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06/08/2024

ALEJANDRO KIRK
L’hystérie
Petit sottisier de la droite antichaviste (gôche chilienne comprise)

 Alejandro Kirk, Politika, 6/8/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala  

Alejandro Kirk est un journaliste chilien, correspondant pour les chaînes HispanTV (Iran) et teleSur (Venezuela). @kirkreportero

 « L’anti-chavisme réduit les capacités intellectuelles », disait à Caracas la célèbre journaliste et universitaire vénézuélo-chileno-yougoslave Olga Dragnic, en faisant référence aux “théories” qui avaient émergé à la suite de la victoire du président Hugo Chávez lors du référendum révocatoire de 2004.

 

Tout le monde sait comment Edmundo pense...si on peut appeler ça penser
Iván Lira

La thèse la plus répétée à l’époque était qu’un pirate informatique russe avait capturé les votes dans l’éther et les avait envoyés à Cuba, où ils avaient été modifiés exactement à l’envers, en quelques secondes, sans que personne ne s’en aperçoive. Ainsi, les 60 % de Chávez étaient en réalité 40 %.

Cela a été chuchoté ou crié, selon le niveau, par des universitaires, des professionnels, des hommes d’affaires ou des politiciens très sérieux, et a même fait l’objet de questions de journalistes à l’ambassadeur russe, qui n’en croyait pas ses oreilles.

Ce sont les mêmes personnes qui ont refusé le remplacement gratuit des ampoules à incandescence par des ampoules “à économie d’énergie”, parce que ces ampoules contenaient des dispositifs d’espionnage de la “dictature”. Ceux qui se réunissaient dans des réunions de copropriété animées pour discuter des stratégies de défense de leurs immeubles contre les “hordes chavistes” qui allaient inévitablement descendre des collines pour tout voler.

En 2004, le leader du parti Acción Democrática, Henry Ramos Allup, avait rejeté les résultats du référendum, dénonçant une fraude, et s’est engagé solennellement devant les caméras, avec un air de dignité blessée, à remettre au ministère public les preuves irréfutables qu’ils avaient recueillies.

Ces preuves ne sont jamais arrivées, pas plus que les preuves des fraudes présumées commises lors de toutes les élections organisées sous le chavisme, sauf deux : 2007, lorsqu’une proposition chaviste de changement constitutionnel a été rejetée, et 2015, lorsque la droite a obtenu la majorité absolue aux élections législatives.

Dans ces deux cas, le même Conseil national électoral (CNE) qui a toujours pratiqué la fraude a cessé de le faire, pour des raisons inconnues.

Il n’y a jamais eu de plaintes formelles auprès du CNE ou de la Cour suprême de justice, mais il y a eu des morts et des blessés, comme en 2014, lorsque le vaincu Henrique Capriles Radonsky a appelé à “décharger la colère” dans les rues, et que des scènes identiques à celles de la semaine dernière ont été observées : meurtres, agressions contre des bâtiments publics, incendies criminels et lynchages, à la recherche d’une définition violente de la question du pouvoir.

La grande majorité des plus de 40 morts étaient des gens du peuple, des chavistes, qui réclament encore aujourd’hui justice.

HAGAI EL-AD
La partie émergée de l’iceberg : Israël ne peut blanchir les horribles abus commis par ses soldats sur les Palestiniens

Hagai El-Ad, Haaretz, 6/8/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala


Hagai El-Ad (Haifa, 1969) est un militant israélien des droits humains. Arabophone, il a effectué ses 3 ans de service militaire (1987-1991) dans l’unité d’élite 504 du renseignement militaire. Diplômé en astrophysique, il a dirigé successivement la Maison ouverte pour la fierté et la tolérance à Jérusalem, l’Association pour les droits civils en Israël et, de 2014 à 2023, l’organisation de défense des droits humains B’Tselem. Interrogé en 2021 par une journaliste belge, il a eu cette réponse :

« Œuvrer en faveur des droits de l’homme fait de vous, personnellement, mais aussi votre organisation, des « traîtres » en Israël. Comment vit-on cela ?

A quoi sommes-nous censés être loyaux ? Si l’on me demande d’être loyal envers un régime d’oppression perpétuelle d’un autre peuple, alors je suis un traître. Si l’on demande d’être loyal envers une impunité totale, envers les violations des droits humains et les crimes de guerre, je suis un traître et fier de l’être. Ce n’est pas agréable d’être traité de traître. Mais il faut mettre cela en perspective. Avec tous les désagréments auxquels nous devons faire face, je suis un citoyen privilégié, juif, avec toutes les protections qui viennent avec au sein de mon Etat. Aussi désagréable que soit parfois la situation, un défenseur palestinien des droits de l’homme peut être frappé d’une interdiction de voyager, sa famille peut perdre son permis de travail et il peut être placé en détention, abattu. Je regarde avec une profonde admiration le courage de mes collègues palestiniens, qui sont non seulement opprimés par les autorités israéliennes, mais aussi par l’Autorité palestinienne qu’ils critiquent également. » [Lire entretien ici]
Meta

 

Il n’est pas facile de commettre des crimes et de s’en tirer à bon compte. Cela nécessite une expertise juridique et un certain degré de sophistication, surtout lorsque vous devez simultanément faire face à l’opinion publique, tant locale qu’internationale.

Et non, je ne parle pas des réservistes soupçonnés d’avoir violé un détenu palestinien à la base militaire de Sde Teiman. Je parle de l’État d’Israël et de ses mécanismes sophistiqués de blanchiment. Ces mécanismes ont servi loyalement le système israélien pendant des générations. Mais il semble qu’ils aient finalement atteint leur date d’expiration et qu’ils s’effondrent maintenant sous le poids des contradictions internes qu’ils avaient réussi à contenir auparavant.

Pendant des décennies, le système israélien a perfectionné sa capacité à utiliser la violence brutale contre les Palestiniens sans avoir à en payer le prix. Il s’agit là d’une question cruciale. Après tout, il est impossible d’opprimer des millions de personnes pendant des décennies sans recourir à la violence à une échelle effroyable. Mais il est également impossible de continuer à juger ceux qui recourent à cette violence, car qui accepterait de gouverner par la force s’il est ensuite dénoncé comme un criminel ?

Alors, que faites-vous ? Vous vous engagez dans un bluff israélien typique, mais sophistiqué.

Le bluff est le système d’exploitation qui a si bien fonctionné jusqu’à présent. Des masses de plaintes sont reçues de la part de tous ceux qui prennent la peine de porter plainte. Les Palestiniens, les organisations de défense des droits humains, les agences de l’ONU allez-y, plaignez-vous. De la paperasse est générée, mais rien n’est sérieusement examiné.

Chaque incident est traité comme s’il s’agissait tout au plus d’une violation commise par les échelons inférieurs. La politique et les cadres supérieurs ne font jamais l’objet d’une enquête. Et l’ensemble du processus se déroule très lentement.

Il traîne si longtemps que tout le monde l’oublie. L’attention se déplace et les années passent. Et à ce moment-là, qui se soucie d’un adolescent palestinien que des soldats ont tué d’une balle dans le dos quelque part près de la barrière de séparation il y a de nombreuses années ? Néanmoins, nous pouvons dire : « Nous avons enquêté ».

Dans le cadre de ce système, une personne de rang inférieur est inculpée une fois toutes les quelques années et l’on en fait tout un plat. Une telle mise en accusation se produit presque toujours lorsqu’il existe des séquences vidéo ou des preuves médico-légales incontestables, alors que faire ? Et puis, c’est un scandale. L’attention est internationale. C’est le choc.

Pensez à l’agent de la police des frontières Ben Dery à Beitunia en 2014 ou au sergent Elor Azaria à Hébron en 2016. Dans les deux cas, il y avait des preuves vidéo sans équivoque, de sorte qu’il n’y avait pas d’autre choix que de les juger.

Tous deux ont tué un Palestinien. Tous deux ont été condamnés. Mais aucun d’entre eux n’a passé ne serait-ce qu’un an en prison.

LUIS E. SABINI FERNÁNDEZ
Uruguay ante el genocidio israelí cada vez más “a la vista del público”

Luis E. Sabini Fernández, Revista Futuros, 4-8-2024

Es sumamente penoso ver el grado de abdicación y sumisión mental (no sabemos si también material, pero con el primero ya tenemos motivos de preocupación) de los referentes y líderes de todo el espectro político principal de nuestro país –porque pese a eso sigue siendo nuestro– ante lo que durante más de un siglo se ha calificado como conflicto palestino-israelí y hoy en día, tras un furioso strip-tease político; se reconoce como el genocidio israelosionista de la población palestina, que se desenvuelve sin tapujos, al menos para quien lo quiere ver.

 

Es indudable que esta dependencia ideológica de los planteles políticos principales respecto de Israel tiene raíces históricas. Uruguay es uno de los poquísimos países (que yo sepa, el único periférico cuando la firma del canciller británico Arthur Balfour a la declaración que lleva su nombre y su entrega a Walter Rothschild como “cabeza” del movimiento sionista, en 1917) presente en la persona de Alberto Guani, a la sazón representante diplomático uruguayo en Europa.

La calidad de uruguayo es significativa dado el grado de identificación con EE.UU. y su destino que varios políticos batllistas entonces tenían. Guani fue autor de un planteo que lleva el nombre de Doctrina Guani (entre 1938 y 1941) que: “inauguró una serie de posiciones intervencionistas impulsadas por EE.UU. a partir de la Segunda Guerra Mundial inspiradas en el concepto de «seguridad continental», con el fin de mantener la unidad de los países latinoamericanos.[1] Unidad bajo el mando norteamericano, obviamente.

Con mucha perspicacia, Francisco Claramunt en su esclarecedora nota “Hora de definiciones” registra la dificultad, vocal, de voceros “de izquierda” para abordar la monstruosidad engendrada por el sionismo en Israel: “Orsi y Cosse parecen tener dificultades para pronunciar la palabra Israel, ni que hablar de Palestina”.[2]

Llama poderosamente la atención que, desde otra configuración ideológica, la Columna del 26 de Marzo, “Palestina y los problemas de no tomar posición”, se señale: “a la coalición progresista le cuesta poner en palabras lo que sucede en [la] realidad; no buscan señalar que existe un genocidio donde claramente hay un genocidio.” [3]

Entiendo la dificultad para procesar la inconmensurable usina de mentiras, atropellos, vejaciones que organizaciones que se consideran de excelencia como el sionismo (de origen laico, pero endiosado), descargan –en este caso y desde hace ya más de un siglo– sobre los palestinos, pero hasta para lograr en algún momento un reencuentro en sendas de humanidad, hay que decir las cosas claras. Como hace Chris Hedges, en sus innumerables notas con que lleva décadas documentando el proceso israelopalestino:

Hay un placer sádico expresado por muchos israelíes por el genocidio y una oleada de llamados al asesinato o la expulsión de palestinos, incluidos aquellos en la ocupada Cisjordania y aquellos con ciudadanía israelí.

El salvajismo de los ataques aéreos y los ataques indiscriminados, el corte de alimentos, agua y medicinas, la retórica genocida del gobierno israelí, hacen de ésta una guerra cuyo único objetivo es la venganza.” [4]

El certero análisis de Hedges nos pone, una vez más, ante la escalofriante advertencia de Blas Pascal: “El hombre no es ni ángel ni bestia, y la desgracia quiere que quien haga el ángel haga la bestia.” [5]

Netanyahu nos dice siempre, como un mantra: “Ésta es una lucha entre civilización y barbarie.” Da por sentado que él, nada menos, encarna la civilización; y que los palestinos, la barbarie: Israel es hoy esa bestia que menciona Pascal.

JEREMY SCAHILL
“Quelque chose est venu de l’extérieur” : Khaled Qaddoumi, témoin oculaire des suites immédiates de l’assassinat d’Ismail Haniyeh

L’Iran et le Hamas contestent la version du New York Times d’une bombe placée à l’avance

 Jeremy Scahill, Drop Site News, 3/8/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Guide suprême Ali Khamenei assiste à la prière funéraire pour le chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh. Photo : Bureau de presse du Guide suprême

 « La seule chose qui m’est venue à l’esprit, c’est qu’Israël a tué notre chef », a déclaré Khaled Qaddoumi, représentant du Hamas en Iran, qui dormait dans un appartement situé deux étages en dessous du chef politique du groupe, Ismail Haniyeh, lorsqu’une explosion a secoué l’immeuble. « Que ce soit avec les outils usaméricains ou par l’intermédiaire des USAméricains, ce qui m’est venu directement à l’esprit, c’est que l’ennemi israélien a tué notre dirigeant ».

Aujourd’hui, le Corps des gardiens de la révolution a directement accusé Israël d’avoir assassiné Haniyeh à Téhéran tôt mercredi matin en tirant un « projectile à courte portée avec une ogive d’environ 7 kilogrammes » depuis l’extérieur du complexe d’appartements. Bien que le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) n’ait fourni aucune preuve médico-légale à l’appui de ses allégations, cette déclaration constitue un défi direct à un article publié jeudi dans le New York Times, selon lequel Haniyeh aurait été tué par une bombe placée secrètement dans la résidence il y a plusieurs mois.

D’après ce que Qaddoumi a vu, il semble qu’un projectile ait fait un trou dans le côté du bâtiment, directement sur l’appartement où se trouvait Haniyeh. Dans une interview accordée à Drop Site News, M. Qaddoumi, qui est également membre du bureau des relations politiques du Hamas dans le monde arabe et islamique, a déclaré avoir rencontré M. Haniyeh dans la résidence située dans le nord de Téhéran, à la suite d’un dîner d’État organisé en l’honneur du président iranien nouvellement investi. Qaddoumi n’a pas assisté au dîner, mais attendait le retour d’Haniyeh dans le complexe d’appartements, situé dans une enceinte gérée et gardée par le Corps des gardiens de la révolution islamique. Qaddoumi et d’autres personnes se sont alors réunis avec le chef du Hamas pour discuter de la récente attaque israélienne dans un quartier sud de Beyrouth, qui a coûté la vie à Fouad Shukr, haut commandant du Hezbollah.

Au bout d’une heure environ, « il est parti dans sa chambre au quatrième étage de l’immeuble. Je suis allé chez moi, au deuxième étage », se souvient M. Qaddoumi.

Il s’est endormi et a été réveillé par les secousses de l’immeuble autour de lui. « Vers 1 h 37, j’ai ressenti un choc dans le bâtiment. Cela m’a donné une sensation très étrange ». Il a pensé qu’il s’agissait « peut-être d’un tremblement de terre », mais « avec plus d’ampleur.

« Je suis sorti pour vérifier. J’ai constaté que de la fumée s’échappait de partout. Les toilettes de ma suite étaient détruites, le plafond était détruit. Et puis je suis sorti. Mes amis m’ont raconté ce qui s’était passé. Je me suis alors précipité vers la chambre d’Ismail », raconte-t-il. « Je suis entré dans la [suite] et j’ai trouvé une pièce où les deux murs du côté extérieur du bâtiment avaient été détruits. Le plafond de cette pièce était également détruit. J’ai donc eu l’impression que quelque chose était venu de l’extérieur, [tiré] dans la pièce ».

Qaddoumi dit avoir vu le corps de Haniyeh et, dans une pièce adjacente, son garde du corps, qui a également été tué. Après cela, lui et d’autres responsables palestiniens à Téhéran ont été informés par leurs homologues iraniens. « Au départ, tout le monde, d’après l’évaluation faite sur le terrain, était d’accord pour dire que quelque chose avait attaqué le bâtiment de l’extérieur. Puis, avec le temps et la vérification des processus techniques, [le CGRI] a publié cette déclaration ».

05/08/2024

SHAHIDUL ALAM
Bangladesh : chronique d’une révolte logique annoncée

DERNIÈRES (BONNES) NOUVELLES
Sheikh Hasina, la Première ministre du Bangladesh, a pris la fuite ce matin dans un hélicoptère de l'armée et s'est mise au vert en Inde. Le chef de l'armée a réuni les dirigeants de tous les partis sauf la Ligue Awami pour mettre en place une transition; il a annoncé que tous les prisonniers politiques vont être libérés et que des comptes seront demandés aux responsables des tueries des dernières semaines (au moins 300 morts, dont  97 dimanche et
56 lundi).

Les dépêches de Shahidul Alam sur le soulèvement au Bangladesh et les représailles du gouvernement

Shahidul Alam, photojournaliste, éducateur et militant de renom basé à Dhaka, a documenté les manifestations et est parvenu à transmettre ses dépêches aux médias malgré la coupure d’Internet.

Note de la rédaction de Himal Southasian, 25/7/2024
Le mois de juillet a été brûlant pour le Bangladesh. Au début du mois, des manifestations pacifiques sur les campus universitaires, organisées par des étudiants opposés à un système de quotas pour les emplois publics, ont dégénéré en troubles dans tout le pays après que la première ministre, Sheikh Hasina, a insulté les manifestants et ignoré leurs préoccupations. La violence a explosé lorsque les branches étudiantes et juvéniles de la Ligue Awami au pouvoir ont attaqué les manifestants, avant que la police n’intervienne à son tour. Le 20 juillet, le gouvernement a déployé l’armée et imposé un couvre-feu dans tout le pays pour tenter de maintenir l’ordre. Alors que les manifestations se poursuivent dans les rues, un grand nombre de personnes ont été tuées et des milliers d’autres blessées.


Shahidul Alam (Dhaka, 1955), fondateur de la photothèque et agence d’images Drik (“Vision” en sanskrit) a rendu en juin 2024 le doctorat honoris causa qui lui avait été attribué par l’Université des Arts de Londres en 2022, en solidarité avec le peuple palestinien et avec les étudiants de l’UAL solidaires de celui-ci.

Shahidul Alam, photojournaliste de renom, éducateur et militant basé à Dhaka, a documenté les manifestations et les représailles brutales du gouvernement. Shahidul Alam a réussi à transmettre ses dépêches aux médias malgré la coupure d’Internet imposée pour tenter de contenir les manifestations, qui a depuis été partiellement levée. Himal Southasian republie ces dépêches, qui donnent une idée de la situation au Bangladesh, même si la fermeture d’Internet a fortement limité la circulation de l’information.

Les événements et les circonstances décrits dans les dépêches ont évolué rapidement et plusieurs faits nouveaux sont intervenus depuis que M. Alam a rédigé chacune d’entre elles. Le couvre-feu a été partiellement levé et la connexion internet a été partiellement rétablie, bien qu’elle reste inégale et que la communication avec de nombreuses régions du pays reste difficile. Les dépêches reflètent l’ampleur de la violence et de la répression déclenchées par le gouvernement de Sheikh Hasina à l’encontre de son peuple. Elles ont été légèrement éditées pour plus de clarté. 

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04/08/2024

GIDEON LEVY
Quand la catastrophe nous tombera dessus, rappelez-vous comment nous avons exulté quand Israël a tué un chef du Hamas et battu la Turquie aux Jeux olympiques

Gideon Levy, Haaretz, 3/8/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala  

C’était la fin d’une semaine joyeuse, comme nous n’en avions pas vu depuis dix mois. Mercredi, nous avons dégommé le chef du Hamas, Ismail Haniyeh, à Téhéran ; vendredi, nous avons blackboulé Kayra Özdemir aux Jeux olympiques de Paris. Nous avons pulvérisé Haniyeh avec une bombe, la judoka turque a été mise au tapis par ippon en 15 secondes.

Les deux abattages ont plus de points communs qu’il n’y paraît : ils ont tous deux suscité une immense vague de fierté et de joie nationales ; la chaîne de supermarchés Victory a même ouvert une table en l’honneur de la première mise à mort mais les deux actions étaient destinées exactement à cette raison. Les deux n’ont aucune raison d’être, si ce n’est l’honneur, la satisfaction, le plaisir et la fierté nationale. Il est agréable et réconfortant de savoir que nous avons dégommé un Hamasnik et une athlète turque.

Les politiciens sionistes ont rivalisé entre eux pour savoir qui se réjouirait le plus de ces deux actes : le leader de Yesh Atid, Yair Lapid, et le leader du parti travailliste, Yair Golan, ont été enthousiasmés par les deux. Le ministre des finances, Bezalel Smotrich, a fait le lien : « Cette victoire est ce que [le judoka] Peter Paltchik a fait ce soir contre son adversaire suisse et ce que [la judoka] Inbar Lanir a fait à ses adversaires en trois matches. Nous les avons vaincus et soumis ».

Le journaliste Shai Golden a exprimé l’esprit du temps avec encore plus de précision : « Raz Hershko. Guerrière israélienne. Nous avons les meilleures guerrières sur le tapis et sur le champ de bataille. Allez, allez, Israël ! Le peuple d’Israël vit ! » Vivre, à la fois sur le tatami et sur le champ de bataille.

Il est un peu injuste de comparer un sport dans lequel Israël réussit honorablement et légitimement avec les assassinats, dans lesquels Israël réussit de manière déshonorante et illégitime. Mais la comparaison s’impose quand on sait que tant d’Israéliens, probablement la majorité absolue, traitent les deux domaines de la même manière. Les médailles ne se gagnent qu’en sport, mais regardez comment les Israéliens s’attribuent aussi des médailles pour les assassinats.

« En deux assassinats à couper le souffle, Israël a restauré pendant six heures ce qu’il était autrefois : un pays qui peut éclipser les films hollywoodiens », a déclaré Ben Caspit avec une puérilité embarrassante. Ce sont nos meilleures heures, celles où nous tuons des gens, pour ne pas dire assassinons des gens, comme la mafia, comme les régimes louches. Nos plus belles heures sont lorsque la majeure partie du monde nous déteste au plus haut point.

Merci, Mossad, pour ces six belles heures que nous avons connues, comme les heures de judo aux Jeux olympiques, comme les exercices au sol de Simone Biles. Merci aux médias d’avoir blanchi ces assassins et leurs iniquités en leur chantant des chants de gloire. L’assassinat qui a profité à Israël n’est pas encore né.

Au cours des six heures dont a joui Caspit, Israël a tué deux de ses ennemis, l’un un militaire du Hezbollah, l’autre un homme d’État du Hamas. L’association des mots « homme d’État du Hamas » fait grincer les oreilles des Israéliens - ça n’existe pas dans les pages de la propagande - mais Haniyeh était le président du bureau politique du Hamas. Il est peu probable qu’il ait jamais tenu une arme, malgré le blanchiment d’Israël, et il est peu probable qu’il ait su à l’avance qu’il y aurait une attaque le 7 octobre.

Il ne s’agit pas de faire l’éloge de Haniyeh, ni de déplorer sa mort, mais un pays qui assassine l’homme avec lequel il négocie un cessez-le-feu et la libération des otages a franchi la limite de sa légitimité. Un pays qui le fait sur le sol iranien, le lendemain de la prestation de serment de son nouveau président, veut une guerre avec l’Iran. Un pays qui applaudit à cela est un pays stupide : il applaudit à des catastrophes qui risquent de lui retomber littéralement sur la tête.

Une bombe posée à l’avance dans la bonne chambre de la maison d’hôtes des gardiens de la révolution iranienne, voilà qui enflamme l’imagination. Si “Fauda” avait écrit un tel acte, on lui aurait reproché un manque de crédibilité extrême. C’est vraiment bien de savoir que nous sommes capables d’accomplir un tel exploit. Mais, bon sang, à quoi cela a-t-il servi ? Quel est l’avantage ? Nous verrons les dégâts dans les prochains jours. On le constate déjà dans les foyers, les supermarchés et les jardins d’enfants, angoissés par ce qui va suivre. Avant la catastrophe imminente, souvenez-vous de tous les hourras.

 

JEFFREY SACHS
Dix principes pour une paix perpétuelle au XXIe siècle

Les structures fondées sur les Nations Unies sont fragiles et ont besoin d’une mise à niveau urgente ; nous devrions prendre cela en considération lors du Sommet de l’avenir de l’ONU les 22 et 23 septembre prochains.

Jeffrey D. Sachs, Common Dreams, 24/7/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala  

L’année prochaine marquera le 230e anniversaire de l’essai célèbre d’Immanuel Kant, « Projet de paix perpétuelle » (1795). Le grand philosophe allemand a proposé un ensemble de principes directeurs pour parvenir à une paix perpétuelle entre les nations de son époque. Alors que nous nous démenons dans un monde en guerre, et de fait en grave danger d’Armageddon nucléaire, nous devrions nous appuyer sur l’approche de Kant pour notre temps. Un ensemble mis à jour de principes devrait être soumis au Sommet de l’avenir de l’ONU en septembre.

 

Kant était pleinement conscient que ses propositions se heurteraient au scepticisme des politiciens « pratiques » :

Le Politique pratique a coutume de témoigner au faiseur de théories autant de dédain qu’il a de complaisance pour lui-même. À ses yeux, ce dernier n’est qu’un pédant d’école, dont les idées creuses ne portent jamais préjudice à l’État, auquel il faut des principes déduits de l’expérience, qu’un joueur insignifiant, à qui il permet de faire, de suite tous ses coups, sans avoir besoin de prendre, dans sa sagesse, des mesures contre lui.

Néanmoins, comme l’a noté l’historien Mark Mazower dans son étude magistrale sur la gouvernance mondiale [Governing the World: The History of an Idea, 1815 to the Present, 2013], l’œuvre de Kant était un « texte qui allait ifluencer par intermittence des générations de penseurs sur le gouvernement mondial jusqu’à notre époque », aidant à jeter les bases des Nations Unies et du droit international sur les droits humains , la conduite de la guerre et le contrôle des armements.

Les propositions centrales de Kant tournaient autour de trois idées. Premièrement, il rejetait les armées permanentes. Celles-ci « menacent incessamment d’autres États par leur disponibilité à se montrer à tout moment prêtes pour la guerre. » En cela, Kant anticipait d’un siècle et demi l’avertissement célèbre du président américain Dwight D. Eisenhower sur les dangers du complexe militaro-industriel. Deuxièmement, Kant appelait à la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays. En cela, Kant s’insurgeait contre le genre d’opérations secrètes auxquelles les USA ont recouru sans relâche pour renverser des gouvernements étrangers. Troisièmement, Kant appelait à une « fédération d’États libres », qui dans notre époque est devenue les Nations Unies, une « fédération » de 193 États engagés à opérer sous la Charte de l’ONU.

Kant plaçait de grands espoirs dans la forme républicaine, opposée au règne d’un seul, comme frein à la guerre. Kant estimait qu’un dirigeant unique céderait facilement à la tentation de la guerre :

(…) dans une constitution, où les sujets ne sont pas citoyens de l’État, c’est-à-dire qui n’est pas républicaine, une déclaration de guerre est la chose du monde la plus aisée à décider ; puisqu’elle ne coûte pas au chef, propriétaire t non pas membre de l’État, le moindre sacrifice de ses plaisirs de la table, de la chasse, de la campagne, de la cour etc. ; Il peut donc résoudre une guerre, comme une partie de plaisir, par les raisons les plus frivoles, et en abandonner avec indifférence la justification, qu’exige la bienséance, au corps diplomatique, qui sera toujours prêt à la faire.

En revanche, selon Kant :

... si le consentement de chaque citoyen est requis pour décider que la guerre doit être déclarée (et dans cette [constitution républicaine] il ne peut en être autrement), ils seraient naturellement très prudents pour décréter contre eux-mêmes toutes les calamités de la guerre.

Kant était beaucoup trop optimiste quant à la capacité de l’opinion publique à restreindre les actes de guerre. Les républiques athénienne et romaine étaient notoirement belliqueuses. La Grande-Bretagne était la démocratie de pointe du XIXe siècle, mais peut-être aussi sa puissance la plus belliqueuse. Depuis des décennies, les USA se sont engagés sans relâche dans des guerres choisies et des renversements violents de gouvernements étrangers.

Il y a au moins trois raisons pour lesquelles Kant s’est trompé à ce sujet. Premièrement, même dans les démocraties, le choix de lancer des guerres repose presque toujours sur un petit groupe d’élites qui sont en fait largement isolées de l’opinion publique. Deuxièmement, et tout aussi important, l’opinion publique est relativement facile à manipuler par la propagande pour susciter le soutien public à la guerre. Troisièmement, le public peut être tenu à l’écart à court terme des coûts élevés de la guerre en finançant la guerre par la dette plutôt que par l’impôt, et en s’appuyant sur des sous-traitants, des recrues payées et des combattants étrangers plutôt que sur la conscription.

Les idées centrales de Kant sur la paix perpétuelle ont contribué à faire évoluer le monde vers le droit international, les droits humains et la conduite décente en temps de guerre (comme les Conventions de Genève) au XXe Siècle. Pourtant, malgré les innovations dans les institutions mondiales, le monde reste terriblement éloigné de la paix. Selon l’Horloge de l’Apocalypse du Bulletin des scientifiques atomiques, nous sommes à 90 secondes de minuit, plus proches de la guerre nucléaire que jamais depuis l’introduction de l’horloge en 1947.

L’appareil mondial des Nations Unies et du droit international a sans doute empêché une troisième guerre mondiale à ce jour. Le Secrétaire général de l’ONU, U Thant, par exemple, a joué un rôle vital dans la résolution pacifique de la crise des missiles cubains de 1962. Pourtant, les structures fondées sur l’ONU sont fragiles et ont besoin d’une mise à niveau urgente.


Non-violence, de Carl Fredrik Reuterswärd, devant le siège de l’ONU à New-York

Pour cette raison, j’exhorte à formuler et adopter un nouvel ensemble de principes basés sur quatre réalités géopolitiques clés de notre époque.