05/03/2023

Naissance en Italie de l’Observatoire contre la militarisation des écoles

Osservatorio contro la militarizzazione delle scuole. 4/3/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Jeudi 9 mars à 12h00 dans la salle de presse de Montecitorio conférence de presse pour le lancement de l’Observatoire contre la militarisation des écoles.

Au cours des derniers mois, l’Observatoire contre la militarisation des écoles a été créé en Italie, à la suite de quoi un appel a été lancé, dont les signataires entendent mener une activité décisive et constante pour dénoncer le processus de militarisation de nos institutions éducatives qui se poursuit depuis trop longtemps dans notre pays.

L’école devient de plus en plus le terrain de conquête d’une idéologie belliciste et d’un contrôle sécuritaire, qui se concrétise par l’intervention directe des forces armées (en particulier italiennes et usaméricaines) dans une myriade d’initiatives visant à promouvoir les carrières militaires en Italie et à l’étranger, et à présenter les forces armées et les forces de sécurité comme la solution aux problèmes de la société civile.

Cette invasion du terrain implique même des représentants des forces armées en tant que “professeurs”, qui donnent des cours sur différents sujets (de l’anglais confié au personnel de l’OTAN aux questions concernant la légalité et la Constitution) et implique même des parcours d’alternance école-travail (PCTO) à travers l’organisation de visites de bases ou de casernes militaires. Tout ceci est soutenu par des protocoles d’accord signés par des représentants de l’armée avec le ministère de l’Éducation, les bureaux scolaires régionaux et provinciaux et les écoles individuelles.

Démilitariser l’école et l’éducation signifie faire des espaces scolaires de véritables lieux de paix et d’accueil, s’opposer au racisme et au sexisme que véhiculent le langage et les pratiques de la guerre, et éliminer des processus éducatifs les dérives nationalistes, les modèles de force et de violence, et la peur irrationnelle d’un “ennemi” (à l’intérieur et à l’extérieur des frontières nationales) créé ad hoc comme bouc émissaire. Démilitariser l’école signifie lui rendre le rôle social prévu par la Constitution italienne.

L’initiative sera présentée le jeudi 9 mars à 12 heures dans la salle de presse de Montecitorio à Rome. Au cours de la rencontre, sera annoncé le premier rapport issu des activités de l’Observatoire à l’instigation du CESP (Centre d’études de l’école publique), une organisation qui a été la promotrice, au cours de l’année écoulée, d’une série de conférences visant à dénoncer l’augmentation constante des dépenses militaires et la circulation des armes.

A la conférence de presse participeront des lycéens ainsi que Rosa Siciliano, rédactrice en chef de “Mosaico di Pace”, Antonio Mazzeo, professeur et chercheur sur la paix, Angelo d’Orsi, historien et journaliste, ancien professeur de l’Université de Turin, Mario Sanguinetti, Cobas Scuola de l’Université de la Tuscia (Viterbe), Roberta Leoni, professeur, Cobas Scuola, de la Tuscia, Michele Lucivero, journaliste, CESP-COBAS Scuola Bari.

Contact et signatures :

osservatorionomili[at]gmail.com

Page facebook

Premiers signataires

1. Serena Tusini, enseignante, Cobas Scuola Massa Carrara

2. Ludovico Chianese, enseignant, Cobas Scuola Napoli

3. Antonio Mazzeo, enseignant, chercheur sur la paix

4. Angelo d’Orsi, historien et journaliste, ancien professeur à l’université de Turin

5. Costanza Margiotta, Priorité à l’école

6. Tano D’Amico, photographe

7. Alex Zanotelli, missionnaire combonien

8. Fulvio Vassallo Paleologo, ancien professeur de droit d’asile à l’Université de Palerme, et vice-président de l’ADIF (Association Droits et Frontières)

9. Alessandro Portelli, ancien professeur de littérature anglo-américaine, Université de Rome La Sapienza.

10. Tomaso Montanari, recteur de l’université pour étrangers de Sienne.

11. Donatella Di Cesare, professeure de philosophie théorique, Université de Rome La Sapienza

12. Lucio Russo, mathématicien, Université de Tor Vergata

13. Carlo Rovelli, physicien et essayiste

14. Romano Luperini, critique littéraire

15. Geminello Preterossi, philosophe du droit et de la politique.

16. Rosa Siciliano, directrice éditoriale de “Mosaïque de la paix”.

17. Giovanni Carosotti, conférencier

18. Ilenia Badalamenti, professeure, Cobas Scuola Pisa

19. Giuseppe Burgio, professeur de Pédagogie générale et sociale, Université d’Enna “Kore”.

20. Sara Conte, professeure, Cobas Scuola Grosseto

21. Massimiliano Andretta, professeur associé de sciences politiques, Université de Pise

22. Anna Angelucci, maîtresse de conférences, Rome

23. Stefania Arcara, Département de Sciences Humaines, Université de Catane

24. Rossana Barcellona, maître de conférences, Université de Catane

25. Tindaro Bellinvia, chercheur, Université de Messine

26. Cesare Bermani, historien

27. Barbara Bertani, conférencière, Reggio Emilia

28. Mauro Biani, dessinateur satirique

29. Marco Bistacchia, C.E.L. de langue italienne, Université de Pise

30. Stefano Bufi, enseignant, Cobas Scuola Molfetta

31. Silvano Cacciari, anthropologue, Laboratoire de cybersécurité et de relations internationales (CIRLab) du Polo Universitario Città di Prato - PIN

32. Enrico Calossi, professeur de relations internationales, Université de Pise

33. Cristina Cassina, professeure associée d’Histoire des doctrines politiques, Université de Pise

34. Marco Celentano, professeur d’éthique et de philosophie morale, Université de Cassino et Lazio Meridionale

35. Salvatore Cingari, Département de Sciences humaines et sociales internationales, Université pour étrangers de Pérouse

36. Catia Coppo, professeure, Cobas Scuola Terni

37. Franco Coppoli, enseignant, Cobas Scuola Terni

38. Miguel Mellino, professeur associé d’Anthropologie culturelle, Processus identitaires et scénarios globaux, Études postcoloniales et Relations interethniques, Université L’Orientale de Naples

39. Andrea Cozzo, professeur de langue et littérature grecques, Université de Palerme

40. Antonino De Cristofaro, professeur, Cobas Scuola Catane

41. Ernesto De Cristofaro, professeur au département de droit de l’université de Catane.

42. Fabio de Nardis, professeur de sociologie politique, Université de Foggia

43. Giovanni Di Benedetto, essayiste et professeur au lycée Vittorio Emanuele II de Palerme.

44. Candida di Franco, enseignante, Cobas Scuola de Palerme.

45. Enrico Di Giacomo, journaliste, directeur de Stampalibera.it

46. Salvatore Distefano, président, Associazione Etnea Studi Storico-Filosofici

47. Gabriella Falcicchio, département des sciences de l’éducation, psychologie, communication, université de Bari “Aldo Moro”

48. Giuseppe Follino, enseignant, Cobas Scuola Grosseto

49. Loredana Fraleone, responsable de l’école, de l’université et de la recherche, Parti de la Refondation Communiste-Gauche Européenne

50. Elena Gagliasso, professeure de philosophie des sciences au département de philosophie de l’université de Rome La Sapienza.

51. Gloria Ghetti, maîtress de conférences, Faenza

52. Marcello Ghilardi, professeur d’esthétique à l’Université de Padoue.

53. Nella Ginatempo, sociologue.

54. Salvatore Giuffrida, géomètre retraité, Catane

55. Eric Gobetti, historien du fascisme et de la Résistance

56. Elisabetta Grimani, professeure de littérature, Cobas Scuola Terni

57. Donatella Guarino, enseignante, Cobas Scuola Napoli

58. Irene Landi, CEL de langue italienne, Université de Pise

59. Simona La Spina, enseignante, Cobas Scuola Catane

60. Rossella La Tempa, rédaction de “Roars”

61. Roberta Leoni, enseignante, Cobas Scuola Tuscia

62. Simona Loddo, enseignante, Cobas Scuola Cagliari

63. Riccardo Loia, enseignant, Cobas Scuola Varese

64. Michele Lucivero, enseignant, journaliste, Cobas Scuola Molfetta

65. Laura Marchetti, professeure de Didactique Générale à l’Université Méditerranéenne de Reggio Calabria, et professeure de Didactique des Cultures à l’Université de Foggia.

66. Federico Martino, ancien professeur d’histoire du droit italien à l’Université de Messine.

67. Mina Matteo, maîtresse de conférences, Cobas Scuola Lecce

68. Elena Mignosi, professeure de Pédagogie sociale générale, Université de Palerme.

69. Paolo Missiroli, enseignant, Faenza

70. Teresa Modafferi, Cobas Scuola Catane

71. Federico Oliveri, chercheur principal au Centre interdisciplinaire “Sciences pour la paix”, Université de Pise

72. Fausto Pascali, enseignant, Cobas Scuola Pise

73. Lorenzo Perrona, enseignant, Cobas Scuola Syracuse

74. Valentina Petillo, enseignante, Cobas Scuola Naples

75. Gianni Piazza, enseignant, Université de Catane

76. Antonio Pioletti, professeur émérite, Université de Catane

77. Renata Puleo, enseignante retraitée

78. Giuseppe Restifo, historien, chercheur indépendant

79. Onofrio Romano, sociologie des changements, université Roma Tre

80. Cristina Ronchieri, enseignante, Cobas Scuola Massa Carrara

81. Citto Sajia, critique de cinéma, ancien professeur de l’Université de Messine

82. Mario Sanguinetti, enseignant, Cobas Scuola de la Tuscia

83. Giuseppe Saraceno, professeur, Cobas Scuola Pise

84. Felice Scalia, jésuite

85. Attilio Scuderi, professeur, Université de Catane

86. Mariella Setzu, enseignante retraitée, Cobas Scuola Cagliari

87., département des sciences humaines et sociales internationales, Université pour étrangers de Perugia

88. Alessandro Somma, Professeur de droit comparé, Université de Rome La Sapienza

89. Matteo Vescovi, maître de conférences, Bologne

90. Viviana Vigneri, maîtresse de conférences, Lecce

04/03/2023

ANNAMARIA RIVERA
La vocation migranticide
Après la nouvelle hécatombe en Méditerranée

Annamaria Rivera, Comune-Info, 3/3/2023
Traduit par Fausto Giudice
, Tlaxcala

 

À l'heure où j'écris ces lignes, les victimes avérées d'un nouveau naufrage de migrants, survenu à l'aube du dimanche 26 février sur la côte de Steccato di Cutro, en Calabre, sont au moins 67, dont 15 enfants et 21 femmes. Mais leur nombre pourrait s'élever à plus de 100, s'ajoutant aux dizaines de milliers de morts de la mer Méditerranée, devenue un grand cimetière à ciel ouvert.


Les questions qui entourent ce naufrage sont particulièrement graves et inquiétantes : nous ne savons pas ce qui s'est passé après que l'avion de Frontex a aperçu et signalé le bateau à 22h30 la nuit précédant le naufrage ; nous ne comprenons pas pourquoi, bien que la présence d'un tel bateau dans les eaux ait été connue, aucune action rapide n'a été entreprise. Même le commandant de la capitainerie de Crotone, Vittorio Aloi, a déclaré que l'envoi de navires de sauvetage aurait été tout à fait possible.

 

Quoi qu'en pense l'infâme ministre de l'Intérieur Piantedosi, ce sont les “murs” qui créent les trafiquants et non l'inverse. Entre autres choses, il a rejeté la responsabilité du naufrage sur les victimes et a osé déclarer que « le désespoir ne peut justifier des voyages dangereux pour la vie des enfants ». Ce n'est pas un hasard si le ministre est l'inspirateur du décret, qui porte son nom, visant à appliquer des politiques de plus en plus persécutrices à l'encontre des navires des ONG, les empêchant de sauver des vies : une tâche qui devrait être assumée en premier lieu par l'État.

 

Aujourd'hui, après le tragique naufrage, il semble que l'objectif de Piantedosi soit de rétablir les décrets dits Salvini sur les ports fermés et les restrictions aux demandes d'asile et d'accueil.

 

Pour replacer ce que j'ai dit jusqu'ici dans un large contexte, je reprendrai ce que j'ai écrit ailleurs sur la vocation migranticide qui caractérise non seulement l'Italie, mais aussi une grande partie de l'Union européenne.

 

Comme on le sait, l'unité européenne a été conçue pour transcender non seulement les colonialismes, mais aussi la conception de la “nation” comme une communauté substantielle et homogène, tendant ainsi à exclure les autres, ainsi que les nationalismes et les crises économiques qui en ont résulté et qui ont également favorisé la naissance de régimes totalitaires.

 

Aujourd'hui, en revanche, les exilés forcés (tous, à des degrés divers, y compris les exilés économiques) atterrissent paradoxalement, lorsqu'ils y parviennent, dans un continent truffé de frontières blindées, de murs et de barrières de barbelés. Dans la plupart des cas, ils sont contraints de quitter leur pays à cause des persécutions, de la misère, de la famine, des catastrophes, y compris environnementales, ainsi que des conflits et des guerres civiles, le plus souvent provoqués ou favorisés par le néocolonialisme et l'interventionnisme occidentaux.

 

Ils arrivent dans un monde où les nationalismes agressifs sont résurgents, où il y a une compétition pour repousser autant de réfugiés que possible vers l'État le plus proche ou des efforts sont faits pour les déporter vers un douteux “pays sûr”. Un monde où, pour défendre son propre territoire, on ferme les frontières, on érige des barrières de toutes sortes, on déploie même des armées. À cet égard, je rappelle, pour ne donner qu'un exemple parmi tant d'autres, qu'en octobre 2015, le parlement slovène a approuvé, à la quasi-unanimité, une loi donnant à l'armée des pouvoirs extraordinaires, principalement celui de restreindre la liberté de mouvement des personnes.

 Don Francesco Lo Prete, curé de Le Castella, a recueilli des morceaux de l’embarcation échouée sur la plage de Steccato di Cutro, dont l’artiste local Maurizio Giglio a fait une croix, qui sera dressée dimanche 5 mars dans l’église de Steccato di Cutro au terme d’une Via Crucis Chemin de croix) en présence de Mgr. Angelo Panzetta , archevêque de  Crotone-Santa Severina


En outre, entre 2015 et 2016, afin de freiner l'afflux de réfugiés, certains pays de l'UE sont allés jusqu'à suspendre unilatéralement la Convention de Schengen et à réintroduire des contrôles aux frontières. Au lieu de promouvoir un engagement en faveur d'une réforme radicale de la Convention de Dublin, la Commission européenne a honteusement cautionné cette pratique, qui met à mal l'un des rares éléments, à la fois concrets et symboliques, qui peuvent donner aux citoyens du continent le sentiment d'une appartenance commune, néanmoins ouverte aux autres. Et ce, à un moment où nous assistons à une crise radicale en Europe.

 

En passant, il convient de noter à quel point la rhétorique insistante de l'intégration semble paradoxale, face à un contexte continental et des contextes nationaux le plus souvent caractérisés par des ordres politiques et sociaux fragmentés, inégaux, conflictuels.  

 

En bref, au fil des ans, l'Union européenne a perpétué, dans une certaine mesure, le modèle des anciens nationalismes, en reproposant les critères de la généalogie, de la descendance, des origines, légitimant ainsi la rhétorique sur laquelle se fondent presque toutes les formes de racisme. En fait, c'est un tel critère qui a été sanctionné, après tout, par les traités de Maastricht et d'Amsterdam, par le traité constitutionnel européen lui-même, signé à Rome le 29 novembre 2004, qui a réservé la citoyenneté dite européenne aux seuls nationaux.

 

L'UE pratique également une sorte de supranationalisme armé, pour la défense de ses frontières. Et ceci, à son tour, n'est pas seulement la cause principale d'une hécatombe de réfugiés aux proportions monstrueuses, mais a aussi indirectement contribué à encourager un nationalisme agressif, donc au succès de la droite, même de l'extrême droite, dans toute l'Europe : l'Italie est aujourd'hui le cas exemplaire d'un gouvernement dominé par l'extrême droite. 

 

En fait, comme je l'ai déjà écrit ailleurs, les lois, normes et pratiques européennes ainsi que celles des États individuels dans le domaine de l'immigration et de l'asile configurent une sorte de thanatopolitique, pour le dire à la manière de Michel Foucault. À tel point qu'il n'est pas exagéré d'affirmer, comme l'a fait Luigi Ferrajoli (Il suicidio dell'Unione europea, in “Teoria politica”, VI, 2016, pp. 173-192), qu'avec ses « lois raciales actuelles », l'UE « promulgue une gigantesque non-assistance à personnes en danger » et, par conséquent, « un nouveau génocide ».

 

La sémiotique du génocide peut de fait être trouvée dans un certain nombre de normes et de pratiques des États de l'UE. Il suffit de considérer l'utilisation de voitures blindées pour transporter les réfugiés à travers ses frontières, par  laquelle la Hongrie, dirigée par la droite nationaliste et raciste, s'est distinguée.  Ce pays, en effet, a répondu à la “crise des réfugiés” non seulement en blindant ses frontières, en criminalisant et en arrêtant les demandeurs d'asile qui tentaient de les franchir, mais aussi en accomplissant, à deux reprises au moins, un acte qui rappelle la déportation des Juifs hongrois eux-mêmes en 1944.   

 

En juillet 2015, un wagon de marchandises fermé, rempli de réfugiés, principalement des Syriens et des Afghans, y compris des femmes et des enfants, a été ajouté à un train quittant Pecs à destination de Budapest. Et le 23 septembre suivant, à la frontière entre la Hongrie et la Croatie, des centaines de réfugiés, privés d'eau et de nourriture, ont été chargés sur des wagons de marchandises également blindés, pour être transférés à la frontière autrichienne.

 

Tout cela contribue également à la grave crise européenne, qui n'est pas seulement économico-financière, mais aussi (et peut-être surtout) politico-idéologique et identitaire. En effet, à l'heure actuelle, la seule "“déologie” capable de mobiliser et d'unifier une grande partie des populations européennes “autochtones” est le rejet des réfugiés, des exilés, des Rroms, des immigrés et/ou des personnes “d'autre origine”, c'est-à-dire les “ennemis intérieurs et extérieurs” d'aujourd'hui. Ce sont elles et eux, aujourd'hui, qui constituent de plus en plus “un principe d'autodéfinition”, pour citer Hannah Arendt. Et, aujourd'hui comme à une époque sombre, cela sert à donner « aux masses d'individus atomisés (...) un moyen (...) d'identification » (Arendt, Les origines du totalitarisme, 1951).

 

De nos jours, l'ombre du sinistre passé s'étend même sur les conventions et les chartes internationales pour la protection des droits. Même la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (CFREU) sont souvent violées en refusant les droits fondamentaux aux réfugiés ou en les comprenant non pas comme inconditionnels et dus à tous, mais comme devant être accordés éventuellement et seulement sous certaines conditions.

 

Un spectre du sinistre passé est, par exemple, l'accord signé le 18 mars 2016 entre l'UE et la Turquie, résultat d'un méprisable troc sur la peau des réfugiés. Comme on le sait, il stipulait que tous les réfugiés qui entrent “irrégulièrement” en Grèce par la mer Égée sont “rapatriés” en Turquie, en fait déportés dans un pays qui est tout sauf "“ûr”, car son régime est devenu de plus en plus autoritaire, sans compter qu'il est le théâtre de fréquentes attaques terroristes.

 

Cet accord - dont le caractère insensé est évidente, puisqu'il n'a pas du tout servi, comme on le prétend, à démanteler « le business des trafiquants », mais plutôt à forcer les multitudes en fuite à entreprendre des routes et des voyages de plus en plus dangereux - viole de manière flagrante le droit international.

 

Sans parler de l'accord indigne, qualifié d'inhumain par l'ONU elle-même, entre les différents gouvernements italiens et libyens, quasi-marionnettes ; ainsi que de la mission militaire italienne au Niger, visant à bloquer une étape décisive de l'exode ; ajoutez à cela la tristement célèbre loi Minniti-Orlando, décidément inconstitutionnelle, puisqu'elle vise à réduire drastiquement le droit d'asile et à rendre plus efficace la machine des rafles et des rapatriements forcés. Quant à l'actuel gouvernement italien, le plus à droite de l'histoire de l'Italie constitutionnelle et qui a comme Premier ministre et ministre de l'Intérieur, deux personnages tellement caricaturaux qu'ils semblent une parodie tragique et grotesque du/de la Raciste - il est la représentation parfaite de la décadence et de la thanatopolitique de l'UE.

 

On ne peut qu'espérer et se battre pour que la gauche dans son ensemble comprenne enfin la centralité stratégique de la lutte contre la discrimination et le racisme. Ce n'est certes pas d'hier qu'ils se manifestent en Italie, mais aujourd'hui ce processus semble être effréné, toujours plus pressant, et se diriger vers le pire. À moins que l'indignation qui habite pas mal de secteurs de la société civile, en particulier dans le militantisme antiraciste et antifasciste, ne parvienne enfin à trouver une voix et une stratégie communes pour faire face à une dérive aussi effrayante. 

NdT

Le maire de Crotone, Vincenzo Voce, a envoyé une lettre ouverte au Premier ministre Giorgia Meloni, suite au naufrage de dimanche dernier sur la côte de Steccato di Cutro qui a fait à ce jour 69 morts.


Président Meloni,

Nous avons attendu une semaine, la communauté crotonaise, affectée par une énorme douleur, a attendu un message, un appel téléphonique, un signe de votre part.

 

Pendant cette semaine, les Crotonais se sont serré les coudes dans la douleur pour les victimes d’une terrible tragédie, et de toutes les manières, ne serait-ce qu’ avec une simple prière, une fleur ou un billet, ils ont voulu montrer leur proximité et leur solidarité.

 

L’humanité n’élèvera peut-être pas le classement de la qualité de vie, mais elle nous rend certainement fiers d’appartenir à une communauté qui a su démontrer que la solidarité et l’ouverture aux autres sont des valeurs inaliénables auxquelles on ne peut renoncer.

 

Ce peuple attendait un témoignage de la présence de l’Etat, qui est venue de très haut de la part du Chef de l’Etat.

 

Mais le gouvernement était absent, vous étiez absente, Président. Alors je vous demande, si vous n’avez pas senti que vous pouviez manifester votre proximité en tant que Président du Conseil, venez à Crotone et manifestez-la en tant que mère.

 

Venez voir ce qu’on a vécu dans une salle de sport destinée à la vie et qui s’’est transformée en un lieu de douleur et de larmes.

 

Venez partager, en tant que mère, la douleur d’’autres mères, d’enfants sans parents, de femmes, d’’hommes, d’’enfants qui avaient de l’espoir et qui n’ ont même plus cela.

 

Je ne vous reproche pas de ne pas être venue en tant que Présidente du Conseil, vous deviez avoir d’’autres engagements importants.


Alors venez en privé, si vous le souhaitez, en tant que citoyenne de ce pays. Venez dans cette ville qui a exprimé si fortement le sentiment de rester humain.

 

De considérer les personnes comme telles et non comme des numéros. Parce que ces cercueils qui n’’ont pas encore de nom ne sont pas des numéros. Nous vous attendons.
Source : CrotoneOK

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