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28/09/2022

LEA MELANDRI
Qui est Giorgia Meloni, la machiste maternelle qui plait à des hommes et à des femmes ?
Analyse d'un succès

 Lea Melandri, Il Riformista, 23/9/2022

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Lea Melandri (Fusignano, 1941), est une journaliste, écrivaine et enseignante italienne, militante féministe depuis les années 1970. Bio-bibliographie en italien. Son seul livre en français est L'Infamie originaire (Éd. des Femmes, 1979).

 

NdT : cet article est paru deux jours avant les élections du 25 septembre qui ont vu le triomphe des Fratelli d’Italia et de leur Big Mamma.

 

Si Giorgia Meloni devait réellement devenir Premier ministre, nous devrions d'abord nous demander la raison pour laquelle elle a obtenu un si large consensus parmi les hommes et malheureusement même les femmes; Le "familialisme" italiote est encore fortement enraciné, à tel point qu'il peut être considéré comme l'un des fondements de la vie sociale. En son sein, domine la figure de la femme-mère, forte du pouvoir que lui donne son caractère indispensable pour la famille - s'occupant des enfants, des malades, des personnes âgées et des hommes en parfaite santé, mais habitués à déléguer les soins et le travail domestique aux femmes. Giorgia Meloni a non seulement souvent affirmé son rôle maternel, son opposition à l'avortement, sa préoccupation maintes fois répétée pour la dénatalité en Italie, mais elle se présente comme une sorte d'hybride, un mélange de traits féminins et virils, de physique gracieux et d'agressivité, un machisme tempéré par la ruse féminine.

 

Non, ce n’est pas une série Netflix (“La servante en noir”), c’est Giorgia Meloni, “utérus de la nation”, manifestant contre la gestation pour autrui : « Non à la location d’utérus », « Le corps de la femme n’est pas à vendre », « Location d’utérus, crime universel »

 

Pour beaucoup d'hommes, qui ont vécu dans l'ombre de mères souvent plus fortes et plus combatives que les pères, c'est une figure familiale qu'ils ne ressentent pas comme concurrentielle, qui ne menace pas leur pouvoir, parce qu'elle montre qu’elle l’a absorbé sans aucune critique ni distanciation. En somme, un double qui, pour différentes raisons - de vengeance, de sortie de la position de victime - plaît aussi aux femmes et les rassure. Sa présence à la tête de la coalition de droite n'a pas été perçue comme une dévaluation, mais presque comme une valeur ajoutée. Sa ténacité et sa pugnacité ont eu le dessus sur les dirigeants masculins, qui sont clairement en crise de crédibilité, et en tant que femme, avec une vision du monde qui s'inscrit entièrement dans la culture patriarcale, elle les a en quelque sorte légitimés. Ils peuvent se targuer d'une présence féminine rare au sommet du pouvoir, sans qu’ils aient à subir des dommages en retour. Dans la campagne électorale, mais aussi dans l'ascension surprenante de son parti, ça a certainement compté pour Giorgia Meloni qu'elle fût une femme, mais une femme capable de leadership, de fortes convictions et d'agressivité pour s'opposer aux ennemis politiques. Elle a toujours soigné ses apparences féminines dans sa tenue vestimentaire, autant que le caractère résolu de ses discours publics, un mode de communication parfois même violent.

Rossana Rossanda a dit un jour que les femmes peuvent être « réactionnaires ou insurgées, rarement démocratiques ». Il me semble que le succès de Giorgia Meloni, mais aussi le danger qu'elle représente pour notre pays à la démocratie déjà chancelante,  réside dans la combinaison de ces deux éléments. On peut se demander pourquoi il n'y a pas eu de réaction forte des femmes face à une droite qui menace leurs conquêtes et droits durement acquis.

Malheureusement, en Italie, depuis ses débuts dans les années 1970, le féminisme a été non seulement entravé mais aussi combattu par ces mêmes forces politiques - je pense en particulier aux groupes extraparlementaires - qui auraient dû être renforcées et enrichies par lui. Il est vrai que dans sa radicalité, dans ses pratiques politiques anormales, comme la conscience de soi et la pratique de l'inconscient, dans sa tentative de ramener à la culture tout ce qui a été considéré comme “apolitique” pendant si longtemps - sexualité, histoire personnelle, maternité, soins, etc. -On s'est vite rendu compte qu'il ne s'agissait pas d'un complément à “l'autre culture”, pas même la culture marxiste qui parlait de lutte des classes et de révolution, mais d'une culture antagoniste qui la contestait.

Le féminisme représentait alors, et on peut encore le dire aujourd'hui, le symptôme de la crise du politique et en même temps l'embryon de sa nécessaire redéfinition. Il y a un trait anti- establishment dans le mouvement des femmes en Italie que j'ai retrouvé dans toutes les “marées” de nouvelles générations que j'ai rencontrées au cours de mon long parcours féministe, et qui est également très présent aujourd'hui dans le réseau Non Una Di Meno [Pas une de moins]. Je ne sais pas dans quelle mesure cela a contribué au fait que les questions de genre sont presque totalement absentes du débat public, et même de la production des intellectuels et des politiciens de gauche. Dans les mouvements, antiracistes, environnementalistes, écologistes, anticapitalistes eux-mêmes, bien qu'ils aient une forte présence féminine et féministe en leur sein, les questions plus spécifiquement liées au sexisme sont rarement mentionnées. Cela a certainement à voir avec le familialisme dont j'ai parlé précédemment, avec une idée de la “normalité” qui a intégré de manière perverse l'amour et la violence, la protection et le contrôle du corps féminin, l'exaltation de la maternité et son insignifiance historique, pour citer Virginia Woolf.

Les risques d'un gouvernement avec une forte présence de Fratelli d’Italia pour les droits des femmes durement acquis sont là. En particulier sur la question de l'avortement. Ils ne remettront pas directement en cause la loi 194, mais, comme les “mouvements pro-vie”, les groupes fondamentalistes catholiques, l'ont fait jusqu'à présent, ils la rendront inapplicable, avec l'objection de conscience des médecins, la mise en cause des femmes. Meloni a déjà parlé de l'enterrement et des cimetières pour les fœtus sans avoir à demander le consentement de la femme. Pendant la campagne électorale, elle s'est comportée de manière plus diplomatique, compte tenu du débat qui a fait rage, notamment sur les médias sociaux et à la radio. Ce qui est plus effrayant, à mon avis, ce n'est pas l'attaque directe contre des droits tels que le divorce, l'avortement, la réforme du droit de la famille, etc., mais le consensus qui accueille malheureusement son combat pour les valeurs traditionnelles « famille, patrie, nation » et l' « intégrité de l'espèce » menacée par la présence croissante de femmes “étrangères”, plus prolifiques que les Italiennes.

La relation entre les sexes a atteint une conscience historique, mais les femmes elles-mêmes ont du mal à en percevoir l'ampleur. Cela peut sembler être un accomplissement important, même pour certaines féministes, de voir une femme apparaître dans des postes de pouvoir de premier plan, mais heureusement, la majorité des féministes ne manquent pas de prendre position aujourd'hui, affirmant clairement que les femmes, ayant fait leur la vision du monde masculine, bien que par la force, ont fait de l'émancipation une ascension au pouvoir sous la même forme que celle dont nous avons hérité, sans remettre en question le patriarcat, ses hiérarchies, ses “valeurs”. Il n'est pas surprenant que les femmes qui accèdent au pouvoir, à quelques exceptions près, soient majoritairement de droite.

Les droites, surtout dans le sud de l'Europe où la religion catholique est plus répandue, ont toujours su mêler habilement la violence du pouvoir à la démagogie, la main de fer à la rhétorique de la défense de la famille et de la nation. La gauche paie le prix de ses “Lumières”, qui, en séparant rationalité et sentiments, a donné à la droite une énorme expérience, y compris sur des sujets considérés comme “intimes” - comme la sexualité et la maternité – “apolitiques"” et relégués comme tels dans la sphère privée. La “révolution” du féminisme, à savoir la redécouverte de la nature politique de la vie personnelle et de l'énorme patrimoine culturel qui y est enfoui depuis des millénaires, semble n'avoir servi à rien à cet égard.

27/09/2022

Ivan Maïski
Le communiste et le roi

 Ivan Maïsky, édité par  Gabriel Gorodetsky, The New York Review of Books, 28/4/2011

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Ivan Maïski a été ambassadeur soviétique à Londres de 1932 à 1943. Gabriel Gorodetsky (Tel-Aviv, 1945) est un professeur émérite de l'université de Tel-Aviv, Quondam Fellow du All Souls College, Oxford et membre de l'Institut d'études avancées de Princeton. Il a édité The Maisky Diaries - Red Ambassador to the Court of St James' s, 1932-1943, (traduit du russe par le Dr Oliver Ready et Tatiana Sorokina, Yale University Press,  2015/2017). Une version française abrégée en a été publiée par Les Belles Lettres en 2017 (Ivan Maïski, Journal 1932-1943, traduit par Christophe Jaquet)

 

Présentation de Gabriel Gorodetsky

La terreur stalinienne et les purges des années 1930 ont découragé les hauts fonctionnaires soviétiques de mettre un stylo sur le papier, sans parler de tenir des registres personnels et surtout des journaux intimes. Les extraits suivants sont tirés du journal rare et unique tenu assidûment par Ivan Maïski, ambassadeur soviétique à Londres entre 1932 et 1943. Le journal, qui contient près de 1600 pages d'entrées denses manuscrites et dactylographiées, enregistre minutieusement et franchement ses observations, conversations et activités pendant son séjour à Londres.

Ancien menchevik avec des ancêtres juifs, Maïski a survécu à la terreur jusqu'à deux semaines avant la mort de Staline le 5 mars 1953. Au plus fort de la campagne anticosmopolite, il a été arrêté et inculpé d'espionnage, de trahison et d'implication dans un complot sioniste et condamné à six ans de prison. Après son arrestation, ses papiers privés et son journal ont été confisqués et déposés aux archives du ministère russe des Affaires étrangères, où je les ai trouvés. Libéré en 1955 et acquitté de toutes les accusations, il est mort en 1975.

Maïski était né en 1884 sous le nom de Jan Lachowiecki dans une famille juive polonaise de l'empire russe. Ses premières activités révolutionnaires conduisirent en 1902 à son expulsion de l'Université Saint-Pétersbourg et à son exil d'abord en Sibérie, puis à Londres, où il passa les années entre 1912 et 1917. Il y établit des relations étroites avec les futurs commissaires aux Affaires étrangères, Georgii Tchitcherine et Maxime Litvinov. C'est pendant ses années d'exil que Maïski acquit une maîtrise de la langue anglaise, ainsi que de l'histoire et la culture britanniques, et eut un large cercle d'amis issus des milieux politiques, intellectuels et littéraires, dont George Bernard Shaw, H.G. Wells et Beatrice Webb. Sa maîtrise des langues étrangères et sa connaissance de la scène internationale, renforcées par son amitié avec Litvinov, expliquent son ascension rapide dans le service diplomatique soviétique après la révolution. Après de courtes périodes à des postes subalternes à Londres, Tokyo et Helsinki, il retourna à Londres comme ambassadeur à la fin de 1932.

Ivan Mikhaïlovitch avec sa fille Nalia en 1926

Maïski a écrit son journal intime en visant la postérité. Il a enregistré des conversations avec cinq premiers ministres britanniques, dont Ramsay MacDonald, Lloyd George, Stanley Baldwin, Neville Chamberlain et Winston Churchill, ainsi qu'avec d'autres personnalités politiques britanniques de premier plan comme lord Halifax, Anthony Eden, lord Beaverbrook et John Maynard Keynes. Le journal témoigne de la dérive vers la guerre tout au long des années 1930, y compris l'apaisement à Munich, les négociations culminant dans le pacte Ribbentrop-Molotov, l'accession de Churchill au pouvoir, la bataille d'Angleterre, et les événements conduisant à l'alliance en temps de guerre après l'invasion de l’URSS par Hitler en juin 1941.

 

Ivan Maïski (deuxième à partir de la gauche), ambassadeur soviétique à Londres entre 1932 et 1943, accompagné de Winston Churchill au déjeuner des ambassadeurs alliés à l'ambassade soviétique, septembre 1941. Le général Władysław Sikorski, premier ministre du gouvernement polonais en exil, est le deuxième à droite.

 

12 mars 1937

Le 4 mars, tous les chefs de missions diplomatiques ont remis leurs lettres de créance au nouveau roi, George VI. La procédure a été simplifiée et réalisée en masse. Tous les ambassadeurs et les envoyés ont été alignés par ordre d'ancienneté dans la Bow Room du palais de Buckingham. Ils ont été admis un par un dans la pièce voisine, où le roi les attendait, lui ont soumis leurs lettres de créance, ont échangé quelques remarques comme exigé par le protocole, et sont ressortis, cédant la place au suivant. Le Roi a consacré deux ou trois minutes à chaque diplomate. [Anthony] Eden était présent à la cérémonie et a donné un coup de main, car le roi est taciturne et facilement embarrassé. Il bégaie aussi. Toute la cérémonie s'est bien déroulée. Le seul choc, qui provoqua un grand émoi dans la presse et dans la société, fut le « salut nazi » de [Joachim von] Ribbentrop. Lorsque l'ambassadeur allemand entra dans la pièce pour rencontrer le roi, il leva la main droite en saluant, plutôt que de faire l’habituelle courbette. Cette « nouveauté » offensa profondément les Anglais et déclencha une réaction défavorable dans les milieux conservateurs. Ribbentrop fut accusé de manque de tact et comparé à moi - un « bon garçon » qui salue le roi correctement, sans lever un poing serré au-dessus de sa tête.

Pour rencontrer les épouses des diplomates, le roi et la reine ont également donné aujourd'hui une five o’clock tea party, invitant les chefs de mission et leurs conjointes. Ribbentrop salua de nouveau le roi d'une main levée, mais il se courba devant la reine de la manière normale. Les petites princesses étaient également présentes : Elizabeth et Margaret Rose, toutes deux vêtues de robes rose clair et, c'était clair, terriblement excitées d'être présentes à une cérémonie aussi « importante ». Mais elles étaient aussi curieux d'une manière enfantine de tout ce qui les entourait. Elles sautaient d'un pied sur l'autre, puis elles ont commencé à rire, puis à mal se comporter, à l'embarras considérable de la Reine. Lord Cromer a conduit ma femme et moi au couple royal et nous avons eu une conversation assez longue, moi avec le roi et Agnia [Alexandrovna, sa femme, NdT] avec la reine. Les dames discutaient pour la plupart d'enfants, tandis que le roi s'enquérait de l'état de notre marine et du canal mer Blanche-Baltique. Le roi a exprimé sa grande satisfaction quand je l'ai informé que le cuirassé Marat arriverait pour le couronnement.

16 novembre 1937

Aujourd'hui, Agnia et moi avons assisté au « banquet d'État » donné par George VI en l'honneur du roi Léopold de Belgique, qui est arrivé pour une visite de quatre jours. C'était un banquet comme les autres. Cent quatre-vingts invités, toute la famille royale, les membres du gouvernement, les ambassadeurs (mais pas les envoyés) et divers notables britanniques. Nous avons mangé dans des assiettes en or avec des fourchettes et des couteaux en or. Le dîner, contrairement à la plupart des dîners anglais, était savoureux (le roi aurait un cuisinier français). Deux douzaines de « pipers » [joueurs de cornemuse] écossais entrèrent dans la salle pendant le dîner et marchèrent lentement plusieurs fois autour des tables, remplissant les voûtes du palais de leur musique semi-barbare.

J'aime cette musique. Il y a quelque chose des montagnes et des bois d'Écosse, de la distance des siècles passés, du passé primordial de l'homme. La musique des Pipers a toujours eu un effet étrange et excitant sur moi, m'attirant quelque part loin, vers de vastes champs et des steppes sans limites où il n'y a ni personnes ni animaux et où l'on se sent jeune et courageux. Mais j'ai vu que la musique n'était pas au goût de beaucoup d'invités. Ils la trouvaient rude, tranchante et indécent dans l'atmosphère solennelle et raffinée du palais Leopold était l'un des dîneurs mécontents….

Après deux discours prononcés par George VI et Léopold, qui ont proclamé une amitié indéfectible entre leurs États, les invités se sont déplacés dans les salles adjacentes et nous, les ambassadeurs, avons été réunis dans la Bow Room où se trouvaient les deux rois, les ministres et quelques courtisans de haut rang. Les dames étaient dans une salle voisine avec les jeunes et les vieilles reines. Ici, encore une fois, tout était comme toujours dans les « banquets d'État » : d'abord les rois parlaient entre eux tandis que les ambassadeurs faisaient tapisserie comme des « meubles diplomatiques » coûteux. Puis Lord Cromer et d'autres courtisans commencèrent à bourdonner parmi les invités et à conduire les « quelques chanceux », qui devaient être favorisés avec la « plus haute attention », à l'un ou l'autre des rois. Leopold s'entretient avec Chamberlain, Hoare, Montagu Norman (gouverneur de la Banque d'Angleterre) et, parmi les ambassadeurs, avec Dino Grandi [ambassadeur d'Italie], Ribbentrop [surnommé Brickendrop, le Gaffeur, NdT] et Charles Corbin [ambassadeur de France].

Il y avait une orientation évidente vers l'«agresseur» et le collaborateur de l'agresseur.

Naturellement, je n'ai pas été aussi honoré : l'URSS n'est plus à la mode aujourd'hui, surtout aux échelons supérieurs du Parti conservateur. L'ambassadeur du Japon, Yoshida, qui était dans un coin, n'était pas non plus invité à lui rendre hommage. Pas étonnant : les fusils japonais tirent actuellement sur la capitale et le prestige britanniques en Chine !…

J'ai fini par en avoir marre de ce spectacle ennuyeux et j'avais déjà l'intention de me glisser dans les autres pièces, où je pouvais voir beaucoup de gens intéressants que je connaissais. Mais à ce moment-là, il y eut une agitation soudaine dans la Bow Room. J'ai levé les yeux et j'ai réalisé ce qui se passait. Lord Cromer, sortant d'une pièce voisine, conduisit Churchill à Leopold et le présenta. George les rejoignit bientôt. Tous les trois eurent une conversation longue et animée, dans laquelle Churchill gesticula vigoureusement et les rois se mirent à rire. Puis l’audience a pris fin. Churchill s'éloigna des rois et se heurta à Ribbentrop. Ribbentrop a entamé une conversation avec le célèbre « bouffeur d’Allemands ». Un groupe s'est immédiatement formé autour d'eux. Je n'entendais pas de quoi ils parlaient, mais je pouvais voir de loin que Ribbentrop pontifiait, comme d'habitude, sombrement à propos de quelque chose et que Churchill plaisantait en réponse, suscitant des éclats de rire de la part des gens qui se tenaient autour.

Finalement, Churchill semblait s'ennuyer, se retourna et me vit. Puis il arriva ce qui suit : en pleine vue du rassemblement et en présence des deux rois, Churchill traversa la salle, vint à moi, et me secoua fermement la main. Puis nous entrâmes dans une conversation animée et étendue, au milieu de laquelle le roi George marcha vers nous et fit un commentaire à Churchill. On avait l'impression que George, troublé par la proximité inexplicable de Churchill avec « l'ambassadeur bolchevique », avait décidé de le sauver du « diable de Moscou ». Je me suis écarté et j'ai attendu de voir ce qui se passerait ensuite. Churchill termina sa conversation avec George et revint me voir pour continuer notre conversation interrompue. Les aristocrates dorés autour de nous étaient presque choqués….

17 août 1940

Le duc de Windsor est arrivé avec Mme Simpson aux Bahamas, où il a été nommé gouverneur. Essentiellement, bien sûr, c'est un exil. Pourquoi l'ancien roi a-t-il été traité si durement ?

D'excellentes sources m'ont dit que la reine Elizabeth était derrière tout ça. Elle est « maître » de la maison et a le roi sous sa coupe. Elle est terriblement jalouse. Elle s'est donné pour tâche d'apporter de la popularité et de la splendeur à la famille royale. Elle envoie le Roi partout - dans les camps, les usines, les troupes, la ligne de front - pour qu'il apparaisse partout, pour que les gens le voient et s'habituent à lui. Elle ne se repose jamais non plus : bazars, hôpitaux, opérateurs téléphoniques, agriculteurs, etc. - elle leur rend visite à tous, leur donne sa bénédiction, fait la grâce de sa présence, parade. Elle a même fait récemment ce qui suit, un coup très inhabituel. Le frère de la Reine…avait organisé une tea party privée à laquelle une douzaine de journalistes américains éminents avaient été invités. La Reine assista aussi à la party, et pendant une heure et demie elle « a gracieusement conversé » avec les correspondants, ensemble et individuellement. Mais pas, bien sûr, pour les journaux. La reine craint terriblement que le duc de Windsor puisse rentrer chez lui et « voler » la popularité de son frère, qui a été gagnée avec tant d'efforts. C'est pourquoi le duc de Windsor a été exilé aux Bahamas.

 

NdT

Le roi dont parle Maïski était George VI, qui succéda en 1936 à son frère Edouard VII après l’abdication de ce dernier (ravalé au rang de duc de Windsor) pour pouvoir épouser Mrs. Simpson, une roturière usaméricaine divorcée ; sa royale épouse la reine consort était Elizabeth (the Queen Mother), mère d’Elizabeth II et grand-mère de Charles III

 

DAVID BRODER
La dérive de l'Italie vers l'extrême droite a commencé bien avant l’ascension de Giorgia Meloni

 David Broder, The Guardian, 26/9/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

David Broder est un écrivain et traducteur britannique vivant à Rome et éditeur européen du magazine Jacobin. Il est un contributeur régulier au New Statesman et à  Internazionale, écrivant sur la politique italienne. Ses écrits sont également parus dans l'Independent, la New Left Review et Tribune. Il est l'auteur de The Rebirth of Italian Communism : Dissident Communists in Rome, 1943-44,  First They Took Rome : How the Populist Right Conquered Italy, et des Mussolini's Grandchildren, Fascism in Contemporary Italy (Pluto Press, 2023). @broderly

Une normalisation des partis d'extrême droite remontant à Berlusconi a ouvert la voie à la percée de Fratelli d’Italia

Giorgia Meloni, par Paolo Lombardi, 2013

Giorgia Meloni a remporté un succès remarquable lors des élections italiennes d'hier – et il est presque certain qu'elle deviendra Premier ministre. Les 26% obtenus par son parti postfasciste Frères d'Italie, en font le plus grand parti au niveau national. Dans l'ensemble, la coalition de droite qu'elle dirige actuellement aura une majorité considérable dans les deux chambres du Parlement.

Une partie de l'explication réside dans la faiblesse de l'opposition. Le Mouvement éclectique des Cinq Étoiles (15%) et les Démocrates de centre-gauche (19%) n'ont pas uni leurs forces et, après des années d'échec à améliorer le niveau de vie de la classe ouvrière, n'ont pas réussi à rallier la base historique de la gauche. Le taux de participation a facilement été le plus bas de l'histoire de la république, avec seulement 64% de votants.

Pourtant, ce n'est pas seulement l'histoire de l'Italie faisant un virage brusque et brusque vers la droite. C'est le dernier produit d'une longue normalisation des partis d'extrême droite. Les médias considèrent souvent l'ancien Premier ministre Silvio Berlusconi comme une influence « modératrice », mais il a joué un rôle clé dans la percée d'extrême droite d'aujourd'hui. Il s'est vanté d'avoir « inventé le centre-droit en 1994 » en s'alliant avec « la Ligue et les fascistes » – « nous les avons légitimés et constitutionnalisés ». Dès le début, Berlusconi a fait de dures déclarations anti-immigrants, banalisé régulièrement les crimes de Mussolini et nommé des néo-fascistes à vie à des postes de haut niveau.

Le dernier gouvernement de Berlusconi a été abattu par la crise de la dette souveraine en 2011, et il a ensuite soutenu un cabinet technocratique. Puis, en 2013, il a été banni de toute charge publique après une condamnation pour fraude fiscale. Cela a offert d'abord à la Ligue, puis à Frères d'Italie l’occasion de revendiquer un leadership sur la coalition de droite, en mettant en avant leur récit sur le déclin civilisationnel et la résistance nationaliste.

Une grande partie de l'ascension plus récente de Frères d'Italie est due à sa position en tant que seule opposition majeure au cabinet multipartite de Mario Draghi, auquel Matteo Salvini et Berlusconi ont adhéré lors de sa création en février 2021. Meloni a souligné qu'elle poursuivrait une approche « constructive » à l'égard de Draghi et continuerait sa distribution de fonds européens postpandémiques, mais sans conclure d'accords avec le centre-gauche. Cela l'a confortée à la tête de la coalition de droite, les autres partis promettant désormais d’en faire leur premier ministre.

Si l'Italie a maintenant son premier ministre le plus à droite depuis 1945, cela ne signifie pas un simple retour au passé. Les Frères d'Italie sont enracinés dans le Movimento Sociale Italiano (MSI), un parti néo-fasciste créé en 1946 qui s'est présenté aux élections mais a conservé une profonde hostilité envers la république créée à la fin de la résistance antifasciste.

Sous les gouvernements de Berlusconi, les dirigeants du MSI ont formellement accepté les valeurs libérales-démocrates, abandonné leur ancien nom et condamné l'antisémitisme de Mussolini. Pourtant, beaucoup chérissaient encore l'héritage du néofascisme d'après-guerre, et les Frères d'Italie ont été créés en 2012 comme une réaffirmation explicite de la tradition MSI. C'est un parti qui cherche à réécrire les manuels d'histoire pour mettre en évidence les crimes des partisans antifascistes. Mais il s'appuie également sur d'autres mèmes d'extrême droite plus internationaux, comme le « grand remplacement » des Européens par les immigrants – une théorie du complot qui a inspiré de multiples attentats terroristes.

Frères d'Italie a promis des changements majeurs à l'héritage politique de la république d'après-guerre. L'un consiste à marginaliser le parlement et les partis en instaurant une présidence de la République directement élue. Mais beaucoup de critiques craignent qu'il n'aille plus loin. Ce mois-ci, Frères d'Italie et de la Ligue ont été les seuls partis italiens à voter contre une résolution du Parlement européen qui condamnait la Hongrie de Viktor Orbán comme « autocratie électorale ». Le parti de Meloni a également proposé une interdiction constitutionnelle des « excuses pour le communisme et l'extrémisme islamique » – imitant les mesures fourre-tout utilisées à Budapest pour écraser les critiques de gauche.

Le processus de formation du gouvernement prend généralement au moins un mois, même lorsqu'il y a une majorité clairement identifiable. Les dirigeants de Frères d'Italie ont insisté qu'ils attendent du gouvernement sortant qu'il prenne des mesures clés sur la flambée des factures d'énergie avant leur propre arrivée au pouvoir. Pourtant, cette crise et la guerre en Ukraine pourraient causer des problèmes majeurs. Malgré ses propres déclarations, la base de Meloni est principalement hostile aux sanctions contre la Russie, et le leader de la Ligue, Salvini, a soulevé des doutes sur leur avenir.

On peut s'attendre à ce que Meloni et ses nouveaux députés se tendant aux attaques contre les immigrés, les « lobbies LGBT », les syndicats et d'autres groupes qu'ils appellent l '« establishment de gauche ». L'appel en faveur d'un « blocus naval » en Méditerranée vise à durcir le régime frontalier actuel de l'UE. Les partis de droite prévoient également d'importantes réductions d'impôt et l'abandon des prestations aux demandeurs d'emploi. Même avec une large majorité, face aux drames d'aujourd’hui, il n'est pas clair qu'ils seront en mesure de poursuivre l'ensemble de leur programme. Mais la vraie crainte est de savoir qui ce gouvernement choisira pour lui faire encaisser les retombées de cette crise.

 

 

 

ANNA SIMONE
Un journal d’erreurs jamais écrit : notes marginales sur l’ascension de Meloni et le déclin du PD

Anna Simone, Dinamopress.it, 26/9/2022 

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Un tour de scrutin où, dans la déqualification généralisée de la politique désormais totalement subalterne au marketing de performance et à la technique, deux mots qui auraient pu faire la différence ont été absents : l'Histoire et la Société.

 

« Le fascisme convient aux Italiens parce qu'il est dans leur nature et qu'il renferme leurs aspirations, exalte leurs haines, rassure leur infériorité. Le fascisme est démagogique mais patronal, rhétorique, xénophobe, haineux de culture, méprisant la liberté et la justice, oppresseur des faibles, serviteur des forts, toujours prêt à pointer les autres du doigt comme causes de son impuissance ou de sa défaite (…). Il n'aime pas l’amour, mais la possession. Il n'a pas de sens religieux, mais il voit dans la religion le rempart pour empêcher les autres de s'élever au pouvoir. Il croit intimement en Dieu, mais en tant qu'entité avec laquelle il a établi un concordat, do ut des (donnant-donnant). Il est superstitieux, il veut être libre de faire ce qu'il veut, surtout s'il nuit ou dérange les autres. Le fasciste est prêt à tout pourvu qu'on lui concède qu'il est le patron, le Père. Les mères sont généralement fascistes. »

Dans les années 1960, Ennio Flaiano* décrivait ainsi la personnalité fasciste. Une synthèse parfaite, caustique, lucide et d'une certaine manière sans espoir, encline à dessiner le profil anthropologique de l'Italien moyen lequel, semble-t-il, reste valable même au lendemain de ces élections politiques. Cependant, malgré une anthropologie de base à certains égards incontestable et traçable un peu partout, non seulement dans la droite melonienne (n'oublions pas les résultats obtenus par la Ligue de Salvini au cours des dernières années ou les résultats obtenus par l'action performative orientée vers le succès de Renzi), il serait profondément naïf de s'arrêter à cette description.

En effet, si l’anthropologie du pouvoir masculin incarnée par le virilisme de la Loi du Père (d'où le nom « Frères d’Italie ») et par le pouvoir féminin de la Mère, dans ce cas incarné par la symbolique de l'utérus de la Nation (« Je suis Giorgia ») est importante pour comprendre le résultat obtenu par cette « femme-soldat », comme elle aime à se définir elle-même, nous ne pouvons certainement pas occulter que ce succès est aussi l’effet, sinon le résultat, d'une série de variables et de processus, contingences historico-politiques sur lesquelles, en particulier le Parti Démocrate, n'a pas su écrire son très personnel « journal d'erreurs ».

Si Meloni savait déjà qu'elle allait tripler ses suffrages en refusant de participer au « gouvernement technique » de mémoire draghienne (pour prendre la place de la Ligue), le Parti démocrate, dans son processus d'embourgeoisement progressif sanctionné par son étiquetage hâtif comme « populiste » de toutes les instances issues de la colère populaire et de l'adhésion sans passion aux processus de néolibéralisation de l'État, a su lui offrir la victoire sur un plateau d’argent.

Bien que tout cela se soit consommé dans un été chaud qui a coupé le souffle et la pensée, nous ne pouvons certainement pas accepter que ce résultat ne soit imputable qu'à la volatilité temporelle du présent. Dans cette campagne électorale, en effet, dans la déqualification généralisée de la politique désormais totalement subalterne au marketing de performance et à la technique, deux mots qui auraient pu faire la différence ont été absents : l'Histoire et la Société.

Premier mot absent : l'histoire

Dès le début de la guerre russo-ukrainienne, qui est devenue immédiatement après une guerre entre l'Occident et les puissances euro-asiatiques, on avait déjà compris que de nombreux éléments renvoyaient au début du XXe siècle, mais seulement du point de vue symbolique : une guerre qui aurait généré une deuxième crise économique en affaiblissant davantage le pouvoir d'achat, donc une augmentation de la colère populaire, une pandémie et une désorientation générale qui n'aurait certainement pas pu résoudre la technicité de l'agenda Draghi et de son PNRR [Plan national de relance et de résilience]. Dans les premières décennies du XXe siècle, il y avait eu une guerre, une pandémie de grippe espagnole, quelques années « rugissantes », la crise économique et enfin, comme c’est curieux, l’avènement des fascismes et des national-socialismes presque partout en Europe. Bien sûr, aujourd'hui, le contexte a changé sur le front de la qualité des politiques et l'affrontement ne se consomme pas entre libéraux éclairés et national-socialistes, mais entre néolibéralisation douce et néolibéralisation autoritaire (deux faces d'une même médaille), mais le résultat est pratiquement le même : en Pologne, en Hongrie et maintenant aussi en Italie, nous avons des personnalités « autoritaires », pour être élégants et ne pas exagérer avec le mot « fascistes », au gouvernement.

Le Parti Démocrate a-t-il su lire entre ces lignes de l'Histoire ? A-t-il compris que pour faire la différence, il aurait dû enclencher une coupure par rapport au draghisme et aux politiques de réarmement ? Non et bien sûr les urnes n'ont pas récompensé son arrogance parce qu'on le sait : les originaux sont toujours mieux que les photocopies.

De plus, en regardant les talk shows post-électoraux, il semble aussi qu'ils soient fiers d'être la première force de l'opposition et même la majorité dans la société, calculette en main, comme si Calenda [chef du parti “social-libéral” Azione, NdT] et Renzi étaient assignables à une quelconque forme de gauche et même après avoir refusé de s'allier avec la noblesse restée dans le Mouvement 5 étoiles qui vise en fait à prendre la place des « progressistes », cette fois sans technique et avec un peuple discret de « raisonnables » qui se sentent rassurés par Giuseppe Conte et son agenda social (de nombreux électeurs du PD l'ont préféré). Ainsi, en ce temps rapide et névrotique qui ne dépose rien, mais détruit tout, s'étonner de la victoire de Meloni, c'est un peu comme ne jamais avoir lu même un manuel d'histoire de base pour l’école primaire, ce qui prouve que courir derrière les banques et le capital en participant à des fêtes mondaines et en étiquetant la rage sociale comme « populisme » ne sert qu'à ceux qui font de l'instrumentalisation de la rage sociale l’échelle pour leur ascension très personnelle.

Deuxième mot absent : la société

Il y a quelques années, Alberto de Nicola et moi avons fait des recherches sur les banlieues de Rome et sur les comités de citoyens dans certains quartiers importants de la ville. Le volume s'appelle, ce n'est pas un hasard, le syndrome identitaire. De l'analyse des comités de matrice qualunquiste, donc de droite, il ressortait que la colère populaire s'était stratifiée en premier lieu vers le vote au Mouvement 5 étoiles et immédiatement après l’arrivée au gouvernement de ces derniers, ils se tournaient vers Salvini. Il était donc tout à fait évident que le fameux« flux électoral » irait alors dans la direction de Giorgia Meloni, une fois découverte l’esbrouffe du VRP avec le crucifix au cou (Salvini).

Un phénomène imprévu et saisonnier comme la naissance d'un cèpe dans les Abruzzes ? Non, seulement le résultat et l’effet du journal d’erreurs jamais écrit par le Parti démocrate et, pour tout dire, aussi par d'autres forces politiques de gauche devenues de plus en plus minoritaires.

Toutes ces gauches sans peuple, abandonnant celui-ci à son destin, malgré les données qui nous indiquaient et nous indiquent une augmentation du taux de pauvreté d'envergure considérable, ainsi qu'une augmentation du taux d'inégalités sociales tout aussi impressionnante, se sont de facto dirigées elles-mêmes vers l'impasse du suicide assisté. Les masses aujourd'hui, en plus d'être orphelines de représentation, sont aussi le fruit d'un processus de dépolitisation progressive qui commence par la décomposition du travail, se poursuit avec le système des privatisations, traverse la première crise économique de 2007 et se cogne la tête plus ou moins comme il peut à chaque élection, exactement comme peut le faire un désespéré.

Dans la religion commune qui demande à tous de devenir « entrepreneurs d'eux-mêmes », le Parti démocrate s'est-il jamais demandé ce qui se passe de manière réaliste dans la société et dans les territoires ? A-t-il jamais compris qu'en allant dans cette direction, il embrassait l’idée que la compétitivité se substituait progressivement au bien-être et que l’individualisme prenait la place de la société du XXe siècle marquée par le collecteur des idéologies et par les politiques redistributives ? S’est-il rendu compte que la société existe ? Cette campagne électorale jouée sur les réseaux sociaux, sur les entreprises de marketing politique, sur la mesure des sentiments populaires au moyen d'algorithmes très raffinés dans la canicule estivale a été, pour la soussignée, la plus féroce de tous les temps à observer, précisément parce qu'en cachant et en dissimulant les besoins réels de la société et de sa tenue, elle a laissé le champ libre au retour de l'Histoire, comme dans une sorte de prophétie qui s'auto-réalise, laissant tout le monde stupéfait et impuissant.

Et c'est là, dans ces absences de paroles, de pratiques et de politiques de gauche, que Meloni a pu atteindre ce résultat. Un autre élément très dangereux l'aide également : la « féminité ». En lisant son autobiographie, on comprend parfaitement que pour elle « être femme » signifie activer une relance symbolique de l'utérus de la Nation.

Rien de tout cela n'a à voir avec le féminisme des années soixante-dix et avec une partie du féminisme contemporain. Quoi qu'en disent certaines femmes qui visent à maintenir haut le drapeau du politiquement correct, il n'y a ici que violence et férocité, vengeance, animosité, culture du bouc émissaire. La défendre uniquement parce que femme et « mère » signifie participer à ce terrible jeu collectif selon lequel la politique se fait à partir des identités de genre et non à partir de la qualité des politiques elles-mêmes, à partir du modèle de développement que l'on choisit et à partir de la remise en commun politique et société.  Ingrédients fondateurs également pour les politiques antiracistes et antisexistes.

S'étonner ou ne pas admettre ses erreurs pour ceux qui font de la politique est à son tour une erreur, mais qui sait… C'est peut-être le bon moment pour reconnecter politique et histoire, politique et société, pour repenser le conflit, ainsi que de nouvelles pratiques relationnelles et alliances. D’autre part, à maux extrêmes, remèdes extrêmes. Probablement les places se rempliront pour défendre la 194 [loi dépénalisant l’IVG, NdT], contre la réforme de la Constitution et le présidentialisme, contre les premières coupes à l'école et à l'université, dans un contexte qui aggravera certainement la criminalisation de la dissidence et bien plus encore, comme cela se produit systématiquement en Hongrie et ailleurs. Probablement Meloni sera démystifiée, comme c’est déjà arrivé à Salvini (hurler n'est pas gouverner) parce qu'elle ne sera pas en mesure de répondre aux entreprises et à la colère populaire en même temps et bien plus encore. Tous les scénarios possibles et à écrire, à vivre. Cependant, ce qui apparaît vraiment clair dans cet horizon nébuleux, c'est que notre libération collective et singulière ne viendra certainement pas du PD. En fait, si celui-ci veut devenir adulte, il doit vraiment écrire son journal d'erreurs.

NdT

*Ennio Flaiano (1910-1972) : écrivain, journaliste, dramaturge, co-scénariste de films de Fellini, avait 12 ans quand, en octobre 1922, il se trouva dans le même train que des fascistes se rendant à  la marche sur Rome. Ce qui l’a marqué à vie.