28/06/2024

GIANFRANCO LACCONE
Satnam Singh, martyr de l’agrobusiness

Gianfranco Laccone, Climateaid.it, 27/6/2024

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

 

Le 19 juin 2024, à l’hôpital San Camillo de Rome, Satnam Singh, un jeune homme de 31 ans d’origine indienne, est décédé des suites de très graves blessures subies sur son lieu de travail, une ferme de Borgo Santa Maria, dans la province de Latina. Quelques jours seulement avant sa mort, à la suite d’un accident dans le champ où il travaillait, Satnam a perdu un bras, sectionné par une machine à ensacher les récoltes. Selon les résultats de l’autopsie, publiés le 24 juin, Singh est mort d’une hémorragie et aurait probablement pu être sauvé si son employeur avait appelé les secours plus tôt. En effet, au moins une heure et demie se serait écoulée entre le moment de l’accident et l’appel au 112. Satnam Singh n’avait pas de permis de séjour et était exploité à la ferme, avec sa femme, au moins douze heures par jour, sans contrat régulier.

Je pense que tout le monde a entendu parler, au moins en termes généraux, de l’histoire tragique de Satnam Singh, un ouvrier indien décédé dans la campagne de Latina à la suite d’un accident de travail et du chemin de croix qui a suivi avec l’abandon de son corps “en morceaux” devant sa maison.

 

Cette tragédie, qui horrifie tout le monde et jette le discrédit sur le système agricole italien, est emblématique de tout ce contre quoi nous luttons en exigeant la mise en œuvre de l’Agenda 2030 de l’ONU. Elle est emblématique de toutes les revendications et de toutes les batailles que nous avons menées pour construire les objectifs de l’Agenda et ensuite les vérifier à travers des indicateurs qui évaluent leur progression au fil des années ; elle est emblématique de la nécessité de lier les droits, les secteurs productifs et l’environnement à la société qui y travaille, pour limiter le changement climatique et ses effets ; elle est emblématique du fait qu’il n’y a pas de tragédies qui ne soient pas liées de manière souvent dramatique à l’évolution de la planète.

 

Bras volés par l'agriculture, par Manuel De Rossi

 

Commençons par un élément qui est une métaphore du côté négatif du développement industriel, relatif à la sécurité au travail. Enfants, nous avons ri en regardant le film de Charlie Chaplin Les temps modernes, lorsque l’ouvrier est avalé par la machine et commence son voyage à l’intérieur de celle-ci.  C’est ce qui est arrivé à Luana D’Orazio à Prato, avalée par l’ourdisseur, la machine qui démêle les fils du tissu et aspire la personne qui y travaille si sa main se trouve sur les fils ; c’est ce qui est arrivé à la campagne à Satnam Singh parce que, si la machine qui débarrasse le sol des couvertures qui permettent de protéger les cultures ne ramasse pas le plastique qui s’est enfoncé dans le sol, il faut s’en éloigner pour éviter qu’elle ne vous attrape le bras.   Mais ce qui rend encore plus odieux les décès liés au travail survenus dans les campagnes, c’est le contexte et, avec lui, la trame des réactions qui ont conduit inexorablement à l’issue tragique. Les conditions de travail dans les campagnes sont indignes, mais elles sont acceptées, et l’invisibilité des personnes qui vivent de ce travail, de leurs familles, de leurs conditions de vie, est encore plus grande que l’invisibilité des crimes qui se cachent dans la boîte de tomates pelées ou de légumes que nous achetons. 

 

Le capitalisme vert tue : 23 travailleurs intérimaires, en majorité immigrés, meurent dans l’incendie d’une usine de batteries au lithium en Corée du Sud

Ci-dessous 3 articles du quotidien Hankyoreh sur l’accident qui a coûté la vie à 23 travailleurs intérimaires, en majorité immigrés, dans une usine de Hwaseong, à 45 km au sud de Séoul, en Corée du Sud, suivis d’un article sur la version sud-coréenne du grand remplacement, traduits par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Park Soon-kwan, PDG d’Aricell, (à droite) et d’autres cadres de l’entreprise s’inclinent sur le site de l’accident mardi, pour présenter des excuses publiques suite à l’incendie massif de l’usine qui a tué 23 travailleurs lundi. Le PDG Park et 4 autres responsables ont été inculpés le même jour de divers délits, notamment de négligence dans l’assurance de la sécurité des employés. Park a également été inculpé en vertu de la loi sur la répression des accidents graves. Photo YONHAP

Les risques sur le lieu de travail peuvent être évités ; pourquoi ne l’ont-ils pas été cette fois-ci ?

Éditorial, Hankyoreh, 25/6/2024

Les incendies de lithium sont notoirement dangereux et difficiles à éteindre. Des mesures préventives auraient pu sauver des vies.


Un incendie se déclare dans une usine de batteries au lithium à Hwaseong, une ville de la province de Gyeonggi, en Corée du Sud, le 24 juin 2024. L’incendie a tué plus de 20 travailleurs, pour la plupart étrangers. Photo Yonhap

Un incendie s’est déclaré lundi matin dans une usine de batteries au lithium à Hwaseong, dans la province de Gyeonggi, faisant au moins 22 morts et huit blessés. Une personne est toujours portée disparue (à 18h30 lundi). Il s’agit d’une horrible tragédie de masse.  Vingt des victimes étaient des travailleurs migrants originaires de Chine, du Laos et d’autres pays. Les blessures laissées par l’incendie survenu en 2020 sur le chantier de construction d’un centre logistique à Icheon, dans la province de Gyeonggi, qui avait tué 38 personnes, commençaient à peine à se cicatriser que nous avons assisté à une nouvelle tragédie qui aurait pu être évitée.  L’incendie s’est déclaré au deuxième étage d’un bâtiment d’usine où les batteries au lithium finies sont inspectées et emballées, et s’est propagé de manière incontrôlée à la suite d’une série d’explosions. Plus de 35 000 piles au lithium étaient stockées sur ce site.

 Lorsqu’une batterie au lithium prend feu, elle déclenche un emballement thermique, dans lequel la température monte instantanément à plus de 1 000 degrés Celsius, et produit de grandes quantités de fluorure d’hydrogène gazeux. Si de l’eau entre en contact avec les batteries dans cet état, de l’hydrogène gazeux est produit, ce qui peut entraîner des explosions secondaires et rendre difficile l’extinction des incendies par les méthodes traditionnelles.  Les pompiers avaient préparé du sable sec et de l’azote gazeux pour éteindre l’incendie causé par les piles au lithium, mais comme ils n’ont pas réussi à maîtriser les flammes, ils ont dû attendre près de quatre heures avant de commencer leur opération de sauvetage. 

Il n’y a pas de mot pour exprimer l’horreur d’apprendre que les évacuations n’ont pas eu lieu dès les premiers stades de l’incendie, ce qui a conduit à une tragédie qui a coûté la vie à tant de personnes.  Quelle que soit la rapidité avec laquelle le feu s’est propagé, il n’est pas logique que plus de 20 personnes aient été tuées avant d’avoir pu évacuer. Des corps d’ouvriers ont été retrouvés éparpillés au deuxième étage du bâtiment, là où l’incendie s’est déclaré. Malgré l’existence d’un escalier de secours menant au premier étage, trop de vies ont été perdues. 

27/06/2024

GIDEON LEVY
Exposer le linge sale d’Israël à l’étranger est la meilleure hasbara que nous puissions espérer

Gideon Levy, Haaretz, 27/6/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Pourquoi suis-je allé faire une prestation à l’étranger ? Pourquoi aller y laver le linge sale ? Tout d’abord, parce qu’il y a beaucoup plus d’intérêt et de désir d’écouter à l’étranger qu’ici en Israël. Le débat public auquel j’ai participé la semaine dernière à Toronto avec Mehdi Hasan, Douglas Murray et Natasha Hausdorff portait sur la question de savoir si l’antisionisme est de l’antisémitisme. Les 3 000 billets (qui n’étaient pas bon marché) ont été vendus bien à l’avance, et la salle de concert de la ville était entièrement remplie - et orageuse. Je doute que 30 billets auraient pu être vendus pour un débat similaire à l’auditorium Bronfman de Tel Aviv.


Une manifestante déguisée en Statue de la Liberté lors d’un rassemblement de sympathisants et de familles d’otages pour demander leur libération, à Tel Aviv, lundi. La banderole fait allusion à la phrase “All eyes on Rafah” circulant sur la toile. Photo : Marko Djurica/Reuters

Mais l’intérêt de débattre de questions de principe, qui existe à l’étranger et n’existe pas en Israël, n’est pas la seule raison de s’y rendre. C’est à l’étranger que se trouve l’arène qui, dans une large mesure, déterminera l’avenir d’Israël. Nous ne devons pas l’abandonner à la droite. Personne ne se plaint lorsque les propagandistes de la droite sèment la pagaille dans le monde par le biais de l’establishment sioniste, des machers [“faiseurs” en yiddish et en anglais US , personnes influentes, NdT], des organisations juives et des ambassades israéliennes - un vaste lobby avec un paquet de fric. Ils sèment la panique en affirmant que toute critique d’Israël, de l’occupation ou de l’apartheid israélien est de l’antisémitisme, et réduisent ainsi la moitié du monde au silence par crainte d’être soupçonné d’antisémitisme.


Un extrait de l’intervention de Gideon Levy au Munk Debate à Toronto

Cette pratique manipulatrice donne des résultats à court terme. À long terme, elle se retournera contre Israël et les Juifs, à cause desquels la liberté d’expression a été supprimée. Un rapport d’enquête du Guardian a révélé une fois de plus les méthodes utilisées par le ministère de la Diaspora et promues par le ministère des Affaires stratégiques pour faire face à ce qui se passe aux USA et sur les campus usaméricains. De telles méthodes suffisent à donner une mauvaise image d’Israël. Tout est permis à la droite des colons et à l’establishment sioniste et juif ; faire entendre une voix différente de celle d’Israël est une trahison.

26/06/2024

RACHEL FINK
Le ministre israélien de la Diaspora, Amichai Chikli, fait l'éloge de Jordan Bardella, rompant ainsi le boycott officiel du RN par Israël

 Rachel Fink, Haaretz, 26/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Le ministre israélien des Affaires de la Diaspora Amichai Chikli (Likoud) a fait l'éloge d'un discours prononcé par le président du Rassemblement national français d'extrême droite, Jordan Bardella, dans lequel celui-ci a déclaré qu'une solution à deux Etats était “caduque” et qu'un Etat palestinien relèverait d’une “reconnaissance du terrorisme”. Le bureau de Chikli déclare : « Nous avons d'excellents contacts » avec le parti de Mme Le Pen.


Marine Le Pen, lideure du Rassemblement national d'extrême droite, et Jordan Bardella, président du parti, à Paris ce mois-ci. Photo : Thomas Padilla, AP

Le ministre israélien des Affaires de la Diaspora, Amichai Chikli, a publiquement fait l'éloge d'un discours prononcé par Jordan Bardella, président du parti d'extrême droite français Rassemblement national et protégé de Marine Le Pen, dans lequel il a déclaré qu'une solution à deux États était “caduque” à la lumière des attaques menées par le Hamas le 7 octobre.

Le soutien de Chikli à Bardella, exprimé dans un message sur X mardi, constitue une rupture significative dans le boycott de longue date par Israël du parti du Rassemblement national et de son ancienne incarnation, le Front national. Toutefois, cela s'inscrit dans la continuité de l'adhésion de Chikli aux partis et factions d'extrême-droite en Europe. Le portefeuille ministériel de Chikli comprend la lutte contre l'antisémitisme dans le monde.

En réponse à une question de Haaretz demandant si le post de Chikli indiquait une révocation publique du boycott d'Israël, son porte-parole a répondu : « Le ministre est en excellent contact avec le Rassemblement national et nous sommes ravis à l'idée d'établir un dialogue productif avec eux ».

Bardella a tenu ces propos lors d'une conférence de presse qui s'est tenue lundi à l'approche des élections législatives françaises, dont le premier tour est prévu le 30 juin. Souvent décrit comme le “poster boy de l'extrême droite”, Bardella, âgé de 28 ans, serait le candidat du Rassemblement national au poste de premier ministre si le parti obtenait de bons résultats aux élections de la semaine prochaine. Marine Le Pen, figure de proue du parti, serait sa candidate à la présidence en 2027.

Lors de sa conférence de presse, Bardella a exposé le plan économique “réaliste et crédible” de son parti avant d'aborder les thèmes têtes de console de la droite, notamment la restauration de l'exceptionnalisme français et le durcissement des politiques migratoires. Il a mentionné Israël vers la fin de son intervention.

« La France a soutenu la solution des deux États au fil des ans », a déclaré Bardella. « Mais cette position est devenue caduque à la lumière des atrocités commises par le Hamas le 7 octobre. La reconnaissance d'un État palestinien en ce moment serait une reconnaissance du terrorisme et l'octroi d'une légitimité politique à un mouvement qui inscrit sur sa bannière la destruction d'Israël ».

Il s'est ensuite engagé à protéger les Juifs de France contre la montée de l'antisémitisme provenant « d'organisations politiques de gauche et d'extrême gauche » ainsi que contre « la menace de l'islam radical ». Lors d'une récente interview à la radio, Bardella a déclaré que « pour beaucoup de Juifs français [il voulait dire Français juifs, NdT], le Rassemblement national est un bouclier contre l'idéologie islamiste ».


Le lendemain, Chikli a publié cette partie du discours de Bardella, en y ajoutant des sous-titres en hébreu. Ce faisant, il a semblé rompre avec la politique officielle d'Israël qui consiste à boycotter le Rassemblement national.

Le origini algerine di Jordan Bardella: indagine su un tabù

Farid Alilat, Jeune Afrique, 24/6/2024
Tradotto da Fausto Giudice, Tlaxcala

Il bisnonno di Jordan Bardella, presidente del Rassemblement National, era un lavoratore algerino immigrato. Si era stabilito nella regione di Lione, in Francia, all’inizio degli anni Trenta. Abbiamo indagato su questo antenato nel suo villaggio in Cabilia e a Parigi.

Jordan Bardella à Villepinte le 19 juin 2024. © Daniel Dorko / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Jordan Bardella a Villepinte il 19 giugno 2024. Daniel Dorko / Hans Lucas via AFP

Jordan Bardella, presidente del Rassemblement National e possibile futuro primo ministro, non parla mai delle origini algerine del suo bisnonno. Nella famiglia Bardella l’argomento è taciuto. All’interno dell’ex Front National di Marine Le Pen, la questione è tabù. Eppure Mohand Séghir Mada, il bisnonno di Bardella, proveniva davvero dalla Cabilia, in Algeria.

Jeune Afrique è andata alla ricerca di questo antenato e della sua famiglia, nel suo villaggio natale di Guendouz, capoluogo del comune di Aït Rzine, nella wilaya (provincia) di Bejaïa*. Erano gli anni ‘20. L’Algeria era allora “francese” e, in questo piccolo villaggio aggrappato alle montagne che si affacciano sulla valle del Soummam, la popolazione sopravviveva coltivando magri campi di ulivi e allevando capre e pecore. Qui, come altrove in Cabilia, la povertà è ovunque. All’epoca, Albert Camus, scrittore e futuro premio Nobel per la letteratura, ne fu talmente colpito da dedicarvi una serie di reportage, apparsi nel 1939 sul quotidiano Alger Républicain con il titolo “Misère de Kabylie” (“Miseria in Cabilia”).

Qui non c’erano fabbriche, né fattorie coloniali, né fabbriche per dare lavoro ed evitare la fame. In effetti, furono proprio la miseria e la fame a spingere centinaia di migliaia di cabili a emigrare dall’inizio del XX secolo per lavorare nelle fabbriche e nelle miniere della Francia metropolitana. Nel villaggio di Guendouz, la famiglia Mada lotta per sopravvivere. L’indigenza è tale che Tahar Mada e i suoi due figli Bachir, il maggiore, e Mohand Séghir, il più giovane, sono costretti a vendere i loro oliveti o a ipotecarne alcuni.

 Guendouz, dans la wilaya (département) de Bejaïa, le village natal de Mohand Séghir Mada.

Guendouz, nella wilaya (provincia) di Bejaïa, il villaggio natale di Mohand Séghir Mada

Los orígenes argelinos de Jordan Bardella: investigación de un tabú

Farid AlilatJeune Afrique, 24/6/2024

Traducido por Fausto Giudice, Tlaxcala

El bisabuelo de Jordan Bardella, presidente de la Agrupación Nacional, era un trabajador inmigrante argelino. Se instaló en la región francesa de Lyon a principios de los años treinta. Investigamos a este abuelo en su pueblo de Cabilia y en París.

 Jordan Bardella à Villepinte le 19 juin 2024. © Daniel Dorko / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Jordan Bardella en Villepinte el 19 de junio de 2024. Daniel Dorko / Hans Lucas vía AFP

Jordan Bardella, presidente de la Agrupación Nacional y posible futuro Primer Ministro, nunca habla de los orígenes argelinos de su bisabuelo. En la familia Bardella, el tema se silencia. En el antiguo Frente Nacional de Marine Le Pen, la cuestión es tabú. Sin embargo, Mohand Séghir Mada, bisabuelo de Bardella, procedía de la Cabilia argelina.

Jeune Afrique fue en busca de este abuelo y de su familia, a su pueblo natal de Guendouz, cabecera del municipio de Aït Rzine, en la wilaya (departamento) de Bejaïa*. Eran los años veinte. Argelia era entonces “francesa” y, en este pequeño pueblo aferrado a las montañas que se asoman al valle del Soummam, la población sobrevivía cultivando exiguos campos de olivos y criando cabras y ovejas. Aquí, como en el resto de la Cabilia, la pobreza está por todas partes. En aquella época, Albert Camus, escritor y futuro Premio Nobel de Literatura, estaba tan conmovido por ella que dedicó una serie de reportajes al tema, que aparecieron en el periódico Alger Républicain en 1939 bajo el título “Misère de Kabylie” ("Miseria en Cabilia").

Aquí no había fábricas, ni granjas coloniales, ni fábricas que dieran trabajo y evitaran el hambre. De hecho, fue esta miseria y el hambre lo que empujó a cientos de miles de cabilios a emigrar a Francia desde principios del siglo XX para trabajar en las fábricas y minas de la metrópoli. En el pueblo de Guendouz, la familia Mada lucha por sobrevivir. Tal es su miseria que Tahar Mada y sus dos hijos Bachir, el mayor, y Mohand Séghir, el menor, se ven obligados a vender sus olivares o a hipotecar algunos de ellos.

 Guendouz, dans la wilaya (département) de Bejaïa, le village natal de Mohand Séghir Mada.

Guendouz, en la wilaya de Bejaïa, pueblo natal de Mohand Séghir Mada.

Lo único que quedaba para alimentar a la familia era tomar el barco hacia Francia. En 1930, Mohand Séghir Mada y su hermano mayor Bachir salieron de su pueblo rumbo a la Francia metropolitana. Tras llegar a Marsella, el bisabuelo de Jordan Bardella se trasladó a la región de Lyon, donde en aquella época ya había varios miles de inmigrantes argelinos trabajando en fábricas textiles. Según Moussa Mada, hijo de Bachir Mada, que ahora tiene 90 años, los dos hermanos trabajaban en una fábrica de tintes en Villeurbanne.

Bachir Mada es una hormiga que envía regularmente dinero a su familia. Su hermano, Mohand Séghir, fuerte y robusto como un leñador canadiense, es una cigarra que ama la vida francesa. Se dice que es un bebedor. Para un joven llegado de una Cabilia sumida en la pobreza, las tentaciones de la vida en una ciudad moderna son grandes. Mohand Séghir disfruta tanto de la vida en el Lyon de los años 30 que desaparece en el aire sin dar noticias a su hermano mayor ni a su familia en Cabilia.

25/06/2024

Investigating the Algerian roots of French far right leader Jordan Bardella

Farid Alilat, The Africa Report, 24/6/2024

French far-right Rassemblement National (RN) party President and lead MEP Jordan Bardella in Paris on June 20, 2024. (Photo by JULIEN DE ROSA / AFP) 
French far-right Rassemblement National (RN) party President and lead MEP Jordan Bardella in Paris on June 20, 2024. (Photo by JULIEN DE ROSA / AFP)

Jordan Bardella, the president of France’s far right Rassemblement National, has an Algerian great-grandfather who was an immigrant worker. He settled in France, in the Lyon region, in the early 1930s. 

Jordan Bardella, president of the Rassemblement National and a potential future French Prime Minister, never speaks of his great-grandfather’s Algerian origins. The topic is hidden within the Bardella family and remains a taboo within Marine Le Pen’s former National Front. Yet, Mohand Séghir Mada, Bardella’s great-grandfather, indeed hailed from Kabylia, Algeria.

The Rassemblement National has made immigration one of the lynchpins of its election campaigns, regularly hammering migrants as being part of the social ills of France.

France will hold legislative elections on 30 June and 7 July, following President Emmanuel Macron’s decision to dissolve parliament after a disastrous showing in recent European elections.

Guendouz, dans la wilaya (département) de Bejaïa, le village natal de Mohand Séghir Mada.
Guendouz, in the wilaya of Bejaïa, Mohand Séghir Mada's birth place

 Back to Guendouz

The ancestor of Jordan Bardella came from the village of Guendouz, the main town of the Aït Rzine commune in the Bejaïa department*. In the 1920s, Algeria was a French colony, and in this small village clinging to the mountains facing the Soummam Valley, people survived by cultivating small olive fields and raising goats and sheep. Misery was widespread in the Kabylia region.

Albert Camus, a writer and future Nobel laureate in literature, was so moved by the situation that he dedicated a series of reports to it, published in 1939 in the newspaper Alger Républicain under the title “Misery in Kabylie.”

There were no factories, colonial farms, or manufacturing plants to provide jobs and prevent starvation. This dire poverty and hunger drove hundreds of thousands of people from Kabylie to emigrate to France in the early 20th century to work in factories and mines. In Guendouz, the Mada family struggled. The hardship forced Tahar Mada and his two sons, Bachir and Mohand Séghir, to sell or mortgage their olive fields.

To feed the family, the only option was to take a boat to France. Thus, in 1930, Mohand Séghir Mada and his older brother, Bachir, left their village for mainland France. Upon arriving in Marseille, Jordan Bardella’s great-grandfather moved to the Lyon region, with several thousand Algerian immigrants working in textile factories. According to Moussa Mada, Bachir Mada’s son, the two brothers worked in a dye factory in Villeurbanne.

Origines algériennes de Jordan Bardella : enquête sur un tabou

Farid Alilat, Jeune Afrique, 24/6/2024 

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L’arrière-grand-père de Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, était un travailleur immigré algérien. Il s’est installé en France, dans la région lyonnaise, au début des années 1930. Nous avons enquêté sur cet aïeul dans son village en Kabylie ainsi qu’à Paris.

Jordan Bardella à Villepinte le 19 juin 2024. © Daniel Dorko / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Jordan Bardella à Villepinte le 19 juin 2024. © Daniel Dorko / Hans Lucas via AFP

Des origines algériennes de son arrière-grand-père, Jordan Bardella, président du Rassemblement national et possible futur Premier ministre, ne parle jamais. Dans la famille Bardella, le sujet est occulté. Au sein de l’ex-Front national de Marine Le Pen, la question est un tabou. Et pourtant, Mohand Séghir Mada, l’arrière-grand-père de M. Bardella, est bien originaire de Kabylie, en Algérie.

Jeune Afrique est parti sur les traces de cet aïeul et de sa famille, dans son village natal de Guendouz, chef-lieu de la commune d’Aït Rzine, dans la wilaya (département) de Bejaïa*. Nous sommes dans les années 1920. L’Algérie est alors « française » et, dans cette petite bourgade accrochée aux montagnes qui font face à la vallée de la Soummam, la population survit en cultivant de maigres champs d’oliviers et en élevant des chèvres et des moutons. Ici comme ailleurs en Kabylie, la misère est partout. À l’époque, Albert Camus, écrivain et futur prix Nobel de littérature, en sera tellement touché qu’il consacre à ce sujet une série de reportages qui paraîtront en 1939 dans le journal Alger Républicain sous le titre « Misère de Kabylie ».

Ici, il n’y a pas d’usines, pas de fermes coloniales, pas de manufactures pour fournir du travail et ne pas mourir de faim. C’est d’ailleurs cette misère et cette faim qui ont poussé des centaines de milliers de Kabyles à émigrer en France depuis le début du XXe siècle pour travailler dans les usines et les mines métropolitaines. Au village de Guendouz, la famille Mada tire le diable par la queue. Le dénuement est tel que Tahar Mada et ses deux fils Bachir, l’aîné, et Mohand Séghir, le cadet, sont obligés de vendre leurs champs d’oliviers ou d’en hypothéquer certains.

Guendouz, dans la wilaya (département) de Bejaïa, le village natal de Mohand Séghir Mada.
Guendouz, dans la wilaya (département) de Bejaïa, le village natal de Mohand Séghir Mada

24/06/2024

VANESSA BILANCETTI
Pain, anger, and shame in Italy’s Pontine plain
Sikh farm labourer left to die by his boss after having arm severed and legs crushed by machine

Vanessa Bilancetti (text & photo), dinamopress.it, 24/6/2024 Translated by Fausto Giudice, Tlaxcala

Vanessa Bilancetti, staff writer at Dinamo Press, writes about social movements, feminism and European issues. She received her doctorate in political studies from Sapienza University in Rome with a thesis on critical analysis of the
Fiscal Compact. In Rome she teaches Sociology of Political Phenomena at the online university Uninettuno. She has long traversed the assemblies of self-managed Esc Atelier Autogestito she is a thai boxing and poetry enthusiast. Vane Bix


Satnam Singh was killed in the countryside of the Pontine plain by a boss who did not even have the courage to take him to the hospital. But he left him agonizing in front of the gate of his home, with his wife Sony in tears. Report from Saturday’s demonstration in Latina, in the lands of corporals, masters and resistance

 To get from Rome to Latina, the “capital” of Agro Pontino, you drive all the way along the Pontina, one of the most dangerous state roads in Italy. Potholes, piles of garbage on the sides of the roads and then warehouses, warehouses, retailers. From Pomezia, the first cultivated fields begin, and one can see labourers walk along the crop side roads. There are people from Central African countries, the Maghreb, and Indians, like Satnam Singh.

Singh comes from Sanskrit sinha and means lion and is an essential element of a Sikh’s male name. For women it is Kaur, princess. The Sikh religion, born in the 15th century in the Punjab region (now divided between Pakistan and India), used these names to eliminate the use of Indian caste-identifying surnames.

According to estimates, in the Agro Pontino, the Indian men and women from Punjab number around 30,000; less than half have regular residence permits.

The Agrilovato cooperative of farmer Renzo Lovato is located near Sabaudia, Satnam Singh, 31, and his wife Sony lived not too far away in Borgo Bainsizza. “Hosted” by a local family, as the newspapers write, but “widespread hospitality” is a common practice in the area: in shacks, tool repositories, unfinished houses, without a contract and with payment in black, sometimes in agreement with “the master.” It was precisely “the master’s son” Antonello Lovato who dumped Satnam in the back of the white van, with a severed arm, his legs crushed and bleeding, while his wife screamed in despair and other workers whose phones had been taken away so as not to call for help. 34 kilometres separate the farm from the Borgo [Borough], at least half an hour of road, of screaming, of blood, minutes that if spent going to the hospital could have saved Satmam’s life.

VANESSA BILANCETTI
Douleur, colère et honte dans la plaine Pontine italienne
Un ouvrier agricole sikh laissé pour mort par son patron après avoir eu un bras sectionné et les jambes écrasées par une machine

Vanessa Bilancetti (texte et photos), dinamopress.it, 24/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Vanessa Bilancetti, rédactrice à Dinamo Press, écrit sur les mouvements sociaux, le féminisme et les questions européennes. Elle a obtenu son doctorat en études politiques à l’université Sapienza de Rome avec une thèse sur l’analyse critique du Fiscal Compact. À Rome, elle enseigne la sociologie des phénomènes politiques à l’université en ligne Uninettuno. Elle participe depuis longtemps aux assemblées de l’Esc Atelier Autogéré  et se passionne pour la boxe thaï et la poésie. Vane Bix

Satnam Singh, 31 ans, a été tué dans la campagne de la plaine Pontine par un propriétaire qui n’a même pas eu le courage de l’emmener à l’hôpital. Mais il l’a laissé agoniser devant le portail de la maison, avec sa femme Sony en larmes. Compte-rendu de la manifestation de samedi dernier à Latina, au pays des caporaux, des patrons et de la résistance

Pour aller de Rome à Latina, la “capitale” de la plaine Pontine, il faut emprunter la Pontina, l’une des routes nationales les plus dangereuses d’Italie. Des nids de poule, des tas d’ordures sur les bas-côtés, puis des hangars, des entrepôts, des revendeurs. À partir de Pomezia, les premiers champs cultivés apparaissent et les ouvriers agricoles marchent le long des routes qui bordent les plantations. Il y a des gens qui viennent des pays d’Afrique centrale, du Maghreb et de l’Inde, comme Satnam Singh.

Singh vient du sanskrit sinha et signifie lion. C’est un élément essentiel du nom masculin d’un sikh. Pour les femmes, c’est Kaur, princesse. La religion sikh, qui a vu le jour au XVe siècle dans la région du Pendjab (aujourd’hui divisée entre le Pakistan et l’Inde), a utilisé ces noms pour éliminer l’utilisation des noms de famille identifiant les castes indiennes.

On estime que dans la plaine Pontine, il y a environ 30 000 Indien·nes du Pendjab, dont moins de la moitié ont un permis de séjour régulier.

La coopérative Agrilovato de l’entrepreneur agricole Renzo Lovato est située près de Sabaudia, Satnam Singh et sa femme Sony vivent non loin de là, à Borgo Bainsizza. Ils ont été “accueillis” par une famille locale, comme l’écrivent les journaux, mais il y a une “hospitalité diffuse” dans la région, dans des baraques, des remises à outils, des maisons jamais achevées, sans contrat et avec un paiement au noir, parfois en accord avec “le maître”. C’est justement “le fils du maître” Antonello Lovato qui a jeté à l’arrière de la camionnette blanche Satnam, avec son bras cassé, les jambes broyées et en sang, avec sa femme criant de désespoir et d’autres ouvriers à qui l’on avait retiré leur téléphone pour qu’ils n’appellent pas à l’aide. La distance entre la ferme et le village est de 34 km, soit au moins une demi-heure de route, de cris, de sang, des minutes qui, si elles avaient été consacrées à aller à l’hôpital, auraient pu sauver la vie de Satmam.