo Nidal Shtayyeh

Une autre visite de Nassra à Megiddo est décrite dans une déclaration récemment soumise au tribunal dans le cadre d'une pétition de l'Association pour les droits civils, qui demande que des quantités suisantes de nourriture soient fournies aux prisonniers. « Le détenu est resté assis pendant toute la durée de la visite, grelottant de froid. Il avait l'air extrêmement maigre et malade, et il a dit qu'il avait très faim », a écrit Nassra à propos d'un détenu administratif qu'elle a rencontré en février. Elle n'a pas été surprise lorsqu'il lui a dit qu'il pesait 48 kg.

Un an plus tôt, il avait déjà déposé une plainte par l'intermédiaire de Hamoked - au sujet de l'insuisance de la nourriture et de sa mauvaise qualité, parfois même insuisamment cuisinée. Dans sa réponse à l'époque, l'administration pénitentiaire avait indiqué qu'il recevait trois repas par jour, mais n'avait donné aucune précision sur le contenu des repas ni sur l'identité du diététicien chargé de les superviser.

En mai, le nombre croissant de cas de maladies intestinales et la perte de poids drastique à la prison de Megiddo ont incité Physicians for Human Rights à envoyer une lettre virulente. Celle-ci a été envoyée au conseiller juridique de l'administration pénitentiaire, Eran Nahon, et à son médecin-chef, le Dr Liav Goldstein. Dans cette lettre, l'avocat Tamir Blank demande à l'administration pénitentiaire de prendre des mesures pour empêcher la propagation de la maladie, dont les symptômes « sont communs à des dizaines de détenus ». Dans sa réponse, le Dr Goldstein a écrit que les allégations étaient connues, décrivant "un certain nombre d'incidents concentrés dans un établissement pénitentiaire il y a plusieurs mois ». Il a déclaré que l'administration pénitentiaire avait mis en œuvre toutes les mesures nécessaires, que le nombre d'incidents avait diminué de manière signicative et qu'il n'y avait pas de nouveaux cas à l'heure actuelle.

Cependant, deux semaines auparavant, lorsque l'avocate Nadia Dacca a rendu visite à deux mineurs à la prison de Megiddo, leurs récits indiquaient que peu de choses avaient changé. Tous deux ont déclaré qu'ils étaient tombés malades, qu'ils n'avaient pas été soignés et qu'ils s'étaient rétablis d'eux-mêmes. « Je n'ai reçu aucun médicament de la part des autorités pénitentiaires. Certains prisonniers avaient de l'Acamol [un analgésique] dans leur cellule, alors j'en ai pris », a déclaré l'un d'eux à l'avocate. « Je me suis rétabli après avoir souert pendant longtemps et sans avoir reçu de soins médicaux, tout en sachant qu'un prisonnier de mon quartier en était mort », a-t-il ajouté, faisant référence à Waleed Ahmad.

Le prisonnier a estimé qu'il pesait 62 kilogrammes au moment de son arrestation et qu'au moment où il s'est entretenu avec l'avocate, son poids était tombé à 53 kilos. Il a indiqué qu'il avait deux pantalons, deux caleçons et une chemise à manches courtes à porter. « J'ai un matelas sans housse, ce qui aggrave ma maladie, car je touche le matelas directement et je ne peux pas le laver », a-t-il déclaré.

Le deuxième jeune à qui Dacca a rendu visite, un détenu administratif de 17 ans, a décrit les mêmes symptômes trop familiers. Il a également indiqué qu'il n'avait été examiné par un médecin qu'après la mort d'Ahmad, environ un mois après avoir contracté la maladie. « Mon corps était très faible et je ne pouvais pas marcher », a-t-il déclaré. Lors de l'audience visant à approuver sa détention administrative, il a déclaré qu'il souffrait de la gale et qu'il avait perdu 30 kilos. Le juge a ordonné aux autorités de soumettre son cas au personnel médical de la prison pour s'assurer de son état. Il a ensuite décrit des conditions similaires : un matelas sans drap, un manque de vêtements et des pilules qui ne l'ont pas aidé. « Ils ne prennent toujours pas la gale au sérieux », a expliqué le jeune homme. « Le médecin se moque de moi ».

L'administration pénitentiaire a répondu en déclarant qu'elle « agit conformément aux lois et aux procédures, tout en préservant le bien-être, la sécurité et les droits de tous les détenus de l'établissement - y compris les mineurs. Tous les soins médicaux sont fournis sur la base d'un avis médical professionnel, conformément aux règlements du ministère de la santé et sous la supervision de médecins et de professionnels agissant au sein des établissements et à l'extérieur de ceux-ci. Dans la mesure où une plainte pour traitement défectueux est déposée, elle est examinée par le personnel habilité à le faire ».

Le rapport précise également que « dans tous les cas de décès d'un détenu, l'administration pénitentiaire le signale immédiatement aux autorités d'enquête compétentes - en fonction des circonstances de l'événement. Parallèlement, une enquête interne est lancée pour déterminer les  circonstances de l'aaire, conformément aux procédures. L'administration pénitentiaire continuera à agir de manière responsable et conformément à la loi, tout en préservant la dignité humaine, la sécurité publique et l'application de la loi ».

Bref, ils prennent les enfants du bon Dieu pour moins que des canards sauvages [NdT]


GIDEON LEVY
Tous les captifs, israéliens et palestiniens, doivent être libérés

Gideon Levy, Haaretz, 6/7/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala
Lorsque Israël maltraite les otages et les détenus palestiniens qu'il retient prisonniers, il perd tout droit moral de réclamer la libération de ses propres otages. Personne n'a le droit de maltraiter des êtres humains de cette manière. 


Manifestation de soutien et de solidarité envers les prisonniers palestiniens détenus par Israël, dans la vieille ville de Naplouse, en Cisjordanie, en 2023. Photo : Jaafar Ashtiyeh/AFP

La mesure d'urgence la plus urgente à prendre aujourd'hui, outre la fin des massacres à Gaza, est le sauvetage de tous les captifs, Israéliens et Palestiniens, des conditions épouvantables dans lesquelles ils sont détenus. Les tunnels de Gaza ou la prison de Megiddo, la captivité du Hamas ou celle du Shin Bet, sont tous deux d'une cruauté presque indescriptible. Il est regrettable qu'aucun proche des otages israéliens n'ait appelé à la libération des otages palestiniens, ou du moins à l'amélioration de leurs conditions de détention.

On ne peut juger ces familles dans leur douleur, mais compte tenu des nombreux rapports sur les conditions dans lesquelles les otages palestiniens sont détenus en Israël, on aurait pu espérer un soupçon d'humanité et de compassion, en particulier de la part de personnes qui craignent tant pour le sort de leurs proches.

Non seulement le sadisme d'Israël peut affecter les conditions dans lesquelles nos propres captifs sont détenus, mais il y a aussi cette simple considération morale : lorsque Israël maltraite les otages et les détenus qu'il retient de la manière dont il le fait, il perd tout droit moral de demander la libération de ses propres otages.

Il est inutile de comparer le centre de détention de la base militaire israélienne de Sde Teiman aux tunnels sous Khan Younès, car il est impossible de comparer deux souffrances horribles. Dans les deux endroits, des êtres humains sont détenus dans des conditions inhumaines, indignes de tout être humain, même des membres de la brigade d'élite Nukhba du Hamas.

Personne n'a le droit de maltraiter des êtres humains de cette manière. La seule comparaison valable est celle entre les auteurs des mauvais traitements : à Gaza, ce sont les membres d'une organisation considérée [par certains, NdT] comme une organisation terroriste meurtrière, et en Israël, ce sont les membres d'un État qui se prétend démocratique.

Seule une personne sans conscience pourrait rester indifférente à la description exemplaire faite par Hagar Shezaf des conditions de détention des prisonniers et otages palestiniens : Les soi-disant détenus administratifs, détenus sans procès, sont des otages, et ils sont des milliers.

Le reportage d'investigation de Loveday Morris et Sufian Taha publié l’année dernière dans le Washington Post aurait également dû bouleverser ce pays. Au total, 73 otages et détenus palestiniens sont déjà morts dans les prisons israéliennes – un chiffre choquant, dont seule l'indifférence avec laquelle il a été accueilli est plus choquante encore. Où sont passés les jours où la mort d'un détenu en prison était considérée comme un scandale ? Le nombre de morts dans les geôles du Hamas est loin d'atteindre ce chiffre.

Shezaf a décrit une histoire troublante de torture, de famine, d'absence de soins médicaux et de violence, le tout commis par l'État. La famine infligée par l'État, les coups brutaux et le sadisme sous l'égide de l'État. Il ne s'agit pas d'Itamar Ben-Gvir, mais de l'État d'Israël. Pourquoi est-il nécessaire d'affamer les gens jusqu'à ce que mort s'ensuive ?

De quel droit est-il permis de refuser des soins médicaux à 2 800 personnes incarcérées souffrant du fléau de la gale, ou à des milliers d'autres qui ont contracté des maladies intestinales dans ces lieux de famine et d'épidémies ?


Khalid Ahmad tient une affiche sur son fils de 17 ans, Waleed, décédé dans une prison israélienne, dans la ville de Silwad, au nord-est de Ramallah, en Cisjordanie, en mars. Photo : Nasser Nasser/AP

 Le corps de Waleed Ahmed, 17 ans, présentait une inflammation intestinale et la gale, et il ne restait pratiquement plus de graisse ni de tissu musculaire. Il est mort de faim à cause d'un cocktail Molotov et de pierres qu'il avait lancés, tout comme ceux lancés par les colons à Kafr Malek. Les services pénitentiaires israéliens l'ont exécuté sans procès.

Le Washington Post s'est entretenu avec des détenus qui étaient sortis de cet enfer et avec des avocats qui avaient visité les prisons, et le tableau qu'ils ont décrit était le même. Eux aussi ont décrit la politique systématique de privation de nourriture et de soins médicaux.

« C'est Guantanamo », a déclaré l'un d'entre eux. C'est pire que Guantanamo si l'on considère le nombre de décès. Les photos de Palestiniens squelettiques et estropiés qui sont sortis des prisons israéliennes au cours des dix-huit derniers mois en disent long. Elles constituent une grave accusation contre l'État d'Israël.

Dans les années 1980, j'ai réussi à visiter une fois la prison de Megiddo et à rencontrer des prisonniers palestiniens, à l'époque où les Forces de défense israéliennes géraient encore la prison. Les conditions étaient alors humaines et relativement décentes.

Mais ce ne sont pas seulement les conditions qui se sont détériorées de manière irréversible depuis lors. Un autre événement grave s'est produit : à l'époque, Israël avait honte des abus et essayait de les cacher. Aujourd'hui, Israël est fier de son sadisme et l'affiche ouvertement, notamment lors des visites honteuses effectuées dans les prisons par les correspondants de la télévision israélienne. Le sadisme envers les Palestiniens fait désormais partie intégrante des relations publiques. Il permet même de remporter des voix lors des élections à la Knesset.

08/07/2025

BEN SAMUELS
Pour influencer Trump, Netanyahou cible le trou en forme de prix Nobel dans son ego

Ben Samuels, Haaretz, 8/7/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Ben Samuels est le correspondant au USA du journal Haaretz, basé à Washington, D.C.

Pour éviter les pressions visant à mettre fin à la guerre à Gaza, Netanyahou détourne l'attention de Trump vers le prix Nobel de la paix que celui-ci convoite, le flattant au sujet des accords d'Abraham tout en écartant encore davantage Gaza et les otages


Ben Jennings, The Guardian 

WASHINGTON - Donald Trump est connu pour son manque d'humilité et de conscience de soi, mais même lui reconnaît que le meilleur moyen d'influencer ses décisions est de faire appel à son ego.

« On obtient plus avec du miel qu'avec du vinaigre », a récemment déclaré Trump, souhaitant que les dirigeants iraniens cessent d'être aussi « en colère, hostiles et mécontents » et lui montrent un peu de gratitude pour avoir mis fin à la guerre entre Israël et l'Iran.

Cette phrase illustre ce que tant de dirigeants étrangers n'ont pas compris – ou pas assez rapidement – tout au long de la carrière politique de Trump : si on veut l’influencer, il ne faut pas faire appel à la raison, mais plutôt trouver le meilleur moyen de le flatter.

Netanyahou, malgré tous ses défauts en tant que dirigeant, comprend ça mieux que quiconque.

Netanyahou savait que sa rencontre avec Trump à la Maison Blanche lundi aurait pu marquer un nouveau chapitre dans les relations entre les USA et Israël, le président pouvant utiliser toute son influence pour pousser Netanyahou à conclure un cessez-le-feu avec le Hamas, ce qui aurait constitué une divergence par rapport au soutien inconditionnel dont Israël a bénéficié de la part de cette administration et des précédentes.

Alors, qu'a fait Netanyahou ? Il a remis au président une lettre qu'il avait écrite au Comité Nobel pour nommer Trump au prix Nobel de la paix, une distinction longtemps convoitée par Trump. Le fait d'avoir été snobé jusqu'à présent a été l'un des principaux moteurs des décisions de Trump en matière de politique étrangère depuis son retour à la Maison Blanche il y a six mois.

« Je n'obtiendrai pas le prix Nobel de la paix pour avoir conclu les accords d'Abraham au Moyen-Orient qui, si tout se passe bien, seront rejoints par de nombreux autres pays et unifieront le Moyen-Orient pour la première fois depuis des siècles ! Non, je n'obtiendrai pas le prix Nobel de la paix, quoi que je fasse, y compris en Russie/Ukraine et en Israël/Iran, quels que soient les résultats », a déclaré Trump sur Truth Social le mois dernier, « mais les gens le savent, et c'est tout ce qui compte pour moi ! »

Dans sa lettre, Netanyahou a écrit que Trump « a fait preuve d'un dévouement sans faille et exceptionnel à la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans le monde. Au Moyen-Orient, ses efforts ont entraîné des changements spectaculaires et créé de nouvelles opportunités pour élargir le cercle de la paix et de la normalisation ».

Netanyahou s'est explicitement et uniquement concentré sur le rôle de Trump dans les accords d'Abraham. Il a commodément ignoré les appels répétés de Trump à mettre fin à la guerre à Gaza, ainsi que ses efforts pour négocier un cessez-le-feu et libérer les otages détenus par le Hamas. Il n'a pas non plus mentionné le rôle de Trump dans le recul des capacités nucléaires de l'Iran et la fin rapide de cette guerre.

Si Trump parvenait à résoudre à la fois la guerre à Gaza et la menace iranienne (alors que les négociations se poursuivent sur ces deux fronts), il mériterait effectivement un prix aussi prestigieux que le Nobel [sic]. Cependant, la manœuvre de Netanyahou ne vise pas à atteindre ces objectifs, mais simplement à s'assurer que Trump reste dans son camp, au mépris des Palestiniens affamés, des otages israéliens et de toutes les autres personnes prises entre deux feux.

LUIS E. SABINI FERNÀNDEZ
Israël, Palestine : génocide, oui ou non ? Le président uruguayen Yamandú Orsi “ne croit pas”

Luis E. Sabini Fernández, 6/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Notre pays, l’Uruguay – et en particulier la direction politique ayant forgé l’Uruguay moderne : le batllisme, la macrocéphalie montevidéenne et le gouvernement du Front large – entretient une relation historique avec Israël dans laquelle mieux vaut ne pas trop remuer la merde.



Ainsi, à mesure que le régime israélien révèle de plus en plus ses caractéristiques premières – longtemps occultées ou camouflées derrière le cauchemar nazi de la Seconde Guerre mondiale – celles-ci sont mises à nu, notamment à travers les intifadas et les invasions sanglantes de la bande de Gaza. Ces événements dévoilent une relation coloniale sanglante entre métropole et colonie, entre peuple dominant et peuple colonisé.

À mesure que se précise la réalité coloniale, avec ses vérités fondamentales – domination des terres, racisme, suprémacisme, mépris de la démocratie – le mot « Israël » devient difficile à associer aux valeurs traditionnelles de liberté, fraternité, et respect des peuples. À l’inverse, le mot « Palestine » devient presque imprononçable pour de nombreux Uruguayens, tant il est désormais amalgamé à « groupe terroriste Hamas ».

Même si cela n’était pas nécessaire, l’histoire récente témoigne de violences extrêmes : un massacre en 2000, une invasion brutale en 2005, un rejet violent des élections libres de 2006 où les Palestiniens ont voté à la fois contre l’occupant israélien et contre l’Autorité palestinienne (devenue complice d’Israël).

La réponse israélienne ? Rejeter les résultats, emprisonner des élus démocratiquement élus, tenter de maintenir l’Autorité palestinienne au pouvoir en Cisjordanie. Hamas, ayant remporté les élections à Gaza, a déjoué la tentative de coup d’État et a conservé le pouvoir. En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, c’est « le retour à la normale ».

Depuis 2006, Israël a mené une opération d’étouffement, de siège, d’anéantissement : blocus total, contrôle de la nourriture, destruction d’infrastructures, contamination des sols, destruction de l’aéroport et des installations portuaires, sabotage de l’électricité et des télécommunications.

Décennie après décennie, la brutalisation s’est intensifiée. La population palestinienne a subi répression policière, bombardements, exécutions sommaires. Et elle a répondu, parfois avec violence, parfois de manière spontanée ou sous forme de guérilla.

Cette guerre asymétrique, menée par ce que l’on appelle « l’armée la plus morale du monde », a conduit à une situation extrême au XXI siècle.
Yahya Sinwar, stratège du Hamas, semble avoir anticipé ce piège mortel et, le 7 octobre 2023, a lancé une opération inédite avec des moyens rudimentaires : armes de poing, deltaplanes, vélos, motos et quelques excavatrices d'occasion.


Ainsi, le Hamas a réussi à effectuer un strip-tease psychique, politique, éthique et militaire de l’armée occupante. Au prix d’un nombre de morts extrêmement élevé, ce qui engendrera des interrogations morales insaisissables sur la responsabilité d’une telle moisson de morts.
Car la mort était bien là, omniprésente. Et les mains exécutantes parfaitement visibles. Et la volonté génocidaire des commandements sionistes est également devenue explicite.

Devant un tel tableau d’atrocités, revenons à l’Uruguay.
Que nous dit le président ? Que ce n’est pas un génocide.
Des affirmations contradictoires et toutes deux valables (ou plutôt non valables).

Par exemple, pour Yamandú Orsi, un génocide serait simplement une tuerie, une manière abjecte à mes yeux de dévaluer une politique d’extermination raciste, suprémaciste, absolutiste. Orsi affirme qu’on ne peut qualifier de génocide un événement si un autre a déjà été ainsi désigné; autrement dit, il refuse de qualifier de génocide ce qui s’est passé après le 7 octobre 2023, au motif que ce qualificatif a déjà été utilisé pour des faits antérieurs. Comme si un génocidaire ne pouvait répéter son crime.

Dans son entretien à El Observador, le président précise qu’il appartient à un parti qui a tranché sur la question (comme sur bien d’autres). Il observe que « lorsque tu assumes une fonction gouvernementale, tu représentes tout le pays ». Il introduit ainsi une membrane subtile entre position partisane et fonction présidentielle – ce qui est pertinent.
Mais il ajoute, en embrouillant : « Je peux être d’accord ou pas avec la position du Front large ou celle du Parti national. » Et conclut : « Ça n’ajoute rien. »

Ce qui ressort surtout, c’est son insistance sur l’insignifiance de son avis (peut-être est-ce là sa sagesse). Il définit correctement et brièvement le concept de génocide: « Un génocide implique lextermination pour lextermination, ne laisser absolument personne de lautre camp. » Incontestable.

Mais il enchaîne : « Je ne sais pas si tel est l’objectif. Je crois que non. Je veux penser que non. » Trois phrases atrocement liées: il n’est pas certain du mépris suprême pour la vie des Gazaouis que manifeste Israël – et la majorité de ses citoyens – depuis des décennies. Il suffit de voir le bilan des Marches du retour (2019–2020), totalement pacifiques, ou le traitement dédaigneux aux checkpoints envers les malades et les femmes enceintes, soumis à l’arbitraire de soldats se comportant en petits dieux.

« Je crois que non » : faut-il y voir une simple cécité ou une rupture brutale avec la réalité ? Et cette troisième phrase : « Je veux penser que non » n’évoque plus les faits, mais le souhait de celui qui parle. Il voudrait que [l’auteur génocidaire] ne le soit pas. Cela peut révéler la conscience morale du président, mais très peu la réalité, laquelle, elle, peut ainsi être éludée. C’est ce que fait, sans honte, le gouvernement uruguayen actuel, pourtant présenté comme de gauche, honnête, épris de justice.

Le président se croit solidaire en promouvant un projet de la FAO avec « des gens du Danemark » pour les jeunes Palestiniens. À qui l’ONU enseignera l’agriculture… que les Gazaouis pratiquent depuis des temps immémoriaux. Ce qui manque aux jeunes Gazaouis, ce n’est pas la connaissance, mais la terre et la liberté. Et ce qui manque à l’ONU/FAO, c’est la honte.

Si le président Orsi montre une telle faiblesse argumentative, que peut-on attendre de la chancellerie uruguayenne, responsable directe de cette question? De la pitié.

La vice-ministre des Affaires étrangères, Valeria Csukasi – celle qui doit s’exprimer – nous explique, presque nous gronde, lorsqu’on lui demande pourquoi l’Uruguay n’utilise pas le terme de génocide à propos de Gaza :
« Je ne crois pas que ce soit une question d’utiliser ou pas ce mot. C’est quelque chose que nous surveillons en permanence à la chancellerie. Les termes en droit international ont une signification et une terminologie très précises ; nous ne les utilisons pas comme synonymes ou à notre guise, selon qu’ils nous plaisent ou non. Dans le cas du génocide, surtout en référence à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, il y a une configuration précise de situations requises, visant l’élimination totale et intentionnelle d’un type de population, soit en raison de son origine ethnique, soit de son emplacement géographique […]. »

Et elle ajoute : « Certains estiment que ces conditions sont déjà réunies, car certains acteurs israéliens ont exprimé la volonté de faire disparaître le peuple palestinien. Tandis que d’autres – parmi lesquels se trouve encore l’Uruguay – estiment que le gouvernement israélien n’a pas encore démontré cette intention. »

Il n’a pas encore démontré l’intention ! Mais que faut-il donc de plus pour la « configurer » ?

Bombarder une ville entière, en rasant presque tous ses bâtiments, n’exprime-t-il pas la volonté de la faire disparaître ?
Étouffer l’accès à la nourriture et aux médicaments, année après année, décennie après décennie ?

Tirer ou incendier sous les tentes, de nuit, depuis des hélicoptères, n’est-ce pas une volonté (lâche) de les éliminer ?

Saboter l’accès à l’eau potable, provoquant une hausse massive des maladies, ce n’est pas suffisant ?

Détruire presque tous les hôpitaux, non plus ?
Et les centaines de journalistes assassinés ?
Ramener Gaza à “l’âge de pierre”, comme promis par “le boucher” Sharon ?
Les humilier dans les rues, aux postes de contrôle, les tuer pour n’importe quel prétexte ?

Exterminer des familles entières, enfants, adultes, anciens ?
Et lorsque leurs bourreaux – les colons – sont glorifiés, non seulement jamais punis, mais même récompensés ? Cela non plus ne démontre pas une intention génocidaire ?

Tout cela n’est pas nouveau.

Déjà en 1947, avant la création de l’État d’Israël, Folke Bernadotte, le premier médiateur de l’ONU, cherchait une négociation équitable entre Arabes et Juifs. Il déclara : « Les Juifs ne peuvent pas tout garder ; il faut partager la Palestine entre ceux qui y vivaient et ceux qui arrivent. » Il fut assassiné.
Même si l’on assista à un scandale, et que le meurtrier fut arrêté par les Britanniques, il fut vite gracié… et devint peu après garde du corps de David Ben Gourion, premier président d’Israël.

Et Bernadotte n’eut même pas droit à des funérailles officielles. L’ONU elle-même ne réagit pas. [signalons tout de même qu’aucun membre de la famille royale suédoise n'a jamais mis les pieds en Israël depuis l’assassinat du comte Bernadotte, cousin du roi, NdT]

Le génocide n’est même pas une nouveauté.

Mais il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Et il n’existe aucune clinique auditive qui puisse absoudre l’Uruguay.

L’Uruguay fut salué par Israël et les USA pour son (plutôt pitoyable) rôle dans la commission UNSCOP à la fin des années 1940.
Il fut le seul pays sud-américain à offrir refuge aux Juifs, mais pas aux militaires des pays de l’Axe.
Mais l’hospitalité du batllisme uruguayen, louable à l’égard des Juifs européens, n’a pas dépassé l’eurocentrisme. Il fut incapable de reconnaître la colonisation en cours contre les non-Européens, tels que les Palestiniens.

Ce conditionnement mental culmine dans les écrits de Julio María Sanguinetti, qui publia en 2018 La tranchée de l’Occident, répétant un siècle plus tard la thèse colonialiste et eurocentrique de Theodor Herzl: « Implanter au Proche-Orient un avant-poste de civilisation contre la barbarie [asiatique]. »

Le pouvoir israélien a pris l’Uruguay dans ses bras, et l’État uruguayen s’est laissé bercer, grisé par de tels chants.

C’est à travers les tragédies vécues par le peuple palestinien que l’on mesure l’ampleur de notre inconsistance comme pays, comme société.

Mais la résistance renaît. Et de quelle manière ! La Coordination pour la Palestine s’étend et s’enracine, irrésistiblement, dans d’innombrables villes et villages de notre pays, redonnant vie à notre dignité politique.



07/07/2025

LUIS E. SABINI FERNÁNDEZ
Uruguay, Israel, Palestina: genocidio, ¿sí o no?
El presidente Yamandú Orsi “cree que no”

Luis E. Sabini Fernández, 6-7-2025

Nuestro país, Uruguay, y particularmente la dirección política con que se fue configurando el Uruguay moderno; el batllismo, la macrocefalia montevideana y el gobierno frenteamplista, tienen una relación, histórica, con Israel en la cual peor es meneallo.

Por lo tanto, y a medida que lo que rige Israel ha ido desnudando cada vez más sus rasgos primigenios, largamente ocultos o envueltos en la pesadilla nazi de la 2GM, pero poco a poco saliendo a luz con las intifadas, por ejemplo, y con las pesadillescas invasiones a la Franja de Gaza que abren un capítulo mucho más sangriento en la relación centro/colonia, pueblo señorial/pueblo colonizado, que estaba más velado inicialmente.

A medida que se fue despejando el contundente hecho colonial, con sus verdades profundas; el dominio de la tierra, el racismo, el supremacismo, el desprecio a todo afán democrático, la palabra Israel se ha ido haciendo más difícil de tragar, si lo procuramos unir, como tradicionalmente, con libertad, fraternidad, respeto de los pueblos. Otra palabra se ha vuelto aún todavía más impronunciable en los paladares de muchos uruguayos: Palestina (“grupo terrorista Hamás” se digiere mejor).

Por si hacía falta y no hubiese existido una matanza generalizada en el 2000, una invasión atroz en 2005, un rechazo visceral a los resultados electorales de 2006, donde los palestinos en elecciones limpias y sin resultados prefijados, rechazaron tanto el gobierno israelí como el de la Autoridad Nacional Palestina (que se había ido mimetizando poco a poco con el Estado de Israel) y… votaron mal. Es decir, las autoridades israelíes no aceptaron ese resultado electoral, aunque haya sido límpido como pocas veces. Como la opción democrática no se les avenía, Israel retornó al viejo sistema de poder: aprisionaron buena cantidad de candidatos elegidos democráticamente y procuraron darle una mano a la A.P. para que retuvieran la administración cisjordana.

Hamás, a quien le desconocieron la victoria contundente en Gaza y una victoria más medida en Cisjordania, logró desbaratar el golpe de estado en la Franja de Gaza, y retuvo el gobierno de ese territorio. En Cisjordania y Jerusalén Oriental, se impuso “la normalidad”.

Desde ese mismo momento, 2006, Israel inicia la operación de cerco, asfixia y aniquilamiento a los gazatíes, casi dos millones de habitantes. Bloqueo total. Ingestión mínima de alimentos controlada por el ejército israelí; sabotaje y/o voladura de usinas sanitarias e industriales; contaminación de suelos para dificultar o impedir su uso agrícola (vale recordar que la Franja de Gaza se cuenta entre los primeros territorios con uso agrícola en el mundo entero); bloqueo del aeropuerto de la Franja, bombardeado; bloqueo del uso marítimo para actividad pesquera y restricción absoluta del puerto, dejando apenas la pesca en la orilla; sabotaje y/o voladura de la red eléctrica y conexiones electrónicas.

A lo largo de las décadas, el proceso de brutalización israelí ha aumentado sin pausa. Y la población palestina, debió soportar represión policial,  atentados mortales con explosivos en hoteles,  ferias y buses, detenciones y muertes sumarias en las calles. Y responder, también con violencia, pero espontánea. Con el tiempo, la resistencia también adoptará modalidad guerrillera, que sirvió para “legitimar” la violencia fría y planificada del ocupante.

La política de cerco y aniquilamiento que elude hasta su propia realidad, llevada a cabo por el autodenominado “ejército más moral del mundo”, institucionalmente designado “Ejército de Defensa de Israel”; –dos designaciones que ejemplifican la política; la guerra de las palabras– que han llevado a la situación de paroxismo bien entrada la tercera década del  s xxi.

Un verdadero estratego, Yahya Sinwar, parece haber entrevisto el estado de situación al que el cerco de muerte había llevado a la Palestina más desdichada dentro de la desdichada Palestina. Y conociendo el overkill israelí, llevó a cabo un copamiento el 7 de octubre 2023, con armas cortas, alas delta, bicicletas, motocicletas y alguna excavadora de tercera mano.

Hamás logró así el strip-tease psíquico, político, ético y militar, del ejército ocupante. Con un costo de vidas altísimo, que dará lugar a esquivos interrogantes morales sobre la responsabilidad por tamaña cosecha de muerte.

Porque la muerte estuvo allí, bien presente. Y los brazos ejecutores bien a la vista. Y la voluntad genocida de los mandos sionistas resultó también explícita.

Con semejante cuadro de atrocidades, volvamos al Uruguay.

¿Qué nos dice el presidente? Que es un genocidio que no es.[1]

Afirmaciones opuestas e igualmente válidas (o más bien inválidas).

Porque, por ejemplo, un genocidio sería para Yamandú Orsi como una masacre. Una forma que entiendo abyecta de “bajarle el precio” a una política de exterminio racista, supremacista, absolutista.

Orsi alega que un genocidio no puede considerarse tal si ya fue calificado así otro episodio, otro acto “genocida”; es decir que Orsi se niega a calificar de genocidio algo que ha pasado después del 7 de octubre de 2023, porque ya se había calificado de genocidio actos acontecidos antes del 7 de octubre.

Como si un genocida fuese incapaz de reiterar su acto.

El presidente, en sus declaraciones a elobservador aclara que él pertenece a una fuerza política que resolvió sobre ese asunto (como sobre tantos otros). Pero el presidente observa que “cuándo tú asumes una tarea de gobierno, estás representando a todos el país.” Con lo cual introduce una delgada membrana entre la posición partidaria y la presidencial. Lo cual es correcto. Pero aclara, oscureciendo: “Y puedo estar de acuerdo o en desacuerdo con la posición del Frente Amplio o con la posición del Partido Nacional”. Y remata: “No agrega nada.”

Lo único que resalta es su insistencia en la intrascendencia de su opinión, de la emisión de su opinión (tal vez allí esté su sabiduría).

Define sucinta y correctamente el concepto de genocidio: “Genocidio implica que es el exterminio por el exterminio mismo, no dejar absolutamente a nadie… del otro.” Inobjetable.

Pero a continuación explicita: “Yo no tengo claro si el objetivo es ése. Yo creo que no. Quiero pensar que no.”

Tres frases atrozmente enlazadas: no tiene claro el desprecio supremo por la vida de los gazatíes, que Israel y la generalidad de los israelíes manifiesta desde hace décadas; basta ver apenas el saldo de centenares de muertos por las Marchas por la Tierra (2019 y 2020) que se hacían semana a semana, sin piedras, sin palos, absolutamente pacíficas, o el tratamiento despectivo en los checkpoints ante enfermos y parturientas, de soldaditos investidos como pequeños dioses.

“Yo creo que no.”: obliga a discernir si es pura ceguera o abrupto divorcio de la realidad.

Y su tercera frase: “Quiero pensar que no”, ya no alude a la realidad sino a los deseos de quien la formula: él quisiera que  [el agente genocida] no fuera tal. Esta frase podría hablar hasta de la conciencia moral del presidente, pero muy poco de la realidad, que por el contrario, puede ser así escamoteada. Que es lo que está haciendo con descaro e impudicia el gobierno uruguayo actual, tenido por izquierdista, por honesto, por justiciero.

El presidente se siente solidario promoviendo un proyecto de la “FAO con gente de Dinamarca” para jóvenes palestinos. A quienes la ONU les enseñará agricultura, la agricultura que los gazatíes conocen inmemorialmente. A los jóvenes gazatíes no les faltan conocimientos; lo que les falta es tierra y libertad. ¡Y a ONU/FAO lo que les falta es vergüenza!

Si el presidente Orsi ostenta tanta flojedad argumental, ¿qué nos depara la repartición del estado uruguayo –la cancillería –  que tiene que atender específicamente la situación?

Patetismo. La subsecretaria de Relaciones Exteriores, Valeria Csukasi – que es finalmente quien tiene que poner la cara– nos explica, casi nos apostrofa, ante la pregunta de por qué Uruguay no usa el término genocidio (aplicado a Gaza): “no creo que no sea un tema de que no lo usemos o lo usemos o no lo vayamos a usar, es parte del monitoreo que se hace permanentemente en la cancillería. Los términos en derecho internacional tienen un significado y tienen una terminología muy exacta, no los usamos como sinónimos o no los usamos a capricho, dependiendo de si nos gusta más o menos. En el caso de genocidio, y sobre todo a través de la Convención para prevenir, evitar, castigar el genocidio, tiene una configuración específica de situaciones que deben darse, que apuntan a querer eliminar completamente y con intención un tipo de población ya sea por su etnia, por su ubicación geográfica […].[2]

Y complementa nuestra funcionaria: “Algunos entienden que eso ya está configurado porque hay ciertos actores, israelíes, que han manifestado su voluntad de hacer desaparecer al pueblo palestino. Mientras que hay otros, donde todavía está Uruguay, que entienden que el gobierno de Israel no ha configurado aun esa intención.”

¡No ha configurado la intención! Pero ¿qué pretende la cancillería para configurar la intención? ¿Bombardear toda una ciudad derribando casi todas sus edificaciones no expresa voluntad de hacer desaparecer la ciudad?

¿Estrangular los accesos alimentarios y medicinales, año tras año, década tras década, no expresa voluntad de hacerlos desaparecer? ¿Balearlos o incendiarlos debajo de sus carpas, al barrer desde helicópteros, a menudo durante la noche, no expresa voluntad (cobarde) de hacerlos desaparecer?

¿Sabotear todo acceso a agua potable, aumentando notoriamente la morbilidad poblacional no configura esa intención?

¿Arruinar mediante bombardeos todos o casi todos los hospitales del área, tampoco la configura?

¿Y los centenares de periodistas asesinados tampoco? ¿Llevarlos más atrás de “la edad de piedra” como prometiera “El carnicero” Sharon tampoco?

¿Basurearlos en las calles, en los puestos de control, matarlos por cualquier nimiedad, no expresa voluntad de hacerlos desaparecer?;

¿Masacrar a miembros de toda una familia con adultos y jóvenes, ancianos y niños, no expresa voluntad de hacerlos desaparecer?

¿Y cuándo sus predadores –los llamados colonos– son ensalzados, no sólo no van a la cárcel sino que ¡hasta son desfachatadamente retribuidos!

¿Eso tampoco configura intención genocida?

Esto no es nuevo: cuando en 1947, antes del establecimiento del estado judío, Folke Bernadotte, el primer mediador de la entonces flamante ONU, gestiona negociaciones entre árabes y judíos, en un momento, tras fatigosas negociaciones empantanadas, declara: ‘los judíos no pueden quedarse con todo; hay que repartir Palestina entre los que estaban y los que llegan.’

Es asesinado y aunque fue un escándalo ver como la organización sionista se valía de métodos mafiosos, que obligó al administrador onusiano, Inglaterra, detener y aprisionar al asesino, dos semanas después se le conmutaba con descaro la pena y al poco tiempo el asesino de Bernadotte ocupó con honores un puesto de guardaespaldas para David Ben Gurión, el primer presidente israelí. Como el rigor sionista no perdona, a Bernadotte no se le hicieron las exequias que habrían correspondido a su rango; la ONU por entero ni se dio por enterada.

El genocidio no es ni siquiera nuevo. Pero no hay peor sordo que el que no quiere oír. Y no hay clínica auditiva que exonere al Uruguay.

Uruguay fue ensalzado por Israel y EE. UU. por su (más bien penosa) actuación en la UNSCOP, a fines de los ’40. Uruguay se destacó, además, en el cono sur americano porque fue el único estado regional que promovió el refugio a judíos y no albergó a los militares dispersados de los países del Eje.[3]

El gesto hospitalario del Uruguay batllista ante judíos despojados de sus derechos no superó el eurocentrismo. Y el Uruguay batllista no tuvo ojos para reconocer el fenómeno colonial sobre víctimas no europeas, como la propia Palestina.

El remate de semejante colonización mental se expresa en la labor intelectual de un Julio María Sanguinetti, que no tuvo nada mejor que publicar La trinchera de Occidente en 2018, repitiendo –¡un siglo después!– la tesis colonialista y eurocentrista de Theodor Herzl de implantar en el Cercano Oriente “un puesto de avanzada de la civilización frente a la barbarie [asiática]”.

El poder instaurado en Israel ha puesto al Uruguay en su regazo, y la institucionalidad uruguaya no ha sabido sino dejarse mecer, tras tan gratificantes arrullos.

Es con tragedias como la que ha sido forzado a vivir el pueblo palestino, que percibimos la gravedad de nuestra inconsistencia como país, como sociedad.

De todos modos, brota la resistencia. ¡Y cómo! Coordinación por Palestina se ha extendido y se afirma, imparable, en incontables ciudades y pueblos de nuestro país.

Rescatando nuestra dignidad política.

 Notas

[2]   Enumera otras “razones”, pero entendemos estas dos inicialmente presentadas como las más acordes con la situación.

[3] Los otros Estados del sur sudamericano, Argentina, Bolivia, Chile, Paraguay fueron tierra de adopción para muchos militares que empezaban a sufrir un invierno político en sus países. Eso no significó, empero, que sólo Uruguay recibiera judíos hostigados en Europa; Argentina fue destino de un gran caudal judío. Y otros países del sur sudamericano recibieron otras minorías perseguidas por el nazismo, como cristianos pacifistas, albergados en Paraguay.

JUAN PABLO CÁRDENAS
El más lucrativo de los negocios (en Chile y otros lugares): la política

 Juan Pablo Cárdenas S., 6-7-2025

La cifra más reveladora de las últimas elecciones primarias es la del alto número de abstenciones. De más de 14 millones 200 mil chilenos habilitados para sufragar solo lo hizo el 9.18 %.

Aunque el voto era voluntario, el balance del Servicio Electoral (SERVEL) anota que hubo también 31mil 690 votos nulos y otros 13 mil 186 en blanco. Esto significa que más de un tres por ciento de ciudadanos concurrió a votar cuando no era necesario hacerlo. Cifras que habría que sumarlas, por supuesto, a las de los no votantes registrada anteriormente. Vale la pena anotar que todas estas abstenciones superaron los votos obtenidos por los candidatos Winter y Mulet.

Aunque la candidata comunista resultó ganadora, es propio consignar que solo lo hizo con un 60 por ciento de los votos válidamente emitidos, secundada por Carolina Tohá con casi un 28. Porcentajes que se reducen dramáticamente si de los compara con el padrón electoral total.

Al respecto, si bien es legítimo que la candidata ganadora celebre su ventaja, lo cierto es que los resultados electorales anotan una enorme desafección ciudadana con la política y, también, por la democracia chilena. Desgraciadamente, no hubo primarias en la oposición para observar si este porcentaje de no votantes también se expresa en una competencia general. De todas maneras, hay que advertir que con estos resultados ninguno de estos candidatos podría cruzarse la banda presidencial.

Nadie podrá anotar que los candidatos oficialistas no contaron con tiempo y recursos para encarar su competencia. La televisión, especialmente, y las redes sociales les dieron amplia cobertura. Además de los millonarios aportes asignados por el SERVEL.

En efecto, hasta aquí, el Estado debe entregar más de 13 mil 274 millones de pesos para la organización logística de las primarias, sus gastos de publicidad como en tecnología y sistemas. Una cifra sideral habida cuenta las urgencias económico sociales, los déficits en materia de salud, vivienda y seguridad. Mientras que la amplia mayoría ciudadana no se interesó por participar en este evento, con razón, desde distintos ámbitos de la vida social hay quienes piensan que todos estos gastos electorales debieran recaer en los partidos políticos y sus militantes. Considerando, también, que apenas un dos o tres por ciento de la población forma parte de estas colectividades.

Todo lo anterior, da cuenta de la forma en que la clase política legisla y se favorece bajo la sombra del fisco. Veremos en los próximos meses si desde el Parlamento y la sociedad civil aumenta la demanda por corregir estas asignaciones abusivas y millonarias.

Por otro lado, también existe justa molestia al conocerse las asignaciones fiscales vitalicias en favor de los ex presidentes de la República. Es decir, para las figuras todavía vivas de Eduardo Frei, Ricardo Lagos y Michelle Bachelet. Así como próximamente Gabriel Boric.

Y no se trata de cifras modestas si de consideran los 7 millones 348 mil pesos mensuales que recibe cada uno como sueldo, más los 7 millones (cifra variable) para solventar sus gastos de oficinas y traslados.

Estos recursos necesariamente hay que compararlos con el sueldo mínimo que alcanzará en unos meses más los 529 mil pesos. Esto es 14 o 15 veces menos que lo obtenido por cualquiera de los ex presidentes. Una cifra de la cual se ufanan haber asignado muchos legisladores.

Algo a todas luces vergonzoso cuando se sabe de los múltiples ingresos que pueden generarse los ex mandatarios tanto a nivel nacional como internacional. Y especialmente bochornoso, si estas asignaciones se les destinan, aunque no hayan alcanzado los 60 o 65 años de edad, la que rige para los trabajadores que quieren jubilarse. Una realidad realmente abusiva si se considera que Gabriel Boric podrá acceder a estos montos antes de alcanzar sus 42 años.

Hasta aquí no se sabe si Boric renuncia o no a este privilegio político, o si alguno de los ex presidentes se mostrará propicio a renunciar o rebajar esta asignación. Especialmente ahora, cuando están citados a una audiencia en el Congreso Nacional para revisar esta situación por lo escandalosa que ha resultado en la opinión pública.

Ciertamente, son muchos los privilegios políticos que ampara nuestro sistema institucional, como lo son las asignaciones a los candidatos que participan en los diferentes comicios, resulten o no ganadores. Sin perjuicio, por supuesto, de los resultados que obtengan. Todo ello debe explicar el creciente interés de muchos chilenos por participar de los distintos eventos electorales. En particular si se considera la cantidad de candidatos presidenciales y parlamentarios que se están evidenciando para los comicios de fin de año.

Actualmente la política, más que una vocación de servicio público, es el negocio más lucrativo que ofrece el país, y que está en la antesala de los beneficios ilícitos que las autoridades pueden sumar durante el ejercicio de sus cargos. Entre los que se considera la privilegiada posición para favorecer el tráfico de estupefacientes. Así como ganar los dividendos que pagan el nepotismo y el tráfico de influencias.