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18/07/2023

ALAIN MARSHAL
14 juillet : ni apaisés, ni résignés, ni intimidés, mais plus déterminés que jamais!

 Alain Marshal, 14/7/2023

Le 17 avril, trois jours après la promulgation à la schlague de l’infâme réforme des retraites, via le recours antidémocratique au 47.1, au 49.3 puis à l’article 40, autant de signes d’un véritable « ensauvagement » des institutions françaises, le Président le plus impopulaire de la Ve République tentait de calmer le vent de révolte que ses deux mandats avaient soulevé dans le pays. La mobilisation nationale contre la réforme des retraites, qui faisait suite au mouvement mémorable des Gilets Jaunes, a en effet rassemblé des millions de personnes durant plusieurs mois, dans un mouvement sans précédent en France depuis plus d’un demi-siècle, et qui a suscité l’admiration bien au-delà de nos frontières.

Pour faire taire le son des casserolades qui martelaient régulièrement le rejet massif de ses politiques régressives, le Méprisant de la République s’est lancé dans une manœuvre de diversion. Dans une allocution solennelle, Emmanuel Macron annonçait le « grand projet » de « reconstruire et retrouver l’élan de notre nation » à travers « trois grands chantiers » : « le chantier du travail »,  le chantier « de la justice et de l’ordre républicain et démocratique » et le chantier « du progrès, progrès pour mieux vivre » afin que chaque Française et Français « retrouve la certitude que nos enfants pourront bâtir une vie meilleure. » Il concluait sa déclaration en fanfare : « Le 14 juillet prochain doit nous permettre de faire un premier bilan. Nous avons devant nous 100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambitions et d’actions au service de la France. ».

OMAR G. ENCARNACIÓN
Les exceptions espagnoles

 Omar G. Encarnación, The New York Review of Books, 16/7/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

NdT

Qualifier de séparatistes les partis et mouvements autonomistes/indépendantistes/régionalistes/nationalistes est un choix que je ne partage pas mais que je respecte. Rappelons tout de même l’origine religieuse du terme : il désignait au XVIIème siècle les dissidents de l’Église anglicane d’État. Et son acception postmoderne macronienne, inscrite dans la loi   «confortant les principes républicains », dite loi contre le séparatisme (musulman/islamiste).

Les prochaines élections anticipées en Espagne pourraient être décidées par les partis séparatistes imprévisibles du pays.

Les dirigeant·es de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) votent en faveur d’un référendum sur l’indépendance, Lleida, Catalogne, Espagne, 28 janvier 2023. Photo : Marc Trilla/Europa Press/Getty Images

Fin mai, le Premier ministre Pedro Sánchez a annoncé que les Espagnol·es se rendraient aux urnes le 23 juillet pour élire un nouveau gouvernement national. Il s’agissait d’une annonce surprise - les élections n’étaient pas prévues avant décembre - précipitée par les lourdes pertes que le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de Sánchez venait de subir lors des élections locales et régionales du même mois. Si l’on se fie à l’histoire, le prochain scrutin déclenchera de nombreuses turbulences politiques. Lors des dernières élections nationales, ni le PSOE ni son ennemi juré, le Parti populaire (PP) conservateur, n’ont été en mesure de remporter une victoire suffisante pour former un gouvernement à eux seuls, faisant d’autres forces politiques, notamment les principaux partis séparatistes de Catalogne et du Pays basque, des faiseurs de rois potentiels.

Les partis séparatistes espagnols sont suffisamment fluides sur le plan idéologique pour soutenir les gouvernements de l’ensemble du spectre politique. Ils ont également le potentiel de briser un gouvernement national, comme ils l’ont fait il y a cinq ans lors de la crise séparatiste catalane, la période politique la plus précaire de l’Espagne depuis la fin de la dictature franquiste. En octobre 2017, une coalition de partis séparatistes en Catalogne a organisé un référendum sur l’indépendance que la Cour constitutionnelle espagnole avait déjà déclaré inconstitutionnel. Le Premier ministre Mariano Rajoy du PP a réagi de manière excessive en envoyant la Garde civile pour empêcher les gens de voter, en dissolvant le gouvernement régional de la Catalogne et en plaçant la région sous l’autorité directe de Madrid. Après la destitution de Rajoy à la suite d’un scandale de corruption touchant l’ensemble de son parti, Sánchez, nouvellement installé au poste de premier ministre, a ouvert des négociations avec la Catalogne, mais a rejeté les appels en faveur d’un référendum sanctionné par l’État.

En représailles, les séparatistes catalans ont retiré leur soutien à la coalition gouvernementale de Sánchez, ne lui laissant d’autre choix que de dissoudre le parlement et d’appeler à de nouvelles élections. Sánchez a remporté ces élections en 2019 et a pu former un nouveau gouvernement de coalition avec Podemos, un parti populiste de gauche, et sans le soutien des séparatistes. De nombreux observateurs, y compris l’auteur de ces lignes, n’ont pas perdu de vue que, dans leur quête de revanche, les séparatistes catalans étaient prêts à prendre le risque de laisser le gouvernement tomber entre les mains d’un parti qui les aurait traités avec plus d’hostilité que Sánchez n’aurait jamais pu le faire. Avant le référendum, il avait approuvé la réécriture de la Constitution espagnole pour transformer l’Espagne en une “nation de nations” en renforçant l’autonomie régionale dans tout le pays. Mais rien de tout cela ne comptait pour les séparatistes catalans, dont la position de victimes de Madrid attirait l’attention de la communauté internationale sur leur projet.

Malgré leur réputation bien méritée de perturbateurs et de fauteurs de troubles politiques, les partis séparatistes ont également apporté des contributions significatives à la démocratie espagnole. Ils ont introduit les libertés politiques pendant l’entre-deux-guerres, ont mené la résistance au régime autoritaire de Franco et ont assuré le succès de la transition vers la démocratie dans les années 1970. Ce qui est moins apparent, mais tout aussi important, c’est que ces dernières années, ils se sont imposés comme des remparts contre l’extrême droite. La force du séparatisme explique en partie pourquoi l’Espagne a résisté au malaise politique connu sous le nom de recul démocratique, qui se produit généralement dans les jeunes démocraties à la politique polarisée lorsque les dirigeants élus s’attaquent au système électoral, sapent l’autonomie des tribunaux et politisent l’armée. La démocratie espagnole n’a pas encore cinquante ans et ses niveaux de polarisation sont parmi les plus élevés au monde, mais au niveau national, la robustesse des partis séparatistes et leur souci des droits des minorités constituent un contrepoids puissant à l’illibéralisme.

*

L’Espagne est un État unitaire très décentralisé. Elle fonctionne selon un système de “communautés autonomes”, chacune ayant ses propres droits et compétences administratives. L’Espagne diffère en cela des États fédéralistes classiques, comme les USA, où chaque sous-unité a la même relation avec l’État central. La Catalogne et le Pays basque ont été les premiers à recevoir l’autonomie en 1979 ; en l’espace de cinq ans, l’ensemble du pays a été divisé en dix-sept communautés et deux villes autonomes en Afrique du Nord (Ceuta et Melilla). La Catalogne, le Pays basque et la Galice sont les régions les plus autonomes, en raison de leur statut de “régions historiques”, qui reconnaît que leurs revendications nationales sont antérieures au régime franquiste. Ces trois régions possèdent un patrimoine linguistique unique, mais la Galice, berceau de Franco, se distingue par l’absence d’un mouvement séparatiste fort. Au contraire, dans l’ère post-franquiste, les privations économiques et l’héritage franquiste bien ancré se sont conjugués pour faire du PP, qui promeut vigoureusement le nationalisme castillan, la force politique dominante de la région. À l’exception de la région méridionale de l’Andalousie, les quatorze communautés restantes ont été créées au terme d’un processus lent, qui a consisté à demander l’autonomie à Madrid et à organiser un référendum.

La décentralisation espagnole peut sembler aléatoire (le processus a été baptisé café para todos, ou café pour tous), mais il s’agit d’une réalisation capitale. Entre le milieu du XIXe siècle et le milieu des années 1970, les tentatives de partition de l’Espagne avaient fait échouer tous les efforts de démocratisation. Une tentative de fédéralisation de l’Espagne a condamné la Première République (1873-1874). La Seconde République, en place entre 1931 et 1939, s’est effondrée pendant la guerre civile espagnole, en grande partie parce que la droite s’est opposée à toute tentative de décentralisation du pays, craignant qu’elle ne soit le prélude à l’éclatement de l’Espagne. L’une des principales missions du régime autoritaire de Franco était d’éradiquer toute trace de distinction culturelle sur le territoire national espagnol afin de rendre le fédéralisme ou tout autre type de décentralisation inutile, voire tout à fait superflu. Les partis séparatistes, qui ont été les principaux moteurs de la tentative d’instaurer le fédéralisme en Espagne, ont été parmi les principales cibles de ce génocide culturel ; le fait qu’ils aient survécu à la dictature franquiste témoigne de leur profond enracinement dans la société.

17/07/2023

GIDEON LEVY
En Israël, les meilleurs deviennent pilotes et volent déjà pour une dictature

Gideon Levy, Haaretz, 16/7/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Il est impossible de ne pas s’étonner de la mobilisation des pilotes militaires israéliens contre le projet de loi de réforme judiciaire du gouvernement. Une organisation de pilotes et de navigateurs à la retraite appelée Forum 555 a publié une lettre ouverte d’une page entière dans la section des nouvelles de Haaretz en hébreu de vendredi, signée par environ 1 700 membres d’équipage d’avion à la retraite et en service actif de réserve, pour soutenir le refus du service volontaire.


Une sculpture créée pour le mouvement de protestation des pilotes. Photo : Moti Milrod

Plus que tout autre secteur, les pilotes ont le pouvoir d’influer sur la législation, voire de l’arrêter. La vive réprimande du Premier ministre Benjamin Netanyahu n’a fait que le prouver. Cela en dit long sur une société dont les pilotes de chasse sont les plus grands héros, mais cela ne doit en aucun cas être perçu comme une insulte. Les meilleurs deviennent des pilotes, comme le dit l’adage.

Les pilotes déclarent qu’ils refuseront de servir sous une dictature. C’est précisément aussi impressionnant et démocratique que ça en a l’air. Dans leur pétition, ils disent qu’ils insistent sur leur droit de vivre et d’élever leurs enfants dans un État juif et démocratique. Si l’on met de côté le mensonge de “juif et démocratique”, dans un État qui n’est en pratique ni juif ni démocratique, et qui aurait dû choisir entre les deux depuis longtemps, les pilotes ont le droit de croire à cette illusion. Ce qui est beaucoup plus difficile à accepter, c’est leur hypocrisie.

Les pilotes qui affirment ne pas vouloir servir sous une dictature le font allègrement depuis des décennies. Ils sont prêts à servir sous la dictature militaire israélienne, qui soumet par la force une autre nation, mais refusent de servir sous une future dictature civile susceptible de leur causer des dommages personnels. Il s’agit d’un deux poids deux mesures honteux.

L’attaque de la plupart des signataires de la pétition contre la poignée de leurs collègues pilotes et navigateurs qui se sont engagés à ne pas servir la dictature militaire crie aujourd’hui à l’hypocrisie. Ceux qui appellent aujourd’hui à ne pas voler ont cloué au pilori la poignée de pilotes qui appelaient au refus de voler au nom d’une cause non moins noble que celle pour laquelle les pilotes d’aujourd’hui se battent.

En septembre 2003, 27 pilotes ont envoyé une lettre au commandant de l’armée de l’air israélienne de l’époque, Dan Halutz, déclarant qu’ils refuseraient de mener des frappes aériennes illégales et immorales sur les zones palestiniennes de Cisjordanie et de la bande de Gaza. Halutz avait alors répondu avec les mêmes mots que ceux de Netanyahou aujourd’hui : « Le refus politique de servir est le danger suprême pour cette nation », a tonné le chef de l’IAF.

La roue a tourné depuis. Le général de brigade Iftach Spector, le colonel Yigal Shochat, le capitaine Yonatan (le célèbre Yonatan Shapira) et leurs collègues officiers ont été suspendus de leurs fonctions par Halutz, le leader du mouvement de protestation actuel. Leurs collègues pilotes ont continué à bombarder et à tuer des civils innocents dans des proportions horribles, dans le cadre des opérations “Plomb durci” et “Bordure protectrice”. La protestation et le refus se sont calmés, les pilotes ont bombardé et tué.

Aujourd’hui, les bombardeurs de Gaza refusent de servir une dictature. Seul Yonatan Shapira a refusé de signer la pétition de vendredi, dont son père est signataire. Shapira, qui travaille comme pilote commercial aux USA et vit en Norvège, m’a dit samedi qu’il aurait invité les 1700 signataires à une visite de l’association à but non lucratif Zochrot ou à une visite du camp de réfugiés de Jénine, pour commencer le processus d’apprentissage. « S’il y avait eu un appel à refuser tout ordre illégal du commandement, y compris à se joindre aux massacres de routine et aux actes génocidaires de l’armée, j’aurais signé la pétition ».

Le refus de commettre des crimes de guerre est aussi moral - peut-être même plus moral - que l’opposition au coup d’État du gouvernement. En Israël, cela aurait dû être la protestation la plus importante. Mais cela exige beaucoup plus de courage de la part des pilotes que de s’opposer à Netanyahou et à l’abrogation de la norme de raisonnabilité.

Il est dommage que les deux protestations ne se fassent pas ensemble. L’objection de conscience des pilotes contre la législation a également un aspect personnel : ceux qui savent qu’ils ont commis des crimes de guerre craignent d’être arrêtés lors de leurs voyages à l’étranger, après que le mensonge du système judiciaire israélien enquêtant sur les crimes de guerre se sera effondré à la suite de la législation.

Il y a neuf ans, j’écrivais ici : « Comment dors-tu la nuit, pilote ? ... As-tu vu les corps écrasés, les blessés en sang, les enfants effrayés, les femmes horrifiées et la terrible destruction que tu as semée depuis ton avion sophistiqué ? Tout cela est de ta faute, excellent jeune homme ». Aujourd’hui, ils protestent contre le coup d’État, peut-être pour se racheter, ne serait-ce qu’un peu.

YOSSI MELMAN
Dan Arbel, l’agent du Mossad qui a essuyé les plâtres du fiasco de Lillehammer, brise le silence
Retour sur l’assassinat d’Ahmed Bouchikhi le 21 juillet 1973

Yossi Melman, Haaretz, 15/7/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Agent du Mossad, il a risqué sa vie au cours de multiples missions secrètes, mais il est associé à une opération qui a été très médiatisée - et très mal menée. À 85 ans, Dan Arbel n’est plus disposé à garder le silence sur l’histoire mensongère que nous avons entendue à propos du fiasco de Lillehammer, il y a exactement 50 ans.

 

Dan Arbel : « On a dit que l’opération était digne d’amateurs parce que “les agents ont rendu les voitures de location”. Mais j’avais reçu l’ordre clair de les rendre. Parfois, on ne voit pas les choses dans leur ensemble, mais on comprend que quelqu’un les voit, alors on exécute [les ordres] ». Photo : Tomer Appelbaum

Il s’agissait d’une mission vraiment bizarre, même selon les critères du Mossad. À la fin des années 1960, le Danemark, considéré comme un pionnier dans le domaine de la promiscuité sexuelle, a autorisé la publication et la diffusion de magazines pornographiques, mais en a interdit l’exportation. La demande était énorme, il y avait du fric à se faire. L’agence d’espionnage israélienne y a vu une opportunité.

Il s’agissait d’un plan créatif : faire sortir clandestinement les publications du Danemark et les vendre aux marins des navires marchands arabes, ce qui permettrait aux agents de terrain de l’agence de recruter et de collecter des informations sur les marins, leurs navires et les marchandises qu’ils achetaient et vendaient.

A l’époque, le Mossad disposait à Copenhague d’un agent capable de mettre en œuvre le plan. Il s’appelait Dan Arbel. Il avait été recruté par l’organisation en 1965. Il a été chargé de créer dans la capitale une entreprise d’import-export qui fournirait des services à travers l’Europe et le Moyen-Orient. Baptisée Viking, ce serait une société écran pour le Mossad, permettant à ses agents de pénétrer dans les pays arabes afin d’y recueillir des informations et d’y mener des opérations spéciales.

Arbel demande à un ami de jeunesse de s’associer à l’exportation des magazines. C’était illégal, mais les bénéfices étaient intéressants et l’ami  accepte. Cependant, avant que les articles ne soient expédiés du Danemark vers l’Allemagne, puis vers l’Italie, les douaniers ont eu vent de l’opération et l’ami a été arrêté. Néanmoins, Arbel lui-même réussit : des milliers de magazines sont sortis clandestinement du pays et vendus pour quelques sous aux marins et aux officiers des navires commerciaux arabes qui accostent dans les ports italiens. Au cours de l’opération, entièrement financée par le Mossad, de nombreuses informations ont été recueillies, qui ont facilité le recrutement d’agents et se sont révélées précieuses pour Israël.

Ce n’est qu’une des nombreuses opérations audacieuses auxquelles Arbel a participé au cours de ses huit années au sein du Mossad. Il a infiltré la Libye, a été détenu en Syrie, a photographié des sites d’armes chimiques en Égypte, a acheté un navire qui transportait clandestinement de l’uranium destiné au réacteur nucléaire israélien de Dimona, et bien d’autres choses encore. Cependant, aucune de ces missions n’a été rendue publique ; elles ont tout au plus été mentionnées en passant. Le nom d’Arbel n’a été lié explicitement qu’à l’affaire de Lillehammer - la mission ratée dans la ville de villégiature norvégienne qui a eu lieu il y a 50 ans ce mois-ci. L’objectif était d’assassiner Ali Hassan Salameh, une figure de proue de Septembre noir, une organisation palestinienne militante. Mais, à la suite d’une erreur d’identité, les agents du Mossad ont tué un serveur d’origine marocaine, nommé Ahmed Bouchikhi, qui résidait dans la ville. Certains membres de l’équipe israélienne ont été arrêtés et jugés en Norvège.

Arbel, un homme doux et gentil, est un héros tragique. Il a été perçu comme le responsable de l’opération ratée, parce qu’il a parlé lors de son interrogatoire par la police danoise. Aujourd’hui, à 85 ans, il veut réparer ce qu’il considère comme une erreur historique et accepte pour la première fois de donner sa version des faits.

« Pendant des années, j’ai été stigmatisé et sali parce qu’on me rendait responsable de l’échec de l’opération », explique-t-il à Haaretz. Arbel, qui a également été interviewé dans le cadre d’un nouveau documentaire israélien, Mossad and the Curse of Lillehammer [Le Mossad et la malédiction de Lillehammer], créé par Gidi Maron, Emmanuel Nakash et Noam Tepper, et récemment diffusé sur la chaîne israélienne Channel 8, ajoute : « Ma famille et moi n’avons pas réagi aux rumeurs abusives, nous avons gardé le silence ».

Suite à une erreur d’identité, les agents du Mossad ont tué Ahmed Bouchikhi, un serveur d’origine marocaine. Photo : NTB SCANPIX MAG via AFP

BLANCHE PETRICH
Mexique : selon des experts, les archives de Tlaxcoaque vont changer notre regard sur la guerre sale
On en trouvera probablement dans trois dépôts récemment ouverts

Blanche Petrich, La Jornada, 15/7/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Il y a deux décennies, le ministère de la Défense nationale et le Centre de renseignement et de sécurité nationale (CISEN), aujourd’hui disparu, ont remis aux Archives générales de la nation les fonds documentaires des années de la “guerre sale”. Bien qu’incomplets et fragmentés, ils peuvent être consultés par toute personne qui en fait la demande. Mais pour reconstituer l’ensemble du puzzle de la répression de cette période - en particulier entre 1965 et 1990 - il manque une pièce maîtresse : les archives de l’ancienne police de la capitale, la police secrète ou Division des enquêtes et de la prévention de la délinquance (DIPD).

La zone du centre de détention souterrain de Tlaxcoaque a perduré même après sa fermeture, suite à la dissolution de la DIPD ordonnée par Miguel de la Madrid lors de son entrée en fonction en 1982. Photo Alfredo Domínguez

Après de multiples demandes de renseignements et d’ouverture, ils avaient été considérés comme perdus ou détruits. Jusqu’à présent. Cela pourrait bientôt changer, affirme Carlos Pérez Ricart, l’un des quatre experts du Mécanisme de clarification historique ((Mecanismo para la Verdad y el Esclarecimiento Histórico, MEH).

Suite à la signature d’un accord entre le bureau du procureur général de Mexico et la Commission pour l’accès à la vérité, la clarification historique et la promotion de la justice, l’accès a été ouvert au début de ce mois à trois dépôts d’archives, un de la police et deux du bureau du procureur général lui-même.

Les chercheurs n’ont été admis que lundi dernier. « Si les archives de Tlaxcoaque sont là - ce qui est possible -, cela changera la façon dont nous avons perçu l’ère répressive au Mexique jusqu’à aujourd’hui, en particulier entre les années 1970 et 1980. Elle a toujours été étudiée d’un point de vue national, mais ce sont des organes infranationaux qui ont perpétré les violations les plus graves du droit humanitaire. Et c’est précisément dans ce qui était alors le district fédéral que les acteurs les plus répressifs du XXe siècle ont opéré, pire encore que les agents et les chefs de la direction fédérale de la sécurité ».

Lieu où les serpents regardent

En náhuatl [la langue des Aztèques], Tlaxcoaque signifie lieu où les serpents regardent.

Le livre Historia de las policías en México, de Pérez Ricart et du chercheur du MEH Daniel Herrera Rangel, montre comment, depuis l’époque des Services secrets de la police du District fédéral, fondés dans les années de la présidence de Lázaro Cárdenas [1934-1940], jusqu’à l’année de leur dissolution formelle en 1986, tous les commandants des forces de police étaient des généraux de l’armée.

16/07/2023

BLANCHE PETRICH
Mexique : à Tlaxcoaque, on torturait aussi des enfants et des adolescents pendant la Guerre sale

Blanche Petrich, La Jornada, 14/7/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Blanche Petrich (Mexico, 1952) est une journaliste mexicaine qui travaille principalement pour le quotidien La Jornada. Elle a notamment couvert les conflits armés en Amérique centrale et en Irak.

Mexico. María del Carmen Alonso Acevedo, 57 ans, se souvient du jour où elle a été arrêtée par la police de la Direction des enquêtes pour la prévention du crime et emmenée aux basses-fosses de Tlaxcoaque*. Ce jour-là, sa sœur aînée fêtait ses 15 ans et sa mère était allée la voir au Tutelar de Menores [centre de détention de mineurs] pour lui apporter un gâteau et des chuchulucos [friandises]. Maricarmen avait 12 ans et “par mimétisme et rébellion”, elle s’était elle aussi lancée dans l’aventure de la rue, des bandes d’enfants, du vol pour manger et “enfin... pour nos drogues”.

À cet âge, cette enfant des rues a appris ce qu’étaient la torture et l’emprisonnement illégal, mais ce n’est qu’aujourd’hui qu’elle sait que ce qu’elle a subi constitue une violation flagrante de ses droits humains.

Les caractéristiques les plus extrêmes de la police de la capitale qui opérait sous les ordres des généraux Luis Cueto et Raúl Mendiolea, Arturo “El Negro” Durazo et Francisco Sahagún Baca, n’excluaient pas les enfants parmi leurs victimes.

Arturo "El Negro" Durazo Moreno (1918-2000) a été chef du département de la police et de la circulation du district fédéral pendant les six années du mandat du président José López Portillo. Il a acquis une grande notoriété au début des années 1980, lorsque certaines de ses propriétés millionnaires ont été révélées et, surtout, grâce à la publication du livre Lo negro del "Negro" Durazo, écrit par l’un de ses anciens adjoints, José González González. Arrêté en 1984, il a passé huit ans en prison avant d’être libéré pour des raisons de santé et de “bonne conduite”. Il est mort dans son lit à Acapulco

Ni les jeunes, pour le simple fait d’avoir les cheveux longs ou d’avoir un joint de marijuana dans la rue. C’est ce qu’a vécu Luis Manuel Serrano Díaz, à l’âge de 17 ans. Il a été arrêté dans le quartier Insurgentes Mixcoac, à quelques rues de chez lui, avec ses frères. À l’intérieur de leur vocho [coccinelle volkswagen], ils étaient en train de faire la bringue.

Serrano est un artiste visuel qui dirige l’atelier de collage à la prison de Santa Martha Acatitla, Las Liternas de Santa Martha. Son cas ne s’est pas aggravé. Les jeunes ont été libérés quelques heures plus tard. La jeune Maricarmen, en revanche, n’a pas eu cette chance.

Environ 40 enfants

« Et ne croyez pas que nous n’étions que quelques-uns. Le jour où ils m’ont emmené, j’ai vu une quarantaine d’enfants. Les garçons étaient appelés ‘los pelones’ (les tondus) parce qu’ils les rasaient. Pas les filles : ils versaient simplement le ciment que nous inhalions dans nos cheveux. Ensuite, nous devions nous raser les cheveux nous aussi ».

Elle n’a rien oublié de ces huit jours passés dans les caves de Tlaxcoaque. « Ils m’ont attrapée dans la TAPO [gare routière de l’Est]. Je faisais la manche. Quelqu’un m’a demandé de garder un panier de gâteaux et c’est là qu’ils m’ont attrapée. Ils ont dit que je transportais de la marijuana, mais ce n’était pas le cas. Dès qu’ils nous ont fait monter dans la camionnette, une de ces camionnettes blanches sur lesquelles était écrit “Prévention sociale”, ils ont commencé à nous toucher partout. Et ça les faisait rire. Une fois à l’intérieur, ils nous ont donné des baffés partout. Et ils nous ont arrosés d’eau glacée ».

Il y a quelques jours, alors qu’elle se promenait dans la rue Corregidora, dans le centre historique, elle a vu une affiche à moitié effacée sur le mur. Sous le titre “La mémoire raconte l’histoire”, on peut lire un appel à ceux qui veulent partager leurs témoignages sur les graves violations des droits humains commises à Tlaxcoaque entre 1957 et 1989.

« Oh, maintenant ils le font. Ils se sont même souvenus de nous », se dit-elle. Pour elle, cet appel à faire partie de l’histoire de la ville a été l’une de ses plus grandes revendications. « J’ai toujours pensé que ce que nous, les enfants, avons vécu dans cet endroit épouvantable devait être connu. Eh bien, voyons si ça va être le cas maintenant ».

Elle a fini de décoller l’affiche, l’a pliée soigneusement et l’a mise dans son sac de courses. Dès qu’elle a pu, elle a cherché l’adresse indiquée dans le quartier boboïsé de Hipódromo Condesa, la Casa Refugio Citlaltépetl (CRC) - désignée par le Mecanismo para el Esclarecimiento Histórico (MEH, Mécanisme de clarification historique) pour recevoir les témoignages des victimes - et s’est inscrite pour témoigner. Devant la directrice du CRC, María Cortina, elle déplie l’affiche et demande : “C’est ici ?”

15/07/2023

DANI BAR ON
Liad Mudrik : cette neuroscientifique israélienne tente de percer le secret de la conscience humaine

Dani Bar On, Haaretz, 14/7/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

La mesure de l’expérience consciente permettrait de mieux traiter les traumatismes crâniens et les accidents vasculaires cérébraux et de révéler à quel stade embryonnaire la conscience se développe, entre autres résultats importants. Liad Mudrik parviendra-t-elle à résoudre ce mystère vieux de 2 000 ans ?

Mudrik : “J’ai essayé de faire des recherches sur d’autres sujets, mais j’ai toujours été attirée par ce qui, pour moi, est la question : la question de la conscience. Photo : Daniel Tchetchik

« Je dois avoir un penchant masochiste », dit la professeure Liad Mudrik, « si on me dit qu’il y a une énigme qui n’a pas été résolue depuis 2000 ans, je m’y plonge ». À plusieurs reprises au cours de mes conversations avec elle, Mme Mudrik, qui est de nature très verbale, a décrit de manière créative l’enchevêtrement dans lequel elle s’est retrouvée.

« À plusieurs reprises, des personnes m’ont conseillé de ne pas explorer le sujet, car il est trop compliqué » ; ou encore, « c’est comme entrer dans un champ de mines, on ne sait pas quels organes on va perdre en chemin » ; et la cerise sur le gâteau, dans sa description de son travail : « c’est comme se frapper la tête contre un mur, encore et encore, et puis encore ». Masochisme ? Peut-être est-ce simplement le pouvoir de l’amour. « C’est ce qui allume un feu en moi », résume-t-elle, peut-être à regret. « C’est ce qui m’empêche de dormir. Il y a eu une période où j’ai essayé de faire des recherches sur d’autres sujets, mais j’ai toujours été attirée par ce qui est pour moi la question : la question de la conscience ».

La conscience n’est pas tout dans la vie. Même sans elle, nous sommes capables d’absorber et de traiter des informations, et d’agir en conséquence. C’est ce que sait tout conducteur qui arrive à bon port alors que ses pensées vagabondaient ailleurs pendant le trajet. Parfois, la conscience nous gêne même - pensez, par exemple, à ce qui se passerait si vous planifiez chaque mouvement à l’avance avant de le faire. L’intelligence artificielle a également la capacité de traiter des informations ; nous, contrairement à l’IA, pouvons vivre des expériences. Lorsque nous mangeons des toasts avec de la confiture, que nous sautons, que nous nous faisons masser ou que nous recevons une gifle, il ne s’agit pas seulement d’une entrée et d’une sortie. Nous ressentons également que c’est comme “quelque chose” pour nous. Ce sont nos expériences, et c’est pour elles que nous vivons. 

« Supposons que je vous offre un milliard de shekels ou la vie éternelle, selon votre choix », explique Mudrik, qui dirige le High-Level Cognition Lab à l’école des sciences psychologiques et à l’école des neurosciences Sagol de l’université de Tel-Aviv. « Menez votre vie dans le monde comme vous le faites : mangez, travaillez, ayez des enfants. Mais renoncez à votre expérience consciente. Rien n’aura de goût. Vous ne sentirez rien. Tout le monde rejetterait un tel marché ». Celui qui parviendra à comprendre comment l’expérience consciente est produite dans le cerveau aura en quelque sorte percé le secret de l’humanité. C’est cet objectif, dont certains disent qu’il ne sera jamais atteint, que vise le projet scientifique de Mudrik.

La résolution de l’énigme de la conscience serait une magnifique réussite en soi, mais elle aurait également une portée pratique. Si cela se produit, nous pourrons distinguer plus précisément les différents niveaux de conscience chez les personnes ayant subi un traumatisme crânien ou un accident vasculaire cérébral, et nous pourrons mieux les traiter. Nous saurons quels animaux possèdent une conscience et lesquels n’en ont pas, ce qui pourrait influer sur la manière dont nous les traitons. Nous saurions à quel stade embryonnaire la conscience se développe. Si nous parvenons même à créer un dispositif de mesure de la conscience sur une échelle standard, qui ne soit pas destiné uniquement aux entités dotées d’un cerveau, nous saurons si un groupe de cellules que nous avons élevé en laboratoire a développé une conscience, ou si un système d’intelligence artificielle l’a fait, et bien d’autres choses encore.

Un certain nombre de scientifiques de renommée mondiale relèvent le défi d’élaborer une théorie qui explique ce que l’on appelle les corrélats neuronaux (c’est-à-dire la base) de la conscience, et ont consacré une grande partie de leur carrière à ce sujet. Giulio Tononi, de l’université de Wisconsin-Madison, qui a conçu la Théorie de l’information intégrée (TII), et Stanislas Dehaene, du CNRS, qui a élaboré la Théorie de l’espace de travail global (TETG, Global Network Workspace Theory, GNWT). Chacun d’entre eux soutient que la racine de l’expérience consciente se trouve dans une partie différente du cerveau. Selon la TETG, il s’agit de la partie antérieure du cerveau, où se trouvent d’autres fonctions neuronales élevées telles que le contrôle du comportement, la planification et la compréhension. La TII, quant à elle, affirme que l’expérience consciente trouve son origine en grande partie dans la partie postérieure du cerveau, en raison d’une configuration particulière du réseau neuronal qui s’y trouve.

Les deux théories prospèrent malgré leurs contradictions. Comment cela est-il possible ? Une étude bouleversante menée par un doctorant du laboratoire de Mudrik, Itay Yaron, et publiée en 2022, portant sur des centaines d’expériences de conscience, a montré qu’il était possible de prédire quelle théorie l’expérience soutiendrait, quels qu’en soient les résultats, uniquement sur la base de la méthodologie utilisée. En science, comme dans les sondages électoraux, la façon dont la question est examinée peut, dans de nombreux cas, dicter le résultat.

Les mauvaises langues diront que tout le monde profite de l’existence de deux théories concurrentes. Les scientifiques reçoivent des fonds et de la gloire, leur ego est gonflé, les revues publient leurs études, les étudiants accumulent les diplômes et trouvent des postes dans le monde universitaire - mais l’objet de la recherche lui-même peut rester quelque peu irrésolu. En fin de compte, s’il y a une telle contradiction, il est probable que des erreurs ont été commises : Soit celui-ci est faux, soit celui-là, soit les deux, mais il n’y a aucune raison de penser que les deux sont corrects. Comment le saurons-nous ? « Il est possible que l’établissement de chaque théorie en soi ne nous ait pas aidés », explique Mudrik. « Certains diront que nous tournons en rond depuis quelques décennies et que la seule façon de progresser est de mener des expériences qui nous rapprochent d’une décision ».

C’est exactement ce que fait Mudrik. Avec les Profs. Lucia Melloni et Michael Pitts, ainsi que 26 autres chercheurs, elle dirige “Cogitate”, un projet unique en son genre, tant par son ampleur que par son financement - 5 millions de dollars alloués à cette fin par la Templeton World Charity Foundation - dont l’objectif est de trancher entre TETG et TII, qui sont considérées comme les deux théories les plus avancées à l’heure actuelle.

Le cœur du projet consiste en deux expériences. Dans la première, une tâche visuelle assez simple basée sur une expérience menée dans le passé par le professeur Leon Deouell de l’université hébraïque de Jérusalem, 256 sujets répartis dans six laboratoires à travers le monde ont participé. La seconde expérience porte sur une tâche plus complexe, une sorte de jeu vidéo dans lequel les sujets doivent attraper des balles imaginaires au milieu de visages et d’autres objets qui clignotent. Dans les deux expériences, l’activité neuronale des sujets a été suivie par une de trois méthodes d’imagerie différentes, afin de permettre un suivi étroit, par des moyens multidimensionnels, de l’éveil de la conscience dans le cerveau.

GIDEON LEVY
Un soldat israélien a “tiré en l'air”, tuant un Palestinien handicapé

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haretz, 15/7/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Versione italiana: Un soldato israeliano “spara un colpo in aria” e colpisce un palestinese disabile uccidendolo

Mohammed Hasanain était devenu handicapé il y a quatre ans lorsque des soldats israéliens lui ont tiré une balle dans la jambe lors d’une manifestation à Ramallah. Au cours d’une manifestation déclenchée par la récente invasion du camp de réfugiés de Jénine par les forces de défense israéliennes, il a été abattu.


La photo de Mohammed sur une banderole à Ramallah

Un père endeuillé est assis seul dans un appartement neuf et vide d’un quartier aisé de la ville de Ramallah, en Cisjordanie, et se remémore les catastrophes qui l’ont frappé depuis le début de l’année. La voix d’Imad Hasanain, 47 ans, originaire de la bande de Gaza et officier dans les services de renseignement palestiniens, ne laisse transparaître aucune émotion. Cette année a été pour lui « l’année de Job ».

Le 6 février, sa fille Noor Al Houda, âgée de 14 ans à peine, est décédée. Elle avait été complètement paralysée à la suite d’un accident de la route survenu à l’âge de 6 ans et avait été branchée à un respirateur. Au cours des années qui ont suivi, elle a été hospitalisée à l’hôpital de rééducation Reuth à Tel-Aviv et dans plusieurs autres établissements pour enfants en Israël. Son père consacrait la majeure partie de son temps à s’occuper d’elle. Noor Al Houda est décédée chez elle, à Ramallah, des suites de complications respiratoires. Son père nous montre des photos d’elle avant et après l’accident. Trois semaines après la mort de la fille d’Imad, sa grand-mère, Zarifa, 95 ans, est décédée dans le camp de réfugiés de Jabalya, dans la bande de Gaza. Quatre mois plus tard, sa mère, Azaya, est décédée à Jabalya à l’âge de 62 ans. Mais ce n’est pas la dernière perte qu’il a subie.

Imad, affilié au mouvement Fatah, a été coupé de sa famille lorsqu’il a été contraint de fuir Gaza à la suite de la prise de pouvoir du Hamas, et s’est installé à Ramallah. Deux ans plus tard, il a pu faire venir sa femme et ses 11 enfants dans cette ville de Cisjordanie, mais le reste de sa famille élargie est resté dans la prison connue sous le nom de bande de Gaza. Il n’a pas pu assister aux funérailles de sa grand-mère et de sa mère, bien entendu. Il n’a pas foulé son sol natal depuis le 16 février 2007.


La dernière photo de Nour Al Houda

Et puis, la semaine dernière, une quatrième calamité s’est abattue sur Imad - peut-être la plus dure de toutes. Son fils Mohammed, 21 ans, devenu handicapé lorsque des soldats des Forces de défense israéliennes lui ont tiré cinq fois dans la jambe droite en 2019, a de nouveau été abattu par l’armée israélienne - cette fois, mortellement. Il est difficile de croire que le soldat qui lui a ôté la vie n’a pas vu l’état de santé du jeune homme : Mohammed a été tué alors qu’il sautait sur une jambe pour se rendre à sa voiture. Il ne pouvait pas utiliser sa jambe blessée et se déplaçait avec des béquilles ou en sautillant. Aujourd’hui, son père est assis dans le nouvel appartement qu’il a récemment acheté pour sa famille et regarde dans le vide. Un père doublement endeuillé.