Christian Marazzi, Machina, 15/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Christian
Marazzi (Lugano, 1951) est un économiste et politologue suisse, titulaire d’un
diplôme en sciences politiques de l’université de Padoue et d’un doctorat en
économie de la City University de Londres. Ses principaux domaines de recherche
ont été la théorie monétaire, l’évolution des marchés financiers et les
transformations du monde du travail, ainsi que quelques incursions dans la
philosophie du langage, domaines dans lesquels il a réalisé d’innombrables
travaux analytiques. Entre 1985 et 2007, il a travaillé comme
économiste-chercheur au Dipartimento delle Opere Sociali de la Scuola
Universitaria Professionale della Svizzera italiana, où il enseigne toujours et
mène des recherches sociales. Il a enseigné dans plusieurs universités, dont l’Università
di Scienze politiche di Padova, la State University of New York, l’Université
de Lausanne et l’Université de Genève. Au cours des dix dernières années, il a
enseigné dans le cadre du master sur l’économie de l’art à la Nuova Accademia
di Belle Arti de Milan. On peut lire de lui en français :
-
La place des chaussettes : le tournant linguistique de l’économie et ses
conséquences politiques (Paris, Éditions de l’Éclat, 1997). (ISBN
2-84162-013-1)
Et vogue
l’argent (Éditions
de l’Aube, 2004). (ISBN 2-87678-811-X)
-
La
brutalité financière
( Éditions de l’Éclat, Paris, et Éditions Réalisations Sociales, Lausanne,
2013)
-
Le
socialisme du capital
(Éditions diaphanes, Zurich, 2016) .
Dans ce
neuvième épisode du “Journal de la crise” - un projet né de la collaboration
entre Effimera, Machina et El Salto - Christian Marazzi propose une hypothèse
importante : nous sommes face à une crise de surproduction numérique qui, si
elle s’explique d’une part par les effets du renversement des politiques
monétaires, c’est-à-dire l’augmentation des taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation
des profits, indique d’autre part la saturation de la demande, non seulement
parce que les revenus réels stagnent, voire diminuent, mais aussi et peut-être
surtout parce que la numérisation a atteint le seuil de l’assimilation sociale
et humaine. Dans la transition d’une politique monétaire expansive à une
politique monétaire restrictive, l’auteur soutient que la lutte politique
autour du plafond de la dette publique usaméricaine pourrait être la goutte d’eau
qui fait déborder le vase. Le texte est
publié simultanément dans Effimera
et en espagnol dans El
Salto.
Eneko
Mars, le
serpent sort de l’hibernation
Gillian Tett,
journaliste au Financial Times, a vécu de près certaines des plus
importantes crises financières et bancaires des trente dernières années, comme
celle qui a éclaté au Japon en 1997 et 1998, suite à la bulle immobilière des
années 1980, ou la crise financière mondiale de 2007 et 2008 des subprimes et
de Lehman Brothers [1]. S’inspirant de ces expériences, il a analysé la vague
de panique qui a déferlé sur les banques au mois de mars, de la Silicon Valley
Bank au Crédit Suisse en passant par First Republic, en mettant en évidence un
certain nombre de caractéristiques récurrentes, mais aussi d’importantes
discontinuités.
Tout d’abord,
selon Tett, toute crise bancaire est liée à la notion de “crédit”, au sens du latin
credere, faire confiance, et ce en relation avec le concept de “réserve
fractionnaire” (fractional banking), apparu dans l’Italie du
Moyen-Âge et du début de la Renaissance et qui façonne encore aujourd’hui la
finance moderne. Par définition, la réserve fractionnaire est le pourcentage
des dépôts bancaires que la banque est tenue de détenir sous forme d’espèces ou
d’actifs facilement liquidables. Chaque déposant doit “croire” que, s’il
souhaite retirer ses dépôts, la banque sera toujours en mesure d’honorer sa
demande de liquidités. Comme il est très rare que tous les déposants essaient
de retirer leur argent en même temps, cette croyance/confiance est importante
(sinon personne ne déposerait son argent dans les banques). La réserve
fractionnaire fonctionne bien en temps normal, lorsque les fonds sont recyclés
en prêts et en titres avec des rendements plus ou moins croissants. Toutefois,
lorsque les déposants sentent que le cycle économique change de signe, ils
commencent à retirer leur argent - comme cela s’est produit en 1997, en
2007-2008 et en mars 2023, et continue de se produire en avril et en mai, comme
dans le cas de First Republic et d’autres banques régionales usaméricaines ou
du Credit Suisse lui-même - et le système bancaire fractionnaire, la réserve
fractionnaire, finit par imploser. Il n’y a plus d’argent, et surtout plus le
temps de le récupérer, soit en demandant à la banque centrale (qui n’a
cependant ses guichets ouverts que quelques heures par jour, alors que le mobile
banking fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 !), soit en vendant
les obligations dans lesquelles les dépôts ont été investis, mais qui, en
raison de la hausse des taux d’intérêt, comme dans le cas de cette dernière
crise, valent beaucoup moins que leur valeur nominale [2]. C’est la crise.
Par rapport
aux crises précédentes, toujours caractérisées par une relative opacité quant à
l’accessibilité de l’information stratégique, la crise de mars se distingue par
la rapidité et l’omniprésence de la diffusion de l’information dans un monde
numérisé [3]. À son tour, l’information en flux tendu, accessible à tous et
partout (sur les téléphones portables, sur les chaînes de télévision comme CNBC,
sur YouTube, sur les réseaux sociaux, sur les plateformes), alimente fortement
les risques de contagion, qui dans la crise de mars ont par exemple conduit au
retrait de 42 milliards de dollars, soit un bon quart des fonds de la SVB, en seulement
quelques d’heures [4]. Une contagion qui - comme cela a toujours été le cas
dans l’histoire de la finance et des crises bancaires - ne s’est pas limitée à
une seule banque, mais s’est étendue (et continue de s’étendre) à Signature
Bank, First Republic et même Credit Suisse. En bref, les médias sociaux et les
services bancaires mobiles numériques changent la donne, même dans le secteur
financier. Selon Sam Altman, directeur de la technologie chez ChatGPT, « la
vitesse du monde a changé, les gens parlent vite, les gens déplacent l’argent
vite » [5].
Crises de
surproduction numérique
Une autre
caractéristique récurrente des crises bancaires et financières est la confusion
entre le symptôme et la cause. Par exemple, pour les crises de la Silicon
Valley Bank et du Crédit Suisse, on a dit que leurs problèmes étaient “idiosyncrasiques”,
plus simplement qu’elles avaient été gérées par des idiots, des gestionnaires
incapables, par exemple, de se couvrir contre les risques dans une période de
changement radical comme celle qui a commencé l’année dernière avec le passage
d’une politique monétaire ultra-expansive à une politique monétaire restrictive
(de l’assouplissement quantitatif au resserrement quantitatif). Cependant,
étant donné que de nombreuses banques ont d’importantes pertes non
comptabilisées, c’est-à-dire des pertes comptables sur des investissements
antérieurs qui peuvent se transformer en pertes réelles à tout moment (par
exemple, aux USA, dans l’immobilier commercial), ou ont des niveaux élevés de
dépôts non assurés (aux USA, ceux de plus de 250 000 dollars), cela signifie
que les problèmes de certaines banques particulièrement mal gérées telles que
la SVB ou le Crédit suisse sont en fait les symptômes d’un problème plus large.
Plus précisément : après une décennie d’ingénierie financière visant à prendre
des risques très élevés afin de réaliser des profits (pensez aux hypothèques
émises dans les années 1980 au Japon et dans les années précédant la crise des
subprimes de 2007-2008 aux USA).
Sur ce
point, cependant, il convient d’approfondir l’analyse en rappelant que, selon
Marx, toute crise capitaliste est toujours, d’une certaine manière, une crise
de surproduction. C’est certainement le cas de la crise des prêts hypothécaires
à risque de 2007-2008, résultat d’une vague d’investissements spéculatifs dans
le secteur immobilier qui a suivi la bulle Internet précédente, avec ses
investissements spéculatifs dans les sociétés Internet émergentes entre 1997 et
2000 (la bulle a éclaté en mars de cette année-là). Dans les deux cas, les
banques se sont donné beaucoup de mal pour accorder des prêts afin d’investir
dans des actifs (sociétés de haute technologie ou immobilier résidentiel) à “rendement
croissant”, c’est-à-dire par le biais de hausses de prix spéculatives
provoquées par une demande accrue, stimulée précisément par les facilités
bancaires. Tant que les prix des actifs augmentaient, les banques avaient tout
intérêt à faire des prêts (même aux fameux ninjas, les “no income, no job, no
asset” [“pas de revenu, pas de boulot, pas de biens”], c’est-à-dire les
pauvres à la merci du rêve usaméricain de la propriété privée), et à en faire
de plus en plus en titrisant les hypothèques. Mais lorsque, en raison de la
saturation du marché ou plutôt de la demande, les prix des actifs ont commencé
à baisser, l’excès de demande s’est rapidement transformé en excès d’offre,
réduisant à néant l’excédent de production accumulé dans la phase ascendante du
cycle. Pour faire face à la dévalorisation du capital investi, les banques ont
été contraintes d’augmenter les taux d’intérêt, accroissant ainsi la dette
hypothécaire de millions de citoyens (ou de milliers d’entreprises, dans le cas
de la bulle Internet) [6].

New-York, 1973 : Mister Panic nettoie les ordures de Wall Street
Il n’est pas
nécessaire de retracer les années qui ont suivi la Grande Récession post-2008,
avec la crise de la dette souveraine qui a frappé des pays comme la Grèce, l’Italie,
l’Espagne, le Portugal et l’Irlande, avec les politiques austéritaires imposées
par la Troïka pour sauver le système bancaire et financier, en saignant à blanc
les populations des soi-disant “pays périphériques”. Il suffit de rappeler que
les politiques monétaires ultra-expansives qui ont été mises en place pour
éviter l’effondrement du système financier et monétaire (le whatever it
takes [quoiqu’il en coûte] de Draghi en Europe, le quantitative
easing adopté par toutes les banques centrales occidentales), sont en fait
des politiques qui ont fortement contribué à promouvoir l’accumulation
capitaliste numérique, accélérée par la crise pandémique avec la prolifération
de dispositifs télétechniques numériques toujours nouveaux.
L’hypothèse
que nous faisons, et qui demande certainement à être développée, est que nous
sommes face à une crise de surproduction numérique qui, si elle s’explique d’une
part par les effets du renversement des politiques monétaires, c’est-à-dire la
hausse des taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation des profits [7],
renvoie d’autre part à la saturation de la demande, non seulement parce que les
revenus réels stagnent, voire diminuent, mais aussi et peut-être surtout parce
que la numérisation a atteint le seuil de l’assimilation sociale et humaine
[8].
D’un
risque à l’autre
Une autre
leçon que l’on peut tirer de l’analyse des dernières crises bancaires et
financières est que les investisseurs et les régulateurs ont tendance à se
concentrer sur les risques des crises précédentes, en omettant totalement de se
concentrer sur les nouveaux risques. Comme le dit Gillian Tett, “Don’t fight
the last war” [Ne menez pas la dernière guerre]. Dans les modèles
utilisés, ou dans les tests de résistance des banques après 2008, par exemple,
les scénarios incluaient de petites variations des taux d’intérêt et en aucun
cas une augmentation majeure des taux d’intérêt. La crise de 2008 a laissé les
investisseurs (et les régulateurs) obsédés par les risques de crédit, en raison
des défaillances hypothécaires généralisées qui ont conduit à la débâcle. Le
risque de taux d’intérêt a été complètement sous-estimé, probablement parce qu’il
n’avait pas causé de problèmes particuliers depuis 1994. La même chose s’est
produite en 2008, avec une sous-estimation totale du risque de défaillance
hypothécaire, et ce parce que la crise du fonds spéculatif Long-Term
Capital Management de 1998 et la bulle Internet de 2000 avaient provoqué
des pertes énormes sur le front des prêts aux entreprises. Bref, le passé ne
semble pas être un bon guide pour les risques futurs.
Il en va de
même pour les règles conçues pour résoudre les dernières crises - des règles de
“sécurité” - qui finissent souvent par créer de nouveaux risques. Prenons l’exemple
de la crise de mars, qui a éclaté avec la faillite de la Silicon Valley Bank.
Son talon d’Achille était les bons du Trésor à dix ans dans lesquels de
nombreuses banques avaient investi (encouragées, voire forcées par les
régulateurs eux-mêmes !) une grande partie de leurs dépôts [9]. Considérés
comme les actifs les plus sûrs et les plus liquides (avec une faible exigence
de fonds propres), ils se sont en réalité avérés vulnérables aux changements de
l’environnement monétaire, dans la mesure où lorsque les banques ont essayé de
les vendre, elles se sont retrouvées avec une valeur bien inférieure à leur
valeur nominale [10].
Vienne, 1873 : la catastrophe boursière
Le
communisme monétaire
Dès que la
panique éclate, lorsque la “réserve fractionnaire” montre toute sa fragilité et
son inconsistance, le mantra du libéralisme de marché se dissout dans l’air
comme par enchantement. L’arrogance des banquiers se transforme en génuflexion
pathétique. L’expérience historique montre que dans de tels moments, les
gouvernements se donnent beaucoup de mal pour protéger certains de leurs
dépôts, racheter des actifs douteux, parfois même nationaliser des banques
entières. C’est ce qui s’est passé dans les années 1990 au Japon et dans le
monde entier lors de la crise financière mondiale de 2007-2008.
Et c’est
aussi ce qui s’est passé en mars dernier : même si l’assurance des dépôts sur
les comptes SVB et Signature ne couvrait que les premiers 250 000 dollars, le gouvernement
usaméricain les a tous protégés (pour un coût de plus de 20 milliards de
dollars). En Suisse, dans le sauvetage du Crédit Suisse, avec son rachat par UBS
(pour seulement 3,25 milliards de francs), même les actionnaires ont été
protégés (quoique légèrement), tout en exigeant l’annulation de 16 milliards de
dollars d’obligations (les plus risquées, les AT1) [11]. Des deux côtés de l’Atlantique,
les gouvernements et les banques centrales ont offert aux banques d’impressionnantes
lignes de liquidités (en Amérique, la Réserve fédérale permet même aux banques
de continuer à s’échanger des bons du Trésor pour obtenir des liquidités à leur
valeur nominale, comme si la hausse des taux d’intérêt n’avait jamais eu lieu).
Ces
interventions monétaires de l’État visent à éviter que la contagion, l’effet
domino numérique d’aujourd’hui, ne fasse exploser la règle des “réserves
fractionnaires”, révélant la contradiction inhérente au processus d’accumulation
capitaliste entre la production de valeur économique et sociale et la création-régulation
monétaire. Il s’agit simplement de dire que, même si les interventions
publiques ont réussi à amortir la crise de mars, l’histoire nous enseigne que
les trajectoires des crises financières peuvent être longues et traversées par
des flux et des reflux. Dans la crise financière mondiale, par exemple, Lehman
Brothers (septembre 2008) s’est effondrée plus d’un an après les premiers
signes de la crise des prêts hypothécaires à risque (printemps 2007).
La crise de
mars 2023 a surtout touché des banques de taille moyenne, du moins aux USA.
Mais le fait principal est que cette crise a déclenché un processus de
concentration accrue du capital bancaire [12]. Aux USA, JPMorgan a racheté
First Republic (en 2008, elle avait sauvé Bear Stearns et Washington Mutual) et
dépasse désormais largement Goldman Sachs, Morgan Stanley et Bank of America
[13]. Dans un pays doté d’un budget fédéral colossal et d’une banque centrale
au bilan tout aussi colossal, de telles opérations de consolidation, bien que
toujours dangereuses, peuvent s’inscrire dans la durée. Le problème est que la
tendance aux grandes banques accentue l’asymétrie avec les pays économiquement
plus petits, comme la Suisse, où UBS, suite à l’effondrement boursier du Crédit
Suisse, a racheté son rival historique, un sauvetage très coûteux pour le
gouvernement fédéral et la Banque nationale qui aura certainement des “effets
secondaires” sur l’ensemble du système financier [14]. En fait, les actifs d’UBS
représenteront désormais environ deux fois le PIB national, ce qui rend la
nouvelle banque bien trop grande pour faire faillite. Comme on l’a écrit, “big finance works only for big
players” |la
grande finance ne fonctionne que pour les gros acteurs].
Ce n’est pas
une coïncidence si l’historien de l’économie Harold James, professeur à l’université
de Princeton, réfléchissant à l’achat du Crédit suisse par UBS, a rappelé l’opération
de sauvetage de la Bodencreditanstalt (la deuxième plus grande banque après le
Crédit suisse) par la Creditanstalt, fortement soutenue par le gouvernement
autrichien en 1929 [15]. Moins de deux ans plus tard, c’est la Creditanstalt elle-même
qui fait faillite, déclenchant un processus en chaîne qui provoque l’effondrement
du système bancaire allemand et la panique dans les principaux centres de la
finance mondiale, de Londres à New York.
Selon James,
lorsqu’une institution financière en rachète une autre, on ne sait jamais
vraiment ce qui se cache dans les bilans. Dans une telle période d’instabilité
financière, il est très facile pour les déposants, les créanciers et les
actionnaires “nerveux” de soupçonner que la pourriture pollue l’ensemble de l’opération.
Dans le cas de Crédit suisse, on soupçonne que des milliards de produits
dérivés à haut risque se cachent dans les plis du bilan. En outre, les très
grandes banques deviennent une menace impossible à écarter si elles sont
situées dans de petits pays. En 1931, le sauvetage de la Creditanstalt a
nécessité d’énormes fonds publics, ce qui a entraîné une crise fiscale et, plus
tard, une crise monétaire. En 2008, pour des pays comme l’Irlande et l’Islande,
la crise des banques surdimensionnées a entraîné une intervention douloureuse
du FMI.
Le passage
de l’assouplissement quantitatif au resserrement quantitatif, d’une politique
monétaire expansive à une politique monétaire restrictive, a profondément
déformé le monde financier, de sorte qu’il est très probable que nous
assistions dans les mois à venir à une chaîne de réactions aux résultats
imprévisibles. La lutte politique autour du plafond de la dette usaméricaine
pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase [16].

New-York, 1929 : Walter Thornton, un spéculateur qui a tout perdu dans le krach boursier du jeudi noir, met sa voiture en vente pour 100 dollars (cash exigé)
Notes
[1] Gillian Tett, What I learned from three bank
crises, Financial Times, Life&Arts, 8-9 avril 2023.
[2] Voir,
sur la corrélation inverse entre les rendements et le prix des obligations
comme les bons du Trésor, notre Journal de la crise précédente. Également par Gillian Tett, voir : Wake up to the danger of digital
bank runs, Financial Times, 21 avril 2023.
[3] D’autant
plus lorsque les déposants d’une banque comme la SVB sont des startuppers de la
technologie numérique.
Rien qu’au
cours du premier trimestre de cette année, First Republic a vu ses dépôts s’envoler
de 100 milliards de dollars [5].
[Mark Vandervelde,
Antoine Gara, Joshua Franklin, Colby Smith et Tabby Kinder, SVB : the
multiple warning signs that were missed, Financial Times, 25 avril
2023.
[6] Et,
surtout dans le cas de la crise de 2007-2008, il ne s’agissait pas d’une crise
limitée aux USA, car les banques occidentales avaient accumulé ces titres
titrisés (les “titres toxiques”) qui semblaient ne pas rapporter grand-chose.
Un exemple parmi d’autres, UBS qui s’est retrouvée en “faillite technique” en
septembre 2008 et qui a été littéralement renflouée par l’État avec une
injection de plus de 60 milliards de francs.
[7] L’inflation
des profits ne se résorbera que lorsque les politiques monétaires
anti-travailleurs des banques centrales auront réussi à comprimer davantage les
revenus salariaux. Et ce, même si les mêmes analystes de banques comme UBS
affirment que l’inflation n’est
pas du tout due à la spirale salaires-prix, mais à la spirale bénéfices-prix.
Même les banques centrales expliquent l’inflation comme la conséquence de la
hausse des profits plutôt que des coûts salariaux Voir M. Arnold, P. Nilsson,
C. Smith, D. Strauss, Central banks warn business over price gouging,
"Financial Times", 31 mars 2023 ; voir aussi M. Minenna, Prices
driven more by profits than wages, "Sole24Ore", 2 avril 2023
Paradoxalement, les taux d’intérêt élevés “justifient” les profits inflationnistes
élevés simplement parce qu’ils augmentent le coût de l’argent pour les
entreprises.
[8] Quant à
la crise bancaire, il faut savoir que le pourcentage de ménages usaméricains
utilisant des services bancaires mobiles ou en ligne est passé de 39 % en 2013
à 66 % en 2021, ce qui explique que, même avant la panique de mars dernier, il
y a eu une augmentation sans précédent de la vitesse à laquelle l’argent se
déplace d’un compte à l’autre à la recherche de rendements plus élevés. Ce qui
rend tous les actifs financiers, y compris les bons du Trésor, vulnérables !
[9] Le Financial
Times a souligné que l’une des causes de la fibrillation bancaire
européenne, déclenchée par la fibrillation usaméricaine, est que les banques
européennes « détiennent également d’importantes réserves d’obligations
affectées par la hausse des taux d’intérêt » (voir N. Capelluto, Zero
Risk Panic, “Communist Struggle”, mars 2023).
[10] Juste
une remarque : on peut se demander si la théorie des conventions de Keynes (Ch.
12 de sa Théorie générale) ne devrait pas être étendue aux risques,
plutôt que d’être limitée à la formation de la valeur des titres. Selon la
théorie keynésienne des conventions, sur les marchés financiers, les agents,
sous le double poids de l’incertitude et de la perte de confiance dans leurs
estimations, adoptent un comportement mimétique, polarisant l’opinion sur la
valeur d’un titre et l’auto-validant. C’est
alors que naît une pensée commune, une convention, qui sert de point d’ancrage
aux anticipations. Il semblerait cependant que dans le capitalisme financier
contemporain, ce soient plutôt les risques, et leur couverture, qui suscitent
des comportements mimétiques. A reprendre.
[11] La
décision sans précédent de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers
(FINMA) à l’égard des détenteurs d’obligations, alors que généralement, en cas
de faillite d’une banque, les actionnaires subissent les pertes avant les
détenteurs d’obligations, visait à rendre l’opération moins coûteuse pour UBS.
Un groupe d’investisseurs de Crédit Suisse, dont la caisse de pension de la
chaîne de magasins Migros, a poursuivi les régulateurs financiers suisses en
raison des milliards de pertes causées par cette décision.
[12] Sur les
risques d’une concentration excessive du capital, pas seulement dans le secteur
bancaire, voir Rana Foroohar, The problem of concentrated power,
"Financial Times", 8 mai 2023.
[13] Voir B. Masters, J. Fontanella-Khan et J.
Franklin, All roads lead to JPMorgan, "Financial Times", 6 mai
2023.
[14] Voir
Christoph Eisenring, Berne crée un monstre pour sauver la finance,
"Neue Zürcher Zeitung", "International", 24 mars 2023.
[15] Voir Harold James, "Mega-banks in small
states spell dander", "Financial Times", 20 avril 2023.
[16] Voir Gillian Tett, "Investors wake up to
US debt dysfunction", "Financial Times", 5 mai 2023.