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05/10/2022

BARBARA CROSSETTE
Une campagne israélienne en Allemagne bloque l'attribution d'un prix à Navi Pillay, une défenseure renommée des droits humains

Barbara Crossette , PassBlue, 2/10/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Il devait s'agir d'une cérémonie grandiose organisée par l'Association allemande pour les Nations unies (Deutsche Gesellschaft für die Vereinten Nationen e.V.) pour décerner la médaille de la paix Otto Hahn, décernée tous les deux ans, à Navi Pillay, en reconnaissance de ses décennies de travail novateur dans le domaine des droits humains et du droit pénal international, notamment dans le cadre des Nations unies.


La cérémonie du 28 septembre devait avoir pour cadre l'Hôtel de ville rouge (Rotes Rathaus) de Berlin, datant du XIXe siècle, ainsi nommé en raison de sa façade en briques. L'hôtel, endommagé pendant la Seconde Guerre mondiale, a été reconstruit et est devenu un point de repère symbolique dans la capitale allemande.

L'ANU-Allemagne s'attendait à une salle comble pour la remise du prix, les réponses positives aux invitations ayant afflué. La mairesse élue de Berlin, Franziska Giffey, devait présider la cérémonie.

Rien de tout cela n'est arrivé.

Si la chronologie exacte de la mise en place d'une campagne israélienne contestant l'attribution du prix à Pillay en Allemagne laisse certaines questions sans réponse, la cause et l'effet ne sont pas contestés.

« Le maire de Berlin torpille l'événement honorant le chef de l'enquête de l'ONU sur Israël », peut-on lire à la une du Times of Israel, un journal en ligne publié en anglais et dans d'autres langues occidentales et du Moyen- Orient. Il a commencé à fonctionner en 2012.

Publiquement, la campagne de lobbying en faveur d'Israël a débuté par un article paru dans le tabloïd allemand pro-israélien Bild, qui reprenait des allégations israéliennes de longue date selon lesquelles Mme Pillay, ancienne haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme et juge sud-africaine, était pro-palestinienne - ou, du moins, qu'elle critiquait les politiques et actions israéliennes en Cisjordanie et à Gaza, ainsi qu'à Jérusalem-Est.

Cependant, depuis 1975, Mme Pillay est également présidente du conseil consultatif de l'Académie internationale des principes de Nuremberg, une fondation allemande qui promeut le droit pénal mondial. Son rôle indique que tous les Allemands ne sont pas d'accord sur son bilan présumé, comme le confirmerait le prix décerné par l'ANU-Allemagne.

Le papier du Bild se concentrait principalement sur le poste le plus récent de Mme Pillay à la tête de la Commission internationale indépendante d'enquête sur Israël et le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, composée de trois membres. Cette commission a été créée par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies.

La cible actuelle de l'ire israélienne est dirigée vers les remarques sévères d'un des membres du panel sur Israël. Dans une interview accordée en juillet à Mondoweiss, un journal d'actualités et d'opinions sur la Palestine, Israël et les USA, le membre, Miloon Kothari (Inde), un militant des droits humains spécialisé dans les droits au logement et à la terre, qui a fait rapport au Conseil des droits de l'homme sur l'occupation israélienne du territoire palestinien, a déclaré :

« J'irais même jusqu'à me demander pourquoi [Israël] est membre des Nations unies. ... le gouvernement israélien ne respecte pas ses propres obligations en tant qu'État membre de l'ONU [parce que], en fait, il essaie constamment, soit directement, soit par l'intermédiaire des USA, de saper les mécanismes de l'ONU ». Il a fait référence à un “lobby juif” et à des ONG non précisées comme supervisant les opinions pro-israéliennes.

Pillay, éminente juriste sud-africaine d'origine indienne, est également accusée par les Israéliens, sans preuve, de faire partie du mouvement Boycott-Divestment-Sanctions (BDS), une initiative palestinienne visant à miner l'économie israélienne. Lorsque le mouvement BDS de 2017 a attiré l'attention en Allemagne, où il a été dénoncé comme antisémite, certains gouvernements locaux ont tenté de l'arrêter par des moyens répressifs ou punitifs. Un habitant de Munich, soutenu par les défenseurs de la liberté d'expression, a intenté une action contre le conseil municipal, qui est finalement arrivée devant un tribunal fédéral malgré les premiers revers.

Au début de l'année, le 20 janvier, le tribunal administratif fédéral de Leipzig a statué que la loi allemande « garantit à chacun le droit d'exprimer et de diffuser librement son opinion ». Le tribunal a ajouté que le conseil municipal de Munich ne pouvait pas violer ce droit en refusant l'autorisation d'un événement parce qu'il n'était pas d'accord avec les opinions exprimées dans le cadre de la campagne BDS.

Le Conseil des droits de l'homme, basé à Genève, n'est pas - malgré ce que le grand public peut penser - une partie intégrante de l'organisation des Nations unies ou sous le contrôle du secrétaire général. Il a été créé en tant qu'organe indépendant en 2005-2006 pour remplacer la Commission des droits de l'homme, discréditée. Les 47 nations membres du Conseil sont nommées par les gouvernements au niveau régional. Sa présidence tourne autour des blocs géographiques désignés par l'ONU.

Le Conseil nomme des dizaines d'observateurs et de groupes d'experts sur toute une série de sujets liés aux droits. La commission d'enquête sur Israël et la Palestine occupée s'inscrit grosso modo dans ce système. Il s'agit de l'action controversée la plus récente concernant Israël, qui a suscité des divisions souvent amères entre les nations et les régions.

Peu après la publication du papier de Bild en septembre, une semaine à peine avant la cérémonie de remise des prix prévue, l'ambassadeur d'Israël en Allemagne, Ron Prosor, a demandé à Giffey, la mairesse de Berlin - membre du parti social-démocrate - d'annuler la cérémonie, ce qu'elle a fait. Elle a également interdit à l'association UNA-Allemagne d'utiliser l'Hôtel de ville rouge pour sa cérémonie.


Franziska Giffey à son retour d’un voyage en Israël en 2018, lors qu’elle était ministre des Affaires familiales, des personnes âgées, des femmes et des jeunes. Ella a démissionné de ce poste en juin 2021, après avoir vu son doctorat de 2010 annulé par l’Université libre de Berlin pour plagiat. Mais notre blonde a rebondi : six mois plus tard, elle était élue mairesse de la capitale.

Déclaration : 283 universitaires des USA condamnent les attaques contre des étudiants universitaires en Iran

 Les récents événements entourant la mort de Mahsa Amini en garde à vue le 16 septembre 2022 ont peiné et stupéfié de nombreux Iraniens en Iran et à l'étranger, dont de nombreux étudiants et universitaires [1]. La mort de Mahsa a engendré une réaction viscérale dans tout l'Iran. Les Iraniens ont élevé leur voix en signe de protestation pour réclamer la justice, la liberté et l'égalité pour les femmes et au-delà [2,3,4].

Dans la soirée du 2 octobre 2022, en réponse brutale à une manifestation organisée par les étudiants de l'Université de technologie Sharif, l'une des principales universités iraniennes, diverses forces anti-émeutes ont violemment pris d'assaut le campus universitaire et ses environs. Elles ont assiégé le campus de l'université, attaquant brutalement et arrêtant en masse les étudiants et le corps enseignant [5]. Cette attaque a été suivie d'autres attaques contre d'autres universités qui se poursuivent au moment où nous écrivons cette lettre, notamment une attaque contre l'université de Tabriz.  

MINNIE BRUCE PRATT
Les prisonniers d'Alabama mènent une grève massive

Minnie Bruce Pratt, Workers World, 4/10/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

2 octobre - Au cri de « Nous ne contribuerons plus à notre propre oppression », des milliers de travailleurs incarcérés dans le système carcéral de l'Alabama ont entamé une grève massive le 26 septembre pour protester contre les conditions brutales, les condamnations racistes et l'exploitation de leur travail.


Rassemblement de soutien à la grève des prisons de l'Alabama, Montgomery, 26 septembre 2022


Environ 25 000 personnes se trouvent dans les 14 principales prisons de l'État. Elles effectuent toutes les tâches nécessaires au maintien de la vie dans les établissements - cuisine, nettoyage, fabrication des uniformes, réparations et travaux d'équipement.

L'organisation de la grève a commencé en juin par le biais du Free Alabama Movement (FAM), à l’intérfieur des murs et avec le soutien du groupe de défense Both Sides of the Wall [Les deux côtés du mur]. Ces groupes ont estimé qu'environ 80 % des personnes présentes dans les prisons de l'Alabama sont en grève. (New York Times, 28 septembre)

Le premier jour de la grève, Both Sides of the Wall a organisé un rassemblement d'anciens détenus, de membres de leur famille et de sympathisants devant le département des services correctionnels de la capitale de l'État, Montgomery. Les orateurs ont demandé l'amélioration des soins médicaux et des conditions de détention, ainsi que la réforme des lois sur les peines et la libération conditionnelle.

Dans un communiqué de presse publié le 28 septembre, le département correctionnel de l'Alabama a pris la décision inhabituelle de confirmer qu'il y avait un “arrêt de travail” dans la plupart des prisons. La déclaration de l'ADOC rompt avec le déni habituel de l'action politique des détenus et renforce la probabilité que la participation soit généralisée.

Petit-déjeuner du premier jour de la grève  au centre correctionnel de Bibb. C'est [leur] tactique de rupture. Restez forts et persévérez. C'est la version moderne de "Pharaon... Laisse partir mon peuple". (Photo : @FREEALAMOVE)

Pour tenter de briser la grève, les autorités pénitentiaires ont réduit la nourriture à des repas froids, deux fois par jour, et ont fait venir de l'extérieur des prisonniers en permission de sortie pour travail, les forçant à préparer la nourriture. L'État a également mis en place des escouades anti-émeutes, selon les messages du FAM :

« Jour 5 : Alors que la grève historique des prisons de l'Alabama touche à la fin dans sa première semaine, il semble assez clair que l'ADOC veut la violence. Au cours des 72 dernières heures, l'ADOC a commencé à appeler des équipes anti-émeute dans les prisons en uniforme CERT [équipe d'intervention d'urgence correctionnelle], même si les grèves du travail ont représenté les périodes les plus pacifiques d'incarcération dans les prisons agitées de l'Alabama. »

Revendications des travailleurs incarcérés

En 2020, le ministère de la Justice a intenté un procès à l'État d’Alabama, alléguant que les conditions dans les prisons pour hommes violent la Constitution en raison de l'incapacité à protéger les hommes contre la violence entre prisonniers, les abus sexuels et l'usage excessif de la force par le personnel, et de l'incapacité à maintenir des conditions sûres. Le rapport a révélé que les principales prisons de l'Alabama étaient utilisées à 182 % de leur capacité.

04/10/2022

KIT KLARENBERG
Petit décodage de la guerre online du Pentagone contre l'Iran

Kit Klarenberg , The Cradle, 1/10/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Kit Klarenberg est un journaliste d'investigation britannique dont le travail explore le rôle des services de renseignement dans la formation de la politique et des perceptions. @KitKlarenberg

PdT (Préambule du traducteur)

Tout comme Blanche-Neige voyait des nains partout, certains voient des complots partout. Je ne suis pas de ceux-là. La révolte en cours des femmes et de la jeunesse d’Iran évoque à la fois les révolutions arabes de la décennie passée et le mouvement Black Lives Matter en réaction au meurtre policier de Georg Floyd aux USA. La mort suspecte de Jhina (“Mahsa”) Amini, interpellée par la police des mœurs à Téhéran pour « port non conforme de hijab », a joué le même rôle que l’auto-immolation de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid : celui de « l’étincelle qui a mis le feu à la plaine ». Deux versions des raisons de sa mort s’opposent : d’un côté, les autorités iraniennes – qui ont diffusé une vidéo montrant une femme voilée s’écroulant tout à coup dans une salle d’attente, sans qu’il soit possible de savoir s’il s’agissait bien de Jhina Amini – affirmant que la jeune femme, épileptique, diabétique et ayant subi une opération du cerveau à l’âge de 5 ans, avait eu une attaque cardiaque ; de l’autre, la famille de Jhina et des femmes interpellées en même temps qu’elle, affirmant qu’elle a reçu des coups sur la tête de policiers des mœurs, ce qui a entraîné sa mort 2 jours plus tard. Quelle que soit la vérité, plusieurs évidences s’imposent : 1-il y a en Iran un ras-le-bol généralisé bien réel et indéniable, en particulier chez les femmes ; 2-chaque soulèvement contre le régime des ayatollahs est une occasion en or de jeter de l’huile sur le feu pour les “usual suspects”, de la CIA et du CENTCOM à la Voice of America. La CIA en particulier voudrait bien faire oublier son plus lamentable échec historique : ne pas avoir été fichue de voir venir la révolution dite islamique de 1979 et la chute de son chouchou le Chah ; 3-voir dans l’actuel soulèvement en Iran un simple complot impérialiste, une énième "révolution de couleur", relèverait de la bêtise et de la paranoïa.

Nous faisons donc confiance à l’intelligence des lecteur·rices pour faire le tri dans les intéressantes informations données ci-dessous et tirer leurs propres conclusions.-FG

D'un simple clic de bouton aux USA à la violence dans les rues de Téhéran, les dernières manifestations en Iran sont conçues et provoquées de l'extérieur


Les troubles civils en Iran en réponse à la mort récente de Mahsa Amini, 22 ans, alors qu'elle attendait [sic, NdT] dans un poste de police de Téhéran, bien que fondés sur des griefs légitimes, portent également la marque d'une guerre secrète commanditée par l'Occident, couvrant de multiples fronts.

Quelques jours seulement après le déclenchement des manifestations, le 16 septembre, le Washington Post a révélé que le Pentagone avait lancé un vaste audit de tous ses efforts de psyops [opérations psychologiques] en ligne, après qu'un certain nombre de comptes bot & trolls exploités par sa division de commandement central (CENTCOM) – qui couvre toutes les actions militaires usaméricaines en Asie occidentale, en Afrique du Nord et en Asie du Sud et centrale – avaient été exposés, puis interdits par les principaux réseaux sociaux et espaces en ligne.

Les comptes ont été décortiqués dans une enquête conjointe menée par la société de recherche sur les médias sociaux Graphika, et l'Observatoire Internet de Stanford, qui a évalué « cinq ans d'opérations d'influence secrète pro-occidentale ». [l’enquête constate que les faux comptes se présentant comme iraniens ont eu très peu de followers, et donc que leur influence a été quasiment nulle, NdT]

Publiée à la fin du mois d'août, elle a fait l'objet d'une couverture médiatique minimale en anglais à l'époque, mais elle a manifestement été remarquée, suscitant des inquiétudes au plus haut niveau du gouvernement usaméricain, ce qui a motivé l'audit.

Alors que le Washington Post suggérait sans peur du ridicule que l'ombrage du gouvernement découlait des activités manipulatrices et flagrantes du CENTCOM qui pourraient compromettre les « valeurs » usaméricaines et sa« position morale élevée », il est tout à fait clair que le véritable problème était que le CENTCOM avait été mis à poil.

#OpIran

La compétence géographique du CENTCOM inclut l'Iran, et étant donné le statut de longue date de la République islamique en tant qu'État ennemi clé des USA, il n'est peut-être pas surprenant qu'une partie importante des efforts de désinformation en ligne et de guerre psychologique de l'unité l’aient ciblée.

Une stratégie clé utilisée par les spécialistes militaires usaméricains des psyops est la création de plusieurs médias fictifs publiant des contenus en farsi. De nombreux canaux en ligne ont été maintenus pour ces plateformes, couvrant Twitter, Facebook, Instagram, YouTube et même Telegram.

Dans certains cas également, de faux journalistes et experts, avec de nombreux « followers » sur ces plateformes, ont émergé, ainsi que des photos de profil créées via l'intelligence artificielle.

LEA MELANDRI
Pourquoi cette marée de filles devrait-elle voter pour vous ? Finie l'histoire où le seul verbe qui compte est masculin

Lea Melandri, il Riformista, 2/10/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Pourquoi cette “marée” de filles devrait-elle voter pour vous, alors que vous ne les voyez même pas, que vous passez à la télévision à toute heure et que leurs manifs multitudinaires ne font même pas la une des journaux télévisés, qu'aucun journaliste ne songe à enquêter sur les besoins, les désirs et les rêves d'une génération qui a beaucoup à vous apprendre sur la crise du modèle de civilisation dont nous avons hérité, patriarcal, capitaliste, raciste et avec des remugles nostalgiques de régimes autoritaires ?

 


Pourquoi devraient-elles s’intéresser à des institutions qui n'ont montré aucun signe de capacité de renouvellement, alors même qu'elles ont été titillées par des mouvements anti-autoritaires, libertaires, solidaires, qui n'ont jamais fait défaut dans notre pays et qui remettaient en cause leur conservatisme, leur nombrilisme ? Pourquoi s'intéresseraient-elles à vos “aveux” fatigués et répétés d'erreurs, de lacunes, vos promesses de renouveau, alors que les gouvernements que nous avons en face de nous depuis des années nous conduisent au désastre, à la pauvreté croissante, à la violence contre les femmes, à l'expansion de l'arsenal de guerre, à l'hostilité envers les migrants, à la nostalgie fascistoïde qui menace les droits et libertés acquis ?

Pourquoi, en tant que féministes, devrions-nous accorder du crédit aux femmes qui n'émergent que parce qu'elles sont intégrées à votre propre vision du monde, prêtes à soutenir votre faiblesse croissante par leur force ? Ce n'est pas l'Histoire qui est terminée. C'est “votre” histoire qui est finie, celle qui a cru pouvoir diriger le monde en excluant la moitié de l'espèce humaine, celle qui a cru pouvoir faire passer pour "neutre" et "universelle" la parole d'un seul genre, le masculin. Passez outre, faites enfin bon usage de cette "ratio", de ce "logos", que vous avez si arrogamment élevé au-dessus de toutes les autres facultés humaines, identifiées à un féminin - corps, nature, animalité.

Dès son émergence au début des années 1970, il était clair que la remise en cause la plus radicale de la politique, à partir de ses origines, était née avec le féminisme : la séparation entre le corps et la polis, entre un sexe gagnant et l'autre exclu, considéré comme "vie inférieure ". La prise de conscience du fondement sexiste et patriarcal d'une communauté historique d'hommes qui s'était érigée comme l'humain dans son accomplissement est remontée à la surface. Avec une pratique qui redécouvrait la politisation d'expériences humaines essentielles, telles que la sexualité, la maternité, et tous les événements dont le corps est partie prenante, relégué à l'immobilité des lois naturelles, il était clair que la politique, pour être encore crédible, devait se redéfinir. Ce n'était pas le cas. Bien que le mouvement des femmes soit le seul à avoir survécu à la fin de la décennie des années 1970, combien de fois avons-nous entendu ou lu de la part d'experts, de politiciens et d'intellectuels connus qu'il était "mort" ou "silencieux", sauf pour le faire redescendre dans la rue lorsque cela servait leurs intérêts politiques ?

JEFFREY D. SACHS
En Ukraine, le Grand Jeu devient incontrôlable

 Jeffrey D. Sachs, Other News, 28/9/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Jeffrey David Sachs (Detroit, 1954) est un économiste usaméricain, universitaire, analyste des politiques publiques et ancien directeur de l'Institut de la Terre à l'Université Columbia, où il et professeur et directeur du Centre pour le développement durable. Président du Réseau des solutions de développement durable des Nations Unies, il a été conseiller de trois secrétaires généraux des Nations Unies et est actuellement défenseur des ODD (objectifs de développement durable) auprès du secrétaire général António Guterres.

Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller usaméricain à la sécurité nationale, est célèbre pour avoir décrit l'Ukraine comme un « pivot géopolitique » de l'Eurasie, central pour les puissances usaméricaine et russe.  Étant donné que la Russie considère que ses intérêts vitaux en matière de sécurité sont en jeu dans le conflit actuel, la guerre en Ukraine est en train d’escalader rapidement vers une confrontation nucléaire.  Il est urgent que les USA et la Russie fassent preuve de retenue avant que la catastrophe ne se produise. 



Depuis le milieu du XIXe siècle, l'Occident a été en compétition avec la Russie sur la Crimée et plus particulièrement, sur la puissance navale en mer Noire.  Pendant la guerre de Crimée (1853-1856), la Grande-Bretagne et la France s'emparèrent de Sébastopol et bannirent temporairement la marine russe de la mer Noire.  Le conflit actuel est, en substance, la Seconde Guerre de Crimée.  Cette fois, une alliance militaire dirigée par les USA cherche à étendre l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie, si bien que cinq membres de l'OTAN encercleraient la mer Noire. 

Depuis longtemps, les USA considèrent tout empiètement des grandes puissances de l'hémisphère occidental comme une menace directe à leur sécurité, depuis la doctrine Monroe de 1823, qui dit : « Nous devons donc à la franchise et aux relations amicales qui existent entre les USA et ces puissances [européennes] de déclarer que nous devrions considérer toute tentative de leur part d'étendre leur système à n'importe quelle partie de cet hémisphère comme dangereuse pour notre paix et notre sécurité. »  

En 1961, les USA ont envahi Cuba lorsque le dirigeant révolutionnaire cubain Fidel Castro s'est tourné vers l'Union soviétique pour obtenir son soutien.  Les USA n'étaient pas très intéressés par le « droit » de Cuba de s'aligner sur le pays qu'il voulait – la revendication qu'ils font valoir concernant le prétendu droit de l'Ukraine de rejoindre l'OTAN.  L'échec de l'invasion usaméricaine en 1961 a conduit à la décision de l'Union soviétique de placer des armes nucléaires offensives à Cuba en 1962, ce qui a conduit à la crise des missiles cubains il y a exactement 60 ans ce mois-ci.  Cette crise a mis le monde au bord de la guerre nucléaire.  

03/10/2022

YOSSI MELMAN/MOSHE SHAVERDI
Les fatidiques 48 heures du Mossad avant la guerre du Yom Kippour (Octobre 1973)

 Yossi Melman & Moshe Shaverdi, Haaretz, 29/9/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Yossi Melman (Pologne, 1950) est un écrivain et journaliste d'investigation israélien. Il est chargé du renseignement et des affaires stratégiques au quotidien Haaretz. Bibliographie. @yossi_melman

Moshe Shaverdi est un chercheur indépendant qui étudie la guerre du Yom Kippour.

Un groupe d'anciens agents du Mossad a décidé de vérifier si des informations cruciales sur la guerre imminente auraient pu être obtenues plus tôt

Récemment, certains membres d'Agmon, une organisation d'anciens membres et retraités du Mossad, ont décidé d'examiner les actions du Mossad dans les années précédant la guerre de Yom Kippour en octobre 1973. Leur initiative n'est pas officielle mais a reçu la bénédiction du chef du Mossad, David Barnea.


« Dubi », dont le nom complet est secret conformément aux instructions du Mossad. Photo : Yossi Melman

L'idée n'est pas d'absoudre le chef du renseignement militaire de l'époque, Eli Zeira, pour ses échecs et la faiblesse des renseignements (comme l'a établi la Commission Agranat, qui a examiné le manque de préparation d'Israël à la guerre, ce qui a conduit à la démission de Zeira). C'était simplement pour examiner la conduite du Mossad et de Zvi Zamir, le chef du Mossad à l'époque.

Les personnes à l'origine de l'initiative ont demandé à « Dubi », dont le nom complet est secret, conformément aux instructions du Mossad, le seul officier responsable de l'affaire qui a manipulé l'agent du Mossad, le Dr Ashraf Marwan, pendant 28 ans, de rejoindre leurs rangs. Il a refusé, invoquant des raisons personnelles.


Ashraf Marwan a épousé Mona, la fille de Gamal Abdel Nasser, en 1966

Marwan est considéré comme l'agent de haute qualité le plus important que le Mossad ait eu dans les années précédant la guerre du Yom Kippour. Chimiste de profession, il avait étudié dans une université britannique et épousé la fille du président égyptien Gamal Abdel Nasser, après la mort duquel il devint un conseiller proche du successeur de Nasser, Anouar Sadate. Par la suite, il devint un riche homme d'affaires qui vendait, entre autres, des armes.


Le protocole original, écrit à la main en hébreu par "Dubi" après sa rencontre dramatique avec Ashraf Marwan à Londres à la veille de la guerre du Yom Kippour en octobre 1973.

Protocole top secret

De 23h45 le 05/10/73 à 02h00 le 06/10/73

Rencontre entre le Chef du Mossad, Ranak (nom de code de Dubi l'agent en charge, l'Ange (nom de code d'Ashraf Marwan) sur la place ... (supprimé par la censure)

Écrit par Ranak

Q. Ce qui s'est passé avec vous après que nous ayons empêché l'attaque terroriste sur la place… (supprimé par la censure) (il s'agit de l'attaque déjouée à Rome quelques mois plus tôt, préparée par des combattants de l'OLP, dans l'intention d’ abattre un avion El-Al)

R. « Tout va bien. Nous avons eu de longues conversations et nous sommes finalement arrivés à la conclusion que l'équipe frappée (les terroristes) s'était comportée de manière inappropriée et qu'il y avait trop de personnes impliquées dans l'opération. Mais parlons de la guerre.

Q. Qu'en est-il de la guerre ?

R. Il y a 99% de chances que la guerre commence demain samedi.

Q. Pourquoi demain ?

R. Parce que c'était décidé. C'est vos vacances.

Q Comment la guerre commencera-t-elle ?

R. Elle commencera simultanément de deux côtés, l'égyptien et le syrien.

Q ; C’était quoi l’idée ? C'était décidé il y a six mois. Chaque armée avait au moins deux divisions. Les deux ont été transférées au front la semaine dernière. Sadate a pris une décision le 25 septembre sur la date de la guerre, mais il ne le dit à personne. Plus tard, il a demandé à préparer son quartier général au palais Al Taha et c'est là que j'ai compris qu'il était sérieux. Le 29 septembre, Sadate a convoqué son conseil national de sécurité pour une réunion secrète et les a informés de sa décision de déclencher bientôt la guerre. Il n'a pas dit à quelle date. Les membres du conseil, tous ses employés, étaient d'accord et personne ne s'y est opposé… »

CAITLIN JOHNSTONE
Le discours prétendant que cette guerre a été « non provoquée » empêche la paix

CaitlinJohnstone, 10/02/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Caitlin Johnstone (1974) est une Australienne avec une licence de journalisme qui se définit comme « journaliste voyoute, socialiste bogan [plouc/beauf en argot australien et néo-zélandais], anarcho-psychonaute, poétesse guérillera, préposée à l'utopie ». Mère de deux enfants, elle publie sur divers supports des articles, écrits à partir de conversations avec son mari Tim Foley. @caitoz

Vladimir Poutine a approuvé l'annexion de quatre territoires dans l'est de l'Ukraine, dont l'ajout à la Fédération de Russie attend maintenant l'autorisation des autres branches du gouvernement russe.

Le gouvernement Zelensky a réagi en demandant à rejoindre l'OTAN, et a immédiatement essuyé une rebuffade des responsables usaméricains et de l'OTAN. On ne peut pas avoir de pions sacrificiels essayant de s'élever au-dessus de leur position sur le grand échiquier, après tout.

Mais la guerre par procuration de l'empire contre la Russie se poursuit, et le gouvernement ukrainien a annoncé son intention de chasser la Russie de tous les territoires ukrainiens qu’elle a revendiqués comme étant les siens.

« Pour nos plans, [l'annexion de la Russie] n'a pas d'importance », a déclaré Mykhailo Podolyak, conseiller de Zelensky à Politico, ajoutant que l'Ukraine « protégera notre terre en utilisant toutes nos forces » et « devrait libérer tous ses territoires ».

Selon Zelensky, le plan de reconquête des territoires annexés par la Russie inclura également la Crimée, qui a été annexée en 2014.

Tous ces blablas sur la préparation d'une contre-offensive massive soutenue par l'Occident pour reprendre les territoires annexés à la Russie — dont les rangs sont renforcés par 300 000 réservistes supplémentaires — viennent alors que Poutine suggère que les armes nucléaires peuvent être utilisées pour protéger ce que Moscou considère comme des parties de la Russie. La Russie, comme les USA, est l'un des pays dotés d'armes nucléaires qui n'a pas de politique de non recours en premier aux armes nucléaires.

Donc, nous semblons être sur une trajectoire de collision vers une escalade massive entre deux puissances nucléaires. Plus les choses s'aggravent, plus il est probable qu'une arme nucléaire puisse être utilisée, soit délibérément, soit à la suite d'une mauvaise communication ou d'un dysfonctionnement, comme cela a failli se produire plusieurs fois au cours de la dernière guerre froide. Une fois qu'un nuke est utilisé, les chances augmentent astronomiquement que beaucoup d'autres suivront immédiatement, avec des variables sur ce résultat, y compris l'endroit où il explose et le degré de froideur des têtes pertinentes à ce moment historique particulier.

Il n'est donc pas exagéré de dire que l'espèce humaine a tout intérêt à une désescalade et à une détente immédiates Éviter la guerre nucléaire est l'ordre du jour le plus important du monde, sans exception. C'est l’ordre du jour le plus important qui ait jamais existé dans toute l'histoire.

Mais chaque fois que vous plaidez pour cet ordre du jour extrêmement important dans n'importe quel type de forum public, vous avez un tas d'automates de l'empire au cerveau lavé hurlant contre “l'apaisement” et vous accusant de soutenir un fou monstrueux. Et ils le font parce que c'est ce qu'ils ont été formés à faire.

SERGIO FERRARI
Le Qatar hors jeu : la Coupe du monde crée la polémique

Sergio Ferrari, 1/10/2022
Traduit par
Tlaxcala

Les tirs au but ne sont pas toujours plus éloquents que des mots
Les footballeurs défendent leurs droits syndicaux

Le coup d'envoi d'une nouvelle Coupe du monde approche. Avec le Qatar en ligne de mire, la pression sur la “planète football”, tant sur le terrain qu'en dehors, ne cesse de croître. La passion des foules est désormais honorée par un accord syndical mondial. Pendant ce temps, la société civile internationale exige que l'on se souvienne du non-respect des droits humains pendant la période précédant la Coupe du monde et qu'on le répare.



Travail insalubre : les droits de l'homme et du travail sont violés au Qatar. Photo Amnesty International

La dernière semaine de septembre, le Forum mondial des ligues (WLF), qui représente 44 institutions nationales de football professionnel regroupant quelque 1 100 clubs, et la Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels (FIFPRO), qui regroupe 66 syndicats avec 60 000 joueurs, ont signé à Genève, en Suisse, le premier Accord Mondial du Travail (AMT). Celui-ci reconnaît l’importance du dialogue social pour améliorer les droits des footballeur·ses professionnel·les.

Comme le rapporte le site ouèbe de la FIFPRO, cet accord “révolutionnaire” permettra aux ligues et syndicats d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie, d’Europe et d’Océanie d’aborder des questions internationales critiques qui affectent directement les relations de travail entre les clubs et leurs joueur·ses.

La FIFPRO et le WLF collaboreront également pour développer et promouvoir la négociation collective en prenant une plus grande responsabilité dans le processus de professionnalisation du sport au niveau national.

Comme prochaines étapes, les deux partenaires désigneront leurs représentants pour intégrer le Conseil exécutif qui gérera l’application de l’accord. Le Conseil se réunira avant la fin de 2022 pour discuter, entre autres, des priorités en matière d’emploi, du calendrier des matches et des compétitions et de la charge de travail des joueurs.

Les futures négociations porteront sur des questions telles que les normes du travail, la gestion des commotions cérébrales et les mesures de lutte contre la discrimination et le racisme sur et en dehors du terrain, ainsi que leurs expressions sur les réseaux sociaux.



Des maillots de football portant les noms de quelques-uns des milliers de travailleurs migrants tués sur les chantiers de la Coupe du monde au Qatar.

Guy Ryder, directeur de l’Organisation internationale du travail (OIT), a célébré ce nouvel accord international, qui représente “un pas en avant dans les relations de travail des footballeurs”. Et il a souligné que le football peut inspirer et unir des personnes de toutes nationalités et de tous horizons, quels que soient leur genre et leur origine ethnique.

L’Accord mondial du travail est conforme aux principes et droits fondamentaux au travail établis par l’OIT dans la Déclaration des principes et droits fondamentaux de 1998. Il reprend les points de consensus du Forum de dialogue mondial sur le travail décent dans le monde du sport (2020) et inclut une référence spécifique à la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit d’organisation de 1948 et de négociation collective de 1949 .

L’accord offrira une plateforme pour discuter des normes de protection de la santé et de la sécurité des athlètes, ainsi que de l’engagement nécessaire pour améliorer la représentation et la participation des ligues nationales, des clubs qui les composent et des syndicats du secteur. En outre, il s’engage à promouvoir une plus grande représentation et reconnaissance du football féminin.



Photo de groupe des signataires de l'Accord mondial du travail qui régira les relations sociales dans le monde du football

Les droits humains en question

Alors que l’Accord mondial du travail ouvre une fenêtre d’espoir pour les sportifs, la société civile internationale intensifie les critiques à l’encontre du Qatar.

En septembre, des porte-parole reconnus d’organisations non gouvernementales (ONG) ont continué d’exiger une indemnisation de la part de la Fédération internationale de football (FIFA) pour les travailleurs migrants dont les droits humains ont été violés lors des préparatifs de la Coupe du monde 2022.

Déjà en mai 2021, le journal britannique The Guardian évaluait à 6 500 le nombre de travailleurs décédés lors de la construction des stades, dont la grande majorité étaient des immigrants d’Inde, du Bangladesh, du Népal, du Sri Lanka et du Pakistan. Ces informations étaient principalement basées sur les données fournies par ces pays.