Allison Kaplan Sommer,
Haaretz, 10/6/2024
Traduit
par Layân Benhamed,
édité par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Les Israéliens feraient bien d’d’écouter
des personnalités comme le chef de la Conférence des rabbins européens, le
rabbin Pinchas Goldschmidt, qui a écrit à la veille des élections européennes
qu’il n’y avait « pas de bons choix » pour les Juifs européens.
Israel Katz, janvier
2023. Photo Olivier Fitoussi
Dans des circonstances normales,
les dirigeants et experts israéliens montreraient au moins une certaine
détresse en apprenant que les partis d’extrême droite liés au passé nazi et
fasciste et aux scandales d’antisémitisme actuels ont dominé les élections au
Parlement européen.
Mais, comme pour bien d’autres
choses, la guerre contre le Hamas à Gaza et la condamnation mondiale d’Israël
ont modifié ce calcul. Après les récentes annonces de l’Espagne, de l’Irlande,
de la Norvège et de la Slovénie selon lesquelles elles reconnaîtraient
officiellement un État palestinien, la victoire de la droite en Europe a plutôt
suscité l’optimisme quant au ralentissement, voire à l’arrêt de la tendance.
Le chef du bureau européen de la
chaîne de télévision la mieux notée d’Israël, Elad Simchayoff, a célébré sur X
la démission du Premier ministre belge Alexander De Croo , qui avait sévèrement
critiqué Israël au cours de la guerre. Les responsables du ministère israélien
des Affaires étrangères avaient craint que De Croo ne soit sur le point d’amener
la Belgique à suivre les traces des autres pays et à reconnaître un État
palestinien.
Simchayoff a tweeté une vidéo de l’annonce
en larmes de De Croo, commentant joyeusement : « Au revoir et prenez soin de
vous. Nous nous souviendrons toujours de votre manque de clarté morale et de
tact, en voyageant jusqu’en Égypte pour prononcer un discours au passage de
Rafah quelques instants avant le passage du premier groupe defemmes et d’ enfants
otages de retour en Israël. »
En effet, le 24 novembre, De Croo
se trouvait à Rafah avant qu’un accord n’aboutisse à la libération de 13 otages
du Hamas. Alors que le Premier ministre belge a salué cette libération et
appelé à la libération de davantage d’otages, il a réservé des propos durs à l’égard
d’Israël , dénonçant la « violence des colons », la violation du droit
humanitaire international, le « meurtre de personnes innocentes » et appelant à
un « cessez-le-feu permanent ».
Le ministre de la Diaspora, Amichai
Chikli, s’est lui aussi moqué des larmes de De Croo, affirmant :« soutenir
le terrorisme ne trouve pas un écho auprès du peuple belge ».
Le Premier ministre belge
@alexanderdecroo a pleuré hier lorsque son parti a été vaincu. Apparemment,
soutenir le terrorisme ne trouve pas un écho auprès du peuple belge.
Le ministre israélien des Affaires
étrangères, Israel Katz, censé être le plus haut diplomate du pays, a publié un
tweet extrêmement peu diplomatique en anglais et en espagnol, qui présentait un
mème des principaux dirigeants espagnols avec des œufs crus et dégoulinants
écrasés sur la tête, célébrant le fait que la reconnaissance de l’État
palestinien ait été « punies» par les électeurs.
« Le peuple espagnol a puni la
coalition @sanchezcastejon et @Yolanda_Diaz_ par une défaite retentissante aux
élections. Il s’avère que soutenir les meurtriers et les violeurs du Hamas n’est
pas payant », a écrit Katz.
Un satiriste israélien, Matan
Blumenblat, a souligné dans un article sur X l’ironie du fait que la position d’Israël
et de l’Europe est si lamentable que des Israéliens sont maintenant
reconnaissants que « les nazis soient de retour au pouvoir ».
Il y a des raisons pratiques à l’oscillation
du pendule. Comme l’a noté le correspondant diplomatique de Haaretz,
Amir Tibon, les responsables israéliens croisent les doigts pour que les
résultats des élections améliorent les chances de voir les propositions
anti-israéliennes rejetées par l’UE et créent plus d’obstacles aux mesures propalestiniennes
que les partis de gauche ont cherché à promouvoir après le déclenchement de la
guerre.
Même si cela est compréhensible, il
est inconvenant pour un État juif de se réjouir de la montée de personnalités d’extrême
droite et xénophobes comme la française Marine Le Pen, le néerlandais Geert
Wilders et les représentants d’Alternative pour l’Allemagne, le parti d’extrême
droite avec un passé néo-nazi qui a obtenu 16 pour cent des voix aux élections
européennes en Allemagne, ce qui en fait le deuxième parti allemand au
parlement.
Parmi les autres vainqueurs d’extrême
droite : le politicien Grzegorz Braun, le député polonais qui avait utilisé en décembre dernier un
extincteur pour éteindre une bougie sur une menorah allumée pour Hanoukka dans l'enceinte du Parlement polonais, expliquant que son
geste visait à « restaurer la normalité et l’harmonie en mettant fin à l’acte
de victoire de Satan, du Talmud et du sectarisme » . [voir vidéo]
Les Européens juifs sont beaucoup
plus circonspects quant aux résultats, comme ils l’ont été lors des élections.
Les Israéliens feraient bien d’écouter des personnalités comme le rabbin
Pinchas Goldschmidt, chef de la Conférence des rabbins européens, qui a écrit à
la veille des élections qu’il n’il n’y avait « pas de bons choix » pour les
Juifs européens.
« Nous craignons pour l’avenir
de l’Europe et pour la place que nous y occupons en tant que minorité, quelle
que soit la manière dont nous votons et quel que soit le vainqueur »,
a-t-il écrit.
Une fois les résultats connus, les dirigeants
israéliens devraient envisager de faire de même.