Qu'est-ce
que cela peut nous faire, même si nous assistons à un « génocide en temps réel
», que des hordes de soldats, qui en plus se prennent en selfies devant les
villes et les villages qu'ils rasent, tuent des Palestiniens. Peu importent
leurs coups de canons, leurs bombardements, leurs snipers. Tout ça semble aller
pour le mieux, car ce sont les bâtiments, les rues, les hôpitaux, les écoles,
les habitants de Gaza qui tombent sous le feu sacro-saint du « peuple élu », de
la « fureur de Yahvé », ou peut-être, également en temps réel, de deux héros de
mauvais augure qui font couler le sang par tous leurs pores : Joe Biden et
Benjamin Netanyahou.
Que nous
importe qu'une jeune fille décharnée, transpercée par toutes les angoisses,
crie sur le caméraman qui filme tout ce malheur d'un peuple, si cela
n'intéresse personne. Et, à la longue, qui se soucie, par exemple, qu'un
Palestinien arbitrairement emprisonné par des soldats israéliens soit
déshabillé, dégradé, forcé de se tourner face contre terre et qu'on lui verse
un liquide sur les fesses. Ensuite, ils lâchent un énorme chien qui, excité par
l'odeur d'une substance qui l'excite démesurément, viole la victime sans
défense.
Ceux d'entre
nous qui ont vu le documentaire Gaza, réalisé par Al Jazeera,
pourraient rester sans voix, même si, dis-je, ces barbaries ne semblent
importer à personne, malgré toute l'infamie qui y est montrée, malgré cette
sauvagerie qui a toutes les teintes, les contours et les essences d'un
génocide. On pourrait dire, pourquoi pas, que les souffrances anciennes du
peuple palestinien, qui remontent au moins à 1948, n'intéressent aujourd'hui,
selon l'insensibilité de cette atrocité qu'on appelle « l'Occident », ni les cours
et tribunaux internationaux, ni personne d'autre.
Qui
s'émouvra, par exemple, lorsque des petits cons d'Israéliens enregistrent une
série de singeries sur Tik Tok pour se moquer des enfants palestiniens qui, au
milieu de grimaces moqueuses, s'enduiraient de sauce ou d'encre rouge, autrement
dit simuleraient des blessures pour poser devant les caméras. Ou ce que font
les soldats israéliens, avec des gestes satisfaits, en rasant des cuisines, des
salons, des vitrines, des maisons civiles, puis en posant avec toute la « grâce
» du « mannequinat » devant leurs photographes portraitistes propagandistes.
Ce terrible documentaire
questionne, parmi tant d’infamies de l'armée israélienne, l'utilisation des
réseaux sociaux sur lesquels les militaires partagent des photos et des vidéos
de leurs actions sans cœur à Gaza. Bien qu’on le sache déjà, Gaza montre
comment les USA, l'Allemagne, le Royaume-Uni et d'autres pays occidentaux
soutiennent la boucherie israélienne. Mais, comme on le sait, aucun organisme
de défense des « droits humains » ni aucun tribunal international ne les
condamnera.
Le
documentaire est déchirant, provocateur, voire larmoyant, et, pourquoi pas, on
peut même lancer des filsdeputes bruyants contre les meurtriers en
uniforme, mais, pour en revenir à notre mépris traditionnel pour ce qui arrive
aux autres, on s'en moque. C'est du moins ce que semble comprendre Susan
Abulhawa, écrivaine et journaliste palestinienne : « Les Palestiniens savent
qu'ils ont été abandonnés, que le monde qui parle de droits de l'homme et de
droit international ment, que ces concepts sont destinés aux Blancs ou aux
Occidentaux, que l'obligation de rendre des comptes n'est pas destinée à
obliger les oppresseurs à rendre des comptes, qu'ils ont en fait été jetés
comme des ordures ».
Et oui, cet
« Occident » civilisé, celui qui, au cours des deux seules guerres mondiales, a
causé un nombre de morts sans précédent dans l'histoire, celui qui a depuis
longtemps démoli l'édifice de la raison pour ériger des monuments à la
barbarie, regarde avec complaisance la destruction de Gaza, la brutalité à
l'encontre des Palestiniens. Ah, et pas seulement : il les promeut. C'est comme
si le mot d'ordre était d'anéantir ce peuple. De les exterminer. Le
documentaire d'Al Jazeera, qui rend également hommage aux journalistes
morts, témoigne de la manière terrifiante dont un peuple, une culture, est en
train d’être dévasté.
Il permet
aussi de déceler certaines sophistications dans le génocide. L'intelligence
artificielle au service de la destruction. Grâce à un système appelé « Where's
Daddy », des personnes sont suivies à la trace, un niveau de menace leur est
attribué et leur domicile est ciblé avec une grande précision. Des familles
entières ont ainsi été annihilées.
Quoi qu'il
en soit, ce sont des images douloureuses dans ce documentaire, qui constitue un
puissant réquisitoire. À quoi cela servira-t-il ? Au moins à dire au monde qu’on
ne s’en sortira pas, après tout, avec l'excuse qu’on ne savait rien de ce qui
se passait dans ces régions (pour certains très éloignées). Oh oui, des
Palestiniens ont été et sont encore tués. Point barre. Ce n'est pas de notre truc.
C'est leur affaire.
Autre chose : la plupart des victimes, sur les
plus de 41 000 tués par Israël, étaient des femmes et des enfants. Le droit
international a été déchiqueté par Israël et ses parrains. Comment faire pour
que nous nous en soucions ?
L’arrogance
israélienne est de retour, pour de bon. Qui aurait cru qu’un an après le 7
octobre, elle reviendrait, et à une telle échelle. Après avoir vaincu le Hamas
et détruit la bande de Gaza, nous sommes en train de vaincre le Hezbollah et de
détruire le Liban - et nous nous tournons déjà vers l’Iran.
Le dialogue
israélien évoque déjà un changement de régime dans ce pays, discute de l’assassinat
de l’ayatollah Ali Khamenei et délibère entre des frappes sur des installations
nucléaires et des frappes sur des installations pétrolières. Israël est dans un
état d’orgueil démesuré. Du fond du gouffre et de l’esprit brisé de la déroute
du 7 octobre
- elle a été comparée à l’Holocauste - aux sommets de l’arrogance du changement
de régime et du déplacement des peuples dans tout le Moyen-Orient. Et tout cela
en l’espace d’un an. Cela se terminera dans les larmes et le sang.
C’est dans la
nature de l’orgueil démesuré, par définition, que de se terminer par un
désastre. C’est dans la nature d’une volatilité aussi extrême, d’un holocauste
fictif à une victoire fictive, de s’effondrer.
Pendant ce
temps, des millions de personnes fuient l’armée israélienne pour sauver leur
vie, déplacées, réfugiées, démunies, désespérées, blessées, orphelines et
estropiées dans des cortèges de souffrances
sans fin à Gaza
et au Liban. Bientôt en Cisjordanie et peut-être aussi en Iran. Jamais autant
de personnes n’ont fui la terreur d’Israël, pas même lors de la Nakba de 1948.
Elles n’oublieront jamais ce qu’Israël leur a fait. Jamais. Pour Israël et les
Israéliens, cela apporte non seulement de la joie, de la satisfaction et de la
fierté nationale, mais aussi un trip de toute-puissance comme ils n’en ont
jamais vu, certainement pas depuis 1967.
Les succès
militaires, aussi impressionnants soient-ils, rendent Israël fou. La façon dont
nous avons fait sauter les bipeurs et dont nous avons tué leurs chefs :
tout le monde se congratule. L’attaque contre l’Iran risque d’en faire la
démonstration. Mais les succès militaires ne sont pas le plus important. Qu’est-ce
qui va suivre ?
Israël
estime que le ciel est la limite de ses attaques, de ses conquêtes, des tueries
et des destructions qu’il est capable de semer. Et rien ne l’arrêtera. Jamais
auparavant il ne s’est tenu ainsi devant un but vide, convaincu qu’il a reçu l’occasion
de donner le coup de pied de sa vie. L’un après l’autre, nous avons vu s’écrouler
les châteaux de cartes que l’on craignait tant : les roquettes de Gaza, les
missiles du Liban, les missiles de croisière du Yémen et les missiles
balistiques de l’Iran n’impressionnent plus personne.
L’impuissance
de la communauté internationale, et notamment des USA, renforce le sentiment d’ivresse.
Tout est possible. Il semble qu’Israël puisse poursuivre sans entrave ses
campagnes de conquête et de punition à la Genghis Khan. L’USAmérique le supplie
d’arrêter ; ses supplications ne
font aucune
impression sur les Israéliens. Et pour cause.
Mais Israël
pourrait découvrir que ses étonnantes victoires ne sont rien d’autre qu’un
piège à miel fatal, comme la victoire enivrante de 1967, dont nous mangeons
encore aujourd’hui les fruits pourris. Ce qui est présenté comme des capacités
militaires illimitées risque de se terminer par une victoire à la Pyrrhus. À
Gaza, Israël continue de maltraiter des millions de malheureux, même après
avoir annoncé que le Hamas avait été militairement vaincu. Pourquoi continuer ?
Parce qu’il le peut. Bientôt au Liban aussi.
Le châtiment
inutile et dangereux de l’Iran est discuté publiquement depuis des jours, comme
s’il n’y avait pas d’autre pays qu’Israël, pas de limite à ses possibilités et
personne qui puisse arrêter sa soif de pouvoir. En l’absence d’un véritable ami
qui le ferait, il ne s’arrêtera jamais de lui-même, jusqu’à ce qu’un désastre le
frappe. Et cela risque de se produire. Les succès militaires ont tendance à
être trompeurs et éphémères.
Les masses du
monde finiront par être rejointes dans leur aversion par leurs gouvernements,
et un jour (lointain), tout le monde en aura sa claque. Israël ne bénéficie d’aucun
soutien international, à l’exception des USA et de l’UEurope.
Il est vrai que ceux-ci n’ont pas encore bougé le petit doigt, mais un jour, leur
opinion publique pourrait changer la donne.
L’histoire
est pleine de pays ivres de puissance qui n’ont pas su s’arrêter à temps.
Israël s’en approche. En attendant, la pensée de millions de personnes au
Moyen-Orient fuyant dans la terreur devant lui, souffrant d’une douleur et d’une
humiliation indescriptibles sous nos bottes, devrait faire reculer de honte et
de peur chaque Israélien. Au lieu de cela, ce spectacle remplit le cœur des
Israéliens de fierté et les encourage à en redemander. Et il n’y a pas moyen d’arrêter
ça.
Le 7 octobre
a montré que nous Palestiniens et Arabes restons les héritiers légitimes de
notre histoire Nous restons les premiers témoins de notre passé, de notre
présent et de notre avenir.
La Dre Randa Abdel-Fattah est chercheuseau département de sociologie de l’université Macquarie, à Sydney, en
Australie. Ses domaines de recherche sont la Palestine, l’islamophobie, les
assignations raciales, la guerre contre le terrorisme, les identités juvéniles
et les mouvements sociaux. Elle est également l’une des plus éminentes
défenseuses de la Palestine en Australie, une ancienne avocate en contentieux
et l’auteure
de 12 livres publiés dans plus de 20 pays et traduits dans plus de 15 langues,
qui ont reçu de nombreuses récompenses. Elle a été récompensée ou
présélectionnée pour tous les principaux prix littéraires australiens. X.
Ce n’est pas
la première fois que j’écris un texte d’anniversaire J’avais quelque chose à
dire en mai 2023, en juin 2017, en mai 2018, en mai 2013, en mai 2008 et en mai
1998. J’avais quelque chose à dire cent ans après que Sykes et Picot eurent
découpé nos patries avec leurs stylos rouges et bleus. Je connais la marche à suivre. Commémorer un
événement, marquer un point discret repose souvent sur certaines conventions
narratives et certains procédés littéraires. Il s’agit notamment de faire la
chronique de ce dont nous avons été témoins, de ce que sont les moments
propices à la réflexion, du diagnostic et du remède ; une réflexion sur ce que
je ressens à propos du passé, du présent et de l’avenir. Je respecte tout ce
qui a trait à cet exercice.
Mais il ne s’agit
pas ici d’un texte d’anniversaire.
Je ne peux
pas écrire comme avant. Je ne peux pas rédiger un paragraphe de faits et de
chiffres qui résument l’horreur apocalyptique dont nous avons été témoins au
cours de l’année écoulée. Je veux résister à l’envie de faire le bilan de nos
souffrances. Je ne peux pas mesurer la destruction et l’injustice alors que le
génocide se poursuit et que le massacre industriel d’Israël s’est étendu au
Liban, à la Syrie et au Yémen.
Depuis le 7
octobre, nous avons vu, en temps réel, diffusées en direct sur nos écrans, des
scènes apocalyptiques de violence infligées méthodiquement à une population
assiégée, sous le regard du monde entier, au service d’un projet politique qui
n’a pas terminé son travail démographique, qui exige l’extermination des «
brutes », l’élimination des autochtones, afin d’atteindre l’objectif d’une
majorité juive et du contrôle de l’ensemble des terres volées, du fleuve à la
mer et au-delà, jusqu’au sud du Liban et à la Syrie. Chaque jour a été une
horrible chronique de génocide industrialisé, de domicide, de scolasticide, d’infanticide,
de féminicide, de médicide et d’écocide. Je ne peux pas supporter de passer au
crible mes tweets et mes messages sauvegardés - une bibliothèque d’une horreur
insondable - et de décider quelle histoire d’horreur sera retenue alors que les
bombes continuent de tomber et que les capitaux continuent d’affluer. Je ne
peux pas supporter de passer au crible les infographies basées sur des faits,
les discussions d’experts, les articles, les essais, les podcasts, les vidéos d’apprentissage,
les interviews, les posts TikTok et les histoires instagram et de proposer un
synopsis de ce paysage infernal. Comment résumer l’année écoulée ? Quelle
atrocité se retrouve dans mon décompte de mots ?
Je ne peux
pas non plus faire face à l’élaboration d’un arc narratif pour une année d’un
génocide qui se poursuit à l’heure où j’écris ces lignes Comment pourrais-je ne
serait-ce qu’esquisser des personnages et créer une intrigue à partir de Gaza ?
Tous les protagonistes, tous les genres, tous les livres et films que vous avez
lus ou regardés, tout ce que vous avez imaginé, se trouvent sur cette minuscule
bande de terre. Gaza peut vous offrir un voyage de héros, une histoire pour
enfants et jeunes adultes, une histoire d’horreur, dystopique, de
science-fiction, une intrigue d’action, des drames politiques à foison, des
tragi-comédies, des drames juridiques, des castings d’ensemble, une série
dérivée au Liban
Et rien de
tout cela n’a suffi à arrêter le massacre.
Au lieu de
réfléchir à l’année écoulée, je me retrouve à penser à la responsabilité. Ce
que cela implique pour nous lorsque le jour viendra et que nous assisterons à
la chute d’un empire. Comment rendre compte de tous les crimes et garantir l’exercice
de la justice ? Lorsque (et non pas si) Israël, le monde occidental et les
régimes arabes s’effondreront et devront rendre des comptes à la population, ce
sera l’heure des comptes où nous présenterons un registre de nos
avertissements, de nos plaidoyers, de nos prévisions et de la chaîne de
causalité
Si vous me
demandez ce qu’est l’espoir, je vous dirai qu’il y a eu une lueur le 7 octobre
Elle était palpable, réelle et exaltante Si vous me demandez ce qu’est la
confusion, la peur et les attentes, elles étaient présentes dans les premières
heures et les premiers jours Si vous me demandez ce qu’est un génocide, je vous
dirai qu’il aurait pu être arrêté Si vous m’interrogez sur la liberté, la
justice et la paix, je vous dirai qu’elles auraient pu être réalisées. C’est
pour ces raisons que nous devons garder les pièces à conviction pour le moment de
la reddition des comptes.
Pour cet
essai, je propose non seulement mes mots, mais aussi certains des mots de mes
amis et camarades de la diaspora dans la colonie australienne, dont les
premières réactions au 7 octobre révèlent que nous Palestiniens et Arabes restons,
et devons insister pour rester, les héritiers légitimes de notre histoire. Nous
restons les premiers témoins de notre passé, de notre présent et de notre
avenir Nous restons les propriétaires de notre récit. Nous avons prédit, nous
avons analysé ; parfois nous avons surestimé, parfois nous avons sous-estimé.
Je relis les messages que nous avons échangés au début du mois d’octobre et je
pleure. Parce qu’à l’époque, alors que nous tapions des mots d’espoir, de peur
et de confusion, nous ne savions pas que certains d’entre nous assisteraient à
l’assassinat de membres de leur famille. Nous ne savions pas qu’un an plus
tard, les maisons et les vies de certains de nos parents et amis seraient
détruites Alors que certains d’entre nous écrivaient sur l’évacuation de leur
famille et de leurs amis, nous ne savions pas qu’ils seraient contraints d’accomplir
leur propre Nakba. Nous ne savions pas que nos victimes seraient un flux
continu et mondial d’Israël déchiquetant, bombardant, décapitant et mutilant
des enfants, des femmes, des hommes, des travailleurs de la santé, des
journalistes, des étudiants, des enseignants et toutes les catégories d’êtres
humains, uniquement parce que le Palestinien, l’Arabe, a été désigné comme
non-humain.
Alors que
nous étions inconsolables devant 1 000 enfants martyrs, nous ne pouvions
imaginer que les gouvernements du monde entier autoriseraient le meurtre de 16
500, voire 100 000 enfants selon les calculs de Lancet.
Les messages
ci-dessous sont tirés de discussions de groupe auxquelles j’ai participé. Des
amis palestiniens, dont des militants, des universitaires, des artistes et des
avocats. Les messages parlent d’eux-mêmes Et nous rappellent, un an après, que
nos voix suffisent Si seulement le monde écoutait.
Choc, confusion,
espoir
7 octobre
2023, 8h00 (Israël), 15h00 (Australie)
15 h 21 : «
Je n’arrive pas à croire ce que je vois Une évasion massive de prison !
15 h 21 : «
Les événements actuels sont décrits comme étant sans précédent depuis 1973,
date à laquelle Israël a déclaré une “guerre”.
15:33 : « Je
suis entre l’excitation totale et la crainte de l’effusion de sang On signale
la capture de trois soldats vivants ou morts. Aljazeera essaie de confirmer.
15 h 37 : «
Aljazeera confirme. Il semble qu’il y ait également un grand nombre de
victimes.
15 h 41 : «
Israël craint d’avoir perdu le contrôle du passage d’Eretz !
15 h 43 : J’ai
l’impression que mon effroi nie la puissance de la résistance. Ils savent ce qu’ils
affrontent et ce qu’ils risquent, et pourtant ils persistent. Néanmoins, j’éprouve
toujours de l’effroi pour ce qui va suivre.
15 h 48 : «
Des rapports font état de dizaines de victimes du côté israélien. Les détails
sont flous.
15:48 pm : «
Grande peur à Gaza de ce qui va arriver S’il vous plaît, pas de nouveau mai
2021 ou d’opération « Plomb durci ».
15 h 49 : «
Israël a perdu le contrôle du point de passage d’Eretz avec Gaza !
15 h 50 : «
Pas possible ! Ce n’est pas possible !
16 h 16 : «
Gaza, nous ne l’avons pas vu venir. C’est incroyable !
16 h 22 : «
Al Jazeera interviewe un commentateur israélien qui dit que cela va “renforcer
la poigne de Netenyahou contre l’opposition”. Je pense que les voisins m’auraient
entendu jurer contre la télé !
16:24 : «
Cela n’a aucun sens.
16:28 pm : «
Bien sûr, en anticipant une réponse d’Israël. Une population assoiffée de sang
en Israël apprécierait maintenant le bombardement de Gaza, l’assassinat de
dirigeants et la destruction qui s’ensuivra. Et ils iront sur la colline pour
regarder !
4:29 pm : «
Nous étions juste là et tout indiquait un accord de paix économique.
Personne à
qui j’ai parlé n’en avait la moindre idée ... on avait l’impression que Gaza s’éloignait
du reste de la Palestine.
16:30 : « Et
maintenant, Gaza est de nouveau à l’ordre du jour.
16:30 : «
Mais s’ils ont des otages ?
16:30 : «
Ils seront heureux de faire des compromis avec eux. Ils l’ont fait pendant la
dernière guerre.
16:31 : « C’est
différent.
16 h 31 : «
Peut-être.
16:33 : « Je
mise sur Gaza. Elle est indestructible.
17h00 : «
Est-ce mal de souhaiter qu’ils aillent jusqu’à Ramallah et qu’ils destituent
Abbas ?
17 h 00 : «
Mon père dirait qu’ils devraient alors libérer Barghouti et le placer au
sommet.
17 h 33 : «
Le Hamas fait état de 35 Israéliens capturés.
17:34 : «
Soit Israël entre dans une guerre à grande échelle, soit, compte tenu du nombre
de soldats et de colons kidnappés et de la pression interne, il s’abstient de
mener une guerre et demande l’échange de prisonniers. Cette fois-ci serait
différente des autres.
17 h 42 : «
La reprise du point de passage d’Erez est une action tellement symbolique qu’elle
donnera un coup de fouet au moral de tous les habitants de Gaza. Le point de
passage est un symbole d’humiliation, d’emprisonnement et d’oppression
En outre,
cela dissipera le mythe de la surveillance électronique, du repérage par
satellite et du renseignement dont Israël se vante.
18:54 : «
Des appels aux pogroms maintenant. Nous pourrions assister à des scènes
similaires à celles de mai 2021.
20 h 51 : «
Je n’arrive toujours pas à croire que c’est en train de se produire.
20 h 52 : «
Moi non plus. Les images diffusées à la télévision sont sans précédent.
20:56 : «
Alors, Israël va-t-il tenter de réoccuper la bande de Gaza ? La dernière fois,
il y a eu 53 jours de guerre. Aucun objectif n’a été atteint.
21 h 05 : «
Je vois des tweets où l’on compare ça au 11 septembre - ils utilisent toujours
l’islamophobie mondiale pour s’attirer de la sympathie.
21:07 : «
Nous devons nous préparer pour demain. Ils vont faire démarrer l’horloge le 7
octobre.
21 h 07 : «
Oui, parce que le 6 octobre, c’était l’utopie pour les Palestiniens.
21:08 : «
Nous devons trouver des citations de ministres israéliens qui, au fil des ans,
ont expliqué qu’ils voulaient vivre par l’épée. Rien que cette année, il y a
plus de 230 victimes, des enfants, des personnes âgées, des maisons détruites,
des maisons occupées, etc. Rappeler aux gens le POURQUOI.
21:08 : « Je
viens de regarder Netanyahou. Il se la joue Président Snow donnant
des téléconférences dans La Révolte.
21 h 10 : «
Ils parlent d’une force sans précédent, mais je ne peux pas imaginer que ce
soit pire que tout ce qu’ils ont fait... C’est très effrayant.
22:29 : « Le
bilan de l’assaut israélien sur Gaza s’élève à 161 Palestiniens tués. Au moins
1000 blessés selon des sources locales.
23 h 05 : «
Ya rab facilite-leur la tâche.
1 h 28 : «
Je crois que j’ai compris pourquoi le Hamas fait ça maintenant. Le discours de
Haniyeh s’adresse clairement au monde arabe et musulman. Il redonne espoir dans
la résistance palestinienne et ravive l’imagination des normalisateurs
défaitistes. Il s’agit d’une démonstration de force qui espère remettre la
Palestine au centre après qu’elle a été mise de côté.
Évacuer
ou rester
13
octobre 2023
14:29 : «
Les habitants de Gaza nous demandent de leur confirmer s’ils doivent partir.
Ils ont perdu l’internet et la communication et ne savent pas quoi faire.
14 h 45 : «
Ma famille refuse de partir. Ils disent que cette fois-ci, c’est différent. Gaza
a montré qu’Israël n’est pas invincible Ils pensent que cette fois-ci, les
Arabes et les dirigeants musulmans seront à la hauteur.
15:29 : «
Ordre d’évacuation : quelqu’un peut-il vérifier les sources de cette
information ? Il pourrait s’agir d’un bobard israélien faisant partie de la
guerre psychologique.
15:39 : «
Nos familles, en fait nos voisins aussi, se dirigent tous vers le sud. L’expulsion
est en cours. On craint beaucoup le manque d’eau dans les jours à venir.
15 h 31 : «
Je m’organise avec ma famille pour savoir comment partir.
15 h 31 : «
Les miens refusent. Ils disent qu’ils vivront et mourront à Gaza. Mon cœur se
brise.
15 h 35 : «
L’ONU déclare qu’Israël demande l’expulsion de 1,1 million de personnes du nord
au sud de Gaza. Ce n’est pas seulement un génocide, c’est un redécoupage
géographique.
15:40 : «
Oui - mes oncles sont au milieu de la bande de Gaza - 1,1 million de personnes
vont déménager au milieu et au sud de la bande de Gaza - c’est de la folie, je
ne peux pas l’imaginer.
16 h 48 : «
Je suis tellement en colère. La folie de ce monde.
16 h 49 : «
Où allez-vous trouver de l’eau, de la nourriture, un abri pour 1,1 million de
réfugiés en 24 heures ?
16 h 52 : «
Que pouvons-nous faire ? Il faut faire quelque chose !
16:56 : «
Est-ce qu’ils nous placent dans une zone géographique plus restreinte pour nous
éliminer avec moins d’armes ?
17 h 02 : «
Il est incompréhensible que la deuxième Nakba se produise et que nous essayions
de convaincre le monde que nous ne sommes pas des tueurs de bébés.
17:10 : « Le
mode opératoire sioniste consiste à détourner l’attention et à nier l’existence
du problème ».
Avertissement
relatif au contenu
14
octobre 2023
8h19 : « Un
message de Perth homeschooling [Éducation à la maison]] avertissant les parents de supprimer les
applications de médias sociaux de leurs téléphones alors que les terroristes du
Hamas devraient publier des vidéos angoissantes d’otages israéliens suppliant
pour leur vie. Comme l’a fait remarquer un psychologue, « les vidéos et les
témoignages auxquels nous sommes actuellement exposés sont plus grands et plus
cruels que ce que nos âmes peuvent contenir ». Il est conseillé aux parents
australiens de surveiller de près l’utilisation des médias sociaux par leurs
enfants et d’être conscients qu’ils peuvent tomber sur des contenus
incroyablement pénibles. Posté sur le site féministe Mamamia, destiné aux
femmes blanches. Évidemment.
8 h 25 : «
Il est difficile de comprendre comment ils s’en sortent avec ces atrocités.
8 h 27 : «
Parce que les atrocités commises sur les corps des Palestiniens ne nécessitent
pas d’avertissement sur le contenu.
Liberté
académique
14
octobre 2023
10 h 02 : «
Je pense que les choses vont très mal se passer dans les universités.
10 h 02 : «
La liberté académique va être le champ de bataille de l’ IHRA.
10 h 03 : «
Notre existence sur le campus en tant que Palestiniens sera littéralement
considérée comme un déclencheur.
10 h 05 : «
Les gens ont droit à une sécurité réelle. Pas à un sentiment constant de
sécurité. Je trouve que beaucoup de gens n’arrivent pas à faire la distinction
entre les deux.
Droit
international et courage
15
octobre 2023
12 h 40 : «
J’ai réfléchi à ce qui pouvait être fait sur le plan juridique La meilleure
chose à laquelle j’ai pu penser est une demande de mesures provisoires d’un
État tiers ou d’un État ami auprès de la CIJ. Mais la question est de savoir
quel État aurait le courage de le faire.
Le
génocide en direct
15
octobre, 202
11:09 pm : «
Je viens de voir des vidéos de bébés décapités à Gaza par Israël. Je vais vomir.
C’est tellement horrible.
23 h 13 : «
Je suis déchirée et je pense que les gens doivent voir et affronter ces
horreurs, je veux témoigner et les habitants de Gaza nous demandent de
témoigner C’est peut-être la seule chose qui les sauvera.
11:13 : « C’est
un énorme avertissement sur le contenu ».
23 h 14 : «
Cela ne fait aucune différence Je ne sais même pas pourquoi nous partageons ce
genre de choses. Tout ce que cela fait, c’est contribuer à notre
déshumanisation et à l’aggravation de nos traumatismes.
23h15 : « Je
comprends. Mais c’est une preuve, en temps réel. Cela change la donne. Le Liban
de 1982, Reagan et Israël ne peut pas maintenir sa hasbara. Les gouvernements
ne pourront pas nier ce que nous voyons tous sur nos écrans Notre
déshumanisation, oui, mais elle pourrait enfin inciter le monde à agir.
Pouvez-vous
nous mettre en contact avec des habitants de Gaza ?
16
octobre 2023
16:55 : « Je
crains que l’histoire ne sorte du cycle de l’information. Cela s’est passé en
2014. Vous remarquerez déjà que les demandes d’articles vont diminuer.
16:55 : «
Ils veulent entrer en contact avec les habitants de Gaza. Que dois-je leur dire
? Entre deux tentatives pour trouver un abri, de la nourriture et de l’eau,
pouvez-vous parler à ce journaliste de vos souffrances pour qu’il puisse
modifier vos propos et les intégrer dans son histoire à double sens ?
16 h 59 : «
Nos familles ne veulent pas parler aux médias, car elles ont peur qu’Israël
bombarde les maisons dans lesquelles elles se trouvent.
17:05 : « L’ABC
[télévision publique australienne] aurait dû se battre pour avoir ses
journalistes sur le terrain plutôt que d’accepter les ordres israéliens d’oublier
Gaza depuis des décennies. J’en ai assez de devoir passer la moitié de mes
journées à mettre en relation des médias paresseux avec des personnes sur le
terrain pour qu’elles correspondent à l’angle d’attaque qu’elles doivent
colporter pour obtenir des clics et des vues. J’en ai assez, mais je ne vois
vraiment pas d’autre solution.
17 h 10 : «
Nous devons continuer à raconter l’histoire Nous ne sommes pas considérés comme
des êtres humains.
1000
enfants
16
octobre 2023
20 h 06 : «
1000 enfants sont morts, mec. Je n’arrive vraiment pas à le supporter.
Ça se
propage
18 octobre
2023
5h00 : « Mon
Dieu Ça se propage.
10 h 46 : «
Je pense que la Cisjordanie va bientôt s’enflammer J’ai parlé à ma famille à
Jénine.
16 h 22 : «
J’ai parlé à mon père et j’entendais des tirs d’obus en arrière-plan. Il m’a
dit que depuis six heures, ils tirent des obus sur le Liban toutes les deux
heures. Ils ont commencé à 2h15 du matin et toute notre maison tremble à cause
de leur proximité car, comme en 2006, ils ont placé toutes leurs unités d’artillerie
près des villages arabes.
Nos cœurs
n’en peuvent plus
19
octobre 202
8h53 : « On
estime que 600 enfants sont encore sous les décombres, nos nerfs sont fatigués,
nos cœurs n’en peuvent plus, des appels pour savoir s’ils sont vivants, des
appels pour savoir où ils sont, je pensais que ma famille avait été anéantie
hier, cette merde est réelle, ce n’est pas un jeu politique.
8h54 : « 600
Ya Allah.
9h02 : « Nous
triompherons et nous nous retrouverons dans notre Palestine libre. Nous
reconstruirons et nous nous rendrons visite là-bas. Nous prendrons le train de
Haïfa à Beyrouth. Laissez votre rage vous aider à imaginer.
9 h 02 : «
Nous ne pouvons pas désespérer. Les peuples du monde sont avec nous L’élite
dirigeante ne l’est pas. La question angoissante est de savoir combien de temps
nous devrons attendre et à quel prix.
L’apparition insistante de Yaël
et Sisra dans plusieurs romans d’Agatha Christie m’a d’abord laissée perplexe :
ces personnages bibliques sont à peu près inconnus en France. Du reste, nous ne
connaissons à peu près rien de la Bible, dont la lecture, dans la tradition
catholique, était déconseillée (et pour cause !). Par contre, le
protestantisme, qui prônait un retour aux textes, en a fait son texte sacré,
remplaçant l’expression « parole d’Evangile » par « parole de la Bible » - ce
qui a mis en lumière bien des passages embarrassants.
Yaël et Sisra Artemisia Gentileschi,
1625-30
Huile sur toile, 93 × 128 cm
Budapest, musée des beaux-arts
Tout foyer anglo-saxon possède
une Bible, et on la lit (ou la lisait) à tout bout de champ, comme un oracle et
une panacée. Dans Mrs. Craddock (1902), de Somerset Maugham, un
personnage, pour consoler une amie dans l’affliction, après une naissance
mort-née, lui propose d’ouvrir la Bible au hasard, et de lui faire la lecture :
elle tombe sur une liste interminable de généalogies, mais persiste, impavide, dans
ces curieuses consolations. Quant aux pasteurs, leur sermon du dimanche, 52
semaines par an, consiste en une glose d’un passage de la Bible : ils ne
peuvent donc pas se contenter des épisodes les plus connus, mais doivent aller
chercher des histoires de derrière les fagots, dont les moins édifiantes ne
sont pas celles qui marquent le moins l’imagination de leurs ouailles.
L’histoire de Yaël et Sisra
semble avoir particulièrement intéressé Agatha Christie, qui y revient dans
plusieurs romans, en particulier dans Le crime de Halloween (1969). Mrs.
Oliver, le double intradiégétique d’Agatha Christie, réfléchit sur les prénoms
étranges que choisissent parfois les parents : « Qui est-ce, déjà, qui a
enfoncé des clous dans la tête de quelqu’un ? Yaël, ou Sisra. Je ne me rappelle
jamais qui est l’homme et qui est la femme, Yaël, sans doute. Je ne crois pas
avoir jamais connu un enfant baptisé Yaël. - Elle lui a servi du lait dans une
magnifique coupe d’albâtre », intervient la petite Miranda. « L’histoire de Yaël
et de Sisra m’a beaucoup plu. Je n’aurais jamais eu l’idée, ajouta-t-elle,
songeuse, de faire ça moi-même. D’enfoncer des clous, je veux dire, dans la
tête de quelqu’un qui dort ».
Cette histoire paraît
abracadabrante, et aurait plutôt sa place dans un recueil d’histoires gore
de Halloween, que dans un livre sacré ! Mais elle figure bel et bien dans la
Bible, dans le Livre des Juges, 4, 17-24. Après 20 ans de domination du roi de
Canaan Yavîn sur Israël, Baraq, inspiré par la juge et prophétesse Déborah, «
se lève » contre lui et écrase son général Sisra. Celui-ci cherche refuge auprès
de Héber le Qénite (descendant de Caïn), qui était alors en paix avec Yavîn. La
femme d’Héber l’accueille dans sa tente selon tous les rites de l’hospitalité :
« Arrête-toi, mon seigneur, arrête-toi chez moi, ne crains rien », dit-elle,
elle le recouvre d’une couverture, et lui donne à boire du lait d’une outre (la
« coupe d’albâtre » est sans doute due à l’imagination de Miranda). Sisra s’endort
profondément ; alors, « Yaël, femme d’Héber, prit un piquet de la tente, saisit
dans sa main le marteau, entra auprès de lui doucement et lui enfonça dans la
tempe le piquet ». Curieusement, Héber reste dans tout cet épisode à l’état
d’Arlésienne : on ne saura jamais comment il réagit à l’initiative de sa femme.
Ce qui conclut l’épisode, c’est
par contre le Cantique de Déborah, qui remercie Dieu, et exalte Yaël en
décrivant son exploit de façon encore plus sadique , retournant, on peut dire,
le couteau dans la plaie : « Elle étendit sa main vers le piquet et sa droite
vers le marteau des travailleurs, elle martela Sisra et lui broya la tête, elle
lui écrasa et transperça la tempe ». (le curieux « marteau des travailleurs »
n’apporte bien sûr pas une note marxiste-léniniste, il insiste en fait sur le
côté sordide et sadique du modus operandi de Yaël : Sisra n’est pas tué
par l’épée, arme noble, mais par un vulgaire outil, brutalement manié). Et Déborah
lance un appel à la guerre sainte : « Lorsqu’Israël se consacre totalement, lorsque
le peuple s’offre librement, bénissez le Seigneur ».
En effet, une note de la
traduction œcuménique de la Bible éclaire ce passage : « ‘se consacrer
totalement’, c’est se consacrer à Dieu en vue de la guerre sainte ». Il y est
aussi précisé que le cantique de Déborah est un des plus anciens textes de la
Bible : la visée propagandiste et guerrière de ce livre est donc présente dès
le départ et, comme souvent, les positions les plus dures sont incarnées par
des femmes. (Dans le monde traditionnel, ce sont les femmes qui sont les gardiennes
de la tradition et des valeurs nationales ; on trouve la même chose dans la
mythologie grecque : contrairement à l’interprétation habituelle, Antigone
n’est pas une rebelle, elle défend au contraire le droit du sang immémorial
contre le droit novateur de la Cité).
Yaël et
Sisra
Lucas van Leyden, vers 1517
Gravure sur bois (24 × 17 cm) Rijksmuseum, Amsterdam
L’histoire de Judith et
Holopherne sera plus tard un autre « roman pieux et patriotique » conçu sur le
même modèle. Yaël se distingue cependant par son mépris total des règles de
l’hospitalité, sacrées dans le monde antique. On peut bien opposer à cette
histoire celle de Loth, dans la Genèse, qui protège les deux anges, ses hôtes,
de la concupiscence des habitants de Sodome ; mais ici, le respect des règles
de l’hospitalité par Loth ne sert qu’à condamner les Sodomites et aboutit à un
génocide, perpétré par Jéhovah.
Yaël se distingue aussi en
inaugurant un type d’« héroïne bricoleuse», dont les trafiqueurs et
trafiqueuses de bipeurs et talkie walkies d'aujourd'hui sont les dignes émules.
L’émotion
nationale médiatisée en Espagne suite à l’annonce que la présidente du Mexique,
Claudia Sheinbaum, n’a pas invité le roi bourbonien à son investiture amène à
se poser la question de savoir si - comme le dit une affiche largement diffusée
ces jours-ci dans les rues d’Espagne - les conquistadors étaient des «
génocidaires et esclavagistes » ou « des héros et saints ». Cette question nous
oblige à étudier et à apprendre les causes et les conséquences du colonialisme
et à tirer des conclusions sur un pays qui célèbre comme fête nationale la date
du début d’un génocide.
Campagne d’affiches
de l'Association catholique des propagandistes (sic) pour ce qu’elle continue d’appeler
le « Jour de l’Hispanité » (12 octobre)
Il faut
savoir que rien qu’au cours du premier siècle de la colonisation, les Espagnols
ont provoqué la mort de 56 millions d’habitants de l’Abya Yala, nom utilisé par
les peuples originels pour désigner le territoire de Notre Amérique. Il est
également important de savoir qu’au cours de la même période, la monarchie bourbonique
a volé jusqu’à 9 550 tonnes d’or et d’argent dans la région, avec lesquelles
elle a financé sa propre opulence et celle des autres maisons royales d’Europe.
Lorsque le
25 mars 2019, le président Andrés Manuel López Obrador a écrit au roi Felipe VI
d’Espagne et au pape François pour leur demander de présenter des excuses aux
peuples originels du Mexique pour les abus commis lors de la conquête du pays
il y a 500 ans, c’est à cela qu’il faisait référence. Le président mexicain de
l’époque leur a demandé « d’examiner les doléances et de demander pardon aux
peuples originels pour les violations de ce que l’on appelle aujourd’hui les
droits humains ». Il ajoutait : « Il y eut des tueries, des
assujettissements. La soi-disant conquête s’est faite par l’épée et par la
croix ».
Au vu de
ces chiffres, il n’y a pas lieu d’être choqué par cette demande, ni de la
considérer comme un affront national (bien que l’Espagne ne soit pas une
nation, mais une somme de nations, sous domination castillane). La famille des
Bourbons n’est pas originaire de l’Espagne actuelle, mais vient de France et a
été imposée dans la péninsule par des mariages arrangés pour conquérir et
conserver le pouvoir.
La Pinta, la
Niña et la Santa María, les 3 caravelles de Christophe Colomb, par le
dessinateur Eneko
Dans une
lettre au président mexicain publiée le 26 septembre 2021 à l’occasion de l’anniversaire
de l’indépendance du Mexique, le pape François a présenté ses excuses pour les
« péchés » de l’Église catholique dans ce pays. La plus haute autorité de l’Église
catholique a déclaré : « Mes prédécesseurs et moi-même avons demandé pardon
pour les péchés personnels et sociaux, pour toutes les actions ou omissions qui
n’ont pas contribué à l’évangélisation ».
López
Obrador a déclaré que tout le monde devait demander pardon à l’occasion du 500e
anniversaire de la chute de Tenochtitlán, la capitale aztèque, après deux mois
et demi de siège qui ont conduit à sa prise par le cruel conquistador et
aventurier Hernán Cortés, originaire d’Estrémadure, ce qui a signifié l’effondrement
définitif de l’empire mexicain. Ce faisant, il a voulu faire de 2021 une année
de réconciliation nationale et internationale. Avec une conviction totale, il a
déclaré qu’il était « temps de dire que nous allons nous réconcilier, mais
demandons d’abord pardon ». Il a donné l’exemple en disant qu’il le ferait
aussi « parce qu’après la colonie, il y a eu beaucoup de répression des peuples
originels », faisant référence au châtiment subi par les peuples maya et yaqui
pendant le gouvernement du président Porfirio Díaz (1872-1910).
Il est
intéressant de noter que dans cette demande de pardon et cette recherche de
réconciliation, López Obrador a inclus la communauté chinoise qui a également
été réprimée pendant la révolution mexicaine, en particulier dans les États du
nord du pays.
Mais le
gouvernement espagnol et sa monarchie corrompue ont refusé de prendre des
mesures positives en vue d’une réconciliation totale. Au contraire, ils s’étonnent
aujourd’hui qu’enfin, des dirigeants dignes n’invitent pas le représentant
royal à accompagner un acte démocratique émanant de la souveraineté du peuple,
chose qu’ils ne connaissent pas en Espagne puisqu’ils n’ont jamais élu leur
chef d’État [sauf pendant la brève Première République de 1873-1874 et la
Seconde de 1931-1939, NdT].
Au
contraire, le gouvernement espagnol, essayant de cacher la honte émanant des
malheurs et des infortunes du processus de conquête et de colonisation, a
regretté que la lettre de López Obrador ait été rendue publique. On peut donc
supposer que Lopez Obrador avait raison, mais qu’il n’aurait pas dû le faire
savoir ouvertement « pour ne pas salir l’honneur de la monarchie ». Se sentant
offensé, le gouvernement de Madrid a couronné sa déclaration ridicule en
affirmant qu’il rejetait « avec la plus grande fermeté » le contenu de la
lettre de López Obrador.
Trois ans
plus tard, devant l’étonnement et la lamentation de l’élite espagnole face à la
non-invitation du roi bourbonique au changement de gouvernement au Mexique, en
toute transparence, la présidente Claudia Sheinbaum a déclaré que l’Espagne
avait bien été invitée à la cérémonie du 1eroctobre, mais pas le roi Felipe car le
monarque, avec un mépris total, a refusé de répondre à la demande de López
Obrador d’une réconciliation définitive entre les deux peuples, ce qui, selon
un communiqué publié par Sheinbaum, « aurait correspondu à la meilleure
pratique diplomatique des relations bilatérales ». Fin de l’affaire
Sur un
autre plan, il convient de se demander si, comme le prétend l’ultra-droite
espagnole, les conquistadors, compte tenu des 56 millions de personnes tuées et
des 9 550 tonnes d’or et d’argent volées, sont bien des « héros et des saints
». En ce sens, il convient de dire que les voyages de cette époque n’ont pas
toujours été considérés comme des « découvertes » et qu’ils n’ont pas toujours
nécessité la « croix et l’épée » pour imposer par la force des cultures et des
religions étrangères.
Carte du monde
attribuée à Zheng He
En 1403,
près de 90 ans avant que Christophe Colomb ne « persuade » la reine de Castille
Isabelle II de financer son entreprise d’exploration vers l’ouest, l’amiral
chinois Zheng He a entamé le premier de ses sept voyages à travers la mer
connue sous le nom d’« océan occidental ». Jusqu’en 1433, les voyages de Zheng He
étaient essentiellement limités à l’océan Indien, couvrant jusqu’à 30 pays d’Asie
et d’Afrique, atteignant la côte ouest de l’Inde et s’étendant plus tard au
golfe Arabo-Persique et à la côte est de l’Afrique.
Comparée aux
trois caravelles de Christophe Colomb, d’une longueur de 25 à 30 mètres et d’une
largeur de 6,5 à 9 mètres, qui transportaient environ 25 marins chacune en
1492, la flotte de l’amiral Zheng comptait en 1405 « plus de 240 navires et
plus de 27 000 soldats et membres d’équipage [et] était équipée d’une variété
de professionnels, dont des bateliers, des marins, des soldats, des
médecins, des cuisiniers, des interprètes, des diseurs de bonne aventure et
même des coiffeurs », selon une étude du professeur Wan Ming, chercheur à l’Institut
d’histoire ancienne de l’Académie chinoise des sciences sociales (CASS) et
président de la Société chinoise pour l’histoire des relations sino-étrangères,
qui estime que les voyages de Zheng He doivent être considérés comme les plus
grands de son époque « en termes d’échelle, de nombre de navires et de marins,
et de durée ».
Zheng He
a organisé la flotte sur la base d’une conception nautique qui établissait l’existence
de navires différenciés par leur mission. Ainsi, il existait des navires de
commandement, des navires de guerre et des navires logistiques. Parmi ces
derniers, il y avait ce que l’on appelait les « navires au trésor », qui
servaient à transporter les marchandises destinées au commerce. Les navires au trésor
étaient situés au centre de la flotte, et les navires de guerre autour d’eux.
En fait, les voyages réussis de la flotte de Zheng He ont également démontré l’excellence
de sa technologie nautique et de ses compétences en matière de navigation.
Les navires au
trésor étaient les plus gros navires de la flotte de Zheng He. Ils sont
notamment décrits dans le roman d'aventure de Luo Maodeng, Les
voyages de l'eunuque aux trois trésors vers l'océan occidental (1597). L'auteur
écrit que les navires avaient neuf mâts et mesuraient 140 mètres de long et 55
mètres de large, ce qui semble difficile à croire. Les chercheurs pensent
que les navires avaient probablement cinq ou six mâts et mesuraient entre 75 et
90 mètres de long.
Bien que la
flotte de Zheng He ait été équipée de moyens de combat, ceux-ci avaient un
caractère défensif. L’arrivée de la flotte dans d’autres ports signifiait tout
d’abord la recherche de relations amicales avec les habitants, puis l’ouverture
de négociations commerciales par le biais d’échanges et de tributs. Ces derniers
n’avaient pas la même signification qu’en Occident, mais constituaient une
sorte de rituel au cours duquel les produits naturels du pays étaient présentés
et une offrande emblématique était faite des objets à offrir à l’autre partie.
Mais leur valeur était équilibrée Les Chinois considéraient cette pratique
comme une expression de respect et de reconnaissance envers l’empereur et une
manière d’exprimer leur gratitude pour sa protection. Un édit de l’empereur
stipulait que l’échange devait être mutuellement bénéfique.
La mission
confiée par l’empereur à Zheng He indiquait implicitement qu’en plus du
commerce, il devait maintenir la paix sur les mers, assurer la sécurité
maritime et arbitrer les conflits susceptibles d’être rencontrés au cours du
voyage. Les dirigeants chinois de l’époque avaient tout intérêt à accroître
leur prestige dans les régions qu’ils visitaient, mais il ne s’agissait pas d’occuper
un territoire ou d’y exercer un contrôle politique. De même, il devait
promouvoir la prospérité dans les lieux où il arrivait et l’interaction
multiculturelle avec les peuples qu’il visitait. Il était courant pour Zheng He
de ne pas visiter les centres de pouvoir, mais de se limiter aux villes
portuaires où il pouvait commercer sans avoir à interagir avec l’establishment
politique de ces pays.
Selon le
professeur Wan, « les flottes de Zheng He étaient en fait une équipe officielle
de commerce international à grande échelle qui menait des activités
commerciales fréquentes dans les endroits qu’elle atteignait ». On peut ainsi
expliquer pourquoi aucun des pays visités n’a fait l’objet de pillage ou d’occupation.
Le
professeur Wan explique cela par le fait que la diplomatie de la dynastie Ming
au pouvoir stipulait clairement qu’il ne fallait pas conquérir d’autres peuples
mais partager avec eux afin d’établir un système international pacifique sans
recourir à la force. En pratique, le commerce a permis d’établir un nouveau
système émanant de l’ordre chinois et visant à « partager les bénéfices de la
paix » sans menacer aucun pays. Savoir cela pourrait expliquer en partie le
comportement international de la Chine aujourd’hui.
Si la
plupart des chercheurs s’accordent à dire que les voyages de Zheng He l’ont
mené à travers l’Asie orientale, centrale et occidentale et l’Afrique, l’écrivain
britannique Gavin Menzies a écrit en 1421 un livre intitulé « 1421 The Year
China Discovered the World » (fr. 1421, L’année où la Chine a découvert l'Amérique), dans
lequel il affirme que les Chinois ont atteint l’Amérique au cours de cette
année-là. Cet ouvrage a été rejeté par l’historiographie occidentale, mais
cette opinion a été réfutée par l’éminent sinologue mexicain Enrique Dussel
Peters, qui a déclaré : « ... d’après mes études historiques (dans lesquelles j’ai
utilisé la carte de la quatrième péninsule d’Asie de 1487 de Henricus
Martellus), ses arguments [ceux de Gavin Menzies] concernant sa thèse
fondamentale sont irréfutables (il y a peut-être des détails à corriger, mais
ils n’enlèvent rien à sa force). Cet ouvrage est incontournable ! »
Ce n’est pas
le sujet de cet article, mais il est impératif d’établir qu’il existe une
hypothèse selon laquelle les Chinois seraient arrivés en Amérique 71 ans avant
Colomb. C’est un point qui devra être approfondi, mais dans d’autres parties du
monde, les preuves sont claires : les Chinois sont arrivés au début du XVe
siècle et aucun des territoires africains ou asiatiques visités par Zheng He ou
d’autres navigateurs de ce pays ne parle chinois. De même, bien que Zheng He
ait été musulman, ni sa religion ni la religion bouddhiste introduite en Chine
1 600 ans plus tôt n’ont été imposées aux pays qu’il a visités.
Il apparaît
donc clairement qu’il était possible d’établir des liens commerciaux et des
échanges culturels entre les peuples dans l’Antiquité. La Chine l’a fait, mais
la civilisation européenne, intrinsèquement sauvage et violente, n’a pas pu le
faire. Son ADN cruel a conduit l’humanité aux pires calamités de l’histoire :
le racisme, le colonialisme, l’esclavage, le fascisme, le nazisme, le
capitalisme, l’impérialisme, le sionisme et les deux guerres les plus brutales
que la planète ait jamais connues. Il suffit de se rendre dans leurs musées
pour voir avec quelle fierté ils exposent le produit de leurs méfaits.
Tous ces
malheurs sont venus du sol européen La seule chose que le président López
Obrador a demandée, c’est le pardon pour aller vers la nécessaire
réconciliation. Mais pour l’Espagne ce n’est pas possible, comme je l’ai déjà
dit, la violence et l’assujetissement sont dans son ADN. C’est ce qui explique son
soutien actuel au gouvernement pro-nazi de l’Ukraine et les énormes ventes d’armes
à Israël, alors qu’ils se torchent avec les droits humains des Palestiniens.
La guerre
et les conflits sont le moteur de leur organisme. C’est pourquoi ils ne
comprennent pas et ne comprendront pas qu’une majorité croissante de la planète
les rejette et les répudie jusqu’à ce que, dans un avenir pas trop lointain,
ils soient définitivement déposés sur le tas de fumier de l’histoire, un
endroit où ils ont toujours été et d’où ils ne pourront jamais sortir.
Aujourd'hui c'est la FêtNat ! On doit cogner sur qui ?