Gideon Levy, Haaretz, 24/6/2021
Traduit par Fausto Giudice
Imaginez : Un Palestinien a été tué par balle par un soldat israélien. En réaction, les Palestiniens décident de se venger d'Israël. Ils construisent un avant-poste au cœur de la place Kikar Hamedina à Tel Aviv. Les forces de sécurité palestiniennes les aident et envoient des bulldozers militaires pour ouvrir la voie à la nouvelle colonie. Plus d'un million de shekels (258.000€) y sont investis, de l'argent provenant de dons anonymes, et en quelques semaines, Kikar Hamedina change de visage : un village palestinien y surgit.
L'avant-poste d'Evyatar
Les envahisseurs mentent et prétendent que Kikar Hamedina est une terre d'État. Israël prétend qu'il s'agit d'une terre privée. L'Autorité palestinienne affirme que le statut de la terre doit être « clarifié », qu'il s'agit peut-être d'un « terrain d'enquête » dont la propriété reste à déterminer. C'est ainsi que naît une nouvelle colonie nommée Tareq, en l'honneur de Tareq Sanober, qui a été tué par des soldats israéliens deux jours après la naissance de son premier fils.
Le village de Tareq restera sur la place pour toujours. Chaque jour, ils y construisent de nouvelles structures, 52 familles palestiniennes y vivent déjà, et il y a une mosquée et un centre communautaire. Les anciens résidents de Kikar Hamedina sont dévastés et choqués. Ils ouvrent les fenêtres de leurs appartements et sont stupéfaits de voir les envahisseurs qui se sont installés au milieu de la place, sur leurs terres privées, devant des yeux qui refusent de croire. Tous leurs efforts pour manifester ou se tourner vers les autorités et exiger de récupérer leurs terres sont restés vains. Le village de Tareq est un fait.
Je me souviens d'une interview de Daniella Weiss, leader des colons, deux ou trois jours après l'attaque de Tapuah Junction, au cours de laquelle Yehuda Guetta a été tué. Avec des yeux pétillants et des mots doux, comme d'habitude, Weiss a dit qu'elle construisait une nouvelle colonie. Lorsqu'il s'agit de vol de terres, les vieux voleurs ne meurent jamais, ni ne s'effacent : ils ne cesseront pas de voler.