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22/07/2024

WAQAS AHMED/RYAN GRIM
Un tribunal kényan conclut que le journaliste pakistanais Arshad Sharif a été torturé avant d’être assassiné par la police
Le juge a rejeté en bloc les arguments peu convaincants de l’État

Waqas Ahmed et Ryan Grim, Drop Site News, 15/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Waqas Ahmed est un journaliste pakistanais, ancien rédacteur en chef du Daily Pakistan et du Business Recorder. @worqas

 

 

Ryan W. Grim (Allentown, Pennsylvanie, 1978) est un auteur et journaliste usaméricain. Il a été chef du bureau de Washington du HuffPost et chef du bureau de Washington de The Intercept. En juillet 2024, Grim et Jeremy Scahill, cofondateur de The Intercept, ont quitté The Intercept pour cofonder Drop Site News. Grim est l’auteur des livres The Squad, We’ve Got People et  This Is Your Country On Drugs. @ryangrim

Dans une décision historique, un juge kényan a rejeté la défense de la police dans l’affaire de l’assassinat en 2022 du célèbre journaliste pakistanais Arshad Sharif et a déclaré qu’il avait été torturé avant d’être assassiné, selon des documents judiciaires examinés par Drop Site. Dans une sentence tranchante, le tribunal, dont la décision a été publiée la semaine dernière, a en outre estimé que sa mort constituait une violation de ses droits humains.


Arshad Sharif interviewe Imran Khan en mai 2022

Le fait que la police kényane  ait tué Sharif, qui était en exil et fuyait les persécutions de l’armée pakistanaise, n’a jamais été mis en doute. La police kényane , pour sa part, a fourni à plusieurs reprises des explications contradictoires et changeantes sur l’assassinat de Sharif. L’une des principales affirmations de la police, à savoir que quelqu’un dans la voiture de Sharif avait tiré sur des agents, en touchant un, n’a jamais été mentionnée au cours de la procédure judiciaire et ne figure nulle part dans le jugement, ce qui indique que l’explication fournie par la police à l’équipe pakistanaise chargée d’enquêter sur l’assassinat ne pouvait être étayée par la preuve qu’un policier avait été blessé. Les alliés de Sharif soutiennent qu’il avait fui le Pakistan vers les Émirats arabes unis, puis vers le Kenya, où il a finalement été assassiné, une affirmation confortée par la nouvelle décision du tribunal.

L’affaire, portée par la veuve de Sharif, Javeria Siddique, a abouti à une décision qui tient plusieurs organismes publics pour responsables de leurs actions et ordonne aux gouvernements pakistanais et kényan un examen plus approfondi.

Sharif, connu pour ses reportages et ses critiques intrépides de l’establishment militaire pakistanais, s’est réfugié d’abord aux Émirats arabes unis, puis au Kenya, après avoir fait l’objet de graves menaces dans son pays, lorsque le gouvernement démocratiquement élu d’Imran Khan a été renversé sous l’effet d’une intense pression militaire et d’une motion de censure soutenue par les USA. Moins de trois mois après avoir quitté le Pakistan, il a été tué par la police kényane sur un chemin de terre alors qu’il revenait d’un camp situé dans la banlieue de Nairobi. Une autopsie, dont les résultats ont été divulgués, a ensuite révélé qu’il avait peut-être été torturé.

Son assassinat brutal au Kenya a choqué la communauté journalistique internationale et soulevé de graves questions sur la sécurité des dissidents en exil. Au Pakistan, les militaires ont déployé des efforts considérables pour contrôler le récit de la mort de Sharif et faire taire les enquêtes sur son assassinat. De même, au Kenya, pays dont les liens militaires et économiques avec le Pakistan sont étroits, les enquêtes sur le meurtre ont été interrompues sans explication.

Les enquêtes de Sharif visaient souvent des personnalités influentes, notamment Shehbaz Sharif, qui avait été nommé premier ministre après l’éviction d’Imran Khan. Au moment de la mort de Sharif, l’armée pakistanaise entrait dans une période des plus sombres, le gouvernement dirigé par les militaires emprisonnant des milliers de militants, intensifiant la censure des médias et manipulant les élections.

Le juge kényan S.N. Mutuku a noté dans le jugement final, rendu le 8 juillet, que Mme Siddique avait dû introduire l’affaire un an après la mort de Sharif parce qu’“aucune information n’a été fournie [...] concernant la mise à jour de l’état d’avancement des enquêtes ou toute action entreprise contre les auteurs de la fusillade”.

Le jugement demande des comptes à plusieurs organes de l’État, notamment au bureau du procureur général - qui, selon le juge, a un devoir de conseil en matière de droits de l’homme -, à la police et à l’Autorité indépendante de surveillance de la police (Independent Policing Oversight Authority, ou IPOA).

La police, désignée comme le “troisième défendeur” dans le dossier, a été particulièrement critiquée pour n’avoir pas mené d’enquête indépendante et efficace. « Le troisième défendeur a la responsabilité de donner suite aux recommandations de l’Autorité indépendante de surveillance des services de police, notamment en ce qui concerne l’indemnisation des victimes de fautes policières », peut-on lire dans le jugement. « Le fait que les défendeurs n’aient pas mené d’enquête indépendante, rapide et efficace, qu’ils n’aient pas engagé de poursuites, qu’ils n’aient pas achevé ces enquêtes ou qu’ils n’aient pas donné suite de toute autre manière aux résultats de ces enquêtes, constitue une violation de l’obligation positive d’enquêter sur les violations du droit à la vie et d’engager des poursuites contre les auteurs de ces violations ».

YANIV COGAN
Israël étudie une proposition visant à installer un régime fantoche “musulman modéré” à Gaza

Ce plan, que des responsables israéliens ont qualifié de “brillant”, prévoit de “rééduquer” les Palestiniens, de détruire l’UNRWA et de raser les camps de réfugiés.

Yaniv Cogan, Drop Site News, 19/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Yaniv Cogan est un auteur vivant à Tel Aviv. Il a récemment contribué au livre DELUGE: Gaza and Israel from Crisis to Cataclysm, publié par OR Books.

Jeudi, la Knesset israélienne a voté à une écrasante majorité pour contrecarrer tout effort visant à établir un État palestinien indépendant et a de fait confirmé le projet de longue date d’Israël de confiner les Palestiniens dans des ghettos de plus en plus isolés et inhabitables. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a clairement indiqué qu’il s’opposait à tout cessez-le-feu avec le Hamas qui ne lui permettrait pas de poursuivre sa campagne militaire à Gaza et qu’il s’efforçait de saboter une fin négociée de la guerre.


La mosquée Abdullah Azzam est réduite en ruines par une frappe israélienne à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 17 juillet 2024. Photo : Majdi Fathi/Nur Photo via Getty

Dans le même temps, le gouvernement israélien a élaboré des plans d’après-guerre dystopiques et fondamentalement irréalistes pour gouverner Gaza, soit par l’occupation, soit, comme le suggère un document influent, par l’installation d’un régime fantoche “musulman modéré”.

Les responsables israéliens de la sécurité ont fait l’éloge du récent document universitaire recommandant l’élimination de la démocratie à Gaza et la reconstruction de la société gazaouie en une “entité musulmane modérée” dans le moule des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite. Le plan contient plusieurs idées pour refaire entièrement la société gazaouie, notamment raser les camps de réfugiés, interdire “tous les livres scolaires existants” et établir un contrôle total des médias. La proposition appelle également à l’élimination de l’Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA) et à la fermeture des programmes sociaux et humanitaires gérés par le Hamas pour les remplacer par une structure alternative contrôlée par Israël.

« Nous, au Conseil national de sécurité [israélien], avons lu cet excellent document », a déclaré son directeur, Tzachi Hanegbi, lors d’une récente interview à i24 News, « et en fin de compte, nous, les décideurs, devrons prendre en compte cette analyse, parce qu’elle est brillante ».

Alors que certains dirigeants politiques et responsables gouvernementaux israéliens de premier plan ont préconisé un plan plus extrême pour Gaza, qui impliquerait une occupation militaire permanente, voire l’expulsion de l’ensemble de la population palestinienne, la proposition des universitaires ouvre une fenêtre sur l’éventail des options envisagées aux plus hauts niveaux du pouvoir en Israël. Alors que les responsables israéliens mènent des jeux de guerre intellectuels sur l’avenir de Gaza, les Palestiniens restent pris au piège d’un enfer fait de bombardements constants, d’occupation militaire, de famine et de menaces d’anéantissement.

Selon les quatre universitaires israéliens auteurs du document, intitulé “From a Murderous Regime to a Moderate Society” [D’un régime meurtrier à une société modérée], celui-ci a eu une influence significative dans les allées du pouvoir. « Il a été très bien accueilli. Nous savons qu’il a été lu et diffusé. Des personnes très haut placées l’ont reçu plus d’une fois avec la recommandation de le lire et d’en discuter », a déclaré la professeure israélienne Netta Barak-Corren lors d’un récent podcast animé par Dan Senor, l’ancien porte-parole du régime d’occupation militaire des USA en Irak.

Le plan du “jour d’après” pour Gaza a été salué par l’éminent néoconservateur usaméricain qui a joué un rôle clé en Irak en 2003, lorsque l’administration Bush a imposé un vaste programme visant à éradiquer par la force l’idéologie du parti Baas de la société irakienne. « Je pense que l’ensemble des efforts déployés est extraordinaire », dit Senor dans son podcast. « Je connais un certain nombre de responsables israéliens qui partagent ce point de vue. Cela a certainement un impact et fait le tour du monde ». Senor a été conseiller principal de L. Paul Bremer, qui a dirigé l’occupation irakienne à ses débuts et a mis en place un régime désastreux pour les Irakiens, lequel a contribué à déclencher une insurrection d’une décennie contre les forces usaméricaines.

Le document a été distribué aux hauts responsables de la sécurité nationale israélienne, y compris aux membresl du Conseil de sécurité nationale, aux échelons supérieurs des Forces de défense israéliennes et à l’agence de renseignement Shin Bet à partir de février 2024. Il a également été présenté aux cinq membres du cabinet de guerre, l’organe de décision qui, jusqu’à sa récente dissolution, avait le dernier mot sur les politiques d’Israël à Gaza.

Les médias israéliens n’en ont toutefois pas parlé avant le mois de juin, notant que le document de 28 pages n’avait pas été rendu public. Danny Orbach, l’un des auteurs du document et professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, a expliqué dans un message sur Facebook que le document était resté confidentiel en raison des “recommandations opérationnelles spécifiques” qu’il contenait. Drop Site News a obtenu une copie peu de temps après - qui, avec 32 pages, semble être une version éditée ou mise à jour - et le Centre Moshe Dayan de l’Université de Tel Aviv a récemment publié la version de 32 pages (en hébreu).

Le document rassemble les enseignements tirés de quatre opérations historiques de changement de régime - le Japon et l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, l’Irak et l’Afghanistan après les invasions menées par les USA - et formule des recommandations pour les efforts actuels d’Israël visant à renverser le gouvernement démocratiquement élu du Hamas dans la bande de Gaza.

21/07/2024

HANNO HAUENSTEIN
“Se débarrasser de Netanyahou ne suffit pas : le monde doit mettre fin à l’apartheid d’Israël”
Entretien avec Gideon Levy

Hanno Hauenstein, jacobin.de, 16/7/2024
English original: Gideon Levy: Getting Rid of Netanyahu Is Not Enough
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Hanno Hauenstein (*1986) est journaliste indépendant qui vit à Berlin. Ses articles ont été publiés entre autres par le Guardian, the Intercept, Zeit Online, Haaretz et la taz. Il a été pendant plusieurs années rédacteur et chef de rubrique au service culturel de la Berliner Zeitung. En octobre 2022, il a été démis de ses fonctions pour avoir critiqué l’invitation de Viktor Orban à un débat avec l’éditeur de la BZ, Holger Friedrich. Il a également été le fondateur et l’éditeur de la revue artistique et littéraire germano- hébraïque aviv Magazine.
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Gideon Levy est l’un des critiques les plus en vue de la politique d’occupation et de guerre israélienne. Dans un entretien avec JACOBIN, il illustre les effets dévastateurs de la guerre de Gaza, l’escalade de l’annexion de la Cisjordanie et la stagnation du discours public en Israël.

Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, Israël se trouve dans un état d’urgence absolu. Le pays est gouverné par un cabinet de guerre, les censures militaires noircissent des articles sélectionnés et expulsent certains médias étrangers, tandis que la guerre dévastatrice continue de faire rage à Gaza.

On entend souvent dire que tout ce qui se passe en Israël et en Palestine depuis le 7 octobre est de la seule faute du Hamas. Mais le conflit au Proche-Orient n’est pas né de l’attaque terroriste du Hamas. Ce conflit a une histoire longue et sanglante, au cours de laquelle la Palestine a été occupée pendant des décennies par Israël et la population arabe entre la Méditerranée et le Jourdain privée de ses droits.

Peu d’Israéliens le savent mieux que le journaliste Gideon Levy, qui couvre depuis des décennies la politique de colonisation et d’exclusion qu’Israël mène à l’égard des Palestinien·nes. Dans un entretien avec JACOBIN, il a évoqué l’histoire du conflit, la possible annexion de la Cisjordanie et ses espoirs pour la région.

 


Le 13 juillet, des dizaines de Palestinien·nes [92] ont été tué·es lors d’une attaque aérienne israélienne à Gaza, qui visait apparemment le chef militaire du Hamas, Mohammed Deif. Des images de l’attaque ont montré de grands cratères et d’énormes nuages de fumée à des endroits qu’Israël avait déclarés comme “zone sûre”. 279 Gazaouis ont été tués lors de l’opération de libération de quatre otages à Nuseirat il y a quelques semaines. La plupart étaient des civils. Le fait que le prix de cette guerre soit si élevé fait-il l’objet d’un débat au sein de l’opinion publique israélienne ?

Non, pas du tout. Je peux te garantir que s’il n’y avait pas eu 200 morts à Nuseirat, mais 2.000, cela aurait quand même été justifié pour la plupart des gens en Israël. À leurs yeux, Israël a le droit de faire ce qu’il veut après le 7 octobre. Et ce n’est pas au monde de nous imposer des limites. C’est la façon de penser. Bien sûr, il y a des gens qui voient les choses différemment. Mais ils sont une petite minorité et ont peur d’élever la voix. La plupart des Israéliens justifieraient en ce moment toute agression contre la population palestinienne. Dans n’importe quelle proportion.



Maternité
, par Malak Mattar

De nombreux objectifs déclarés de la guerre - comme la libération des otages ou la destruction du Hamas - ont à peine été atteints après neuf mois. L’opinion publique israélienne ne doute-t-elle pas de la poursuite de l’effusion de sang à Gaza ?

C’est là qu’Israël est divisé. On ne peut pas dire que les objectifs ont été atteints alors que le Hamas continue de tirer des roquettes et que la plupart des otages n’ont pas été libérés. Au niveau international, Israël devient un paria. Mais l’aile droite argumente que tout cela est dû au fait que nous ne nous sommes pas battus assez fort et que nous n’avons pas tué assez de gens. Ils pensent que l’armée israélienne n’est pas assez déterminée.

D’un autre côté, nombreux sont ceux qui commencent à comprendre, avec neuf mois de retard, que cette guerre ne peut pas atteindre ses objectifs, car ils sont par définition inatteignables. Des gens comme moi le disent depuis le premier jour. Mais malgré cela, personne ne tire la conséquence de mettre fin à la guerre aujourd’hui. Si elle n’a rien donné après neuf mois, elle ne donnera rien non plus après neuf autres mois, si ce n’est plus de tueries et plus de destructions. Alors pourquoi continuer ? 

La dernière fois que nous nous sommes parlés, c’était juste avant les dernières élections en Israël, qui ont porté au pouvoir le gouvernement actuel, dirigé par des extrémistes. Tu avais alors exprimé de très faibles attentes vis-à-vis de l’opposition. La guerre contre Gaza dure maintenant depuis neuf mois. Des dizaines de milliers de civils ont été tués. Vois-tu aujourd’hui une opposition significative en Israël ?

Il y a une opposition engagée, ils manifestent chaque semaine et bloquent même parfois la circulation. Mais ils ne se concentrent que sur deux choses : se débarrasser de Netanyahu et ramener les otages à la maison. Il n’y a pas de véritable opposition à la guerre. Pas d’opposition aux crimes d’Israël. Pas d’opposition à la tuerie de masse à Gaza. Pas du tout. C’est pourquoi, même si Netanyahou est remplacé, aucun des autres candidats ne s’attaquera aux questions fondamentales : la guerre, l’occupation, l’apartheid. Aucun d’entre eux n’est prêt à un véritable changement. Pour ce qui est des questions essentielles, Israël restera le même.

Avant le 7 octobre, il y avait eu des manifestations en Israël contre la soi-disant réforme de la justice. Un petit bloc constant dans ces manifestations, le bloc anti-occupation, a toujours abordé les thèmes que tu as mentionnés. Ils ont tenté d’établir un lien entre l’oppression d’Israël contre les Palestiniens et la réforme judiciaire. Est-ce que cela n’était que marginal ?

Définitivement. Premièrement, lors de ces manifestations également, la majorité des manifestants ne voulaient pas de ce groupe. Ils n’ont pas toléré les drapeaux palestiniens. Ils ne voulaient pas être impliqués dans cette question, car ils craignaient que cela irrite la plupart des Israéliens. Et ce bloc se rétrécit encore plus aujourd’hui. Les gens qui sont vraiment contre la guerre et l’occupation forment un camp beaucoup plus petit après le 7 octobre.


Depuis des années, tu ne cesses de soulever toi-même des questions qui restent souvent taboues en Israël. Tu as toutefois assez souvent défendu le Premier ministre Benjamin Netanyahu et remis à leur place ses critiques libéraux. Pourquoi ça ?

Le front uni contre Netanyahu était exclusivement focalisé sur l'idée de se débarrasser de lui, tout en faisant l’impasse sur tous les autres problèmes. Comme si Israël allait se transformer en une sorte de paradis dès que nous serions débarrassés de Netanyahou. Comme si tout était de sa seule faute. L’occupation et les colonies - tout cela est dû au Parti travailliste israélien, pas à Netanyahou. Shimon Peres, qui a reçu le prix Nobel de la paix, est responsable de plus de colonies que Netanyahou. Être contre Netanyahu est très confortable. Il n’y a pas besoin de courage pour cela. Mais si l’on n’a pas d’alternative, ni personnelle, ni programmatique, ni idéologique, cet argument est creux. En outre, je suis également d’avis que Netanyahou a personnellement un niveau bien plus élevé en tant qu’homme politique que tous les autres candidats.

Ta position a-t-elle changé ?

Aujourd’hui, je ne dirais plus un seul bon mot sur Netanyahou. Il doit dégager. Il n’y a aucun doute à ce sujet.

20/07/2024

JEREMY SCAHILL
Palestine : la parole à la Résistance

Ci-dessous, traduits par Tlaxcala, une série de trois articles consacrée aux perspectives de la résistance palestinienne après le 7 octobre et au dixième mois d’une guerre asymétrique opposant des combattants défendant leur peuple à une armée d’occupation surarmée, équipée et soutenue par les puissances impériales. La stratégie génocidaire des occupants n’est pas parvenue à écraser cette résistance en 285 jours. Une fois de plus se vérifie cette vérité historique : aucune armée d’occupation ne peut écraser une armée populaire. Ni au Vietnam, ni en Algérie, ni en Afghanistan, ni en Irak, ni en Palestine. L’auteur de ces articles, Jeremy Scahill, est un journaliste usaméricain d’investigation chevronné, qui vient de créer avec ses amis le site ouèbe Drop Site News, après avoir travaillé pendant 11 ans au site The Intercept, qu’il avait créé avec Glenn Greenwald. Le mérite de ces articles est de donner la parole aux protagonistes de la résistance, une parole universellement censurée par les médias dominants. Une belle leçon de journalisme.

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18/07/2024

RENÁN VEGA CANTOR
Pendant qu’Israël massacre les Palestiniens, la littérature sur l’Holocauste prolifère


Renán Vega Cantor, La Pluma, 18/7/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Renán Vega Cantor (Bogotá, 1958) est un historien et enseignant colombien.
Il est professeur à l’Universidad Pedagógica Nacional de Bogotá. Bibliographie Articles

“Israël est une nation nécrophile, obsédée et possédée par la mort, et en particulier par les camps de la mort de l’Holocauste, incapable de comprendre l’atrocité et pourtant suffisamment capable d’user et d’abuser de ses souvenirs au nom de ses objectifs politiques.”
-Ilan Pappé,
The Idea of Israel: A History of Power and Knowledge (L’idée d’Israël : une histoire du pouvoir et de la connaissance), Verso Books, 2014.

Je suis devant une librairie, l’une des dernières de Bogotá, et comme je le fais depuis des années, je m’arrête pour regarder les nouveaux livres proposés dans les vitrines qui donnent sur la rue. Quelque chose attire immédiatement mon attention : il y a des dizaines de livres sur l’holocauste nazi contre les Juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale. Je me méfie un peu, car nous sommes en 2024, en plein génocide de l’État d’Israël contre les Palestiniens. Je regarde plus attentivement pour voir si je peux trouver des livres sur ce génocide en cours. Il n’y en a pas.


-Plus jamais ça !
-Encore une fois !
Carlos Latuff, 2009

Cette prolifération de littérature sur les nazis, la Deuxième Guerre mondiale et les Juifs éveille ma curiosité. J’entre dans la librairie et sur les premières étagères où sont exposés les livres les plus récents, il y a des dizaines de textes sur l’Holocauste. Il y a de tout : histoire, mémoires, romans, chroniques, témoignages, essais, analyses historiographiques, études sociologiques... Les livres traitent des enfants, des femmes, des homosexuels, des personnes âgées... qui ont été persécutés par les nazis et l’épicentre spatial se limite à ce qui s’est passé dans les territoires européens occupés par les armées hitlériennes en Pologne, en Tchécoslovaquie et dans d’autres pays de l’Europe centrale et orientale. Un thème qui ressort est celui des camps de concentration, en particulier Auschwitz. Il n’y a pas de livre, du moins à première vue, sur l’invasion allemande de l’Union soviétique et les crimes qui y ont été commis.

Cette exposition et cette propagande bibliographique se caractérisent par le fait que les livres ont été écrits et publiés récemment, pour la plupart entre 2022 et 2024. Bien sûr, certains titres connus sont exposés, comme les œuvres de Primo Levi ou le Journal d’Anne Frank.

Pour vous donner un avant-goût de certains des titres des livres que j’ai pu voir en direct : Le photographe d’Auschwitz ; L’Holocauste rose ; Les 999 femmes d’Auschwitz ; La fille qui s’est échappée d’Auschwitz ; Ma grand- mère était à Auschwitz ; Le peintre d’Auschwitz ; J’ai survécu à l’Holocauste ; Pour comprendre l’Holocauste ; Fuir l’Holocauste ; Une brève histoire de l’Holocauste ; Le mystère de l’Holocauste dévoilé ; Représenter l’Holocauste ; Le garçon au pyjama rayé ; Le journal d’Helga. Témoignage d’une jeune fille dans un camp de concentration ; La chance. Echapper à l’Holocauste ; Questions que l’on m’a posées sur l’Holocauste ; Mémoires d’un historien de l’Holocauste...

Et il ne s’agit là que d’un petit échantillon représentatif de la profusion de littérature sur les Juifs et l’Holocauste que l’on peut observer de nos jours. À l’intérieur de la librairie, il n’y a pas de livres sur les Palestiniens, du moins pas en exposition publique, et si vous interrogez les libraires sur la Palestine et le génocide en cours, ils vous répondent qu’il n’y a pas grand- chose à montrer.

16/07/2024

MEGAN K. STACK
En Israël, “les ténèbres sont partout”

 Megan K. Stack, The New York Times, 16/5/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Megan K. Stack est chroniqueuse d'opinion au New York Times et écrivaine. Depuis 2001, elle a réalisé des reportages sur la guerre, le terrorisme et l'islam politique dans vingt-deux pays. Elle a été chef du bureau de Moscou pour le Los Angeles Times.
Auteure de Every Man in This Village is a Liar et Women's Work: A Reckoning with Work and Home. @Megankstack

Ce sont les photos de Palestiniens nageant et prenant le soleil sur une plage de Gaza qui ont déplu à Yehuda Shlezinger, un journaliste israélien. Portant des lunettes rondes rouges et une légère barbe, Shlezinger a exprimé son dégoût face à ces images “dérangeantes” lors de son passage sur la Chaîne 12 israélienne.


« Ces gens méritent la mort, une mort dure, une mort atroce, et au lieu de cela, nous les voyons profiter de la plage et s'amuser » s'est plaint Shlezinger, correspondant pour les affaires religieuses du journal de droite Israel Hayom, largement diffusé. « Nous aurions dû voir beaucoup plus de vengeance », a ajouté Shlezinger sans complexe. « Beaucoup plus de rivières de sang gazaoui ».


Le mur de l’apartheid qui serpente le long de la Cisjordanie. Photo : William Keo pour le New York Times

 Il serait agréable de penser que Shlezinger est une figure marginale ou que les Israéliens seraient choqués par ses fantasmes sanglants. Mais ce n'est pas le cas, et beaucoup ne le seraient pas.

Israël s'est endurci, et les signes en sont visibles. Un langage déshumanisant et des promesses d'anéantissement de la part des dirigeants militaires et politiques. Des sondages qui ont révélé un large soutien aux politiques qui ont semé la dévastation et la famine à Gaza. Des selfies de soldats israéliens se pavanant fièrement dans des quartiers palestiniens écrasés par les bombes. Une répression de toute forme de dissidence, même légère, parmi les Israéliens.

La gauche israélienne - les factions qui critiquent l'occupation des terres palestiniennes et favorisent les négociations et la paix - n'est plus qu'un moignon flétri d'un mouvement autrefois vigoureux. Ces dernières années, l'attitude de nombreux Israéliens à l'égard du “problème palestinien” est allée de la lassitude détachée à la conviction profonde que l'œuvre de Dieu est de chasser les Palestiniens de leurs terres et de les soumettre.

 Soldates israéliennes se prenant en selfie sur fond de crimes de guerre à Gaza. Photo : Tsafrir Abayov/Associated Press

Ce paysage idéologique sombre a émergé lentement puis, le 7 octobre, d'un seul coup.

Le massacre et les enlèvements de ce jour-là ont, comme on pouvait s'y attendre, suscité une soif de vengeance dans l'opinion publique. Mais en réalité, au moment où les tueurs du Hamas se sont déchaînés dans les kibboutzim - qui abritaient certains des derniers pacifistes -, de nombreux Israéliens en étaient arrivés depuis longtemps à considérer les Palestiniens comme une menace qu'il valait mieux éliminer. La mythologie romantique et les vœux pieux de l'USAmérique à l'égard d'Israël encouragent la tendance à considérer le Premier ministre Benjamin Netanyahou comme la principale cause de l'impitoyabilité à Gaza, où Israël a tué plus de 35 000 personnes. Le premier ministre impopulaire et criblé de scandales fait un ogre convaincant dans une histoire simplifiée à l'extrême.

Mais le massacre d'Israël à Gaza, la famine rampante, la destruction massive de quartiers - voilà, selon les sondages, la guerre que voulait le public israélien. Selon une enquête réalisée en janvier, 94 % des Israéliens juifs estiment que la force utilisée contre Gaza est appropriée, voire insuffisante. En février, un sondage a révélé que la plupart des Israéliens juifs s'opposaient à l'entrée de nourriture et de médicaments dans la bande de Gaza. Ce n'est pas seulement Netanyahou, mais aussi les membres de son cabinet de guerre (dont Benny Gantz, souvent présenté comme l'alternative modérée à Netanyahou) qui ont rejeté à l'unanimité un accord avec le Hamas visant à libérer les otages israéliens et qui, au lieu de cela, ont lancé un assaut sur la ville de Rafah, débordant de civils déplacés.

PHILIP WEISS
Israël est en train de se désagréger, et les dirigeants usaméricains sont dans le déni


Philip Weiss, Mondoweiss, 15/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Philip Weiss (USA, 1955) est un journaliste et écrivain usaméricain juif et antisioniste, fondateur, avec Adam Horowitz, du site ouèbe Mondoweiss en 2007.
Biographie

L’incapacité d’Israël à résoudre la question palestinienne autrement que par l’apartheid et les massacres a favorisé l’émergence d’une culture politique fasciste et raciste dans le pays. Mais cette vérité doit être cachée aux USAméricains.

Plusieurs voix de gauche ont récemment déclaré qu’Israël était en train de se désagréger. La société est déchirée par la guerre, le gouvernement est dominé par des racistes brutaux et la seule réponse du pays à la question fondamentale - la moitié de la population est palestinienne -, c’est l’apartheid et les massacres à répétition.


« Des soldats israéliens ont mis le feu à la bibliothèque de l’université Al Aqsa dans la ville de Gaza et se sont photographiés devant les flammes », a rapporté le journaliste Younis Tirawi sur X le 23 mai. Tirawi a montré que la photo avait été partagée sur les médias sociaux par le soldat israélien Tair Glisko. 424e  bataillon, brigade Givati, qui a ensuite rendu son compte privé.

La culture politique israélienne a des relents de fascisme. Les derniers massacres de civils à Gaza sont immédiatement approuvés par les politiciens centristes, tandis que les ministres de droite lancent des appels à l’exécution des prisonniers palestiniens. L’ensemble de la société dénonce la libération d’un médecin innocent enlevé par les forces israéliennes à Gaza et se lance dans (ce que Gideon Levy appelle) « une campagne hystérique de panique, d’incrimination, de haine, de déshumanisation, de soif de vengeance, de soif de sang ».

On a l’impression qu’Israël n’a pas d’issue. Il n’est pas étonnant que des centaines de milliers d’Israéliens aient fui le pays depuis octobre dernier.

Comment les USA font-ils face à ces réalités ? La réponse à ces 20 dernières années de haine anti-palestinienne a été le déni. La réponse à ce cycle politique est également un déni total.

L’establishment usaméricain insiste sur le fait qu’Israël est une démocratie saine et qu’il est capable d’évoluer vers une solution à deux États dans laquelle les Palestiniens vivraient côte à côte avec les Israéliens.

Aucun expert de la situation ne le croit, mais ces fictions soutiennent notre classe politique, comme Paul Begala qui a déclaré la semaine dernière sur CNN que Biden avait fait preuve d’un grand leadership sur Gaza. Si nos experts regardaient la vérité en face - Israël est un État juif suprémaciste qui ne cherche qu’à obtenir plus de terres avec moins de Palestiniens, et qui tue de jeunes Palestiniens sans aucune hésitation - , les USA devraient prendre des mesures, avec le reste du monde, pour isoler Israël.

C’est la leçon que l’on peut tirer de la défaite de Jamaal Bowman : ce membre du Congrès a vu l’occupation de près en 2021 lors d’un voyage de J Street en Israël et en Palestine et, selon l’excellent rapport de Calder McHugh dans Politico, il n’a pas pu mentir sur l’impasse dans laquelle se trouve Israël et sur les crimes de guerre.

« [La solution à deux États] était la chose que vous disiez pour que tout le monde vous laisse tranquille... pour qu’au moins vous puissiez satisfaire les deux parties, la liberté palestinienne et l’État juif », explique [Bowman]. Mais ce qu’il a retenu de ces cinq jours de réunions et d’entretiens, de déjeuners en boîte et de dîners chics, c’est qu’il n’y avait aucune volonté politique au sommet du gouvernement israélien de poursuivre une solution à deux États ou de s’engager dans un quelconque processus de paix durable - et que la volonté des USA d’envoyer une aide importante à Israël sans aucune condition n’était donc pas judicieuse.

Et après que Bowman a qualifié ce qui se passait à Gaza de génocide et a déclaré que le boycott était légitime, J Street lui a retiré son soutien.

15/07/2024

NADAV TAMIR
L’Arménie a tout à fait le droit de reconnaître un État palestinien et Israël n’a rien à y redire


Nadav Tamir, Haaretz, 14/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Nadav Tamir est directeur exécutif de J Street Israel. Il a été conseiller du président Shimon Peres et a travaillé à l’ambassade d’Israël à Washington et comme consul général en Nouvelle-Angleterre.

 L’Arménie ne doit rien à un Israël hypocrite. Le destin commun des Juifs et des Arméniens aurait dû faire d’Israël et de l’Arménie des alliés, mais l’État d’Israël a choisi une autre voie

Les Juifs et les Arméniens ont beaucoup en commun. Nous sommes tous deux de petits peuples anciens qui ont souffert de persécutions et ont même survécu à des tentatives de nous effacer de la surface de la terre et qui ont aujourd’hui des pays qui sont des démocraties dans des “voisinages” géographiques qui ne sont pas exactement amicaux.

 

Il existe également de nombreuses similitudes dans les relations entre nos deux pays et nos peuples de la diaspora, ce que j’ai découvert en tant que consul général d’Israël en Nouvelle-Angleterre. C’est alors que j’ai appris à bien connaître la communauté arménienne usaméricaine et, depuis, j’ai honte de la façon dont mon pays traite l’Arménie et son peuple.

Le destin commun des Juifs et des Arméniens aurait dû faire d’Israël et de l’Arménie des alliés, mais l’État d’Israël a choisi une autre voie.


Affiche de Vanessa Titoyan

En tant que peuple qui sait ce que c’est que de combattre le négationnisme et de lutter contre le mépris de certains pour les terribles tragédies que nous avons subies, nous aurions dû soutenir le peuple arménien et reconnaître le fait historique qu’un génocide a eu lieu entre 1913 et 1916. Entre 1 et 1,5 million d’hommes, de femmes et d’enfants arméniens ont été massacrés, brûlés vifs, noyés dans la mer et ont connu de nombreuses autres formes de mort violente aux mains des Ottomans.


Une photo datant de 1915, publiée par l’Institut du musée du génocide arménien, montre des soldats debout sur des crânes de victimes du village arménien de Sheyxalan, dans la vallée de Mush.Photo : STR / ARMENIAN GENOCIDE MUSEUM INSTITUTE / AFP

Certains spécialistes affirment que ce génocide a même inspiré plus tard les nazis dans leur projet d’extermination des Juifs.

Malheureusement, la politique froide et les liens fluctuants d’Israël avec la Turquie ont triomphé sur la morale et la reconnaissance israélienne du génocide arménien est toujours douloureusement absente.

Le chapitre le plus récent des tensions entre Israël et l’Arménie a été la décision de l’Arménie de reconnaître un État palestinien, rejoignant ainsi la liste de plus en plus longue de pays à le faire, en particulier à la suite de la guerre en cours à Gaza.

Lorsque l’Arménie a choisi de reconnaître l’État palestinien en juin, elle l’a fait pour des raisons morales et géopolitiques et en tant que défenseur de la diaspora arménienne dans les territoires palestiniens, y compris à Jérusalem et dans l’Autorité palestinienne.

Petit pays entouré d’ennemis, l’Arménie ne doit rien à Israël qui, à chaque étape de l’histoire, a choisi des politiques contraires aux intérêts arméniens. Mais au lieu d’essayer de comprendre pourquoi un pays, dont nous continuons à nier le génocide et dont nous continuons à armer les ennemis, n’avait pas besoin de notre approbation pour reconnaître un État palestinien, le ministère israélien des Affaires étrangères a choisi de convoquer l’ambassadeur arménien en Israël pour une “sérieuse” réprimande.

Pour l’État d’Israël, le bien-être et le bon sens moral de l’Arménie sont moins importants que ses propres intérêts politiques. C’est ce qui ressort clairement du fait qu’Israël donne la priorité à tout le reste, qu’il s’agisse de ses liens avec la Turquie ou de l’entretien de son alliance avec l’Azerbaïdjan, le pays qui fournit à Israël non seulement du pétrole et du gaz, mais aussi (selon des sources étrangères) un accès à sa frontière avec l’Iran en échange d’armements israéliens, utilisés en septembre lors de l’occupation de la région du Haut-Karabakh de la République arménienne d’Artsakh et de l’épuration de ses habitants arméniens.


Le président azéri Ilham Aliyev avec un drone kamikaze israélien Harop. Selon Haaretz, Israël a opéré une centaine de livraisons d’armes aériennes à l’Azerbaïdjan entre 2016 et 2021

En ce qui concerne la reconnaissance d’un État palestinien par l’Arménie ou tout autre pays, nous constatons qu’Israël commet une erreur stratégique dans ses attaques ouvertes. La reconnaissance internationale d’un État palestinien est une étape indispensable à la réalisation d’une solution à deux États dans le conflit avec les Palestiniens, qui est essentielle pour préserver l’intérêt d’Israël à rester un État-nation démocratique du peuple juif [sic , NdT].

L’Arménie n’est pas seulement le bouc émissaire de la politique étrangère israélienne, les Arméniens qui vivent en Israël ont découvert que certains tentent de les dépouiller de leurs biens et de leur honneur en tant qu’individus et en tant que communauté. Lorsque des accords apparemment corrompus sont conclus pour tenter de réattribuer des parties du quartier arménien de la vieille ville de Jérusalem à des colons ou lorsque des religieux arméniens se font cracher dessus et maudire par de jeunes Juifs qui cherchent à les blesser et à les humilier au nom du judaïsme, cela se produit sans que la police ne réagisse ou n’intervienne, ou presque.

Israël se considère à juste titre comme le protecteur du peuple juif, mais être l’État du peuple juif exige non seulement une obligation morale de protéger les Juifs où qu’ils se trouvent, mais aussi d’être le phare d’une longue tradition de valeurs juives.

Lorsque nous prêchons “Plus jamais ça”, il ne faut pas seulement exiger de préserver la mémoire de l’Holocauste, mais aussi de se souvenir des génocides d’autres peuples.

De même, lorsque nous mettons en garde contre l’agression de nos ennemis, Israël doit également s’abstenir d’aider à l’agression militaire dans d’autres parties du monde. La position neutre d’Israël dans le contexte de l’agression de la Russie contre l’Ukraine est un autre exemple problématique de mauvaise décision diplomatique morale.

En outre, en tant que Juifs d’Israël, nous avons l’obligation non seulement de lutter contre l’antisémitisme, mais aussi de combattre le racisme sous tous ses aspects, même lorsqu’il émane de jeunes Juifs qui cherchent à blesser et à humilier des religieux arméniens dans la vieille ville de Jérusalem.


Le site qui fait l’objet d’un litige entre des promoteurs immobiliers et la communauté arménienne dans le quartier arménien de la vieille ville de Jérusalem. Photo : Olivier Fitoussi


La Vieille Ville de Jérusalem

Chaque fois que nous nous précipitons pour affirmer que le monde est antisémite lorsqu’il nous critique et que nous sommes en colère contre les pays qui choisissent la realpolitik plutôt que l’identification totale avec notre récit, il est bon de nous regarder dans le miroir et de nous rappeler que nous ne prenons pas la peine d’exprimer une quelconque identification avec les Arméniens qui viennent de subir un nettoyage ethnique dans le Haut-Karabakh où les armes israéliennes ont aidé à armer ceux qui les attaquaient.

 

"Mort aux Arabes et à leurs amis arméniens": graffiti sioniste à Jérusalem, 2017

Chaque fois que nous nous indignons du traitement réservé aux Juifs qui craignent de porter une kippa dans certains endroits d’Europe, nous devrions penser aux prêtres arméniens de Jérusalem, qui subissent des humiliations tous les jours.

Nous devrions également nous rappeler que le “droit de réprimande” pour la reconnaissance de la Palestine par l’Arménie ne devrait être accordé qu’à ceux qui ont prouvé qu’ils étaient des amis. Il ne devrait pas être une option pour ceux qui, à maintes reprises, ont choisi d’autres intérêts au détriment des intérêts moraux de l’Arménie et du peuple arménien.


Nous portons le deuil ensemble, affiche de  Jubaha, Studio Watan, Chicago